Péché I
Par Alice, mardi 14 mars 2017 à 22:45 :: 2017
J'avais vu à l'institut protestant une publicité pour un colloque de l'ISEO (institut supérieur d'études œcuméniques) sur le péché: «Comment parler du péché en 2017?»
Bien que mon féminisme se méfie instinctivement de toute évocation du péché (parce que le péché "originel" qui permet d'accuser les femmes de tout et n'importe quoi me paraît une manipulation ecclésiale du genre «celui qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage»), je me suis inscrite dans l'espoir de trouver des pistes pour mon oral de théologie en morale fondamentale (très important, le "fondamentale", la prof a insisté).
Je ne livre que quelques anecdotes et quelques pistes.
Quatre personnes de quatre confessions sont intervenues pour répondre à la question: «Quelle est à votre avis le problème le plus grave dans votre Eglise le péché le plus grave ?»
- Brice Deymié, protestant aumônier de prison, fait d'abord remarquer la différence entre le péché (transcendance, coupure d'avec Dieu) et les péchés (toujours personnels). Sa réponse à la question : la tentation de l'Eglise : se prendre pour Dieu.
- Michel Kubler, catholique, répond catégoriquement: la pédépholie. Il parle de Mgr Lalanne qui a fait l'erreur de répondre par des nuances théologiques à une question médiatique1 et insiste sur la condamnation permanente de Ratzinger (devenu Benoît XVI) qui est allé jusqu'à parler de "péché structurel". Démarche de conversion pour ne plus protéger l'institution et pour accompagner les victimes.
Il cite plusieurs livres, j'ai retenu celui d'une paroissienne qui étudie la façon dont une communauté se tait, s'est tue: Isabelle de Gaulmyn, Histoire d'un silence. Péché de l'Eglise, péché du peuple de Dieu.
Luc Oleknovitch, pasteur de l’Union des églises évangéliques libres de France (UEELF): péché de pharisaïsme : faire porter aux autres ce que nous ne portons pas nous-mêmes; péché d'infidélité : quand une Eglise ne me plaît pas, je vais en voir une autre. Recherche de la satisfaction émotionnelle. Si je devais définir ce péché, je l'appellerais "ingratitude".
Marc-Antoine Costa de Beauregard, orthodoxe (se signe avant de commencer). Le péché le plus grave: on m'a posé la question, spontanément j'ai répondu: "l'hérésie". Ouh là , qu'est-ce que je n'avais pas dit. Pour beaucoup, Dieu n'est pas la référence, la référence est la religion. Qui est Jésus-X pour toi?
C'est lui qui m'apprend que par la grâce du calendrier lunaire, tous les chrétiens vont fêter Pâques à la même date.
Citation de Brice Deymié: «Un directeur de prison me disait (les directeurs de prison sont souvent des personnes remarquables): "vous verrez, toutes les personnes que vous rencontrerez ici ont en commun qu'on ne leur a jamais dit "je t'aime".»
«On demande soudain à la prison de faire des miracles, de réussir là où la famille, l'école, etc., ont échoué…»
La salle demande comment parler du péché aux enfants. La réponse m'a fait sourire, car elle reprend l'adage «les protestants c'est toujours oui, les orthodoxes c'est toujours non, les catholiques ça dépend). Le prêtre orthodoxe répond qu'il faut commencer très tôt, que dès trois ans, les enfants savent exprimer la douleur de la faute et le besoin de la réconciliation; le catholique répond qu'il préfère attendre l'âge de raison (utiliser l'image de la ficelle cassée que l'on renoue); le protestant répond que les enfants culpabilisent déjà suffisamment spontanément, il préfère insiste sur la foi, la présence du christ; parler du péché ça vient toujours assez tôt.
Il n'y a pas de raison de parler de péché à quelqu'un qui ne croit pas. On peut faire appel à sa conscience, etc. mais on ne peut pas parler de péché à quelqu'un qui n'a pas la foi, ça n'a pas de sens (Michel Kubler).
Une question de la salle me fait sursauter en rappelant que l'œcuménisme, ce n'est pas «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil»: c'est un effort constant, avec des désaccords profonds et douloureux quasi physiquement (on voit les visages se figer, se crisper), et qu'il faut une attention permanente pour dialoguer sans blesser. (En d'autres termes, c'est moins la question qui m'a impressionnée que ce qu'elle a mis en évidence de failles, de désaccord, de volonté de continuer ensemble malgré tout, de se parler et non se condamner).
La question: Quels sont les péchés que chacune de nos Eglises considèrent comme un péché chez l'autre qui sont des obstacles au rapprochement? je pense par exemple à la reconnaissance des homosexuels, à la dévotion mariale, …
L'après-midi sera plus léger, sauf dans sa première intervention.
Jean-François Colosimo, orthodoxe, nous parle du combat spirituels des pères au désert. Il s'agit par ailleurs d'une charge contre l'ennéagramme, le New Age, etc. : «des choix de confort, alors que la religion chrétienne est inconfortable».
Lire un aphogtegme des pères du désert par jour.
théorie latine: tous les hommes sont responsables (amendée plus tard par St Thomas)
Remplacer la dyade faute/pardon par celle de mort/vie.
Permet de déplacer la culpabilisation qui reste une culpabilisation de la construction de soi.
Evagre : huit pensées (qui deviendront à travers Cassien en latin: les sept péchés capitaux)
Ce sont les pensées qui peuvent assaillir le moine: donc les "péchés" sont des combats spirituels.
concupiscence : luxure, gloutonnerie, vaine gloire, avarice
frustration : colère, tristesse, acédie, orgueil.
Il ne faut pas perdre de vue l'acédie (l'abandon par désespoir, qui sera rassemblé avec la tristesse sous le titre de paresse : l'abandon du combat).
C'est étrange, pour moi il est beaucoup plus engageant de se battre contre de mauvais génies qui induisent en tentation (pour ne pas dire Satan, un reste de peur du ridicule) que de devoir bander sa volonté pour lutter contre soi-même (la paresse, la gourmandise, etc): vaincre un ennemi "extérieur" éveille l'esprit combatif, l'énergie vivante et joyeuse des combats de chevaliers.
Ensuite, deux interventions sur le péché représenté en art ou utisé dans la publicité (Genèse 3).
Je pars pour mon cours d'allemand. A 19 heures, dans le cadre du colloque, projection à l'IPT de Sous le soleil de Satan. Je m'ennuie. Cette exaltation n'est pas du tout mon genre.
Note
1 : «"la pédophilie est un mal, est-ce un péché? je ne saurais le dire, mais il faut protéger les victimes". En disant cela, il suivait la doctrine catholique classique, en s'appuyant sur la reconnaissance progressive par l'Eglise de la pédophilie comme maladie ou pulsion irrépressible».
Bien que mon féminisme se méfie instinctivement de toute évocation du péché (parce que le péché "originel" qui permet d'accuser les femmes de tout et n'importe quoi me paraît une manipulation ecclésiale du genre «celui qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage»), je me suis inscrite dans l'espoir de trouver des pistes pour mon oral de théologie en morale fondamentale (très important, le "fondamentale", la prof a insisté).
Je ne livre que quelques anecdotes et quelques pistes.
Quatre personnes de quatre confessions sont intervenues pour répondre à la question: «Quelle est à votre avis le problème le plus grave dans votre Eglise le péché le plus grave ?»
- Brice Deymié, protestant aumônier de prison, fait d'abord remarquer la différence entre le péché (transcendance, coupure d'avec Dieu) et les péchés (toujours personnels). Sa réponse à la question : la tentation de l'Eglise : se prendre pour Dieu.
- Michel Kubler, catholique, répond catégoriquement: la pédépholie. Il parle de Mgr Lalanne qui a fait l'erreur de répondre par des nuances théologiques à une question médiatique1 et insiste sur la condamnation permanente de Ratzinger (devenu Benoît XVI) qui est allé jusqu'à parler de "péché structurel". Démarche de conversion pour ne plus protéger l'institution et pour accompagner les victimes.
Il cite plusieurs livres, j'ai retenu celui d'une paroissienne qui étudie la façon dont une communauté se tait, s'est tue: Isabelle de Gaulmyn, Histoire d'un silence. Péché de l'Eglise, péché du peuple de Dieu.
Luc Oleknovitch, pasteur de l’Union des églises évangéliques libres de France (UEELF): péché de pharisaïsme : faire porter aux autres ce que nous ne portons pas nous-mêmes; péché d'infidélité : quand une Eglise ne me plaît pas, je vais en voir une autre. Recherche de la satisfaction émotionnelle. Si je devais définir ce péché, je l'appellerais "ingratitude".
Marc-Antoine Costa de Beauregard, orthodoxe (se signe avant de commencer). Le péché le plus grave: on m'a posé la question, spontanément j'ai répondu: "l'hérésie". Ouh là , qu'est-ce que je n'avais pas dit. Pour beaucoup, Dieu n'est pas la référence, la référence est la religion. Qui est Jésus-X pour toi?
C'est lui qui m'apprend que par la grâce du calendrier lunaire, tous les chrétiens vont fêter Pâques à la même date.
Citation de Brice Deymié: «Un directeur de prison me disait (les directeurs de prison sont souvent des personnes remarquables): "vous verrez, toutes les personnes que vous rencontrerez ici ont en commun qu'on ne leur a jamais dit "je t'aime".»
«On demande soudain à la prison de faire des miracles, de réussir là où la famille, l'école, etc., ont échoué…»
La salle demande comment parler du péché aux enfants. La réponse m'a fait sourire, car elle reprend l'adage «les protestants c'est toujours oui, les orthodoxes c'est toujours non, les catholiques ça dépend). Le prêtre orthodoxe répond qu'il faut commencer très tôt, que dès trois ans, les enfants savent exprimer la douleur de la faute et le besoin de la réconciliation; le catholique répond qu'il préfère attendre l'âge de raison (utiliser l'image de la ficelle cassée que l'on renoue); le protestant répond que les enfants culpabilisent déjà suffisamment spontanément, il préfère insiste sur la foi, la présence du christ; parler du péché ça vient toujours assez tôt.
Il n'y a pas de raison de parler de péché à quelqu'un qui ne croit pas. On peut faire appel à sa conscience, etc. mais on ne peut pas parler de péché à quelqu'un qui n'a pas la foi, ça n'a pas de sens (Michel Kubler).
Une question de la salle me fait sursauter en rappelant que l'œcuménisme, ce n'est pas «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil»: c'est un effort constant, avec des désaccords profonds et douloureux quasi physiquement (on voit les visages se figer, se crisper), et qu'il faut une attention permanente pour dialoguer sans blesser. (En d'autres termes, c'est moins la question qui m'a impressionnée que ce qu'elle a mis en évidence de failles, de désaccord, de volonté de continuer ensemble malgré tout, de se parler et non se condamner).
La question: Quels sont les péchés que chacune de nos Eglises considèrent comme un péché chez l'autre qui sont des obstacles au rapprochement? je pense par exemple à la reconnaissance des homosexuels, à la dévotion mariale, …
L'après-midi sera plus léger, sauf dans sa première intervention.
Jean-François Colosimo, orthodoxe, nous parle du combat spirituels des pères au désert. Il s'agit par ailleurs d'une charge contre l'ennéagramme, le New Age, etc. : «des choix de confort, alors que la religion chrétienne est inconfortable».
Lire un aphogtegme des pères du désert par jour.
théorie latine: tous les hommes sont responsables (amendée plus tard par St Thomas)
Remplacer la dyade faute/pardon par celle de mort/vie.
Permet de déplacer la culpabilisation qui reste une culpabilisation de la construction de soi.
Evagre : huit pensées (qui deviendront à travers Cassien en latin: les sept péchés capitaux)
Ce sont les pensées qui peuvent assaillir le moine: donc les "péchés" sont des combats spirituels.
concupiscence : luxure, gloutonnerie, vaine gloire, avarice
frustration : colère, tristesse, acédie, orgueil.
Il ne faut pas perdre de vue l'acédie (l'abandon par désespoir, qui sera rassemblé avec la tristesse sous le titre de paresse : l'abandon du combat).
C'est étrange, pour moi il est beaucoup plus engageant de se battre contre de mauvais génies qui induisent en tentation (pour ne pas dire Satan, un reste de peur du ridicule) que de devoir bander sa volonté pour lutter contre soi-même (la paresse, la gourmandise, etc): vaincre un ennemi "extérieur" éveille l'esprit combatif, l'énergie vivante et joyeuse des combats de chevaliers.
Ensuite, deux interventions sur le péché représenté en art ou utisé dans la publicité (Genèse 3).
Je pars pour mon cours d'allemand. A 19 heures, dans le cadre du colloque, projection à l'IPT de Sous le soleil de Satan. Je m'ennuie. Cette exaltation n'est pas du tout mon genre.
Note
1 : «"la pédophilie est un mal, est-ce un péché? je ne saurais le dire, mais il faut protéger les victimes". En disant cela, il suivait la doctrine catholique classique, en s'appuyant sur la reconnaissance progressive par l'Eglise de la pédophilie comme maladie ou pulsion irrépressible».