Billets qui ont 'Talence' comme ville.

Cinq ans plus tard

J'ai donc dû rentrer du bureau et nous avons dû déjeuner ensemble au studio, je suppose, je ne me souviens plus. Je me souviens que nous plaisantions sur les réponses à donner au maire, mais qu'au moment de partir, émus, pour nous donner du courage, nous avons bu un petit verre de calva.

Nous sommes partis tous les six, nous deux, nos deux témoins et leurs conjoints du moment, pour la mairie par les petites rues de derrière (par opposition à la nationale). Je me souviens qu'il faisait très beau, chaud, que j'ai filé un Dim-up et que j'ai enlevé la paire entre deux voitures.

Ce devait être un jeudi, peut-être, je n'en suis pas sûre. Quand on avait demandé à Hervé «grande salle ou petite salle?», il avait répondu à son habitude, royal, «grande salle» et nous nous sommes retrouvés tous les six dans la grande salle déserte.
L'adjointe au maire avait la cinquantaire, une permanente frisée tirant sur le blond, l'écharpe tricolore; c'était la première fois que j'assistais à un mariage. Elle nous a lu les textes. Elle nous a demandé: «Vous n'échangez pas vos alliances?» Elle avait des yeux très bleus remplis de larmes. Nous avons secoué la tête, désolés de la décevoir par notre manque de décorum. Mais pourquoi avait-elle l'air si émue? Nous avons signé.
Nous sommes sortis sur la terrasse qui donnait sur les jardins par la porte-fenêtre, et là, réflexion faite, nous avons échangé nos alliances. Un des témoins a essayé d'expliquer les larmes de l'adjointe au maire: «Elle a dû croire que vos parents étaient morts dans un accident de voiture en venant au mariage.»
C'est resté un mystère. Aujourd'hui encore j'y pense, j'aimerais bien savoir. Peut-être avions-nous l'air tout simplement affreusement jeunes — ce que nous étions, je m'en aperçois maintenant.

Divers

Le plus important : l'escalier du quai central du RER à Yerres est rouvert. (Si, c'est important). Et il est plus large que le précédent : incroyable, ils ont PENSÉ à NOUS.

J'ai appris que César parlait grec, spontanément (il aurait prononcé ses derniers mots en grec, ai-je bien compris mon voisin?). Plutarque rapporte «Elton, eidon, enikésa», en précisant que cela rend mieux en latin: «Veni, vidi, vici»).
Moi qui croyais dur comme fer à Astérix, j'en suis toute retournée.

Hier, je ne me suis pas contentée de me battre avec mon ipod pendant que j'attendais Olivier au conservatoire. J'ai également appelé ma mère. J'ai eu droit à l'une des nouvelles qu'elle adore, celle de la catégorie (quasi)-people-qu'on-connaît. En général ça commence par «Tu te rappelles de …? Eh bien il …». A cela près que cela tombe souvent à plat car je ne me souviens pas de grand monde. Il y a eu le fils du pharmacien d'Agadir cité parmi les responsables d'un scandale financier; cette fois-ci il s'agit de mon parrain: «Tu sais son fils? Eh bien, il a eu une fille trisomique et il en a fait un livre.»
(Une recherche Google plus tard, il s'avère qu'il s'agit en fait d'une BD.)

Cela fait combien de temps que je n'ai pas revu mon parrain? 1993: nous étions descendu à Talence pour un prêt bancaire, l'achat de notre premier appartement. Février 1993. Il habitait un château des Rotschild (l'un des membres de la famille, lequel?) divisé en quatre entre les deux étages et l'escalier. C'était fantastique, le salon allait d'une façade à l'autre, d'est en ouest, trouées des fenêtres ! C'était immense et inlogeable, petites chambres et salles d'eau ajoutées dans les recoins. J'avais découvert qu'il était inutile d'acheter des meubles pour ces grands espaces vides, il suffisait de disposer adroitement de grandes plantes vertes. C'était très beau et très serein, je me souviens encore de la lumière du petit déjeuner sur la table ronde au pied taillé d'un bloc dans un chêne, table louée avec l'appartement car on ne pouvait la déplacer.
Il a divorcé, Hervé s'est offusqué (deuxième divorce, cinq enfants), nous l'avons perdu de vue. Je lui ai écrit une fois bien plus tard, quand j'ai trouvé son adresse mail sur internet (donc en 2001 ou 2002). Il n'a pas répondu. Mais je ne suis pas très douée pour ce genre de lettre.
(En 2008, j'avais trouvé la page de sa dernière fille sur FB.)
J'aimerais bien le revoir parce que j'ai découvert quelque chose qui m'intrigue: c'est mon parrain, il était présent à mon baptême. Or mon père n'y était pas, il n'a réintégré l'histoire familiale que quatre mois plus tard. Et pourtant, je pensais que mon parrain était un ami de mon père. Est-ce pour cela que ma mère l'a choisi? Ou est-ce par elle que mon père l'a connu? Je suppose que cela doit paraître sans importance, mais ça m'intrigue. Il faut dire par ailleurs que mon parrain détonait parmi les amis de mes parents. Pas les mêmes centres d'intérêt (je n'ai jamais entendu quelqu'un écouter autant de musique que lui) et pas le même niveau intellectuel.
Mais évidemment, il est délicat de reprendre contact à l'occasion de ce livre. Ce serait bizarre.

(A me relire, je corrige: j'aimerais bien le revoir parce que je l'aimais beaucoup.)

Il y a vingt ans

Il est dix ou onze heures, H. m'appelle au bureau pour une broutille, comme il le fait souvent. La conversation s'achève.
« A ce soir ! » dis-je machinalement en raccrochant.

Dans les secondes qui suivent, le téléphone sonne. C'est de nouveau H., un peu affolé :
— Tu n'as pas oublié qu'on se mariait cet après-midi ?
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