J'ai donc dû rentrer du bureau et nous avons dû déjeuner ensemble au studio, je suppose, je ne me souviens plus. Je me souviens que nous plaisantions sur les réponses à donner au maire, mais qu'au moment de partir, émus, pour nous donner du courage, nous avons bu un petit verre de calva.

Nous sommes partis tous les six, nous deux, nos deux témoins et leurs conjoints du moment, pour la mairie par les petites rues de derrière (par opposition à la nationale). Je me souviens qu'il faisait très beau, chaud, que j'ai filé un Dim-up et que j'ai enlevé la paire entre deux voitures.

Ce devait être un jeudi, peut-être, je n'en suis pas sûre. Quand on avait demandé à Hervé «grande salle ou petite salle?», il avait répondu à son habitude, royal, «grande salle» et nous nous sommes retrouvés tous les six dans la grande salle déserte.
L'adjointe au maire avait la cinquantaire, une permanente frisée tirant sur le blond, l'écharpe tricolore; c'était la première fois que j'assistais à un mariage. Elle nous a lu les textes. Elle nous a demandé: «Vous n'échangez pas vos alliances?» Elle avait des yeux très bleus remplis de larmes. Nous avons secoué la tête, désolés de la décevoir par notre manque de décorum. Mais pourquoi avait-elle l'air si émue? Nous avons signé.
Nous sommes sortis sur la terrasse qui donnait sur les jardins par la porte-fenêtre, et là, réflexion faite, nous avons échangé nos alliances. Un des témoins a essayé d'expliquer les larmes de l'adjointe au maire: «Elle a dû croire que vos parents étaient morts dans un accident de voiture en venant au mariage.»
C'est resté un mystère. Aujourd'hui encore j'y pense, j'aimerais bien savoir. Peut-être avions-nous l'air tout simplement affreusement jeunes — ce que nous étions, je m'en aperçois maintenant.