Arrêt maladie

J'avais posé une journée de congé aujourd'hui pour mon stage d'aviron. J'ai annulé le stage mais pas la journée et j'en ai profité pour aller chez le médecin demander un arrêt de travail. Je suis épuisée. Ce n'est pas tant la douleur mais l'attention qu'elle nécessite: c'est très gênant de laisser échapper un cri de douleur en public lors d'un mouvement incontrôlé parce qu'on a oublié qu'on avait mal, en réunion ou dans le RER. Imposible de se pencher en avant pour attrapper une feuille un peu loin, impossible de se pencher par dessus une épaule pour expliquer un chiffre dans un tableau, difficile de se lever de sa chaise…
C'est humiliant de devoir demander un arrêt de travail: après tout, si le médecin ne le propose pas, est-ce que ça ne veut pas dire que cela n'en vaut pas la peine et que je me plains pour rien? (pourtant je suis résistante à la douleur, elle ne me fait pas peur, je rappelle que j'ai accouché à la maison. Je n'en tiens pas compte, peut-être pas assez, d'ailleurs).

Bref, je suis arrêtée une semaine et je me sens infiniment soulagée, même en sachant que le conseil d'administration d'approbation des comptes se tient dans une semaine. Etre aussi soulagée alors que je sais cela prouve sans doute que j'ai vraiment besoin de m'arrêter. (Cette auto-justification traduit mon besoin de me rassurer. Je ne préviens pas J. de cet arrêt. Qu'elle parte en congé tranquille. La Mutuelle va être fermée dix jours; dans deux semaines, ce sera le dawa, les reproches des adhérents: «on n'arrive jamais à vous joindre» (sachant que nous décrochons si bien (selon l'expression consacrée "taux de décroché") que le standard nous transmet n'importe quel appel juste parce qu'il sait que nous répondons; sachant aussi que dans ces cas-là les gens trouvent une solution, appellent ailleurs. C'est rarement aussi urgent qu'ils veulent se le faire croire)).

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Levée tôt pour emmener O. à la gare: il part en stage BAFA une semaine.
Cela signifie que nous sommes sans enfant une semaine \o/

Ironie du sort

Je m'étais inscrite au stage d'aviron en sachant que cela tombait un jour de grec (neuf cours dans l'année, je le rappelle: chaque cours est précieux). Je m'étais dit qu'avec de la chance ce cours serait déplacé, la prof aurait un colloque, etc. En novembre en apprenant son accident et qu'elle ne reviendrait pas avant février, je m'étais dit zut, non seulement trois cours sautent mais en plus je vais en manquer un. (Cependant j'espérais encore qu'elle rattraperait des cours en fin d'année, en mai et juin.)
Finalement tous ses cours ont été annulés: je ne manquais plus rien en allant en stage d'aviron.
Mardi j'ai annulé ma participation au stage.
J'aurais pu aller en cours de grec.
Mais il n'y avait plus de cours de grec.
(Quand je dis que tout se délite cette année).

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Comité financier. Difficile de rester si longtemps assise après la tardive réunion d'hier.
Nous discutons politique sans déclarer nos opinions, abstraitement (ce n'est pas gratuit: conséquences sur l'économie, sur les cours de la bourse).
Enjeu des législatives: à moins que Fillon ne soit élu, dans tous les autres cas nous aurons sans doute une cohabitation.
— Mais vous croyez que Fillon peut encore être élu?
— Lui et Marine Le Pen ont le socle le plus solide: selon les sondages, ceux qui envisagent encore de voter Fillon ne changeront pas d'avis, et ils sont 17% (Marine Le Pen 18). Macron est à 20%, mais avec une volatilité de 50.
— En d'autres termes, il peut aussi bien faire 20 que 10.
— Oui. Beaucoup songent à Bayrou avec ses 17% au premier tour en 2012: puis après, plus rien, disparu.
Alors que nous remontons à la crise de 2008 et aux réactions des marchés après l'élection de Trump, le trésorier, que je soupçonne de voter Fillon1, parle des banquiers Golman Sachs au gouvernement qu'il paraît considérer comme une bonne chose (puisque Trump s'était présenté comme un anti-système et faisait peur aux milieux financiers) et voyant ma tête commente: «ce n'est pas moral mais c'est comme ça». Je réponds que c'est surtout dangereux, que les mêmes effets produisant les mêmes causes nous aurons une autre crise, en pire, «la seule chose qui va manquer c'est Madoff».
Ma prédiction tombe dans le vide et j'espère avoir tort.

Après le comité je rejoins Hervé chez Ladurée. Puisqu'il n'y a plus de coupe Soho (glace au gingembre) je prends une coupe Ispahan (glace à la rose). Mon téléphone m'envoie une notification: mon billet de train a été annulé par Trainline mais pas dans Wallet. Je devrais être en train de prendre le TGV pour Dijon.


Note
1 : en tout cas il est de droite, c'est sûr, c'en est même une caricature dans les préjugés (pas pire que les miens, je vous l'accorde volontiers). Il m'est très utile pour apprendre à rester zen avec ces gens; en fait il est gentil, il a juste des réflexes instinctifs à l'inverse des miens, ce qui est toujours ce qu'il y a de plus étrange au monde: on tend à considérer qu'un réflexe instinctif est le même chez tous les hommes.

Réflexologie et réunion interminable

A midi, une place c'est libéré de façon impromptue pour de la réflexologie plantaire (activité proposée dans le cadre de l'association culturelle et sportive). C'est une salariée qui pratique cela, ce qui me paraît très étrange (masser les pieds de ses collègues…) Elle pose des demi-journées de congé pour cela. Je n'ose lui demander si c'est rentable par rapport à son salaire horaire.
Je tente un ton dégagé: — Faites ce que vous voulez du moment que ça soulage!
Elle me regarde dans les yeux: — Je vais plutôt vous achever. Il est possible que ça empire dans les deux jours qui viennent.
Je suis très impressionnée par la façon dont elle identifie les points douloureux sur le pied une fois que je lui ai dit que j'avais un lumbago. La douleur est nette, précise, reportée exactement sur le pied. Si j'avais eu un doute (en fait je n'avais ni doute ni certitude, juste "pourquoi pas, on ne sait jamais") sur la véracité de l'affirmation "tout le corps se reflète dans le pied", il aurait été levé.

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Le soir, réunion du comité d'audit à 17h45. Une telle heure prouve que tout le monde l'avait oublié, il a été casé où c'était possible, en catastrophe. Le président est nouveau, la réunion dure, interminable, prend fin après neuf heures et l'exposé par la commissaire aux comptes de la réforme de l'audit. Ne nous concerne que le fait que nous devrons changer de CAC tous les dix ans. Malgré cela, elle nous expose consciensement l'ensemble de la réforme. Il fait très chaud, j'ai envie de me lever, j'ai besoin de bouger.

Forfait

Tôt le matin, encore la nuit, je me suis levée pour aller aux toilettes. Le panier à linge en osier était sur le tapis. J'ai mimé au-dessus des deux bords le geste de monter en bateau, les deux pelles dans une main, le plat bord dans l'autre.
Impossible.
Sur le quai du RER, quelques heures plus tard, la mort dans l'âme, j'ai prévenu l'organisatrice que je déclarais forfait. J'ai annulé mon billet de train et la location de voiture.

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Agenda
Dîner au café beaubourg avec l'intermédiaire qui avait trouvé les fonds auprès de la BPI pour le projet américain — et sa femme. Nous entrons dans les détails, il prend conscience que «B. est fou» n'est pas une expression mais une réalité médicale.
C'est un Français qui a pris la nationalité américaine et vit à New York. Il découvre que je suis passionnée par l'idée aux Etats-Unis; visiblement ça change quelque chose pour lui dans sa façon d'envisager les futurs projets d'Hervé: «Je n'avais pas compris que c'était un projet de vie. On va faire quelque chose.»
Nous parlons de la Grèce, d'ostéopathie animale, de croissance de PME, etc.

K.

Je me souviens du père d'Eric proclamant que son cinéaste préféré commençait par un K.
— Kaurismaki ? Kieslowski ? Kurosawa ?
Il n'en revenait de tous ces noms; pour lui il n'y avait qu'un K: Kubrick.

J'ai vu le dernier Kaurismaki. Il est dans la lignée du Havre, plaidoyer pour les réfugiés, dénonciation de l'absurdité d'un système capable de déclarer Alep dans une situation non critique tout en montrant les bombardements à outrance, refus du manichéisme: un seul peut tout sauver, un seul peut tout perdre, tout se joue sur une décision spontanée, irréfléchie. Des couleurs et de la musique, une histoire sans fin. Kaurismäki.


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Agenda
Vu A. pour la dernière fois. Elle part à l'île Maurice le 9 avril. Intense sentiment de solitude au milieu de cette équipe déboussolée par la perte imminente de son chef (qui est aussi le mien, mais personne ne paraît s'en rendre compte) et l'absence d'informations sur le futur. Certains (certaines) vivent cela comme une trahison et en deviennent agressifs.

B., le patron fou de H., a téléphoné à l'un de ses plus gros clients pour lui dire qu'il était inutile de continuer à travailler avec sa société, que le projet xx ne serait jamais prêt à temps. En une heure tous les autres clients étaient au courant, et les partenaires. Les salariés en pleurs ont appelé H.: «que va-t-on devenir?»

Lumière

Chaque fois que la nuit j'aperçois le prunier par la petite fenêtre du couloir, les fleurs m'éblouissent. Chaque fois je les ai oubliées, chaque fois je suis surprise.

169/365 RAS

Nous nous sommes appliqués et O. a attrapé le 7h42. J'ai eu le suivant à 52.
RER A puis ligne 1.

Rentrée relativement tôt: ligne 1 vers 17h10, RER A, RER D qui arrive à quai quand j'arrive gare de Lyon. Pas trop de monde (c'est mercredi). Nous restons immobiles quelques minutes (pourquoi?) et nous partons. C'est l'une de ces voitures décorées avec les motifs ou des photos tirés de films, c'est tout de suite chaleureux.

Abandon

Je suis allée travailler, par flemme d'aller chez le médecin et par conscience professionnelle: la période de clôture du bilan n'est pas le meilleur moment pour s'arrêter.
La difficulté, c'est surtout les transports en commun. La position assise et toutes les transitions, debout assis, assis debout, sont douloureuses. Il ne faut pas que je sois bousculée, je ne suis pas sûre de ne pas tomber.

Dès le lever, j'ai su que c'était fichu, j'avais encore trop mal: dans l'après-midi, j'ai envoyé un sms à Gwenaële pour dire que je ne pourrai pas faire la course samedi. La famille pousse un ouf de soulagement, ils n'ont pas compris je pense que je vise le week-end d'aviron du 1er avril… (pourvu que je puisse y aller). Je m'économise dans l'espoir d'avoir récupéré d'ici là. Dix jours. Cela sera-t-il suffisant?

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J. : accident de voiture.

168/365 RAS

Partie à l'heure (toujours une gageure sans O.) en me "calant" sur H. qui part à Tours. Train de 7h42, RER A, ligne 1. Je me meus avec précaution.

15h10, ligne 1, puis ligne 6 à l'Etoile. métro St Jacques.
18h40, ligne 6, RER B. Sur le quai du RER D, je prends le premier train et descends à gare de Lyon. RER D zico de 19h12, assise à l'aise (le zaco passe un peu avant, mais il est plus rempli, or je tiens à ne pas être bousculée).

Décoincée

L'ostéopathe est minuscule. Elle me pose beaucoup, beaucoup, de questions, et avant la lecture du livre de Jaddo, cela m'aurait prodigieusement agacée. Maintenant je sais que les réponses négatives sont aussi importantes que les réponses positives, en particulier le fait que je n'ai pas mal à la tête et que je n'ai pas perdu de sensibilité dans les jambes: points favorables.

Elle remet en place des cervicales (j'ai la tête toute légère) et rend sa mobilité au sacrum. Elle me conseille d'aller voir mon médecin pour passer une radio et vérifier l'état des lombaires (allons bon, il ne manquait plus que ça. Est-ce l'ergo qui m'a ainsi abîmée?)
Je sors, un peu déçue d'avoir encore mal (je suis puérile, je sais): toute la zone est endolorie, il est difficile de faire la part de ce qui est de la douleur et du souvenir de la douleur.

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Ce matin, lorsque j'ai envoyé un sms à J. pour la prévenir de mon absence, elle m'a répondu "je ne serai pas là mardi ou jeudi: enterrement d'un beau-frère". Voilà qui relative un grand coup mes malheurs. Je ne sais s'il s'agit d'une maladie (elle n'en a jamais parlé) ou d'un accident.

Coincée

En double avec Gwenaële. Nous n'aurons pas beaucoup préparé notre yolette.

J'ai de plus en plus mal au dos. De retour de Melun, je mets quelques minutes à sortir de la voiture, me hissant avec les bras, assurant mon équilibre sur mes pieds qui ne sentent plus mon poids.
Dans l'après-midi, la douleur se confirme. Je ne peux plus me plier, pas m'essuyer les jambes en sortant de la douche, pas enfiler de chaussettes. Toutes les transitions entre debout et assise me font mal, sont insupportables.
La famille se ligue contre moi pour me convaincre d'abandonner l'idée d'une compétition dans une semaine. Mais comment oser annoncer à mon équipage que je déclare forfait et bousiller le bateau?

Gentiment, A. me décoince les cervicales et confirme que j'ai le sacrum bloqué.
Sur doctolib nous réservons une séance d'ostéopathie pour le lendemain (je ne pensais pas en trouver dans un délai si court).

Je somnole toute l'après-midi. Impossible de toute façon de faire du ménage, et pas le courage de bloguer.

Laudato si

Nous reprenons ce matin l'encyclique "écologique" que nous avions déjà préparée en janvier. La chargée de TD (ou équivalent) est une sœur auxiliatrice qui travaille dans un service néonatal de grands prématurés et nourrissons handicapés: une confrontation vraie à de vrais dilemmes. Son sujet de thèse est passionnant: tragédie classique et morale (peut-on utiliser les tragédies classiques pour résoudre des dilemmes moraux?)

J'avais peur que ce soit ennuyant, mais finalement (comme à chaque fois) non. Le peu que nous restons au bout de toutes ces années est trop passionné pour qu'une discussion quelle qu'elle soit soit ennuyante.

Au passage, la remarque d'un étudiant contre l'importance que prennent parfois les animaux au détriment des hommes: «les animaux des pays riches qui comptent davantage que les hommes des pays pauvres» et «la SPA 1845, l'abolition de l'esclavage 1848». (A quoi je murmure à mon voisin: «adhésion de la Suisse à la FIFA 1904, adhésion de la Suisse à l'ONU 2002». Il me répond drôlement: «Oui, mais ça, c'est normal.»)

Tout à la fin (mais pourquoi n'y ai-je pas pensé avant?), je jette un pavé dans la mare: est-il réellement cohérent de parler d'écologie, de sauvegarde de la "maison commune", sans parler de démographie, de surpopulation, et donc de contraception? n'y a-t-il pas là un angle mort de l'Eglise, un point aveugle?
Gros brouhaha. Jacques, que j'estime beaucoup, me surprend en évoquant la dépopulation européenne, à quoi je réponds que nous sommes sur une seule planète, et qu'il suffit de rééquilibrer la répartition de la population. Mais notre culture? me répond-il. Mais si nous attendons la Parousie, quelle importance, la population qui peuple l'Europe? Quel est notre espoir, qu'est-ce qui compte?
Nous nous séparons dans un certain désordre.

Départs

Mon chef (appellation affectueuse: traduire "supérieur hiérarchique") partira le 31 mai, soit six à huit mois plus tôt que je ne l'escomptais. Qui soutiendra la mutuelle dans les projets informatiques à venir?

A midi je vais ramer. Vincent démoralisé nous apprend le départ de trois entraîneurs: deux retournent en province, le dernier part en retraite. Lui qui pensait pouvoir enfin prendre des vacances normales…

Cette année 2017 est vraiment étrange. Tout paraît se déliter au fur à mesure. Je rêve d'escaliers qui s'élèvent au milieu de murs qui se resserrent jusqu'à devenir des étaux.

163/365 RAS

Nous n'avons pas été à l'heure pour prendre le RER (est-ce ce colloque qui m'amène à noter nos propres manquements? ou simplement le désir de s'améliorer et donc de noter ce qui est, pour noter les progrès (que j'espère)).

7h52. RER D en famille (Généralement, chaque fois que H est présent, il y a des problèmes. Donc aujourd'hui contre-exemple).
Terminus gare de Lyon, donc RER A puis ligne 4.

15h50. Ligne 12 jusque station Lamarck.
17h30. retour: ligne 12, ligne 14, grande bibliothèque.
22h40, ligne 14, puis RER D.

L'acédie

Acédie: la première fois que j'ai entendu ce mot, c'était Ricœur qui parlait de la vieillesse et de l'approche de la mort: «La tristesse est liée à l'obligation d'abandonner beaucoup de choses. Il y a un travail de dessaisissement à faire. La tristesse n'est pas maîtrisable, mais ce qui peut être maîtrisé, c'est le consentement à la tristesse, ce que les pères de l'Eglise appelaient acédie. Il ne faut pas céder là-dessus.» (Les Cahiers de L'Herne, 2004)

J'ai appris hier que c'est l'une des huit pensées qui, selon Evagre le Pontique, tentent de détourner le moine de la prière et de l'adoration. Quand Cassien a traduit en latin la pensée d'Evagre, il a réduit ces huit pensées à sept péchés (sept tentations), en rassemblant l'acédie et la tristesse sous le terme de paresse. (Intéressant: la paresse n'est donc pas comme je le pensais une volupté dans la farniente mais un découragement devant la tâche à accomplir, ou encore devant l'inutilité apparente de nos efforts.)

Jamais donc je n'aurai autant entendu parler d'acédie qu'aujourd'hui, sans doute du fait de la présence d'orthodoxes.

***

Les interventions du matin ont été si techniques que je n'ose les rapporter: trop d'approximations. (Il y aura des actes pour ceux que cela intéresse).

L'après-midi a comporté trois interventions sur la compréhension du péché dans différentes cultures: Afrique (vidéo provocatrice nous montrant un "précheur du réveil" totalement illuminé (le Christ vous mènera vers le succès et vous sauvera du malheur); Asie et les problèmes de traduction (choisir parmi les mots déjà existants représentant le mal ou le malheur, d'où des résonances culturelles in-entendues des Occidentaux, inculturation ou aculturation); Amérique latine (théologie de la libération: peut-on réellement demander aux plus pauvres de se sentir pécheurs, existence du péché/faute et péché/malheur).

François Clavairoly, protestant, a terminé la journée par une communication intitulée «le péché et la grâce, sans indulgence». Je n'avais pas du tout saisi qu'il s'agissait "des" indulgences, mais Clavairoly étant protestant, je suppose qu'il n'a pu résister à cette petite provocation (qui suppose déjà une confiance dans son auditoire). Ce que j'en retiendrai, c'est que la première chose que Dieu trouve mauvais, c'est la solitude: «il n'est pas bon que l'homme soit seul». Le péché est ce qui isole, ce qui éloigne, ce qui coupe.

(Et je vois d'ici certains lecteurs qui vont se morfondre: "ch'uis tout seul!" Non. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, vous avez des amis, des familles. Attention à l'acédie cf ci-dessus)

162/365 Nous avons été à l'heure

Lorsque j'écris "nous avons été à l'heure", je ne parle pas des transports en commun, mais de nous à l'heure à la gare pour prendre le train prévu: 7h42 mercredi, jeudi, vendredi, 8h06 lundi (mardi "libre" puisque je pars sans O., mais un train dans cette fourchette serait bien, même si cela n'arrive jamais).

RER de 7h42 (celui que nous devrions avoir tous les matins). En arrivant gare de Lyon, le conducteur nous fait une annonce émerveillée: «Mesdames Messieurs, nous sommes arrivés gare de Lyon et nous sommes à l'heure, ce qui est une bonne nouvelle». Les passagers éclatent de rire.
Et je me demande quelle frustration habite les conducteurs de train, de matins en soirs, devant les feux rouges et les ordres et les quais bondés et les signaux d'alarme.
Ce matin-là, il est heureux.
Ligne 4 aux Halles. J'ai vingt minutes d'avance.

Soir
Ligne 4 pour les Halles.
Sur les tableaux, le RER D annoncé à 18h23 passe à 31, puis 48.
Je quitte le quai pour aller prendre un RER A, descends gare de Lyon (je m'interroge sur cette syntaxe: ce doit être une élision (je descends à la station gare de Lyon), mais est-il légitime de faire disparaître la préposition "à" qui me paraît inutile (comme dans la construction "je descends ici". Le nom de la station deviendrait-il un adverbe?) et m'installe dans un zico, qui comme vous le savez maintenant, est à quai dans cette station.

Péché I

J'avais vu à l'institut protestant une publicité pour un colloque de l'ISEO (institut supérieur d'études œcuméniques) sur le péché: «Comment parler du péché en 2017?»
Bien que mon féminisme se méfie instinctivement de toute évocation du péché (parce que le péché "originel" qui permet d'accuser les femmes de tout et n'importe quoi me paraît une manipulation ecclésiale du genre «celui qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage»), je me suis inscrite dans l'espoir de trouver des pistes pour mon oral de théologie en morale fondamentale (très important, le "fondamentale", la prof a insisté).

Je ne livre que quelques anecdotes et quelques pistes.

Quatre personnes de quatre confessions sont intervenues pour répondre à la question: «Quelle est à votre avis le problème le plus grave dans votre Eglise le péché le plus grave ?»

- Brice Deymié, protestant aumônier de prison, fait d'abord remarquer la différence entre le péché (transcendance, coupure d'avec Dieu) et les péchés (toujours personnels). Sa réponse à la question : la tentation de l'Eglise : se prendre pour Dieu.

- Michel Kubler, catholique, répond catégoriquement: la pédépholie. Il parle de Mgr Lalanne qui a fait l'erreur de répondre par des nuances théologiques à une question médiatique1 et insiste sur la condamnation permanente de Ratzinger (devenu Benoît XVI) qui est allé jusqu'à parler de "péché structurel". Démarche de conversion pour ne plus protéger l'institution et pour accompagner les victimes.
Il cite plusieurs livres, j'ai retenu celui d'une paroissienne qui étudie la façon dont une communauté se tait, s'est tue: Isabelle de Gaulmyn, Histoire d'un silence. Péché de l'Eglise, péché du peuple de Dieu.

Luc Oleknovitch, pasteur de l’Union des églises évangéliques libres de France (UEELF): péché de pharisaïsme : faire porter aux autres ce que nous ne portons pas nous-mêmes; péché d'infidélité : quand une Eglise ne me plaît pas, je vais en voir une autre. Recherche de la satisfaction émotionnelle. Si je devais définir ce péché, je l'appellerais "ingratitude".

Marc-Antoine Costa de Beauregard, orthodoxe (se signe avant de commencer). Le péché le plus grave: on m'a posé la question, spontanément j'ai répondu: "l'hérésie". Ouh là, qu'est-ce que je n'avais pas dit. Pour beaucoup, Dieu n'est pas la référence, la référence est la religion. Qui est Jésus-X pour toi?

C'est lui qui m'apprend que par la grâce du calendrier lunaire, tous les chrétiens vont fêter Pâques à la même date.

Citation de Brice Deymié: «Un directeur de prison me disait (les directeurs de prison sont souvent des personnes remarquables): "vous verrez, toutes les personnes que vous rencontrerez ici ont en commun qu'on ne leur a jamais dit "je t'aime".»
«On demande soudain à la prison de faire des miracles, de réussir là où la famille, l'école, etc., ont échoué…»

La salle demande comment parler du péché aux enfants. La réponse m'a fait sourire, car elle reprend l'adage «les protestants c'est toujours oui, les orthodoxes c'est toujours non, les catholiques ça dépend). Le prêtre orthodoxe répond qu'il faut commencer très tôt, que dès trois ans, les enfants savent exprimer la douleur de la faute et le besoin de la réconciliation; le catholique répond qu'il préfère attendre l'âge de raison (utiliser l'image de la ficelle cassée que l'on renoue); le protestant répond que les enfants culpabilisent déjà suffisamment spontanément, il préfère insiste sur la foi, la présence du christ; parler du péché ça vient toujours assez tôt.

Il n'y a pas de raison de parler de péché à quelqu'un qui ne croit pas. On peut faire appel à sa conscience, etc. mais on ne peut pas parler de péché à quelqu'un qui n'a pas la foi, ça n'a pas de sens (Michel Kubler).

Une question de la salle me fait sursauter en rappelant que l'œcuménisme, ce n'est pas «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil»: c'est un effort constant, avec des désaccords profonds et douloureux quasi physiquement (on voit les visages se figer, se crisper), et qu'il faut une attention permanente pour dialoguer sans blesser. (En d'autres termes, c'est moins la question qui m'a impressionnée que ce qu'elle a mis en évidence de failles, de désaccord, de volonté de continuer ensemble malgré tout, de se parler et non se condamner).
La question: Quels sont les péchés que chacune de nos Eglises considèrent comme un péché chez l'autre qui sont des obstacles au rapprochement? je pense par exemple à la reconnaissance des homosexuels, à la dévotion mariale, …

L'après-midi sera plus léger, sauf dans sa première intervention.
Jean-François Colosimo, orthodoxe, nous parle du combat spirituels des pères au désert. Il s'agit par ailleurs d'une charge contre l'ennéagramme, le New Age, etc. : «des choix de confort, alors que la religion chrétienne est inconfortable».
Lire un aphogtegme des pères du désert par jour.
théorie latine: tous les hommes sont responsables (amendée plus tard par St Thomas)
Remplacer la dyade faute/pardon par celle de mort/vie.
Permet de déplacer la culpabilisation qui reste une culpabilisation de la construction de soi.
Evagre : huit pensées (qui deviendront à travers Cassien en latin: les sept péchés capitaux)
Ce sont les pensées qui peuvent assaillir le moine: donc les "péchés" sont des combats spirituels.
concupiscence : luxure, gloutonnerie, vaine gloire, avarice
frustration : colère, tristesse, acédie, orgueil.
Il ne faut pas perdre de vue l'acédie (l'abandon par désespoir, qui sera rassemblé avec la tristesse sous le titre de paresse : l'abandon du combat).

C'est étrange, pour moi il est beaucoup plus engageant de se battre contre de mauvais génies qui induisent en tentation (pour ne pas dire Satan, un reste de peur du ridicule) que de devoir bander sa volonté pour lutter contre soi-même (la paresse, la gourmandise, etc): vaincre un ennemi "extérieur" éveille l'esprit combatif, l'énergie vivante et joyeuse des combats de chevaliers.

Ensuite, deux interventions sur le péché représenté en art ou utisé dans la publicité (Genèse 3).

Je pars pour mon cours d'allemand. A 19 heures, dans le cadre du colloque, projection à l'IPT de Sous le soleil de Satan. Je m'ennuie. Cette exaltation n'est pas du tout mon genre.


Note
1 : «"la pédophilie est un mal, est-ce un péché? je ne saurais le dire, mais il faut protéger les victimes". En disant cela, il suivait la doctrine catholique classique, en s'appuyant sur la reconnaissance progressive par l'Eglise de la pédophilie comme maladie ou pulsion irrépressible».

161/365 j'ai essayé d'être à l'heure

O. voulait prendre le 8h06 et nous nous sommes appliqués. Le temps que je me gare et j'ai eu le suivant, le 8h12, donc un "Goussainville" (et non un "gare de Lyon", ce qui m'arrangeait puisqu'aujourd'hui j'allais aux Halles.
Las, arrivé à gare de Lyon, le train s'immobilise à quai : un voyageur malade. L'annonce de ce malaise provoque un "merde" et des grognements que je comprends, partage, mais me laisse toujours songeuse.
Je prends une rame sur le quai en face puis la ligne 4. J'aurais dix minutes de retard.

Vélib (est-ce un transport en commun?) jusqu'à l'IPT. Il fait beau.

21h10: métro à St Jacques, RER B à Denfert, 21h30 RER D aux Halles.

Je ne fais plus que ramer

Petit moral ce soir. Je me force à aller en cours en quittant le bureau trop tard. J'essaie d'ajuster les effectifs (population 2015-sorties+entrées = population 2016. Hélas, il y a des doublons, des changements de catégories, des chevauchements de dates, cela ne tombe jamais juste (il y a la date de travail et la date d'effet: comment retrouver la personne saisie en mars 2016 avec une date d'embauche de novembre 2015? etc.)), une CAC (commissaire aux comptes) est là, je reste trop tard, pas le temps de grignoter un bout.

J'écris cela en cours. St Thomas est passionnant, mais l'idée-même d'un cours sur la morale engendre la méfiance: cela sent sa propagande (pour l'instant, ça va).

J'ai fini le premier Delbo, Aucun de nous ne reviendra, je suis à la moitié du suivant, Une connaissance inutile. Peut-être est-ce la source de ma fatigue. Je comprends l'admiration de Guillaume pour la capacité à transmettre le désordre des pensées, le corps qui submerge la raison, la décomposition de l'identité quand ne restent que le froid et la soif.

Yolette dans le petit bras. La Seine a perdu vingt centimètres. Azem, India, François-Xavier, Florent. Je rame bras nus. J'ai mal au bas du dos, au niveau du sacrum. Cela fait mal comme une courbature ou un bleu, je plie les genoux, je ne peux plus me pencher, j'ai du mal à porter un poids lourd (comme le bateau). Je me relève avec difficulté, en me tenant à ce que je peux.
Je suis terrifiée à l'idée de souffrir (un jour) d'une hernie. Dans le vestiaire, une amie prof de gym rit: «mais non, c'est musculaire, pas de hernie au niveau du sacrum, c'est soudé».
Me voilà rassurée.

J'ai tant de retard dans ce blog que je me demande ce que je vais pouvoir rattraper.

160/365 La totale le matin

Matin
RER D, 8h22. La rue du pont aux noisettes plonge perdenculairement vers les voies du RER en surplomb. De la voiture, nous voyons la rame à quai, les portes sont ouvertes, peu de monde, les gens semblent se chauffer au soleil. Que se passe-t-il? Si le train est retardé depuis longtemps, pourquoi n'y a-t-il pas davantage de monde, ou est-il retardé depuis si longtemps que les gens ont déserté le quai? (Nous ne saurons pas.)
Nous montons dans une rame, nous sommes debout mais peu serrés, nous attendons. Signal radio gare du Nord. Qu'est-ce que ça veut dire? j'espère que ce n'est pas un attentat.
Nous mettrons une heure à atteindre gare de Lyon, sans plus d'explication.
RER A: train arrêté en gare "pour régulation du trafic". Passager malade à Nation, un quart d'heure de retard à prévoir.
Ligne 1, esplanade de la Défense : c'est une ligne automatique dont les quais sont vitrés pour éviter suicides et accidents. Cela impose que la rame s'arrête exactement au niveau des portes des quais afin que les portes des voitures et celles des quais coïncidencent. Ce matin, les deux portes du quai en queue de rame (les plus proches de la sortie de la station, devant lesquelles se massent donc les salariés pressés) sont condamnées, elles ne s'ouvrent pas. Il faut utiliser la troisième porte. Il faut l'atteindre vivement, car la rame étant automatique, elle ne s'arrête pas plus longtemps pour laisser les gens descendre.
(J'étais devant la troisième porte, par non envie de m'entasser avec les gens pressés).

19h30. Ligne 1 puis ligne 12. J'abandonne Harry Potter 3 en poche sur un quai du RER. Je commence à me débarrasser de livres que je dois donner.

22h15. Ligne 4, ligne D.

Dimanche ordinaire

Rendez-vous, donc, à huit heures et quart. Le temps est radieux. Nous sommes tous à l'heure (je le note, car la plaie, ce sont ces rameurs jamais à l'heure, ces demi-heures perdues qui m'étaient indifférentes enfant alors qu'elles exaspéraient mon père). Nous nous entraînons à tourner serré autour des piles, c'est encourageant, nous sommes ensemble. O. comprend vite.

Faulkner en podcast. J'avais décapoté hier en rentrant (seize degrés), aujourd'hui il fait plus froid et il est plus tôt (six degrés), nous ne décapoterons qu'en arrivant à Yerres.

Marché avec H.
C. à déjeuner.
Soufflé au fromage (une spécialité qui supporte mal qu'on soit plus de quatre: il faut que l'appareil puisse gonfler, il n'est pas possible de multiplier les proportions. Il me faudrait des petits moules).

Je commence le premier tome d'Auchwitz et après.

Je ramène C. au terminus du tramway à Athis-Mons. C'est curieux, un avion qui atterrit au-dessus d'un cabriolet. Lévi-Strauss en podcast. Il adoptait tous les animaux qu'il trouvait, son bureau était sale, il fallait trouver des nourritures invraissemblables. Je ne savais pas que Lévi-Strauss avait fini par ramener les structures à celles de la musique occidentale du XVIe et XVIIe siècle, considérant qu'au moment où les mythes quittaient l'Occident, leurs structures s'étaient déposées dans la musique (tout cela très schématique, voir (entendre) le podcast "une vie une œuvre" pour plus d'exactitude dans la façon de l'exprimer).

Pataquès

Premier entraînement ensemble. A ma grande confusion, je m'aperçois que dans mon obsession de "faire un bateau de filles", j'avais lu Stéphanie pour Stéphane.
Le bateau avance bien. Son point faible risque d'être son barreur, un rameur de peu d'expérience qui ne semble pas se rendre compte que son poste est extrêmement important, d'autant que nous aurons deux virages serrés à accomplir. Il y aura également des décisions à prendre, choisir le chemin le plus court sans gêner les autres bateaux ou les mettre en danger… Notre barreur, que je n'avais jamais vu, paraît inconscient de ses responsabilités. Nous ne sommes pas sûrs non plus qu'il ait compris qu'il ne ramerait pas le jour de la course… Tout cela est embarrassant.

Demain, ayant catéchisme, j'ai demandé à nous entraîner tôt, dès huit heures, de façon à être revenue à Yerres à onze heures. C'est un sacrifice pour Stéphane qui travaille en équipe très tôt le matin en semaine (quatre heures, cinq heures du matin). Le barreur ne pourra pas être là, je pense à O. et m'engage à amener un barreur.

Sur le chemin aller, retour, j'écoute des podcasts, «une vie, une œuvre». Quand je connais l'auteur (Boulgakov, Faulkner) je n'apprends pas grand chose mais les nombreux extraits lus sont agréables, quand je ne connais pas l'auteur cela devient un formidable attiseur de curiosité. Ce matin, Ingeboch Bachmann, dont le nom ne m'évoque que sa mort (brûlée vive) et Une visite à Klagenfurt, livre feuilleté maintes fois sans jamais avoir été vraiment lu. Il me semble me souvenir qu'elle détestait sa ville et ne voulait pas y revenir — et qu'on l'y a enterrée (à vérifier). Berhnard, Bachmann, quelle détestation de l'Autriche. Pourra-t-on passer à Klagenfurt et devant la maison de Berhnard cet été? Est-ce deux points éloignés, séparés par des montagnes difficiles? Je me pencherai sur cela en mai.

O. ne montre aucun enthousiasme à se lever à six heures et demie pour barrer et me suggère de téléphoner à C. qui à ma grande surprise accepte aussitôt (mais après tout c'est le plus sportif de la famille) — ce qui suppose qu'il vienne dormir à la maison pour être à l'heure demain — tout en ajoutant au moment de raccrocher: «dis à O. de m'appeler s'il a des remords». Il avait raison, O. a des remords, il barrera. C. viendra malgré tout demain, pour déjeuner.

Je fainéante toute l'après-midi (je fais avec les tâches et l'étendue de temps disponible devant moi ce que faisait Pierrette avec son pot au lait) et ce n'est que vers le soir que j'envoie les sms aux parents pour leur rappeler le catéchisme (il faut dire que je n'ai pas envie d'envoyer ce sms, je ne le fais qu'à la demande d'Anne, l'animatrice de l'équipe (qui se désole que ses mails et sms ne soient pas lus davantage): je considère que les parents sont adultes et responsables, c'est à eux de tenir leur agenda). C'est alors que patatras: je reçois le coup de fil inquiet d'un parent qui ne comprend plus: j'ai indiqué onze heures, Anne a indiqué neuf heures demain matin, quelle est heure du rendez-vous?
Aaarghh, que se passe-t-il? J'appelle Anne, c'est bien neuf heures, elle veut faire écrire une prière universelle aux enfants.
Aaarghh bis, je déteste cela deux fois, écrire une prière universelle et la faire écrire par des enfants, c'est toujours l'animateur qui s'y colle, c'est totalement artificiel.
Aaarghh ter, et mon aviron, mais ce n'est pas possible! j'ai obligé quatre personnes à se lever aux aurores pour rien: car si c'est à neuf heures, soit j'annulais le catéchisme, soit j'annulais l'entraînement, il était impossible de faire les deux.
Très remontée, j'appelle Anne, nous comptons les enfants, beaucoup d'absents, elle me dit qu'elle les prendra dans son groupe, qu'elle prendra à la fois ce qui viendront à neuf heures et ceux qui viendront à onze heures. Je me sens très mal, sentiment de trahison par rapport aux enfants, sentiment de tromperie par rapport à Stéphane, culpabilité par rapport à Anne qui va me remplacer — et deux fois. Je lui dis de m'appeler quand elle change quelque chose, que je n'étais pas au courant; je suis très vive à mon habitude, je sens ma vivacité, ma fébrilité, et j'ai honte face à sa douceur tandis que je parle. Comment puis-je ne pas être plus tranquille, de toute façon c'est trop tard — et inconciliable. (Hervé me dit: "mais c'est toi qui rends service, tu n'as pas à t'excuser", ce qui ne fait qu'accroître mon malaise: comment expliquer cette impression radicale de manquer à sa parole, ce que je me suis reproché si souvent que je ne le supporte plus?)
Pour mettre le comble à ma culpabilité, je m'aperçois vers minuit qu'elle m'a écrit le 8 mars, j'aurais dû être au courant — je n'avais pas regardé mes mails depuis le 7. Je dors très mal.

(C'est dommage, la dernière fois j'ai terminé en catastrophe, je voulais revoir la période du Carême, leur parler des trois piliers de la foi, l'aumône, le jeûne, la prière (qui nous vient directement des juifs et qui est repris tel quel par les musulmans): ne jamais séparer le jeûne (le Carême) de l'aumône, il ne s'agit pas de s'affamer pour être vertueux, il s'agit surtout de se solidariser avec les plus pauvres.)

J'ai perdu ma journée

Journée bizarre : le premier acompte d'IS (impôt sur les société) doit être payé pour le 15 mars, j'ai donc rouvert mon fichier Excel de suivi des acomptes et j'ai perdu ma journée sur un tableau en détectant une erreur de signe (la soustraction d'un chiffre négatif, d'où une addition).

Depuis quatre ans, je me débats dans les acomptes d'IS.
J'ai compris pourquoi cet été: d'une part je pensais qu'il y avait trois acomptes (confusion avec l'IRPP et les tiers prévisionnels) et que le quatrième versement soldait le dû, d'autre part je pensais que le premier acompte, celui de mars, devait se calculer sur le résultat de l'exercice en cours de clôture, donc sur une estimation.
En réalité, pour une année N+1, il y a quatre acomptes sur le résultat N+1 à payer en mars, juin, septembre et décembre N+1 et le règlement du solde de l'impôt dû pour N (en avril N+1); le premier acompte de N+1 se calcule à partir de l'exercice N-1 si N n'est pas clos.
Bref, j'ai passé ma journée à me demander comment il était possible que personne n'ait remarqué que la Mutuelle avait payé quarante mille euros en trop en 2014 (vingt mille à déduire avec une inversion de signe: quarante mille à payer), jusqu'à ressortir en fin d'après-midi tous les grands livres et m'apercevoir que si mon fichier Excel était faux, nos paiements étaient justes.

(Ce billet pénible est destiné à contrôler que j'arriverais à l'écrire.
Par ailleurs, yolette mercredi, jeudi, vendredi, aller-retour dans le petit bras, il y a beaucoup de courant.)

Divorce

A-C m'appelle dans le RER. Elle divorce. Son aîné à dix-sept ans demain. Elle s'est mariée en juin 2014, le même mois que Matoo, après vingt ans de vie commune.
Comme une idiote, ce qui m'a échappé quand elle m'a dit cela (après un quart d'heure de conversation professionnelle, après que je lui ai raconté la folie de B. (elle appelait aussi pour s'excuser de ne pas avoir fait signe pour mon anniversaire (puisque nous avons une semaine d'écart et que je lui avais envoyé des fleurs, je suppose))), c'est: «déjà!».
Elle a éclaté de rire. Qu'a-t-elle compris? Je ne voulais pas dire que je pensais ce mariage condamné — ils avaient traversé de telles tempêtes, enfant anormal, enfant non désiré, adultère — que je le considérais solide: l'alliance avait été soumise à rude épreuve et avait résisté; mais plutôt que le mariage est une expérience terriblement difficile.
Je lui en veux à la fois de ne pas être plus résistante (je leur en veux de ne pas être plus résistants) et d'autre part je l'envie imperceptiblement, je sais quelle liberté elle s'ouvre, je la lui envie et je lui en veux de ne pas comprendre que c'est justement à cela qu'il faut apprendre à renoncer — au nom de quoi? je ne sais répondre et pour le peu que je saurais je n'ose.
Je songe à cet "amour" toujours brandi dans les textes et les exhortations: dans mon expérience, l'amour dans les familles ou entre amis, c'est surtout de l'obstination et de l'exaspération, de la persévérance malgré l'exaspération.

156/365 Lent si lent

Nous nous sommes appliqués — nous avons été à l'heure — et le RER a mis une heure (au lieu d'une demie) pour arriver en gare de Lyon.
Pour le reste, pas de souvenirs (j'écris cela quelques jours plus tard, en m'appuyant sur des notes prises ça et là), donc je suppose qu'il n'y a eu rien de remarquable. De façon générale, les problèmes ont plutôt lieu le matin en heure de pointe, je reviens de façon trop décalée (par rapport au reste de la population) pour subir beaucoup de retard le soir (je touche du bois).

Le soir je suis à Yerres à huit heures et O. me prend à la sortie de son cours de flûte (heureux temps où ce sont les enfants qui ramènent les parents).

Journée (des droits) des femmes

Jamais autant que cette année je n'aurai entendu la précision "des droits" des femmes.

Au petit déjeuner, France Inter me décrit les nouvelles poupées "gonflables" (non gonflables, mais c'est pour faire comprendre de quoi il s'agit) au toucher doux, dont on peut choisir le caractère grâce à l'intelligence artificielle (soumise, insolente, etc) et dont on peut changer la tête quand on est lassé (dix-huit visages possibles).
Je devrais sans doute être choquée mais devant le titre de la chronique «Et si on se passait des femmes?», je remarque surtout que ce à quoi "servent" les femmes est crûment explicite (sachant que le chroniqueur est une chroniqueuse, a-t-elle simplement voulu être provocatrice, ou avait-elle une visée accusatrice?). In petto je m'exclame: «ça nous fera des vacances».

Le soir, retour à la bibliothèque nordique pour entendre la lecture intégrale des Vraies Fremmes. Etrangement, Benoît semble surpris que je trouve ce texte déprimant. J'ai utilisé un mot en-deça de ma pensée: ces pièces suscitent exaspération et désespoir.

Plutôt que l'égalité, ce que réclame l'héroïne, c'est la réciprocité. Il ne s'agit pas d'obtenir l'égalité dans la visée des avantages, mais également dans la charge des responsabilités. Il s'agit de ne plus être infantilisée, d'être considérée comme un être humain à part entière. «Pourquoi considères-tu qu'il est normal que tu nourisses ta mère et tes sœurs et que tu ne comprends pas que je veuille en faire autant avec les miens? Parce que tu es un homme et que je suis une femme n'est pas une réponse valable.»

Réciprocité: je te respecterai dans la mesure où tu me respecteras, et mon mépris sera sans mesure avec le tien.

Temps de référence

Dans le RER, debout, j'écoute (malgré moi: j'aurais aimé ne pas être obligée d'entendre) deux jeunes filles d'une vingtaine d'années discuter:
— Tu connais les gorges du Verdon? c'est super beau.
— Ah non, je ne connais rien en France. Je voyage dans le monde entier mais je ne connais rien en France.
— C'est super beau. Evidemment, en été c'est blindé de monde, mais j'y vais en octobre quand ma mère fait sa cure. Tiens, regarde. (Elle lui montre des photos)
— Wouahh, on dirait la Malaisie! Et comment on y va? Y a un aéroport? Un TGV?
Je me retiens de lui dire que s'il y avait un aéroport ou un TGV, ce serait sans doute moins beau, de même que la Malaisie était sans doute plus belle avant qu'elle y aille (ou pas? quel est l'apport du tourisme, cela pousse-t-il et permet-il plus de propreté, d'aménagements?)

La réunion d'encadrement est un flop. Quel ennui. Le nouveau directeur n'a pas jugé bon de se déplacer, de se montrer. La direction est un fantôme, une légende. Les gens ne se mobilisent pas pour des fantômes. On parle toujours de "l'homme providentiel" avec un sourire sarcastique. Cependant il faut admettre que c'est une réalité, un modèle qui a fait ses preuves. La difficulté, c'est ensuite; la transition, l'héritage. L'homme providentiel doit être capable de mettre en place des structures qui lui survivent (ils échouent tous : Périclès, Alexandre, Charlemagne, Frédéric II, Napoléon… Est-on en train de vivre le parachèvement de l'échec de de Gaulle? (c'est la force normative de l'Eglise: réussir à créer des structures pérennes autour d'hommes et de femmes qui marquent leur époque: St François, St Dominique, Ste Thérèse d'Avila, etc. Le politique peine à en faire autant. (Je laisse à d'autres le soin d'en étudier les raisons.)))

Après la réunion, je vais faire de l'ergo (il est trop tard pour monter en bateau, tout le monde est déjà sur l'eau). La course se compose de six kilomètres et demie sur l'eau puis cinq cent mètres d'ergo. En faisant aujourd'hui toute la distance à l'ergo j'obtiens des temps de référence.
Je fais les 6,5 km en 34'40'', soit 2'27 au 500 m. (Ne comparez pas, je ne le note que pour moi, c'est un temps d'une médiocrité ordinaire, un temps de "rameuse loisirs", mais je suis heureusement surprise: il y a un an j'avais du mal à faire deux kilomètres en dix minutes.)
Après cinq minutes de récupération, je fais les cinq cent mètres de sprint en 2'17 (eux se feront vraiment à l'ergo à Lagny, d'où le terme de biathlon: aviron/ergo).

140/365 de plus en plus tard

O. me fait remarquer qu'il n'aurait jamais dû me dire qu'il était encore quasi à l'heure en ayant le 7h52, car nous ne partons plus jamais à temps pour avoir le 7h42. Et lorsque nous n'avons pas le 52, il faut prendre le 8h. A cela près que celui-ci n'est parfois pas à l'heure, comme ce matin: signal d'alarme. Les deux trains, 8h et 8h08 se suivent à une minute, le premier à arriver à 8h07 est un "court", occasionnant le même cirque qu'il y a quelques jours. Nous n'essayons même pas de l'atteindre et prenons le suivant.
Puis A, puis ligne 1.

18h50 : ligne 1, RER A, RER D de 19h24 gare de Lyon.

Arrêts maladie

Conseil d'administration le plus rapide de l'histoire : tout le monde est d'accord sur tout, personne ne discute de rien. Nous nous séparons au bout d'une heure, ce qui nous laisse du temps pour cancaner. J'apprends qu'une épidémie d'arrêts maladie s'est répandue parmi les cadres supérieurs depuis l'arrivée du nouveau directeur général. Décidément il y a une conjonction astrale.

Tout cela me permet finalement d'aller ramer. Soleil après la pluie des derniers jours. Davantage de courant, mais encore raisonnable.

Pluie

Ramé sous la pluie (à l'origine, je pensais faire de l'ergo (mètre : du rameur)). Double canoë avec Dominique, Tristan a joué la prudence.

Le soir je fais chercher mon chapeau gris puis (c'est sur mon chemin), je passe à la Procure. J'erre longtemps, rien ne me repose autant. Je trouve un (le?) livre de mon prof d'allemand. Je découvre, ce que j'avais entraperçu sans en prendre la mesure, que c'est un philosophe spécialiste de Tillich: c'est généreux, pour une poignée (au sens propre: cinq) d'étudiants adultes dont trois sur cinq n'ont pas l'intention de devenir pasteur: cette capacité à fournir des cours de haut niveau à des amateurs avides de connaissances sans utilité immédiate me sidère. Quelle chance pour nous, quelle irrationalité (inefficacité, mauvaise allocation des ressources?) pour la société. Ou pas? Y a-t-il un espoir de retour sur investissement à long terme, un retour que personne n'imagine ou ne comprend? (à ce moment-là de mes réflexions, il y a toujours un étudiant terre à terre pour me faire remarquer ces cours, nous les payons).

J'hésite devant le rayon St Thomas. La Somme existe en dizaines de fascicules noirs (repris sous les titres communs: "les actes humains", "la grâce", etc), bilingue latin, ou en cinq forts volumes. Le traité des vertus en petit format n'est pas en rayon, et le gros volume coûte 122 euros… et je ne suis pas sûre de le lire. Tant pis. Je le feuillette un peu, c'est toujours la même découverte et le même souffle coupé devant une œuvre systématique qui a voulu couvrir tout le champ des possibles. Quelle ambition et quelle réussite. Comment a-t-il fait pour écrire autant (à la plume!) Et comment se fait-il que je n'arrive pas à lire ce que lui a trouvé le temps d'écrire?

Acheté :
- Père Matta El-Maskîne, L'expérience de Dieu dans la vie de prière
- frère Didier-Marie, Atlas Thérèse d’Avila
- Une année avec Saint Augustin
(et toujours dans mon sac l'éternel Beowulf que je n'en finis pas d'annoter.)

Je sors sous l'averse, il pleut de plus en plus fort, je suis trempée comme une soupe (j'ai toujours supposé que c'était une sorte de métonymie, qu'on voulait parler du pain: trempée comme le pain qu'on mettait dans la soupe).
J'étends tout en arrivant, je bourre les chaussures et j'enveloppe mes gants de journal.
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