Dernier jour

J'avais commencé ce billet pour bitcher : je n'ai jamais compris l'anti-pantacourt (police fashion) de certains amis, mais aujourd'hui j'ai découvert l'horreur: un bas de survêtement pantacourt, collant du genou au mollet (et donc vaguement bouffant au-dessus).
Le pantacourt je ne sais pas, mais ça non.

*******

Ce matin les plus jeunes chercheurs devaient produire un rapport d'étonnement. Comme ils ont beaucoup joué ensemble (pétanque, ping-pong), ils ont également travaillé ensemble sur leurs interventions de ce matin, interventions courtes, claires, complémentaires, une question chacun.

Je donne donc quelques notes pour conserver des anecdotes et des sources (des noms).

- Yuweh: la question de la vérité et du savoir n'a pas été posée (perspective philosophique).
Andrea: Il a vingt ans, j'aurais donné une réponse fictionaliste. La fiction construit sa propre vérité et ses propres lois.
Eric: Peut-être parler d'échec.
Aujourd'hui Frenhofer est un raté, à l'époque de Madeleine Ambrière, c'était un génie martyr. Les lectures ont changé et changeront encore.
A l'époque du Dictionnaire balzacien j'avais demandé à Madeleine Ambrière: fait-on une entrée «échec»?
Réponse de Madeleine: l'échec n'est pas balzacien, il y a toujours rebond.
Et donc nous avons fait une entrée «échec»: voir réussite.

- Tristan (thèse en génétique): La mise en ligne de l'œuvre va permettre de lire dans d'autres sens que l'édition Furne corrigée qui n'a même pas été publiée du vivant de Balzac.
Site suisse Variance.
Andréa: Pierre Barberis disait: il faut lire trois fois Balzac, une fois dans l'ordre Furne corrigée, une fois dans l'ordre chronologique des éditions et une fois dans l'ordre des brouillons.
L'importance du support: lire le même texte en feuilleton ou en livre ne donne pas la même lecture.

- Karolina: nous avons vu la prise en compte de la science par Balzac.
Quid de la prise en compte de Balzac par la science?
Réponse: en cours mais pas évident pour des problèmes de financement et de pouvoir.

Reprise d'Eric: de façon générale il faut évoquer le problème de l'anachronisme. Référence: François Hartog.
Homosexualité : mot inventé en 1869 en Allemagne. pour éviter l'anachronisme, dans le Dictionnaire Balzac, «homosexualité»: voir «troisième sexe», expression de l'époque.
«Psychologie»: faut-il renvoyer à «intériorité»?

*******

Les interventions terminent plus tristement en évoquant la difficulté des universités, de leur tendance à trop travailler en silo (un dix-neuviémiste ne peut pas travailler sur le XXe); D'un autre côté, remarque un autre, l'appel actuel à travailler en transdipliscinarité est due surtout aux manques de financement: l'université des humanités manque d'argent.

Conclusion d'Andréa: le colloque de 1980: réhabiliter Balzac contre la Nouvelle Critique (Barthes, etc). Militantisme pour défendre Balzac.
Le colloque de 2000: on était au-delà. Davantage multiple. On recommençait à faire de l'histoire. Encore de la socio-critique. Colloque très agréable, mais sans thèse.
2022 : beaucoup de défauts, mais réelle tentative d'interdisciplinarité en partant de ce qu'on connaît.

Christelle (déjà là en 2000): le côté éparpillé de 2000 était dû qu'il y avait énormément de jeunes balzaciens. J'espère que les jeunes d'aujourd'hui se sont également senti bien accueillis en 2022.

Claire (idem): bons souvenirs. Etonnant qu'il n'y a pas eu d'intervenant sur "Balzac et l'histoire".

*******

L'heure des adieux. Je déteste cela.
Des promesses de se revoir, de s'appeler: avec le temps j'ai appris à ne plus trop y croire, tout en laissant la porte ouverte. Après tout, quatorze ans que je vois quasi mensuellement Elisabeth rencontrée à Cerisy, sans compter les amis qu'elle m'a fait rencontrer. Tout est donc possible.

Retour par les chemins de traverse. Passage à Mortagne voir A. (excellent glacier). Rentrés tard dans la nuit, épuisés. Nous écoutons la biographie de Glenn Gould pour soutenir notre attention.

Excursion chez les Cahun

Difficile réveil, je me rendors trois fois. Il fait beau, peu de brume. Nous aurons eu de belles journées malgré les prévisions pessimistes.

Balzac le matin, Cahun l'après-midi; je vais soutenir Lucie.

En gros, les Balzaciens rappellent ce qu'ils ont écrit, les Cahuniens imaginent ce que Claude Cahun pensait et croyait et chacun défend qu'il la comprend mieux que son voisin. Cette approche est vraiment de l'ordre de l'approche amoureuse: c'est moi qui détient la vérité de la personne que j'aime.
Je pense qu'il en est ainsi chaque fois qu'on étudie quelqu'un de peu connu et qu'on ne se confronte pas à des milliers de lecteurs.

Claude Cahun et sa publication au Mercure de France (j'entends le nom de Rachilde dont je n'avais pas entendu parler depuis longtemps), la fonction de l'acte de résistance au nazisme dans la vie de Cahun, la transcendance selon Cahun et son attirance pour le bouddhisme.

A dîner, je suis assise non loin d'un organisateur. J'en profite pour m'étonner qu'il n'y ait pas davantage d'étudiants dans les colloques (peut-être pas à Cerisy éloigné mais au moins à Paris). Réponse du professeur: dichotomie entre les élèves bêtes à concours qui préparent l'agrégation et ne se dispersent pas et les autres qui ne sont pas très motivés pour quoi que ce soit.
Il raconte drôlement la différence entre les bobos de Montmartre qui veulent que leurs enfants aient un an d'avance dès la maternelle et ceux du XVIe qui à l'inverse refusent parce qu'ils ne veulent pas que leurs enfants soient désavantagés en arrivant dans des classes où ils ne seraient pas premiers de la classe.

Nous expliquons les classes préparatoires à un professeur en Angleterre, la façon dont elles vident les universités et créent des distorsions.
— D'un autre côté, tous les profs rêvent d'y enseigner.
L'Anglais (il n'est pas anglais mais je ne connais pas sa nationalité) pose the question: «Ça coûte cher?»
Eh non, ça ne l'est pas. Peut-être que cela explique que les étudiants choisissent leurs études avec tant de légèreté et s'autorisent à changer trois fois de filières. (De mon temps, ma bonne dame, on voulait travailler et ne plus peser sur ses parents. Aujourd'hui ce souci ne semble plus effleurer grand monde : comment est-ce possible?)

Je bitche, pour le plaisir:
— L'impressionnant, en France, c'est le nombre d'étudiants en psycho.
A ma grande surprise, au lieu de provoquer un blanc réprobateur, je déclenche le rire du professeur français:
— Un tiers en psycho, un quart en histoire. Les autres disciplines des humanités se partagent le reste.
Le prof anglais: — Mais pourquoi?
Moi: — Je connaissais une psychologue qui disait que s'inscrivent en psychologie les jeunes qui auraient besoin de consulter. C'est sans doute réducteur, mais c'est amusant.

Le soir, film sur les actes de résistance de Claude Cahors sur l'île de Jersey. C'est un film en cours, non terminé. (Un autre film davantage grand public devrait avoir Vanessa Paradis comme actrice principale. Têtes de mes intellectuels.) J'aime les actes de résistance qui nous sont montrés, des tracts abandonnés dans des journaux, des commentaires sur les tombes, sans jamais savoir si ce sera lu et par qui.

Cave. Porto. Pas de ping-pong.

Puis longue discussion avec Eve dans l'étable, pour ne gêner personne — et n'être entendues de personne.
Certains moments résonnent avec la discussion ci-dessus. Elle enseigne à Oxford: «tous les professeurs sont évalués par leurs élèves. Si l'un d'entre eux décroche, il a le droit de me demander des comptes.»
Mais évidemment, tout cela est payant, et très cher.
Il y a sans doute un milieu à trouver, mais il faudrait au moins accepter de se poser la question.

Décodons à pleins tubes

A rebours des prédictions pessimistes de la semaine dernière, le temps se maintient au beau. Ce matin, la brume en face du chateau donne un air de savane au bocage normand.

brume à Cerisy août 2022


Petit déjeuner avec un jeune doctorante qui nous raconte sa difficulté à vivre dans une chambre double aux Escures: difficile de ne jamais pouvoir réellement se détendre puisqu'on est toujours dans une interaction sociale, sans compter la pulsion de travailler la nuit qui se trouve empêchée. Il faut bien reconnaître qu'être ici en tant qu'auditeur est une fonction privilégiée.

Je retrouve H. tout heureux d'avoir rencontré une thésarde sur la modélisation géographique (je simplifie). Il y a davantage de mathématiciens ici que je ne l'aurais imaginé (d'où les livres achetés par H.).

Après le déjeuner je récupère mes livres et j'ai la joie incrédule de découvrir dans Secrets, complots, conspirations un article sur Frantômette.
Un oeil sur l'article me fait aussitôt penser qu'il va falloir les relire. Il y en aurait quatre-vingt-quinze (un tiers portant sur des associations secrètes), il me semble qu'il m'en manquait sept à la sortie du collège (mais il n'y en avait peut-être pas quatre-vingt quinze à l'époque).

Beaucoup de départs et d'arrivées aujourd'hui, est-ce parce que c'est le week-end? Il faut dire que venir ici est compliqué, un train ou avion d'Italie ou de Chine pour Paris puis l'un des rares trains jusqu'à Lison ou St-Lô, en début ou fin de journée, puis taxi ou bus. Mais justement, après un tel périple, autant rester longtemps plutôt que pour un saut de puce.

Quoi qu'il en soit, peut-être parce que les intervenants ayant déjà parlé sont plus détendus, ou grâce à la demi-journée de détente qui a permis de mieux se connaître, les échanges sont plus sereins et relèvent davantage de la conversation informée qui fait le charme de Cerisy.

L'après-midi, présentation du site ebalzac. L'ambition est extrêmement vaste. D'une part il s'agit de la numérisation de l'œuvre, ce qui a déjà été fait, mais celle-ci présente la photo Furne et Furne corrigée en vis-à-vis de la version numérisée (on nous signale des erreurs dans l'édition de la Pléiade); d'autre part le dessein est d'y adjoindre à la fois les références explicites de Balzac (les œuvres citées par Balzac) et les œuvres implicites, celles qui circulaient à son époque.
Les premières œuvres ainsi adjointes sont celles d'économistes car elles sont disponibles déjà numérisées ailleurs.
L'idée est d'essayer de retrouver les sources de Balzac, conscientes ou inconscientes. La volonté d'omniscience, de puissance (se faire Dieu, tour de Babel) me laisse songeuse. Reconstruire une époque, quelle difficulté, quelle impossibilité.

A l'occasion d'une recherche je trouve cette carte balzacienne.

L'intervention suivante se fait en visio-conférence à partir du Québec, belle évolution depuis Cerisy 2008.

Le soir, omelette norvégienne, anniversaire de Pierrette et ping-pong, tournantes et matchs en double. Je progresse. (J'ai gagné un match de double en équipe avec Andréa Del Lungo. Quelle émotion.)
Beaucoup d'étoiles quand nous sortons de la cave.

Des huîtres

Petit déjeuner avec une intervenante qui nous explique que si beaucoup de professeurs ne viennent que quelques jours, c'est qu'ils manquent de temps: ils profitent de l'été pour mener à bien des travaux plus personnels, le reste de l'année ils sont débordés par des charges administratives de plus en plus envahissantes1.

Ce que je remarque, c'est que beaucoup des présents passent du temps au téléphone, ce qui n'était pas possible en 2008 quand un filet d'ondes permettait d'avoir du réseau le soir vers 18 heures les jours de beau temps, à condition d'être chez Bouygues ou Orange.
Bizarrement, cette possibilité d'être davantage connecté n'aide pas les personnes à rester plus longtemps car elles n'oublient plus le reste du monde. Leurs obligations et contraintes les rattrapent («on vous sonne, vous obtempérez?!» constatait goguenard Tristan Bernard ou Alphonse Allais au début du téléphone Jean-Louis Forain quand Degas se fit installer le téléphone).

Les interventions de la matinée sont consacrées à l'économie (la politique économique) et la présence des chiffres. Certains dans la salle sont avides d'obtenir une équivalence en euros, ce qui me paraît étrange. Il me semble que l'important, c'est le fonctionnement interne du texte, que les chiffres ne sont que destinés à nous dire «il est pauvre», «elle est riche», «sa maîtresse lui coûte cher», «il est ruiné». D'ailleurs une personne dans la salle parle de proportionalité à l'intérieur des récits, ce qui me paraît très juste. Mais il est vrai que je serais preneuse d'une table de transcodification entre sous, francs, livres (dans Illusions perdues, par exemple). Je suppose que cela existe quelque part, mais j'aurais aussi vite fait de le faire moi-même.

L'après-midi est libre. Il n'y a pas eu de proposition de sortie ensemble pour un lieu ou un autre, et donc nous avons prévu à la demande de Christopher (américain à Rome) d'aller manger des huîtres au bord de la mer. Ce sera ce soir, car Lucie veut travailler à son intervention de samedi.

Sieste, promenade dans le parc (décharge électique contre les barbelés: je ne m'y attendais pas, pour moi c'était barbelés ou électricité, pas les deux). Quand nous revenons, de jeunes balzaciens jouent à la pétanque. C'est enfin ce qui doit être.
J'ai pris quelques photos, précieuses quand ils seront célèbres dans vingt ans2.

jeunes Balzaciens jouant à la pétanque à Cerisy


Je participe à ma manière en fournissant mon cordon de lunettes pour mesurer l'écart boule-cochonet.

Départ pour Hauteville. Miriam monte en décapotable avec H., je monte avec Christopher, Lucie, Eve, Cristiana et me taille un franc succès en diffusant Elle voulait revoir sa Normandie (j'aime faire connaître le vrai folklore français aux étrangers, ce qu'ils n'entendront pas en cours). Eve entame une conférence sur les textes problématiques de Sardou (Balavoine chanterait-il L'aziza aujourd'hui?), ce qui doit être particulièrement obscur pour les Américain et Italienne.

Terrasse face à la mer. Vent, coucher de soleil, huîtres, Pouilly-Fuissé. Bonheur.

huîtres à Hauteville

Il se trouve qu'Eve connaît (ou est connue de) Pierre Boyer. Evidemment, puisqu'ils ont les mêmes idées, mais elle sans la culpabilité puisque femme.
Elle ne désarme jamais et c'est ainsi qu'au moment du dessert elle s'exclame: «le sucré est féminin, les hommes mangent du fromage».
Voilà autre chose. Depuis, je me demande si mon grand-père mangeait des ou du gâteau. Question de classe, question sans réponse: il y avait du gâteau les jours de fête, on en mangeait pour célébrer la fête. Les autres jours, c'étaient des fruits. Les fruits sont-ils féminins?

Retour dans la nuit. Cette fois-ci c'est Eve qui monte dans la décapotable (mais elle ne connaît pas La Voie sacrée).

En arrivant au château, je m'aperçois que j'ai totalement oublié qu'il y avait une projection de La peau de chagrin de la BBC. J'en attrappe quelques minutes au vol: trop kitsch, trop Jane Austen (je veux dire les adaptations filmiques anglaises, si précises dans leur reconstitution qu'elles en deviennent jolies).



Note
1: j'ai découvert cette charge en lisant le blog de GC et je reste abasourdie de ce travail qui à mon sens devrait être confié au secrétariat des universités.

2: je me souviens d'un savoureux récit autour d'une photo de Heidegger dont le geste rappelle la pétanque.

La cloche disparue

Comme il y aura des actes de colloques et que Cerisy est payant je ne publie pas de notes. Je me spécialise donc dans l'anecdote.

Durant le petit déjeuner, Miriam raconte une tradition espagnole de la St Sylvestre: quelques minutes avant minuit, les cloches sonnent (pour se préparer), chacun à douze grains de raisin dans son assiette, et lors du compte à rebours, les douze secondes précédentes, on engouffre dans sa bouche un grain de raisin par seconde sans le mâcher, puis à minuit il faut tout avaler sans laisser s'échapper un seul grain de raisin, sous peine d'avoir de la malchance toute l'année.
Fin 2021, l'amie (non espagnole et inconsciente) chargée d'amener des grains en a apporté des énormes et Miriam en a laissé échapper cinq.
Aussitôt, nous comprenons pourquoi elle a eu des draps humides hier et qu'aujourd'hui il pleut.

Après le petit déjeuner et en attendant la première séance, je rejoins quelques intervenantes sur le pont-levis (qui n'a jamais été un pont-levis) devant la porte1. Elles étaient là lors du colloque précédent il y a vingt ans2 et racontent drôlement comment l'une de leurs amies avait caché la cloche du goûter (qui n'est pas celle du clocheton mais une jolie cloche à main) dans une potiche, quasi sans y penser. Cette blague innocente et quasi-inconsciente (la coupable m'a avoué «je l'avais fait sans y penser, la potiche était là, j'y avais mis la cloche, elle n'était pas vraiment cachée) avait provoqué une grande effervescence pour ne pas dire colère. (Je suis très fière de connaître la coupable de cette blague potache, dont le nom n'a jamais été dévoilé).

Première communication (dans la bibliothèque). Séance de questions-réponses. Les trois premiers à parler sont soit les organisateurs soit une ancienne organisatrice, tous contre la communication qui vient d'être donnée. Comme c'est très technique (jargon de la critique littéraire, catégories linguistiques et stylistiques, problèmes de définition), il est difficile pour moi de juger du bien-fondé des reproches adressés à l'intervenant3, mais je suis choquée par l'unanimité des trois voix. Le président de séance a tenté une défense après les deux premiers contradicteurs («A la décharge de xx, je voudrais dire que…») mais il s'est fait couper la parole par le troisième qui a accentué la charge. Puis est venue une remarque «il y a d'autres questions? Les derniers rangs n'interviennent pas beaucoup» et j'ai failli être sarcastique: que pourraient dire les amateurs (les derniers rangs) après de telles interventions?

A la pause, la révolte gronde parmi nous, les auditeurs libres sorties prendre l'air sur le pont-levis. Je m'informe du ressenti de mes compagnes, il est le même que le mien. Quand passe l'un des organisateurs, je mets les pieds dans le plat en m'étonnant de l'agressivité des remarques post-communication.
«— Ah bon, vous trouvez cela agressif? Je vous assure que ça ne l'est pas, ce ne sont que nos traditions universitaires.
— Mais justement, je pensais que Cerisy vous permettait (vous, universitaires) d'échapper à cela quelques jours.
(Une des auditrices utilise même les mots de «règlement de comptes»).

Je suis embarrassée lorsque l'organisateur introduit la prochaine communication en faisant part de notre discussion, mais j'ai malgré tout l'impression que les échanges suivants sont plus sereins.

Plus tard, la plus ancienne des auditrices (92 ans), qui vient ici chaque année depuis un demi-siècle au moins et était au collège avec une sœur d'Edith, se plaindra que les intervenants parlent trop vite et qu'elle ne comprend pas tout.
— C'est parce qu'ils lisent. Ils essaient de tout dire dans le temps imparti et c'est pour cela qu'ils parlent très vite.
— Mais pourquoi font-ils cela? Ils ne lisaient pas avant.
Je suis désolée pour elle, mais que dire? Il faudrait faire le deuil d'une partie de son travail, accepter de ne pas tout dire. Or les intervenants parlent devant leurs pairs, ils sont jugés, et pour certains, les plus jeunes, cela peut être décisif pour leur carrière future.

Pendant ce temps se poursuit le colloque Claude Cahun qui paraît encore plus houleux, dans la mesure où il aborde le thème du genre, confrontant de vieux (comprendre: historiques) surréalistes et féministes à une génération tendant vers le wokisme4.
A déjeuner, la jeune Espagnole, qui étudie à Venise et suit le colloque de Cahun, qui comprend le français mais parle en anglais, me confie son étonnement: «je ne comprends pas, les gens ne prennent pas la parole pour poser une question mais pour donner leur point de vue et faire une seconde conférence».
Elle me fait rire de bon cœur: «c'est vrai. Ce n'est pas comme ça en Italie? Je pensais que c'était toujours comme ça dans les colloques.
— Non. C'est impoli, n'est-ce pas?
— Oui, tout à fait. (traduction simultanée d'une conversation simplifiée par le bruit et le souci d'utiliser des mots simples dans une langue étrangère à nous deux).

Décidément, ces colloques donnent une furieuse envie d'une description à la manière de Balzac ou de David Lodge. (Le pastiche m'a toujours fascinée, mais je n'ai pas le courage d'essayer. Trop de travail (là aussi un trait décrit par Balzac: les gens avec des désirs mais qui ne travaillent pas pour les atteindre. Ce que dit également Proust. Peut-être que tous ceux qui travaillent beaucoup disent cela)).

Après le repas, traditionnelles photos (en noir et blanc) des colloques et «bibliothèque éphémère» qui permet de feuilleter les livres vendus à Cerisy… et de les commander. A ma grande surprise, H. en choisit trois, ce qui me permet d'en prendre autant en toute bonne conscience.

L'inconvénient de ces interludes (hier la visite, aujourd'hui la photo et la bibliothèque) est qu'elle raccourcit le temps pour les communications (d'environ quarante minutes chacune). Or il y en a trois, ce qui est inhabituel: la tradition est d'en faire deux, pour laisser davantage de temps pour les échanges. Sans doute aurait-il fallu prévoir huit ou dix jours et non pas six. Sans doute est-ce aussi l'une des raisons de la précipitation des communications.

Tout cela peut paraître très négatif, mais en réalité c'est très intéressant et amical. Nous nous sommes liés d'amitié avec un autre couple dans un configuration quasi identique à la nôtre (elle française intervient dans le colloque Cahun, lui américain l'accompagne et télétravaille). Ils vivent actuellement à Rome mais déménagent la semaine prochaine à Paris. Nous papotons également avec Miriam, espagnole à Venise, et Cristiana, italienne, toutes les deux au colloque Cahun, et Eve (Cahun aussi et à l'origine de débats houleux), française à Oxford. Il y a effectivement une proximité plus grande avec les Cahun: c'est que les Balzaciens sont intimidants et tendent à parler entre eux. C'est le cas pour tout colloque sur un grand écrivain, nous dit Edith, comme Proust ou Duras: les spécialistes du monde entier ont l'occasion de se rencontrer et en profitent. C'est légitime.

Mousse au chocolat.

Le soir, dans le grenier, lecture surréaliste par un acteur: dialogue imaginaire entre Birot (PAB) et Claude Cahun, reprenant des textes de l'un et de l'autre.
En apparté, l'acteur nous raconte que Giraudoux, arrivant devant l'affiche annonçant La Guerre de Troie, entra en colère. Le directeur du théâtre fit ajouter une bande en travers: «n'aura pas lieu».
Moralité, il n'y eut personne à la première ce soir là.

Puis quelques tours de tournantes au ping-pong à la cave avec une poignée de Balzaciens (les plus jeunes mais pas que).



Note
1: La fonction de ce pont a été théorisée par un anthropologue qui a photographié et analysé les groupes en circulation devant la porte: lieu de rencontre exemplaire, passage obligé, hauteur idéale du parapet pour se poser et poser ses fesses (je confirme), possibilité d'éviter certaines personnes ou au contraire prendre leur suite à l'appel des repas pour être assis proche ou loin d'elles.

2: Il y a eu deux précédents colloques Balzac, en 1980 et 2000. Celui-ci aurait dû se tenir en 2020 mais évidemment a été décalé par le confinement. Cela a mené l'un des organisateurs à commenter: «nous laissons aux suivants la difficile tâche de déterminer si le colloque suivant devra se tenir en 2040 ou 2042»).

3: Se souvenir: ne pas parler de Balzac et de psychologie sans citer Paul Bourget. Je ne sais plus de quel passage il s'agit. J'ai trouvé au moins cela sur google:
Balzac n'a pas écrit un seul roman à thèse. Son oeuvre tout entière n'est qu'un immense roman à idées. La différence est radicale. Le romancier à thèse est celui qui part d'une conviction à priori et qui organise sa fable en vu d'une démonstration ; le romancier à idées est celui qui part de l'observation, et qui par delà les faits dégage les causes. […] C'est dire que tout grand roman devient par définition un roman social. L'analyse psychologique est le procédé par excellence pour ce dégagement de vérités profondes. On ne saurait trop désirer que les romanciers contemporains pratiquent ainsi leur art. Ce dont la France actuelle a le plus besoin, c'est d'éducateurs de sa pensée, je n'ai pas dit de sermonneurs. La prédication n'a rien à voir avec la littérature d'imagination. Mais cette littérature […] a le droit, disons mieux, le devoir, de suggérer des hypothèses sur les faits humains qu'elle a enregistrés. Ces hypothèses elles-mêmes sont des suggestions pour le lecteur à qui elles apprennent à mieux se comprendre et à mieux comprendre son pays. Voilà notre service à nous.
«Note sur le roman français en 1921», Nouvelles pages de critique et de doctrine, Paris, Plon-Nourrit, 1922, p.130
4: Pour parler vite et simplifier: j'utilise le terme pour sa contemporanéité, sans en reprendre la connotation souvent négative en France, surtout chez les vieux birbes dont je tends à être.

L'anastomose du magnolia

Au petit déjeuner, deux étudiantes, une Espagnole vivant à Venise et une Italienne. La jeune Espagnole est morte de froid, elle est logée aux Escures et ses draps sont humides, elle a attrapé un rhume. Par chance Dominique Peyrou vient déjeuner à côté de nous, il commence à discuter en espagnol (débat sur la popularité de l'espagnol auprès des Français, nous soutenons qu'il est de plus en plus enseigné car il permet de voyager) et une solution est trouvée (je n'en avais jamais douté, j'avais déjà conseillé d'aller voir le secrétariat, Jean-Christophe est précieux).

Matin à la laiterie. Deux interventions. Je suis surprise, nous sommes sur du très technique et jargon littéraire, loin de ces communications qui vous prennent par la main et vous emmènent en promenade. D'un autre côté, la présentation du colloque le laissait pressentir.

Au déjeuner nous continuons la discussion avec un autre couple venu selon le même modèle que nous: monsieur en télétravail, madame en colloque (elle intervient sur Claude Cahun, elle est la dernière samedi, ce qui signifie qu'elle va vivre sur le grill toute la semaine). Ils habitent Rome et vont déménager la semaine prochaine pour Maisons-Alfort. Echange sur les prix parisiens. Discussion également sur la production agricole, les modes d'alimentation et la démographie puisque monsieur travaille à la FAO (l'organisation pour l'alimentation et l'agriculture pour l'ONU).

Première journée signifie visite du château. J'y assiste chaque fois car chaque fois j'y apprend des choses nouvelles. M.Queval (de la famille de Jean Queval, fondateur de l'oulipo) est absent, c'est donc Dominique Peyrou et Edith qui nous proposent une visite à deux voix. J'entends à nouveau l'histoire du manoir protestant «après la révocation de l'Edit de Nantes, il y avait trois choix: la résistance (et la mort), l'exil ou la conversion. Ici il s'agit d'une conversion particulièrement réussie puisque l'un des membres de la famille est devenu évêque, d'où la bizarrerie d'un clocheton épiscopal sur un manoir protestant».

Il a fait très chaud la semaine précédente et l'étang était quasi à sec («nous avons été à deux doigts d'appeler l'office de l'eau pour sauver les poissons»). Il y avait ici deux moulins pour travailler le lin. Le mur de soutènement qui s'est effondré en 2012 a été reconstruit après que les architectes de la DRAC aient souligné que cela permettait de conserver l'alignement avec le toit à l'impérial des escures (les écuries).
Dominique Peyrou nous fait sourire en rappelant ses convictions d'enfant: un trésor était caché dans la tour qui s'est effondrée. (Hélas, les travaux menés lors de la reconstruction ont prouvé qu'il n'en était rien. Mais l'espoir de l'enfance n'est pas éteint pour autant.)
Cependant, des paysagistes ont regretté que ne soit pas mis davantage en lumière le magnifique platane de deux cent-cinquante ans planté sans doute pour fêter un mariage. La réflexion sur l'amènagement se poursuit donc (il faudra revenir).

Il s'est tenu dans le mois un foyer de réflexion autour des arbres et Edith prend beaucoup de plaisir à nous nommer les différentes essences du jardin, nous présentant tour à tour chaque arbre. (Je pense à RC: «nous ne voyons que ce que nous savons nommer»).
Sur la terrasse aux tilleuls, Edith nous fait remarquer un banc (une planche en forme de feuille) avec une boule de bois au bout: c'est un point d'exclamation, hommage au soixante-dix ou soixante-quinze ans de Derrida (je ne sais plus), qui tenait à être à Cerisy chaque année pour son anniversaire (15 juillet).

Ancienne ferme. C'est l'endroit que j'ai vu le plus se transformer depuis 2008: espace de vidéoconférence accessible aux handicapés et possibilité de traduction simultanée («car la centralité de la pensée française est moindre») dans la laiterie en 2012-20131; espace tisanerie, spot wifi et salle informatique à la place de ce que j'ai connu comme une seule salle en 2008. Il y a maintenant onze chambres au-dessus dans ce bâtiment.
L'étable est toujours aussi belle. C'est le lieu où commence les visites publiques, car le château est ouvert aux visites guidées. Il y avait ici quatre-vingts vaches, mais lorsque le paysan est parti à la retraite, il a été impossible de lui trouver un remplaçant (ce qui me fait penser que les colloques devaient être odoriférants dans les années 60-70, avec bouses, mouches et hirondelles). L'endroit a donc été tranformé en lieu d'exposition et de performance.

L'après-midi nous déménageons dans la bibliothèque, ce qui est plus satisfaisant sur les plans esthétique et tradition. Le deuxième intervenant de l'après-midi est pris à parti sur le thème de l'épistémocritique. Je suis perplexe. C'est mon troisième colloque "long" (d'une semaine) ici et celui ne ressemble pas aux deux premiers: la dimension chaleureuse est absente, les questions à la fin des interventions sont teintées d'agressivité et il est difficile d'intervenir dans la mesure où ce sont les experts reconnus qui prennent la parole les premiers.

Après le dîner (et une magnifique charlotte), visite du verger. Je retrouve la treille palissée à l'intérieur d'une serre dont elle suit la courbe. Poiriers, pommiers, dalhias. Edith nous montre alors un magnolia présentant une anastomose. Le mot m'a fait rire par son incongruïté (jamais entendu parlé), mais le phénomène est étonnant. Difficile d'imaginer la circulation de la sève.


Il s'agit de la branche au centre de la photo qui fait un pont entre deux branches

Nous rentrons dans la nuit.



Note
1: comme cette salle était beaucoup utilisée par le séminaire de Jean Ricardou, la bibliothèque de celui-ci a été installée ici après sa mort, ce qui en fait aussitôt une salle beaucoup plus cerisienne.

Voyage

Vingt minutes de piscine avant le petit déjeuner. C'est sans doute ma dernière activité sportive avant dix jours. Cependant ce n'était pas une très bonne idée car cela nous a rendus chaffoins.

Petit déjeuner sur fond d'indigestion, H. déclare qu'il mange beaucoup et que nous ne nous arrêterons pas pour déjeuner.
Je sais par expérience que le croire totalement est dangereux: si finalement nous déjeunons, j'aurai beaucoup trop mangé pour la journée.

H. prend le volant. Direction Argentan en évitant L'Aigle. Décapotés: il ne pleut pas. Nous passons de la Beauce à la Normandie, forêts et vallonnement.

Argentan. Ahurrissement: cinq euros vingt pour deux cafés et une part de tarte.
Nous marchons pour nous détendre, l'Orne est au plus bas. Nous passons un long temps à baguenauder dans un magasin de déco. Un miroir nous plaît, mais difficile de le faire livrer.

Nous repartons, je conduis. Panneau annonçant avec fierté que le département plante des haies. J'hésite entre rire et colère, je me souviens encore du remembrement des années 70 qui au prétexte de constituer de grandes parcelles plus faciles à exploiter de façon intensive a conduit concrètement à l'appauvrissement de la grand-mère de H. (on prend vos terres éparpillées, on vous rend la même surface, mais pas de même valeur agricole: toutes les terres ne se valent pas et les notables paysans connaissent les bonnes personnes) et à l'éventrement des prairies derrière chez mes grands-parents.
Ce fut une catastrophe pour la Normandie lavée par les pluies, il aura fallu tout ce temps pour s'en rendre compte.

Tinchebray, très joli. Je découvrirai plus tard que c'est le lieu de naissance d'André Breton. Flers, Vire. Les routes sont de plus en plus petites; de loin en loin H. s'exclame «Même ici ils ont la fibre!»
Nous nous arrêtons dans le dernier village avant Cerisy. Diabolo menthe et achat d'un paquet de cigarettes que j'ai négocié: «ça facilite le dialogue devant la porte»1.

Arrivée. Nous serons dans l'ancienne ferme. Escalier petit et bas, je guette les réactions d'H., j'ai peur qu'il fasse la moue mais tout va bien, à cela près que j'avais oublié de prévenir H. qu'il n'y a pas de serrure aux chambres2. Aussitôt il s'émeut pour son matériel (il a apporté son informatique pour travailler); heureusement l'armoire à glace ferme à clé.
Nous sommes en avance, je lui présente les bâtiments, nous nous promenons. H. est séduit par l'orangerie, «la 4G passe très bien, je viendrai ici».

Un bus amène une trentaine de voyageurs de la gare la plus proche: l'époque où le train s'arrêtait à Carantilly sans que cela n'apparaisse sur aucun horaire officiel est révolu, ce qui induit des frais supplémentaires pour le château.

Premier repas dont choux au chocolat; premiers voisins et premières discussions, la salle à manger est bien plus bruyante que dans mon souvenir; je reconnais quelques cuisinières. Traditionnelle présentation, mais dans la bibliothèque et non pas dans le grenier. Je suis surprise par le nombre d'auditeurs, je n'en avais jamais vu autant, sans doute Balzac attire-t-il les amateurs.
L'autre colloque s'intéresse à Claude Cahun dont je n'ai jamais entendu parler, je déduis de la présentation de chacun qu'elle est poète, photographe, sans doute lesbienne ou transgenre, en relation avec le surréalisme. Georges Sebbag est l'un des organisateurs du colloque, je crois comprendre qu'il est l'un des derniers vivants à avoir connu André Breton.



Notes
1: dès le premier soir, sûr comme la mort, une jeune femme nous déclare «ça fait plaisir d'être accompagnée dans son vice, en Angleterre je suis très seule». La cigarette est une merveilleuse amorce de dialogue entre inconnus.
2: il y a des verrous intérieurs, installés au moment de mai 68 quand les Cerisiens étaient parfois trop entreprenants pour certaines Cerisiennes soucieuces de tranquillité.

Départ

Toutes les vacances le réveil a sonné à huit heures et demie. Notre vision de la grasse mat.

Départ prévu à deux heures. Croissants sur la terrasse. Arrosage des plantes en pot (il est prévu ici de fortes chaleurs la semaine prochaine). Rangement rapide de la maison (qui n'est désormais jamais vraiment en désordre, même si H me reproche de m'étaler). Fermeture de toutes les fenêtres (ça n'arrive jamais). Valises, je compte les jours sur mes doigts, six jours, sept robes, une que je sais que je ne mettrai pas car elle a de petites bretelles et il est prévu de la pluie, mais je ne la porte jamais, alors je l'emmène. Espoir et bêtise); un pantalon blanc pour demain (plus confortable en voiture, la peau sur le siège est désagréable); les sous-vêtements (leur couleur, leur texture, les bretelles amovibles pour être invisibles selon le tissu et la coupe de la robe (ces détails pour les messieurs qui se demanderaient comment une dame fait ses valises)); les chaussures (plates parce que c'est les vacances, mais malgré tout la paire dorée au cas où, et aussi parce que les robes plus courtes sont plus jolies avec un petit talon (non pas de basketts ou sneakers avec des robes. Ce refus catégorique est le signe le plus sûr de ma ringardise (je suis vintage d'esprit), je ne comprends pas qu'on en soit arrivé là, je me souviens du temps où l'on se moquait des basketts-costards des Américains, ça fait longtemps que c'est oublié, c'est un signe d'américanisation bien plus profond que le globish)); la trousse de toilette (le maquillage et le démaquillant sont lourds); des kleenex et des boules quiès; le pyjama, un gilet, j'ai fini. J'ajoute un livre, un seul (Balzac et son monde), je sais par expérience que je n'aurai pas le temps de lire. Et l'ordinateur et les chargeurs.

Je fais tout cela en écoutant la fin des Illusions perdues. Ce roman sur les éditeurs et les relations de la presse avec la politique me paraît tout à fait d'actualité, il suffit de lire ce billet de blog sur Paris-Match.

De son côté H prépare son matériel informatique: peut-il utiliser les deux ipads comme écran d'appoint (non); a-t-il téléchargé ce dont il aura besoin (car le débit sera faible à Cerisy); clavier, souris, chargeurs, fils divers. Cela représente un sac à côté de sa valise de fringues (pour être juste, reconnaissons que ce sac contient aussi un peignoir).

Je pensais avoir le temps de repasser: non. Repas tomates mozarella tartelette aux fraises, nous sommes prêts avec dix minutes d'avance. Dix minutes de retard après le chargement de la voiture (en évitant d'écraser un escargot à la coquille fêlée ce qui fait que je ne peux le déplacer).

Départ, petites routes dans la forêt vers Milly, Beauce vers Chartres, nous écoutons la tribune des critiques de disques, Schubert, toujours instructive (beaucoup aimé le Stabat Mater de Poulenc la semaine dernière).

Hôtel à Maintenon, celui de 2019 je pense (ou 2018?) Il m'avait laissé un très bon souvenir, il a survécu au confinement. Une demi-heure dans la piscine non chlorée, un quart d'heure au sauna.
Et excellent restaurant, une côte de veau d'anthologie.

J'ai oublié ma parka, j'espère qu'il pleuvra moins que prévu (hum).

Jour 15

- Quatrième sortie de canoë. Plus de quatre kilomètres. Progrès certains.

- Déjeuner chez "les filles", qui ne sont plus qu'une depuis que Laura est en congé maternité.

- Pas grand chose. Tome 6 d'Harry Potter, sieste, machine à laver et courses pour préparer notre départ. J'éprouve un certain trac, pourvu que ça se passe bien.

- Dame du Lac en terrasse. Sybille — que nous croisons chaque fois que nous sommes le soir dans les rues de Moret — vient m'apprendre que les entraînements en huit auront lieu le samedi après-midi, avec comme objectifs les courses d'Angers, du 11 novembre et du grand National en décembre. Si réellement c'est sérieux, voilà qui met un coup d'arrêt aux perspectives de planeur.

- Fin du tome 6. Je ne sais vraiment pas pourquoi je relis ça, ça ressemble à une addiction au chocolat ou aux cacachuètes: finir le paquet ou la tablette qu'on a commencé. Certaines remarques, certains dialogues, prennent un relief différent quand on a des scènes à venir en tête.

Les géorgiques

La dernière fois j'étais arrivée trop tôt (dix heures), cette fois j'arrive trop tard, les planeurs sont déjà sortis. Je reconnais un ou deux jeunes. Les conditions sont les mêmes que la dernières fois, «du thermique pur», comprendre un ciel d'un bleu pur, sans nuage. Cela complique la tâche des pilotes qui doivent trouver les ascendances (les pompes) sans repère, juste avec leur expérience du relief (quel endroit, plus ou moins humide, de couleur différente (toit ou carrière).

Un homme dans mes âges me raconte qu'il était pilote-instructeur, mais que suite à un problème de santé il y a trois ou quatre ans il n'a plus le droit de voler seul.
Je l'écoute en silence. Ça doit être difficile d'accepter de passer d'instructeur à tutoré. Il doit y falloir beaucoup d'humilité et de désir de voler. Peut-être que la connivence qui s'instaure sous la verrière entre deux pilotes confirmés rend la situation plus aisée. Mais c'est aussi un raccourcissement des vols, puisqu'il faut attendre qu'un instructeur soit disponible, alors que le brevet de pilote permet de longues sorties d'une après-midi entière (cinq heures environ).

Je révise la ligne droite et commence les vidéos sur les virages. La première sortie de l'après-midi se conclut par une «rowenta», c'est-à-dire que le planeur n'ayant pas trouvé de thermique revient au sol au bout d'un quart d'heure pour repartir aussitôt. (Rowenta pour la machine à laver? l'aspirateur? ai-je mal entendu? je ne trouve rien en ligne).

Je passe la deuxième. Ce n'est pas le même instructeur que la première fois. Nous revoyons l'assiette, j'ai tendance à être trop cabrée.
— Ce n'est pas trop piqué? On va descendre.
— Un planeur, ça descend toujours.
Gloups. Ce n'est pourtant pas l'impression que cela donne de l'extérieur. C'est comme les virages: j'ai toujours l'impression d'être beaucoup plus inclinée que le planeur ne doit l'être en réalité.

Ligne droite, compensation. «Essaie de tenir le manche plus bas, ça te donnera plus de précision». La difficulté, c'est qu'il y a un très court délai entre mon action et la réaction du planeur, et qu'en conséquence, j'ai tendance à trop corriger par impatience: «ça ne fait rien», donc j'insiste, et quand la correction intervient, elle est trop forte.

Tard dans l'après-midi après avoir rentré les planeurs j'aperçois cela sur le bar:

livre sur le comptoir extérieur du club de planeur


Un fil de laine

Quand je m'étais inscrite, Juliette m'avait prévenue: «il faut prévoir la journée entière parce qu'on a besoin d'être là pour manipuler les planeurs. C'est un sport collectif. On arrive à dix heures, il y a le briefing. Il faut amener un casse-croûte, on pique-nique ensemble puis on vole.»

Arrivée à dix heures, donc. Il y a du vent, la prairie est desséchée, je suis la première, j'attends. (Un anneau de manche à air égale cinq nœuds, 1,852 km; il faut compter avant la cassure (astuce: pour multiplier par cinq, multiplier par 10 puis diviser par deux)).

terrain devant les hangars des planeurs à Episy, 77


Des jeunes arrivent peu à peu, deux ou trois, entre seize et vingt ans peut-être. Le moins que l'on puisse dire est que je fais tache, une femme, âgée, débutante, qui pourrait être leur mère.
Ils disent bonjour et se taisent. Même entre eux ils se taisent. Difficile de savoir s'ils se connaissent.

Hangar.

le hangar des planeurs à Episy, portes fermées


Sortir les planeurs avec précaution, quinze à dix-huit mètres d'envergure, les piliers sont entourés de coussins. Le planeur a une roue avant. On lui en ajoute une au ras de la queue grâce à une roulette nommée B.O.1.

On équipe chaque planeur d'un parachute et d'une batterie (pour la radio). Les verrières se manient avec grande précaution, une seule méthode est possible. Parce que je suis nouvelle et parce qu'il n'y a rien à faire en attendant le briefing, Etienne me montre la visite de pré-vol, qui consiste à vérifier tous les profils du planeur (pas de bosse, de trous, de fissures), les instruments de mesure (que du physique marchant par pression, pas d'électronique), les commandes, l'absence de boulons qui se baladeraient dans les aérofreins.
Plus tard je me rendrai compte que cette visite ce fait plutôt en bout de piste, avant le décollage.

Vérification des golfettes. Carburant, huile. Remorquage de quelques planeurs en bout de piste.

Briefing. Différentes cartes, vents, températures. Je n'y comprends pas grand chose, à part qu'il y a du vent. Certains présents veulent partir en «campagne» vers Pont-sur-Yonne. J'apprendrai que cela s'oppose au «local», rester à proximité de son terrain de décollage / d'apprentissage. Partir en campagne, c'est prendre le risque d'un atterrissage «aux vaches», c'est-à-dire forcé, sur un terrain imprévu, parce qu'on n'a pas trouvé suffisamment de courants ascendants pour se maintenir dans les airs. Evidemment, il y a deux types d'atterrissages imprévus, celui sur un terrain d'aviation, à Pont par exemple, avec l'espoir de pouvoir être de nouveau remorqué et largué, ou dans un champ, auquel cas quelqu'un doit venir vous chercher avec une remorque pour ramener le planeur.

Déjeuner sur des tables sous les pins. Chaleur idéale. Peu causants. Loin de mes souvenirs de sandwichs jambon-beurre / chips / tomate. On est plutôt sur la boîte de salade composée, ce qui me paraît admirable pourde si jeunes gens. L'arrière des bâtiments est aménagé en terrain de camping, avec douche et vaste cuisine. L'instructeur-pilote dort en caravane. Il est embauché pour l'été.

Vers une heure et demie les premiers planeurs sont largués. Premier élève. Je passe en second.
Enfilage du parachute («Pour larguer la verrière, c'est ici. Après on se détache, et comme il n'y a rien pour s'éjecter, il faut se mettre accroupi sur le siège puis pousser fort comme au fond de la piscine.» (J'imagine la manœuvre dans un planeur en torche, aile cassée.) «Ça vous est déjà arrivé? —Moi non. En vingt-cinq ans, je connais deux personnes à qui s'est arrivé. Statistiquement, ça arrive surtout à des Allemands de 65 ans dans les Basses-Alpes.»2), présentation des différents instruments, mise en place d'un dossier parce que je suis petite, réglage des palonniers pour mes jambes courtes.
— Tu pèses combien?
— Soixante.
— Plus sept de parachute, et moi à l'arrière trente. Ça ira. Quand tu monteras seule il faudra prévoir des gueuzes. (Je suis surprise, je pensais qu'il fallait être le plus léger possible. D'un autre côté, en voyant les champions du monde, je m'étais dit que c'était faux.)

Je n'aime pas beaucoup la partie derrière l'avion remorqueur. Le vent nous secoue. Bruit fort, l'amarre est larguée, je ne l'ai pas vu, je regardais ailleurs. L'instructeur recherche des courants ascensionnels, on monte dans les pompes en virage continu, le planeur penché sur l'aile. Je n'aime pas être penchée, j'ai un peu le mal de mer (la prochaine fois penser à manger plus tôt), l'odeur de ma crème solaire me rend malade (la prochaine fois ne pas mettre de crème solaire), mes oreilles se bouchent et se débouchent plusieurs fois. Mais dans l'ensemble ça va. C'est beaucoup moins flippant que le parachutisme. Etre devant dégage tout l'horizon, c'est grisant, surtout que la verrière permet de voir également au-dessus de soi.

Cours sur les commandes, le manche à balai est intuitif, les palonniers sont durs et je n'ose pas appuyer dessus. Le vol se fait entièrement sur des repères visuels, il n'y a pas d'électronique (ou uniquement pour le dispositif anti-collision). Première leçon, voler droit, ne pas intervenir n'est pas une option car le planeur dérive aussitôt, l'air est invisiblement parcouru de courants, c'est mystérieux, «on a calculé qu'un pilote doit intervenir toutes les trois secondes».
Je prends les commandes, pas assez de palonnier, j'oscille (roulis), je ne suis pas satisfaite, mais tant pis. On rentre.
Atterrissage sans encombre, un peu inquiète mais tout se passe bien, dieu que nous roulons vite en arrivant à terre (la verrière est au ras du sol, imaginez un pare-brise qui permette de voir le sol défiler).
Sortir de l'avion (j'ai mis la main n'importe où sur la verrière, horreur et damnation), dégager la piste, enlever le parachute, arrimer le planeur à la golfette, tenir l'aile (une seule), le ramener en début de piste.
Pour ceux que ça intéresse, vidéos accueil et la ligne droite.

Ce qui m'a le plus amusée et enchantée, c'est le fil de laine: un fil collé sur la verrière qui donne l'orientation du vent relatif quand le planeur est en vol. Un fil à plomb inversé, en somme. Quelle simplicité, quelle évidence.

Fil de laine au sol (dans les air, il est plaqué contre la verrière et indique l'inclinaison du planeur).

fil de laine sur la verrière  d'un planeur


Je suis épuisée. je m'endors sur la prairie en attendant le retour des derniers planeurs. Remorquer, nettoyer, rentrer dans le hangar.
Retour à la maison.





Notes
1: Je n'ai pas demandé ce que cela signifiait. Après quelques recherches, pas sûre qu'ils auraient su répondre: «Bourget-Opéra», selon la ligne de tramway Bourget-Opéra.
Il existe une anecdote plus précise:
Un chef d'équipe du Bourget demandait à ses mécanos de rentrer un avion alors que la soirée s'avançait. L'un des mécaniciens s'exclama «Mais chef, je file, j'ai le BO qui va partir». Sur quoi le patron Didier Daurat, qui passait dans le hangar, l'aurait attrapé par la manche en lui désignant le chariot: «En fait de BO, prends donc celui-là!».
2: Je suis perplexe: quelle est l'information importante dans ce profil, la nationalité, l'âge ou la géographie?

Aller-Retour à Blois

O. et Y. sont passés nous chercher pour descendre ensemble fêter l'anniversaire de papa. C'est amusant de monter à l'arrière et d'être relégués à l'état de passagers. Le début de l'irresponsabilité, nous ne sommes plus en charge.
J'avais l'intention d'en profiter pour continuer Illusions perdues, mais en l'absence de mes écouteurs oubliés, je me suis rabattue sur le seul livre disponible dans la voiture: Harry Potter and the Goblet of Fire (Y est une grande fan).

Y. a eu droit à une démonstration de mes troubles du langage.
Elle n'était jamais passée devant Chambord et j'ai donc voulu la prévenir: «Ce n'est pas le meilleur moment, ses cheminées sont couvertes d'escabeaux».
Y interloquée, les autres rient aux larmes: «Echaffaudages, nous on parle l'Alice couramment».
Eh oui, j'utilise très souvent un mot pour un autre, simplement parce qu'il commence par la même lettre. C'est bizarre.

Après les jours de fortes chaleurs, il a fait plutôt doux. Déjeuner sur la terrasse. Champagne (beaucoup). A. part aussitôt après sa longue sieste, nous n'avons pas eu la présence d'esprit de faire un selfie à cinq pour notre groupe WhatsApp.

Ma mère a eu une réaction brutale et blessante lorsque j'ai suggéré que nous pourrions organiser quelque chose pour les quatre-vingts ans de sa sœur. Je ne comprends pas bien ce qui se passe.

— Qu'est-ce qu'un palindrome?
— Un mot qui est identique à l'envers, comme radar, kayak…
— Ah non, kayak à l'envers, ça fait «gloub».

— Quelle est la différence entre wallon et un flamand?
— Un Wallon c'est blond et un Flamand c'est rose.

Jour 1

Premier jour des vacances.

- quatre de couple. Xavier et deux Sandrine. De nouveau à la nage. Bateau moins harmonieux que mercredi, mais comme je maîtrise mieux le couple, je peux compenser techniquement.

- courses pour préparer lundi puisque demain nous ne sommes pas là et que lundi vient Catherine en famille.

- apéro avec une connaissance politique qui a vécu longtemps à Moret (il connaît bien les problèmes d'urbanisme. Toujours le même engrenage, les gens ne veulent pas que se construisent de nouveaux logements près de chez eux et s'étonnent que le mètre carré augmente: ben oui, en fait, ça va ensemble, si tu veux que ça baisse, laisse construire!) et qui vit maintenant à Libourne. Il nous ramène le château Fleur d'Eymerits que nous lui avions commandé sur sa recommandation.

- deux paninis au bar des capitaines à St Mammès. Je voulais essayer l'endroit parce qu'il est idéalement situé (le long de la Seine), et qu'il est ouvert le lundi: cela aurait pu servir de repli si Catherine s'éternisait.
Mauvais, fortement déconseillé. Les paninis finissent à la poubelle, discrètement (ou plutôt dans un buisson, pour engraisser les pies et les chiens errants).

- deux glaces sur la place principale de Moret. Le groupe est bien meilleur que celui de la semaine dernière.

Je m'endors sur mon clavier. Tard dans la nuit je prépare un bavarois à l'orgeat pour lundi.

Le bonheur du jour

Les blogueurs historiques convolent.

Mais que cela fait plaisir. Je les lis depuis si longtemps, ils font partie de mon univers alors que je les connais si peu (ou très bien, mais pas — si vous comprenez ce que je veux dire), c'est comme si Yoko Tsuno épousait Lucky Luke.

Et dans ta face (dans vos faces), tous les rageux qui m'expliquent que les écrans/internet c'est le mal, et qu'eux, ils préfèrent la vraie vie.

Ensemble à Paris

Matin : nous déposons des caisses de rosé chez Toufik. C'est le préféré de sa femme, mais il faut le commander sur internet et Toufik ne sait pas le faire (mais quel assisté). Alors, comme nous faisons partie de la coopérative des clients de Toufik, nous nous en sommes chargés.

Soir : retour à GroundControl. H. en retard car la ligne 14 est interrompue pour travaux. Nous dînons coréen. Les petites boutiques contre le mur sud (grecque, italienne, coréenne, américaine) sont savoureuses. On emporte son assiette et on s'assoie aux grandes tables communes.
Seul inconvénient: c'est très bruyant.

je repère un futur événement Dragqueen et pense à Matoo.

Je regarde les jeunes gens, leurs vêtements, leur façon de se mouvoir. Ils n'en finissent pas de m'émerveiller (est-ce parce que je n'ai jamais eu l'impression d'être jeune et insouciante?)

Nous sommes très fatigués. En sortant par le portail sud, il suffit de continuer tout droit pour arriver à la gare routière de gare de Lyon (derrière le hall 2).

Quatre sans

De nouveau il fait très chaud.

Quatre sans (quatre de pointe sans barreur). La nouveauté est que je suis propulsée à la nage, Xavier ayant décrété que j'étais «une bonne nage» (ça fait toujours plaisir).
Le problème est que je manque d'expérience en pointe. Je m'épuise à tenir le rythme et surtout à «pousser des coups forts» (je ne savais même pas que j'en étais capable). La ténacité mentale acquise a l'ergo m'est utile. Papillons noirs sur le ponton en descendant de bateau. Je flageole.

Pas d'oiseaux (trop chaud?) mais beaucoup de libellules: cela correspond-il à un cycle ou est-ce dû à la chaleur?

Traditionnel repas le soir devant le club. Des petites mouches mordent douloureusement. Il fait bon.

La Seine à 22h38.

ponton de l'ANFA - nuit d'été


Au retour, la route de Bourgogne est bloquée par une voiture de gendarmerie qui laisse passer un camion-pompier. Je fais un grand détour par Fontainebleau pour rentrer.

Il fait encore très chaud à l'étage. Je parviens à faire quelques étirements, j'ai mal partout.

Book d'oreilles

Ayant terminé (avalé) The boys, je me dis une fois de plus d'une part que les séries me mangent mon temps (donc ma vie) et que je devrais arrêter cette addiction, d'autre part qu'il va falloir recommencer à en chercher une qui vaille la peine (quête frustrante car offrant beaucoup de déceptions).

C'est à ce moment-là que je me suis dit qu'il faudrait revenir à Balzac. Le colloque est dans trois semaines et je n'ai lu qu'un tome et demie de pléiade. A la vérité je n'ai pas le courage de lire. Ça me fatigue les yeux, je ne tiens pas assise, j'ai les muscles qui chauffent. Je ne sais plus me détendre. Il faudrait ajuster mes lunettes.
J'ai donc fait une recherche sur les livres enregistrés et je suis tombée sur Book d'oreilles. (C'est nul mais ça me fait rire).

J'ai téléchargé Illusions perdues. Je l'ai lu il y a très longtemps, en 1986, en première année à Sciences-Po. Je me souviens qu'au fur à mesure que je lisais les descriptions de la morgue angoumoisine, je comprenais mieux ce qui m'était arrivé l'année précédente en hypokhâgne à Versailles: «tous avaient pour lui l’accablante politesse dont usent les gens comme il faut avec leurs inférieurs.»
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.