Les six derniers kilomètres de Pékin à Montgeron

Un paquet est arrivé chez nous il y a une semaine (ou dix jours, nous n'allons pas souvent relever le courrier). Il n'était pas pour nous : même numéro, même rue, mais dans la ville voisine.
Je voulais le remettre dans une boîte aux lettres, mais selon H. il avait été amené par un transporteur (donc non timbré). J'ai décidé de le porter moi-même à la bonne adresse.
— Mais pourquoi tu t'embêtes? On l'ouvre et on le garde ou on l'ouvre et on le jette, a dit H. après des recherches sur Google maps pour tenter en vain de trouver une photo de l'usine chinoise d'où venait le paquet à partir des indications sur l'emballage.
— Ecoute, il a traversé la moitié de la planète, ça m'ennuie que ce soit pour rien. Echouer si près du but…

Ce soir, peu avant minuit, un spider rouge s'est donc arrêté devant un pavillon des années 50 à la porte entourée de carreaux blancs vernissés. Assis sur le perron sous la véranda, quelqu'un fumait, une bouteille de bière à la main.
Une femme en manteau rouge est descendue de la voiture, a tendu le paquet à travers la grille :
— J'habite la même adresse que vous, mais à Y…, a-t-elle dit.
La fumeuse, un peu hésitante, a tendu la main :
— C'est original.

Un coup de fil de Joseph

Mon oncle a appelé pour confirmer qu'il viendrait en juillet.

— Est-ce que tu as invité Marion ? parce qu'elle ne fait plus partie de la famille.
— Non, je ne l'ai pas invitée. Je pense que maman n'a pas envie de la voir.


Plus exactement, je crois qu'elles sont à couteaux tirés, mais je ne l'ai pas dit à Joseph. Mais il doit le savoir.

J'ai alors soudain compris que j'avais évité une gaffe monumentale : cela aurait été également les cinquante ans de mariage de Joseph et Marion — sauf qu'il ont divorcé il y a plus de vingt ans.

Triste nouvelle

Hocq est mort mardi. Je l'ai appris presque par hasard, par un collègue.
La mort rôde.

Soleil et lapsang souchong

Seine à neuf cents mètres cubes par seconde. C'est sans doute parce qu'il fait moins froid que nous avons été autorisés à sortir. Le soleil ramène les rameurs : quatre yolettes à midi.
Moi à la nage, Jean-Charles au un ; entre les deux Jean-Claude et ??. J'ai mal ramé, je me suis laissé imposer la cadence par les nouveaux de l'année.

Thé et repas chez Mariage ; allemand.
Nous continuons à traduire Tillich. Huit étudiants dans la salle, huit phrases traduites en une heure et demie. Le croirez-vous, c'est plaisant, sauf pour l'Autrichienne bilingue et le Berlinois quasi bilingue qui s'ennuient.

Novalis et Schelling, le romantisme et l'idéalisme, ont beaucoup joué sur ding / unbedingt, la chose et l'inconditionné (ou l'inconditionnel selon les contextes), in-chos-éifié, «une étymologie fantaisiste comme Heidegger en construira tant».
«Si vous voulez en savoir plus, lisez la conclusion d'un de mes ouvrages. — Vous voulez dire votre thèse ? — Oui, Au commencement la liberté. Mais inutile de lire les cinq cents pages, la conclusion suffira.»

Le soir je termine Jerry Maguire et je revois Indian Palace. Je songe à Kipling en regardant les images et en écoutant la voix off de Judi Dench. Quel étrange sortilège lie à jamais anciens colonisateurs et anciens colonisés, fascinés l'un par l'autre.
La jeune indienne sera l'actrice de Sense 8.

Finance et théologie

Les deux notes de ma journée.

Comité d'audit annuel puis une conférence très technique de Vincent Hozler sur la foi trinitaire. (Elle sera sans doute en ligne dans peu de temps).

Citations patristiques (Irénée, Augustin), scolastiques (Anselme, Thomas), contemporaines (Barth, Urs von Baltasar, Rahner). Elaboration intellectuelle de haut vol autour du caractère testimonial et dialectique de la foi trinitaire.

Je retiendrai simplement : se méfier de la voie courte de l'analogie. «Je préfère la voie longue de la dialectique, plus longue et plus périlleuse.»

Je sais que c'est très vrai dans mon cas : il y a une paresse à se débarrasser d'un problème par une image, un parallèle, une analogie, plutôt que passer par le long détour de l'observation et du commentaire. Lire et mûrir.

N'empêche que tout cela est très complexe. Est-il vraiment utile de se tordre ainsi les méninges sur des sujets où quoi qu'il en soit nous ne pourrons pas mener d'expériences pour valider ou invalider nos thèses?
J'en discute avec Jean-Marc en sortant. Il en ressort deux axes : d'une part cela permet tout de même de clarifier ce qui n'est pas vrai, ce qui ne peut être soutenu. Ce n'est pas parce que ce n'est pas vérifiable en élaborant les conditions d'une expérience que ce n'est pas vérifié dans l'existence (dans l'expérience vécue, celle qui survient). Tout n'est pas vrai, certaines propositions peuvent être résolument écartées, avec certitude : lire et réfléchir permet de savoir lesquelles avec décision. D'autre part cela dépend des personnes avec qui l'on discute. Mon entourage est généralement curieux, bienveillant, il lui convient mieux de faire appel aux récits et à l'affect. Avec d'autres qui tendent à vous prendre de haut sur le thème «je ne crois pas à ces racontars de bonne femme», il est bon de prouver qu'il y a derrière tout cela une solide et très fine réflexion philosophique et anthropologique.

Le comité d'audit s'est terminé si tard que je n'ai pas eu le temps de dîner avant la conférence. En sortant je vais prendre un mojito et manger des cacahuètes.

Encore des doubles

Matin
Liturgie des Rameaux : depuis combien de temps n'avais-je pas assisté à cette messe ? Longtemps sans doute, car je découvre (comment est-il possible que je ne le découvre que maintenant? Sans doute suis-je devenue très sensible à la forme de la liturgie) qu'il se lit ce jour-là deux évangiles, le récit de l'entrée victorieuse à Jérusalem (les Rameaux) et le récit de l'arrestation, du jugement, des brimades, de la crucifiction et de la mort.
Trente-cinq minutes suffisent à illustrer la versalité de la foule, des acclamations enthousiastes à la mise à la mort. Quel raccourci.


Catéchisme. (Je ne peux m'empêcher de commenter les lectures, de m'assurer qu'ils ont compris ce qui s'est passé: vade mecum de la protestation minimale. Ne pas hurler avec les loups («si vous n'êtes pas d'accord, partez. Il ne faut pas forcément dire quelque chose, ça ne sert à rien de se faire tabasser. Mais si vous n'êtes pas d'accord, partez. Ne soyez pas complices.»)
Le thème du jour est le juste (six illustrations : Blandine et les lions, Chambon-sur-Lignon, Martin Luther King, les moines de Tibririne, le père Popielusko et Albeiro Vargas que je découvre). Triste coïncidence, j'évoque Arnaud Beltrame.


Après-midi.
Trente ans de la Fondation Gan pour le cinéma. Il y avait des places à gagner. Pour multiplier mes chances je me suis inscrite à plusieurs séances. Je me retrouve donc avec deux fois deux places, et comme hier, je suis seule.

L'année suivante d'Isabelle Czajka. Anti-film, sans événement, pendulation dans la banlieue sur fond de magasins entrepôts.
Le spectateur attend. Il attend qu'il se passe quelque chose. Le professeur de français, le moniteur de tennis, l'agent immobilier : un premier amour? Et puis non. La pièce de théâtre, un succès, quelque chose? non plus. Une amie qui part pour l'été. La perte du sac avec les affaires du lycée, un déménagement. Et puis l'âge adulte, sans emphase.
Film très impressionnant par sa maîtrise de la temporalité qui passe par les paysages, la disparition du paysage absorbé par les magasins entrepôts. Le temps vu à travers les saisons et les vêtements.

Anaïs Desmoutier et Ariane Ascaride après la séance soulignent le parti pris délibérément anti-hystérie du film. La banlieue est le lieu où l'on devient invisible, où il ne se passe rien. Absence de centre, absence de relation. Solitude monstrueuse elle aussi avalée par l'environnement.
Film très surprenant.

Le deuxième film est très différent. La loi de la jungle est un film déjanté, un hommage à la Guyane, une critique des bureaucrates et des financiers qui nivellent le réel sous des chiffres et des normes. C'est une dénonciation beaucoup plus radicale qu'il n'y paraît de la société, de sa folie et de sa cupidité.
— Je ne suis pas comme toi, moi, je ne suis pas payé au physique.
— Tant mieux pour toi car tu ne gagnerais pas lourd.
Antonin Peretjatko et Vincent Macaigne interviennent à la fin de la séance. Ils ont eu beaucoup de chance : tous les animaux, les chenilles, les araignées, les insectes, sont vrais, survenus au bon moment (la luciole aux yeux verts). Le film a été tourné à la limite de la saison des pluies car la forêt est plus belle, verte, luisante (et non poussiéreuse), Peretjatko a choisi de tourner chaque fois qu'il voulait tourner, sans attendre qu'il pleuve ou fasse soleil.
Il dénonce la tendance des entreprises à remplacer des salariés par des stagiaires, paupérisant toute une génération.
Vincent Macaire intervient à plusieurs reprises, très nature. Comme pour Anaïs Demoustier, je suis surprise par le volume de son corps, plus menu en réalité qu'à l'écran.

Au total, de belles découvertes. J'avoue que j'avais très peur de tomber sur des films dickensiens du type Y aura-t-il de la neige à Noël? (une autre fondation Gan) qui m'ennuient (bref, pas mon genre).
Pas du tout et tant mieux.

Je ne suis pas de gauche

Cela ne s'est pas vu ici, mais le billet "ça se confirme, je suis de droite" a occasionné sur FB une longue dispute, conversation où le ton a monté à la faveur d'un malentendu. (Qu'il soit écrit ici que ce texte serait à l'origine de la propagande de la NRA).


Si je reprends le sujet aujourd'hui, c'est que Mélenchon a déclaré aujourd'hui, jour de grève des cheminots et de la fonction publique, qu'il détestait «ce statut d’autoentrepreneur : on gagnait 3000€, on avait des paies de crevards !»
Pour mémoire, 83% des Français gagnent moins de trois mille euros mensuels.


En 2008 à Yerres nous avons fait campagne pour le Modem aux municipales en soutenant le parti socialiste. Lors d'une réunion, les encartés socialistes ont reproché devant nous à Véronique Haché-Aguilar de s'être alliée avec la droite (les méchants de droite). Elle a répondu avec beaucoup d'embarras, comme si nous étions pestiférés, arguant de son père mineur et de sept frères et sœurs pour défendre la sincérité de son engagement à gauche.
Mais à la fin de la réunion, quand nous avons rangé chaises et tables, elle a refusé de prendre le balai : «je ne sais pas faire, je n'ai jamais balayé».
Ce soir-là, j'ai balayé la salle. Parce que moi, je sais balayer. J'ai balayé et je balaie encore, même si je n'ai pas sept frères et sœurs.


Avant cela il y avait eu ce billet de Slothorp (du 5 octobre 2006 mais qui me paraît raconter une anedote de 2002) qui m'avait tant fait penser à mon beau-frère, si fier d'être de gauche mais n'osant avouer à son père combien il avait payé son appart. J'extrais juste quelques phrases (en dénaturant le propos du billet puisque son sujet était plutôt de démonter les héros de papier) :
Il [Un ami] se disait de gauche, et je devais être à ses yeux une sorte d’anarchiste de droite qui flirtait paradoxalement avec le fascisme. […] Les journalistes parlaient alors d’une repolitisation de la jeunesse, montrant par là à quel point ils n’avaient rien compris, à quel point aussi la situation allait perdurer pour les cinq ans à venir [après mai 2002], à quel point enfin Le Pen n’était que le pendant bien pratique de tout ce système, l’épouvantail qu’on agitait pour faire peur aux enfants et les faire rentrer dans le rang. Bien sûr, après la première réunion de section du PS où il se rendit, il fit comme beaucoup de ces adhérents émotionnels : il n’y remit plus jamais les pieds. On voulait bien être de gauche, montrer sa carte pour le prouver, mais coller des affiches dans le froid, il n’en était pas question. […]
L’autre jour, nos amis communs qui continuent à le voir m’ont raconté l’anecdote suivante : à la naissance de son enfant, ce type, énarque installé, qui doit gagner trois à quatre fois le revenu moyen d’un Français, s’est débrouillé pour avoir une place en crèche publique, simplement en faisant jouer ses relations. Ce n’est pas grand chose, l’entorse n’est pas si grave. Mais c’était une épreuve, une tentation : utiliser ou non un passe-droit inique, injuste socialement et marqué du sceau du mépris de classe. Il a cédé sans une once de mauvaise conscience, tout en poursuivant ses discours de résistant.
Oh, ils ne sont pas mieux à droite. Mais au moins ils n'ont pas bonne conscience : ils n'ont pas de conscience du tout. Je trouve ça reposant (ou hilarant comme dans le cas de Fillon).
Ou pour le dire autrement, (re)voir La Crise.

Le symptôme

Il est temps que je change de travail. Le symptôme est toujours le même: je me mets à aller au cinéma n'importe quand pour voir n'importe quoi.
Aujourd'hui à la Défense Le labyrinthe 3: le remède mortel. Un peu choquée que le mec qui apprend que son sang peut sauver l'umanité aille s'enfermer à l'écart.
Je suppose que ça permettra de faire un 4.
Sinon c'est comme d'hab: pas de réhabilitation pour celui qui a trahi. Il mourra forcément à un moment donné, en se sacrifiant pour la bonne cause si son remords est réel.

Rendre souffle

Ce soir Antoine était de retour. Il nous a raconté la dernière semaine de sa femme : elle a dormi toute la semaine, il est resté avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Puis l'équipe médicale est venue lui dire qu'il était possible que sa femme s'abstienne de mourir parce qu'il était là : il était sans doute souhaitable qu'il la laisse pour lui donner la possibilité de lâcher prise.
Il est allé se promener avec la sœur jumelle de sa femme et un ami.
Quand il est revenu, sa femme était morte.

Et je me suis souvenu du désespoir de Danièle il y a quelques années : «Tu te rends compte, je l'ai veillé jour et nuit, et il est mort pendant que j'étais à la machine à café.»

Et d'un autre témoignage en ce sens, encore.

Ainsi donc ce que je pensais un hasard malheureux relèverait d'un dernier acte délibéré.
Ça renverse toute la perspective.

Ça se confirme, je suis de droite

Retrouvé dans ma boîte mail (Rhotull, c'est toi, le 9 décembre 2010).

A l'époque je devais en être moins sûre, je n'avais pas fait suivre.
Patrick, tu pourras ajouter : Quand un contact FB de droite n'est pas d'accord avec toi, il passe à autre chose, quand un contact FB de gauche n'est pas d'accord, il te défriende.

Quand un mec de droite n'aime pas les armes, il n'en achète pas.
Quand un mec de gauche n'aime pas les armes, il veut les faire interdire.

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Quand un mec de droite est végétarien, il ne mange pas de viande.
Quand un mec de gauche est végétarien, il veut faire campagne contre les produits à base de protéines animales.

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Quand un mec de droite est homo, il vit sa vie tranquillement.
Quand un mec de gauche est homo, il fait chier tout le monde pour qu'on le respecte.

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Quand un mec de droite a loupé un job, il réfléchit au moyen de sortir de cette situation et rebondir.
Quand un mec de gauche a loupé un job, il porte plainte pour discrimination.

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Quand un mec de droite n'aime pas un débat télévisé, il éteint la télé ou zappe.
Quand un mec de gauche n'aime pas un débat télévisé, il veut poursuivre en justice les cons qui disent des conneries. Le cas échéant, une petite plainte pour diffamation sera bienvenue.

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Quand un mec de droite est non-croyant, il ne va pas à l'église, ni à la synagogue ou ni à la mosquée.
Quand un mec de gauche est non-croyant, il veut qu'aucune allusion à Dieu ou à une religion ne soit faite dans la sphère publique, sauf pour l'Islam.

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Quand un mec de droite a besoin de soins, il va voir son médecin puis s'achète les médicaments.
Quand un mec de gauche a besoin de soins, il fait appel à la solidarité nationale.

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Quand l'économie va mal, le mec de droite se dit qu'il faut se retrousser les manches et bosser plus.
Quand l'économie va mal, le mec de gauche se dit que ces sales patrons s'en mettent plein les fouilles et ponctionnent le pays.

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Test ultime :
Quand un mec de droite a lu ce test,………… il le fait suivre.

Et donc voilà : depuis 2010 j'ai vieilli et je suis de plus en plus réac. Evolution normale.

La vérité, au fond

H. était à Tours pour la journée. Un ami cherche à recruter des informaticiens et H. les rencontrent pour vérifier leurs compétences.

Ils recherchent des candidats qui croient et aiment l'informatique tout en ayant compris que cela s'appuie sur les mathématiques. C'est volontairement que je décris cela de cette façon un peu étrange car H. se heurte toujours aux mêmes limites : des candidats qui n'ont pas le réflexe d'utiliser les mathématiques (même au niveau le plus simple, les problèmes d'ordres de grandeur, de dichotomie, de tri, de matrice), des candidats pour qui l'informatique n'est pas un mode d'être (il recherche des enthousiastes, des amoureux, des personnes qui vivent par l'informatique. Evidemment, c'est non seulement difficile à écrire dans une offre d'emploi, mais c'est également rare).
Je le rejoins gare de Lyon. Il oscille entre découragement, ébahissement (il me raconte un entretien de la journée : « il avait envie mais il ne savait rien»), exaspération.

Nous rentrons en voiture sous une pluie battante.

Je lui parle de l'invitation de Nicolas, de mon souhait d'inviter mes camarades de la catho. Il soupire. Je parle tout doucement:
— Mais pourquoi soupires-tu? Ce sont des médecins, des ingénieurs, des contrôleurs de gestion. Vous avez des sujets en commun, tu t'entendras avec certains, tu n'es pas obligé de parler religion et ils n'essaieront pas de te convertir.
Il répond, lui aussi très bas:
— Mais justement, pourquoi… (sous-entendu, pourquoi des gens comme ça, avec ce cursus-là, croient-ils en Dieu? Quelle bêtise, quel dommage, quelle perte du bon sens…)
Pour une fois je dis le fond de ce qui est, de ce que je n'ose jamais dire parce que c'est personnel, aussi personnel qu'une déclaration d'amour:
— Parce que nous avons rencontré le Christ et que nous l'aimons.
Silence.
Il reprend du poil de la bête:
— Comme dirait Coluche, si tu le croises, salue-le de ma part.

Expliquer l'utopie à un Millenial

« J'avais des amis qui partaient à Katmandou, d'autres dans des kibboutz, mais au fond c'était la même chose. »

La définition d'un athlète

Yolette. C'est la première fois que je rame au CNF depuis le 14 décembre, depuis l'hospitalisation de H. Il fait doux, la Seine est grosse. Aller-retour dans le petit bras. Florian, Dominique, François, Anne-Sophie.

Dans les vestiaire, discussion avec Dominique, prof de gym à la retraite. Elle est pleine d'entrain. Nous parlons décontraction de la langue et de la mâchoire, j'évoque mon kiné, la méthode Mézières que j'ai connue par Thérèse Bertherat, Le corps a ses raison.

Elle raconte : « Quand nous nous entraînions pour le salto au cheval d'arçon, on nous demandait de siffler "Il était un petit navire" en faisant le mouvement. Je sifflais pendant la course, bien concentrée, je prenais mon élan sur le tremplin, et là, impossible, j'arrêtais de siffler. Eh bien il y en a certains, prise d'appel, (elle fait le geste de s'enrouler avec les mains) rotation, gainage impeccable, et réception (elle tend les mains en V vers le plafond), et le tout sans s'arrêter de siffler. Eh bien ça, tu vois, c'est ça un vrai athlète.»

Sur la prière

Un vieux jésuite reçevait un paroissien qui s'accusait d'avoir des distractions pendant ses prières.
— Vous avez de la chance, moi j'ai des prières pendant mes distractions.


(Commentaire invitant à l'indulgence : «tant qu'on ne prie pas on n'a pas de distraction pendant ses prières.»)


« L'inverse du péché n'est pas la vertu (quand on a fait un peu de psychanalyse, on sait ce que peut cacher la vertu), c'est l'action de grâce. »

(ce qui me rappelle Mgr Pansard : « il n'y a que trois prières : pardon, merci, s'il vous plaît. » )

Dimanche

Je retourne ramer — pas très tôt, j'arrive après la constitution des yolettes. Je sors en skiff. Courte sortie, une dizaine de kilomètres au lieu des quinze habituels. J'ai l'impression que les muscles de l'arrière des cuisses ont raccourcis. Cela ressemble à des courbatures-contractures : il est temps que je m'y remette.

Il fait magnifiquement beau, je regrette d'avoir mis un collant et un polo à manche longue.


Mes beaux-parents passent à l'improviste. J'ai toujours honte que nous les recevions avec réticence alors qu'ils nous ont tant aidé pour garder les enfants. Mais c'est difficile de comprendre cette obstination à prévenir au dernier moment alors qu'ils savent qu'ils seront à Paris depuis des semaines. Ils ne s'éternisent pas.

Je pensais me coucher tôt mais une chose en entraînant une autre… Comme vivre n'est qu'un enchaînement de détails.

Envoi des invitations

Journée sur FB.
Pointage et envoi des invitations, il me manque quelques adresses. J'ajoute un mot pour que les voisins de mes parents ne papotent pas avec ma tante — que je ne préviendrai qu'au dernier moment, de peur qu'elle ne vende la mèche. Mes tantes sont un problème : si je les préviens trop tard elles risquent de se vexer — d'être brusquées, de ne pas avoir le temps de s'habituer à l'idée — et de ne pas vouloir venir, mais si je les préviens trop tôt, je suis sûre qu'elles vont avoir la langue trop pendue. Et puis je redoute leurs réflexes d'oiseau de mauvais augure. Je ne veux plus parler qu'à des personnes optimistes et encourageantes.

A ce propos, Françoise P*** à qui je demandais son adresse par sms m'a aussitôt appelée. C'est mon plus grand soutien depuis le début, elle trouve l'idée formidable.

L'éducation sentimentale

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RER A vers La Défense, matin

Je ne suis pas inquiète, tout va bien se passer

Je n'ai pas fini mon grec, je n'ai pas osé me lever trop tôt pour ce faire de peur de m'endormir au volant dans la journée.

Je dépose O. à la gare, récupère Kamel à Versailles Chantier (une heure et demie pour faire trente kilomètre ; je suis passée devant les parc du château de Sceaux, il faudra le visiter un jour. Larges pans de friches aux abords de Fresne), nous partons pour P***.

Impossible d'avoir du réseau, Waze en carafe, pas de carte routière dans la voiture (erreur) : « On va faire ça à peu près : commençons par Chartres. » Il fait gris, froid (six degrés : je surveille la température pour décapoter si possible). Quand j'ai envoyé mardi un mail à mes camarades de classe pour leur dire que j'allais à l'enterrement, j'ai proposé trois places. Le seul qui m'a répondu est Kamel, qui a abandonné les cours il y a deux ans mais que nous voyons encore (il faisait partie des buveurs du soir, au café, du temps où les cours étaient à huit heures trente. A. aussi. Aucun des autres, apparemment, n'a pu se libérer). Cela confirme ma conviction : les enterrements sont le seul événement familial où nous ne sommes pas invités — nous sommes prévenus. Ceux qui se sentent concernés viennent.

Nous discutons de nos motivations, de nos hésitations. Nous avons eu les mêmes interrogations : n'allons-nous paraître déplacés, ostentoires à avoir fait tant de kilomètres pour quelqu'un que nous ne voyons que deux heures par semaine (depuis sept ans malgré tout, avec qui nous partageons des convictions fortes) ? La femme de Kamel était plutôt réticente, pour ma part j'avais posé la question lundi soir au professeur qui nous avait avertis : « il y aura sans doute des collègues de travail. Et le cycle C est important pour A. puisqu'il nous a prévenus. »
A. n'a pas abandonné les cours durant la maladie de sa femme. Il a toujours répondu très librement à nos questions, les traitements suivis (des protocoles d'avant-garde), la rémission, le retour de la maladie depuis l'été, la fatigue et la pugnacité de sa femme, son regret d'avoir passé tant de temps loin de chez lui toutes ces années, de ne pas avoir été davantage présent durant les presque quarante ans de ce mariage. (Mais comment savoir le temps qui nous reste ? Et à partir de quand juger qu'il en reste suffisamment pour qu'on puisse s'autoriser à s'absenter ?) Oui, nous comptons pour lui. C'est ce qui m'a décidée à y aller, malgré la peur d'être intruse. A ma grande surprise, seul Kamel s'est libéré pour m'accompagner.

Nous parlons Orient, Occident. Il a quitté le Liban à douze ans à cause de la guerre. Nous avons des vues proches sur de nombreux sujets. Est-ce que cette façon de nous sentir concernés vient de l'orient, la slave et le Libanais ? (Non, je pense que non.)

Campagne de France. Chartres puis Le Mans, hors autoroute puisque j'espère décapoter. Cependant, comme je n'ai ni Waze ni carte routière, nous restons sur les grands axes, nationales tout du long, parfaites, à se demander pourquoi prendre l'autoroute. Le temps se dégage en approchant du but, il fait doux, la 3G redevient accessible, nous décapotons pour traverser des forêts encore endormies. Peu de monde, il est midi.

Pas de café à P***. Du monde autour de l'église. Nous rebroussons chemin. Une vieille dame nous interpelle :
— Vous cherchez un café ? Vous pouvez venir le prendre chez moi. Je suis la religieuse du village.
— Nous voudrions déjeuner aussi. Nous venons pour l'enterrement.
— Allez derrière l'église, il ont prévu de quoi manger.
— Nous ne voudrions pas gêner, nous ne sommes pas de la famille.
— Vous savez, ils attendent trois cent cinquante personnes.

Pour déjeuner, elle nous conseille d'aller au village suivant.

Très belle cérémonie.

Nous rentrons par l'autoroute, je lâche Kamel à Anthony sur le RER B. Je vais en cours de grec (une heure de retard, j'ai prévenu). A la fin la professeur nous apprend qu'elle vient d'obtenir un poste à Genève dans l'université de Calvin. Formidable ! « Mais je vais continuer ce cours ; je suis persuadée que si je l'abandonne il ne sera pas remplacé. »
C'est fort probable. Mais tout de même, faire quatre ou cinq heures de train pour une une dizaine d'élèves auditeurs libres ? Je n'en reviens pas que nous ayons autant d'importance à ses yeux (ou la présence de ce cours au sein de la catho ?)

« Je ne suis pas inquiète, tout va bien se passer » sont les dernières paroles de la morte.

Retour de Marseille

Marseille, Neuf-Port

Nous sortons du métro à la Joliette. Le premier bâtiment qui attire le regard est celui de Kengo Kuma pour le FRAC, nouvelle variation sur le motif de la résille, cette fois faite de carrés. L’étroitesse de la parcelle confine quelque peu l’édifice.

Le quai de la Joliette passe entre une série de docks côté ville et ce qui fut le grand port industriel et commercial de Marseille côté mer. Les docks, d’un dessin tout anglais, datent du Second Empire. La longue enfilade alterne façades à pignons de six étages et façades aux toits plats de cinq, le tout en pierre et non en brique comme on pourrait s’y attendre. L’intérieur vient d’être rénové par l’architecte Eric Castaldi ; on traverse entre des boutiques sans grand intérêt (mais non sans prétention), une succession de hautes cours traitées en puits de lumière, très réussies. Une des façades d’entrée dans ce centre commercial fort calme le lundi matin affiche de nombreuses citations littéraires sur Marseille. Il semble que le vachard Suarès, si spirituel pourtant, ait été écarté de cette anthologie métallique (encore une résille). Son « Marsiho » a pourtant fait ces jours-ci les délices de notre petit groupe.

De l’autre côté du quai, face aux anciens docks, donc, se trouve un autre centre commercial, Les Terrasses du port, beaucoup plus fréquenté, cinquante fois plus banal et attendu que son voisin, et dont le seul attrait est la terrasse, justement. On s’y trouve à peu près à mi-hauteur des grand ferries prêts à appareiller pour la Corse, la Sardaigne ou l’Algérie, on y voit fort bien le Pharo, l’archipel du Frioul, l’immanquable château d’If, l’Estaque et la côte Bleue.

Après les docks, le quai aligne du côté de la ville de beaux immeubles haussmanniens qui viennent de retrouver leur cachet. On remarque que leurs portes de bois traditionnelles ont été remplacées par de modernes vantaux ajourés en bronze, d’un assez bel effet, et que leurs combles sont plats ; le modèle parisien a t-il ici été adapté dès le début à des contingences locales, ou bien faut-il voir dans ces attiques étranges un reflet des vicissitudes des temps successifs dans ce quartier on ne peut plus populaire naguère encore ?

La cathédrale de Marseille, la Major, n’est pas ravalée, elle. Retrouverait-elle par la grâce d’un nettoyage extérieur un charme perdu ? J’en doute un peu. C’est pour le coup que la comparaison avec un éléphant, venue à l’esprit de Huysmans devant Fourvière, peut resservir. Et l’intérieur, cette fois, ne fait pas beaucoup pour la sauver. On a l’impression que les entrepôts au-dessus desquels elle fut construite, et qui ont disparu depuis pour faire place à des boutiques pour bobos, lui ont communiqué irrémédiablement quelque chose de leur pénombre, de leur poussière, de leur humidité, de leur trivialité. Car à la fin c’est un monument aussi bête que triste. Pour comble, ce qui reste de l’ancienne Major, la romane, la vénérable, n’est pas (ou plus accessible) et ne peut faire signe que de loin, derrière les grilles d’un chantier peut-être éternel.

Pour retrouver le Vieux port, nous traversons une seconde fois le quartier du Panier, pour un adieu à la coupole de Puget et un salut à sa maison natale, presque en face. Le passage de Lorette nous mène à la rue de la République, anciennement rue Impériale, à travers l’impressionnante cours d’un immeuble de rapport haussmannien, très-longue, très-haute et très-étroite. Le modèle parisien d’adapte-t-il ici aux chaleurs des étés provençaux ?

Un dernier regard au port, à la Canebière, aux grands escaliers de la gare Saint-Charles, qui célèbrent avec faste les colonies, et nous rentrons chez nous.

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Seul dieu est sujet de bara (création). dans la Bible. Berechit barah Elohim.
mâle et femelle (et non homme et femme)

Dieu dit : dix fois : un décalogue

Trois bénédictions (bénédiction : dire du bien)
les animaux
l'humain mâle et femelle (donc animaux)
le septième jour (repos). le temps.

Dieu sépare, dieu organise
Dieu donne. pas n'importe quoi : à manger, ce qui permet de vivre.
Pour les hommes : une nourriture distinguée : graines et fruits.

berechit : pas seulement comme du temps, mais unique principe.
Origène : le principe : c'est le X. unique principe : pas une allusion philosophique mais une allusion christologique.

Col 1 12-23

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Le soir quand je consulte mes mails, j'apprends que la femme d'Antoine est morte. Enterrement jeudi.

Marseille jour 1

Premier petit déjeuner : omelette excellente (je veux dire non frite) ; jus detox, trace du temps, nom donné en 2018 à un jus de citron allongé d'eau.

Porte d'Aix (patisseries orientales prometteuses), Vieux port, hôtel-Dieu devenu hôtel (très harmonieux). J'apprends le nom de l'architecte qui a construit les immeubles du côté nord du Vieux port (Fernand Pouillon), ces immeubles dont j'avais remarqué l'unité en septembre 2016 quand je les avais vus depuis une yole de mer. Nous montons le long de l'hôtel-Dieu devenu hôtel (il faudra venir ici un jour), nous tournons dans le panier. La pierre est rose et blonde et les volets verts et gris, écaillés. Marseille monte et descend, moutonne, c'est ce qui fait les plus belles villes.

Vieille Charité, exposition Picasso, les (ses) voyages imaginaires nourris des voyages de ses amis et de leurs cartes postales et de leurs collections. Des dizaines de cartes postales donc, de plus ou moins bon goût, Cocteau, Leiris, Dali, écrites à la plume ; parfois Picasso répond. Les adresses sont très variées, souvent des hôtels. L'exposition est chronologique et met en avant des intérêts successifs : l'Afrique, Rome et la Grèce, l'Orient de Delacroix, tout en suivant la vie sentimentale du peintre. («— C'est fini? — Non, il doit y avoir encore des salles, il reste des femmes à épouser.») Ce qui me frappe, c'est le travail, la quantité de travail. En 1905, Picasso était déjà suffisamment connu pour qu'Apollinaire écrivît à son sujet.

Les salles ne sont pas contiguës, il faut ressortir sous les arcades, il fait beau, la lumière fait un bien fou après ces mois de gris et de pluie. A la fin de l'exposition j'accompagne Aline voir les collections d'art indien et océanique. Les arbres de vie mexicains donnés par François Reichenbach sont franchement laids malgré le commentaire qui nous appelle à y voir de l'art et non un artisanat (art ou artisanat, c'est hideux), mais les salles africaines, sud-américaines et océaniennes sont impressionnantes (collection de crânes, têtes jivaros (brrr…), masques à base de toile d'araignées,…).

Nous terminons par le groupe de statues picassiennes dans la chapelle, tout à fait à leur place dans ce décor blond et arrondi. Quelques allusions piquantes à la peinture sur assiette de RC, nous sommes les "Cruchons", ceux qui ne comprendront jamais mais regrettent, regrettent…

Nous tournons dans le "panier", quartier de l'ancien Marseille détruit en février 1943 par les Allemands (une plaque a été posée en 2018 ). Descente vers le Mucem, le treillage est en ciment et non en acier comme je le pensais, déjeuner sur le pouce, balade autour du fort St Jean, ambiance heureuse au soleil, flâneries, nous sommes samedi, certains sont allongés sur les terre-pleins qui interrompent le rempart et descendent vers les rochers (« — Ils ne risquent pas de tomber ? — C'est un process darwinien. »), passage dans la cour du roi René (« — Par quelles circonstances le roi René s'est-il retrouvé à Marseille? — C'était le frère de St Louis, il avait un grand nombre de terres… (suivaient des noms que j'ai oubliés) »).

Nous attendons le ferry qui permet de passer sur l'autre quai du Vieux port sans faire le tour (un traghetto marseillais, en quelque sorte). Est-ce là que nous nous demandons si Rimbaud et Conrad se sont rencontrés à Marseille (1874? 1878?)? J'apprends au passage que Rimbaud est allé jusqu'en Indonésie, a déserté à Batavia (non je ne le savais pas. Pour moi c'était l'Erythrée et rien d'autre). Rimbaud est mort dans un hôpital de Marseille mais lequel ? Patrick chasse les plaques. J'ai Pouchkine dans la tête et Cendrars, Blaise, sommes-nous loin de New York ?

Nous montons. Nous montons vers Saint-Victor. Nous montons, nous peinons, nous bitchons, sur Gide et Paul Valéry (si tue-l'amour avec sa cigarette et ses moustaches jaunies, mais apparemment Catherine Pozzi l'était aussi (tue-l'amour)). Saint Victor, les restes de l'abbaye. Devant, un square et justement une plaque Paul Valéry sur le portail d'une maison où il venait voir une amie («— une maîtresse ? »)

Nous resterons longtemps dans la crypte. L'église est construite sur et dans une ancienne carrière, les époques successives ont construit sur les bâtiments antérieurs et comblé la cour, il reste les tombes jumelles de deux martyrs sans doute à l'origine de la dévotion en ce lieu. Les explications sont passablement embrouillées. Il faudrait une maquette 3D hologramme qui permette de superposer les différents sanctuaires. Lors de notre prochaine visite, peut-être.
Nous sommes restés sous terre si longtemps que j'avais oublié qu'il faisait jour et doux.

Boulevard, architecture marseillaise (c'est-à-dire décousue), nous rejoignons le parc du Pharo. Vent, soleil dorant. Beau palais, harmonieux, tourné vers la mer, construit pour Eugénie qui ne l'a jamais habité et a fini par le céder à la ville ou à l'Etat (je ne sais plus).
Nous allons prendre l'apéritif au Sofitel (bar Le Dantès) réputé pour sa vue (règle : tout souhait exprimé suffisamment à l'avance avec suffisamment de précision aura de grandes chances d'être exaucé. En l'occurrence il s'agissait de boire un campari.) Garçons jolis garçons et musique d'ambiance (lounge, me dit Philippe quand je me plains du volume.) Nous racontons des bêtises. La nuit tombe.

Nous allons dîner aux Arcenaulx. La carte des glaces est si littéraire qu'elle en est irrésistible (Le temps retrouvé, sorbet verveine liqueur verveine).



S'en suit un échange sur Belle du Seigneur et un plaidoyer (de ma part) pour Feu pâle (La question avait été posée à déjeuner du Nabokov qu'il fallait lire, et bizarrement, j'avais oublié Feu pâle. Il ne m'en restait que l'impression d'avoir rêvé un titre, mais lequel ?)

En résumé, « à mon avis » « ne sois pas péremptoire », « je suis drôlement sympa, finalement ».

Départ

Conseil d'administration à dix heures, le premier depuis octobre puisque j'étais absente en novembre. Rien de bien neuf. Dix minutes de battement au début car nous attendons un retardataire ; les syndicalistes discutent entre eux de l'opportunité de faire grève contre la réforme de la SNCF.

Je déjeune le midi avec la personne que j'ai remplacée à son poste dans la mutuelle. Nous invitons un représentant du CE qui est seul et que j'aime bien. Il nous raconte son désenchantement à mots couverts, il est en train de négocier son départ en septembre 2019. Pour le mettre à l'aise je tente de lui montrer que je connais un certain nombre d'anecdotes scandaleuses que je raconte à mon tour. Il sourit sans rien dire, ma prédécesseur est stupéfaite.

A cinq heures thé seule au "Train bleu" gare de Lyon (traversée d'une foule compacte en attente de trains vers le sud retardés d'une ou deux heures), puis vers sept heures et demie Prêt à manger ("Pam" pour les intimes) pour acheter des sandwiches pour le voyage, puis à huit heures TGV (à l'heure) pour Marseille avec les Philippes et Laurent. Reconstitution des cruchons.
Deuxième "voyage d'hiver" pour moi : pendant toutes les années où H. était absent la semaine, j'évitais de m'absenter le week-end.

Voyage (ou traversée). Comme Patrick et Aline nous narguent en parlant de leur savoureux dîner à Marseille où ils nous ont précédés, nous décidons d'acheter du vin rouge au bar TGV.
Quelle aventure ! Le four ne fonctionne pas, deux clientes nous précèdent, du type bobo-vegan-plus-plus (je m'y perds dans ces catégories — toujours je pense à Claire Brétecher et son "sucre de gauche"), ce qui nous vaut de savoureuses questions (« Est-ce que les carottes sont de vraies carottes ? » (et moi d'imaginer du fromage teinté recomposé)) C'est long, ça dure, mais pourquoi, que fait le barman, le serveur, le tenancier ? Derrière nous un homme bougonne et se moque de plus en plus fort des deux passagères.

Le barman est très aimable :
— Mais ce vin est froid ! Pouvez-vous nous donner celui de la vitrine ?
— Bien sûr, mais vous savez, il est tellement mauvais qu'il vaut mieux qu'il soit froid.
Je ris, incrédule : — Vous êtes commerçant, vous alors !
— Je suis un peu connaisseur : ce vin a été mélangé, brassé…

Pub : l'hôtel Alex près de la gare St Charles, silencieux, aimable, ouvert toute la nuit.
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