Malédiction originelle

— Qu'est-ce que vous êtes agaçante, avec vos questions !

Le coût des sales cons (ou une certaine lassitude)

Robert Sutton, un professeur américain de management à la Stanford Engineering Scool, a théorisé récemment la notion du "coût total des sales cons" en entreprise (CTSC). A la suite d'un très sérieux article dans la Harvard Business Review, il a rédigé un "petit guide de survie face aux connards, despotes, enflures, harceleurs, trous du cul et autres personnes nuisibles qui sévissent au travail".
Objectif zéro-sale-con, Vuibert.
Jean-Yves Dumay, Le Monde, cité par Le Nouvel économiste du 25 octobre 2007


PS : Une collègue, dont c'est pourtant le métier et le devoir, hésite à signaler ce livre dans la revue de presse interne. Elle craint (elle est sûre, par expérience) que sa brève ne soit censurée par sa supérieure au motif qu'elle contiendra le mot "con".
(Bah, finalement, j'ai tort de m'émouvoir, c'est exactement ce que la Harvard Business School Press a reproché à Sutton.)


PPS: Je m'aperçois que le sous-titre français est bien moins élégant, bien plus "sale con", que le sous-titre anglais: "créer un environnement de travail civilisé et survivre à ceux qui ne le sont pas". C'est dommage.

Un bal de têtes

Fêté les 40 ans de O.
Constaté une fois de plus que les visages et les corps sont le plus sûr signe du temps qui passe, puisque nous avons revu beaucoup d'inconnus rencontrés pour la dernière fois lors des 30 ans de O.

Il y a dix ans, nous étions les seuls à avoir des enfants et nous n'en parlions pas, parce que ce n'est pas un sujet de conversation et que nous voulions avant tout oublier les soucis quotidiens lorsque nous étions en soirée. Dix ans plus tard, tous les autres ont des enfants entre zéro et cinq ans, qu'ils amènent en soirée et qui deviennent l'unique point de polarisation. Forts de notre expérience, nous repérons d'un coup d'œil les trois ou quatre solutions qui règleraient quelques dysfonctionnements mais prudents nous nous taisons.

Nous rions avec effroi lorsque O. déclare à un blondinet de cinq ans pendu à son cou: «Quand tu auras quarante ans, c'est toi qui me porteras.»

Appris incidemment que j'écrivais probablement en LISP sans le savoir: lot of insipide and stupid parenthesis (ce qui ne fera rire que les geeks, mais comme il ne doit pas en traîner ici, ceci est une parenthèse stupide de plus (CQFD)).

Et pour Didier the Banished, une devinette: si les garçons jouent à Dongeons et dragons, à quoi jouent les filles ?

Résumé frappant

Entendu vers 7 heures sur RFM :

«On dit souvent que le rugby est un sport de brutes joué par des gentlemen, Bernard Laporte va apprendre qu'à l'Assemblée Nationale, c'est l'inverse.»

(Cette phrase serait de Jean Leonetti).

Un lapsus

C. m'envoie une carte postale de Florence. Le cachet de la poste porte la date du 19 octobre.

C. a daté sa carte du 18 mai, et cela suffit à m'apprendre que le voyage fut heureux.

Supporters dans l'Antiquité

Lors des courses de chars organisées à Constantinople sous l’Empire romain, les tribunes étaient occupées par des spectateurs, qui prenaient déjà activement part au spectacle. Ils avaient constitué deux camps, les Bleus et les Verts, véritables groupes de supporters des deux principales équipes de chars. Pline le Jeune s’étonnait que la principale préoccupation des spectateurs soit non pas tant les capacités des conducteurs de chars ou des chevaux que la couleur de l’équipe gagnante ! Procope partage cette incompréhension dont il fait état dans son «Bellum Persicum»: «de longue date le peuple était divisé dans les villes [byzantines] en Bleus et Verts, mais il n’y a pas longtemps que, pour ces dénominations et pour les gradins qu’ils occupent pendant le spectacle, les gens dilapident leur argent, s’exposent aux pires violences physiques et n’hésitent pas à affronter la mort la plus honteuse. Ils luttent contre ceux qui sont assis du côté opposé (…). Est donc née entre eux une haine qui n’a pas de sens, mais qui reste pour toujours inexpiable». L’armée était ainsi régulièrement appelée à la rescousse afin de mettre fin aux désordres liés à la violence des supporters, et son intervention aurait sauvé de justesse le règne de Justinien en 532.

extrait d'un rapport du Sénat, Faut-il avoir peur des supporters?

Solidarité masculine

Au marché, le vendeur d'oignons-pommes de terre au mari à qui la femme vient de faire une remarque :

— Ne vous laissez pas faire, Monsieur. Allez, je lui mets plein de petits oignons pour la faire pleurer.

Travaux et bricolage

Il y a de la poussière de plâtre un peu partout, le ciment sèche au fond de la petite pièce, les trous du plafond ne sont pas bouchés, il faut acheter du carrelage, vite, vite.
Ce soir est ma première soirée à la maison depuis la fin des vacances, impossible de faire tourner le lave-linge, les plombs sautent. Je savais bien que ce disjoncteur différentiel n'était pas une bonne idée. C'est la norme depuis la mort de Claude François, paraît-il: 50 mA, pour «ne pas retrouver un gosse les yeux hors des orbites».
Nous avons un électricien poète.

Pour cause de grève

Dormi dans une chambre d'enfant. La nuit, des étoiles brillent sur la porte du placard.

Un blog vous manque, et tout est dépeuplé

Par curiosité, je lance une recherche sur "G vgvsse" dans Google, et je tombe sur cet aphorisme : «Le bonheur est le premier ennemi du blog.»

Je crois que c'est très vrai, à condition de remplacer "bonheur" par "équilibre": il faut pencher un peu pour tenir un blog, que l'on considère qu'il faut manquer d'équilibre pour tenir un blog ou que le blog permette de trouver un équilibre (voilà qui me rappelle l'opium du peuple... je viens de passer une semaine trop catholique).

L'aphorisme est plus loin corrigé, ou amendé: le couple est un autre ennemi du blog (je ne sais déjà plus si c'est le deuxième ou un ennemi inclassé).
Sur ce point, je crois la relation beaucoup plus perverse. J'ai cru constater que lorsque qu'un blogueur était en couple, l'autre, non blogueur, ne lisait pas. Sauf de temps en temps, par accident, bien sûr. Et bien sûr, il tombait toujours sur les billets qu'il n'était pas censé lire.

Roissy, 21 heures

L'aéroport est presque désert. Nous franchissons une dernière fois la douane, machinalement, bonsoir, carte d'identité, merci, au revoir.
Je quitte le guichet par la droite ; devant moi, de l'autre côté de la ligne que je m'apprête à franchir et donc en France, une femme d'une cinquantaine d'années s'agite, très visiblement ashkénaze avec ses vêtements marrons, beiges et violets, ses bas épais et son béret enfoncé jusqu'aux sourcils, elle parle à quelqu'un derrière moi :
— Regarde encore ! Mais qu'est-ce que tu en as fais ? Tu l'as laissé dans l'avion ?
Je me retourne, un petit homme barbu, poils gris, aux yeux tendres et perdus, fouille désespérément dans sa sacoche, désespérément et sans méthode me semble-t-il; il a sans doute glissé le précieux passeport à un endroit inhabituel "pour ne pas le perdre", ou peut-être même que c'est sa femme qui l'a, "pour ne pas que tu le perdes", il semble tellement sans défense. Ils paraissent sortis tout droit d'une nouvelle de Singer. Je franchis la frontière.
Nous attendons les bagages, la technique du cougar pour ne pas avoir froid, la technique du tigre pour ne pas avoir chaud, les chaussettes gore-tex, l'homme est toujours de l'autre côté de la frontière que très respectueusement sa femme ne franchit pas, murmurant ses conseils et ses imprécations par-dessus la ligne, la douanière est une jolie jeune fille, la banque Palatine finance vos projets, je regarde le guichet; la douanière est sortie du poste, son arme de service pend sur sa hanche, elle fait la bise à ses collègues et se prépare à partir. Le petit vieux cherche toujours, mais en France; visiblement, de guerre lasse, la jeune fille l'a laissé passer. Sa femme continue à le morigéner, il a les yeux perdus dans le vide, toujours pratique elle part à la recherche des bagages.

Pourquoi Lugano

Depuis qu'H. avait vu Shine, il rêvait d'entendre David Helfgott. Il a donc entièrement organisé ces vacances autour du concert de ce soir.
Personnellement, je trouve le film très agaçant dans son parti-pris émotionnel; quant à David Helfgott, si je trouvais amusant l'idée de l'entendre en concert (toujours cette tentative de donner corps à la fiction), j'étais méfiante : allait-on écouter un pianiste ou voir un animal de foire, il y avait là quelque chose d'ambigu qui me mettait mal à l'aise. Sans doute est-ce d'ailleurs pour cela qu'il n'y avait aucune publicité pour ce concert dans les rues de Lugano.

Ce fut merveilleux.
David Helfgott est entré en scène en chemise chinoise en soie rouge vif, d'une démarche sautillante, s'est approché du bord de la scène, a voulu serrer la main de quelques spectateurs au premier rang; mon cœur s'est serré, ça y est le cirque commence, ai-je pensé.
Il s'est assis et a commencé à jouer aussitôt, sans attendre que la salle s'apaise.
Il joue totalement tassé sur son tabouret, bossu, il me fait penser à Gould, et il parle en continu. Il ne chante pas, non, il parle, il marmonne la tête tournée, on ne comprend pas exactement ce qu'il fait, avec qui il poursuit cette conversation invisible à droite du piano, cela fait comme un bourdement d'abeille au-dessus du torrent de musique, c'est étrange mais pas désagréable, on se croirait en été. On ne comprend pas bien d'où vient la musique, il semble jouer par imposition des mains, les doigts le plus souvent tendus, longs au-dessus des touches. Il adopte des tempos très rapides mais il prend tout son temps, ses interventions au-dessus des touches ressemblent à des mouvements de pinceau, comme un peintre qui reculerait avant de décider d'ajouter un peu de jaune ou de vert, et c'est gai, vivant, incroyablement chaleureux.
Au début du deuxième morceau, il s'arrête après une ou deux mesures. "Ça y est, quelque chose le dérange, il veut recommencer", pensai-je. Pas du tout, Helfgott, de sa façon évidente, marque un silence, puis continue sa ballade. Au milieu de la sonate Waldstein, il soupire avec conviction, genre "voilà, c'est fait", avec tant de naturel que la salle rit à mi-voix, et je sens que la tension qui règnait, et dont je n'étais pas consciente, s'est totalement évaporée.
A la fin de chaque morceau il se lève très vite, tend les pouces vers le haut, serre des mains au premier rang (les enfants de la salle vont peu à peu, de morceau en morceau, oser venir, pour serrer ces mains), puis se rassoit et recommence à jouer aussitôt et très vite, sans attendre le silence, dans l'urgence, en marquant toujours magnifiquement les silences, les nuances, les contrastes.
Il y aura quatre rappels. La salle s'est retenue, on voyait bien qu'il aurait pu jouer toute la nuit, et cela nous aurait fait plaisir. Mais cela n'aurait été ni très raisonnable ni très gentil.

La Suisse

Vieille habituée des Darwin awards, je n'étais pas enthousiaste à l'idée d'emprunter une ligne nommée Darwin Airline.

En débarquant à Lugano, l'air sent la laiterie et la bouse de vache.

Le cri du cœur du touriste épuisé

Une petite pièce attenante à Sainte-Marie-Majeure sert de boutique à cartes postales ; une grosse Américaine erre devant la porte. La vendeuse s?interpose, l?entrée par cette porte est interdite.
La grosse Américaine la détrompe, elle ne veut pas entrer, elle veut sortir.
— No more church ! s'exclame-t-elle avec conviction.

Problème de robinets version romaine

Premier jour de vacances, debout à sept heures pour rejoindre deux amis sous les murs du Vatican à neuf heures dix.
Le projet, formé la veille au soir, consiste à arriver tôt afin de faire la queue pour visiter la chapelle Sixtine. La Cité ouvre ses portes à dix heures.
A neuf heures, la queue est déjà immense. H. commence son audit, il disparaît, revient, ses premiers relevés estiment à cinq personnes par mètre le nombre de touristes, la file devant nous fait six cents mètres. H. nous apprend que des cars entiers déversent des groupes à l'entrée du musée: pour eux, les portes sont ouvertes à partir de huit heures.
Nous essayons de calculer la vitesse d'écoulement de la queue, afin d'estimer à quelle heure nous allons arriver aux portes du musée, sachant que nos amis doivent nous quitter à quinze heures pour prendre l'avion. C'est difficile, nous ne savons pas combien de guichets sont ouverts. Combien de temps faut-il compter par personne pour l'achat d'un billet, deux minutes, trois? Est-il raisonnable d'estimer qu'une personne paie en moyenne pour trois, accélérant d'autant l'écoulement (si l'on estime, comme H. insiste pour le faire, pour considérer que le paiement au guichet constitue le goulet d'étranglement du processus)?
On rit, on suppute, il fait beau, le ciel est très bleu, H. nous achève en nous apprenant que le vendeur de pizzas au premier angle de la citadelle propose à la file devant sa boutique de réserver sa pizza pour midi.

Nous abandonnons et nous allons nous promener sur le Forum.

Le capitalisme, c'est beau

Avons manqué nous étrangler pendant notre vol en découvrant que la compagnie Swiss nous proposait très sérieusement d'apaiser notre culpabilité de pollueurs par un don à l'organisation myclimate.
Désormais les entreprises ne sont plus les seules à pouvoir acheter le droit de polluer. Je suis émue.

Vacances romaines

Je pars.
La légère fièvre qui m'a tenue toute la semaine m'a enfin quittée.
Il est idiot d'emmener Rome 1630, il doit peser plus d'un kilo et je ne l'ouvrirai sans doute pas.
C'est plus fort que moi.

I will be back.

La démocratie, condition de la piraterie

Dans une étude très originale, Peter T. Leeson décrypte les relations de pouvoir dans les bateaux pirates. Une gouvernance d'entreprise particulièrement démocratique!

[...]
Des principes démocratiques. Comment faire travailler des hommes d'équipage aussi nombreux et violents en bonne intelligence? Sur les bateaux commerciaux et les bateaux militaires, la solution était autocratique : le capitaine avait toute autorité et l'exerçait le plus souvent de manière tyrannique. Y compris pour son profit personnel, rognant par exemple sur les provisions distribuées afin de pouvoir les vendre plus tard. Des comportements qui faisaient fuir une partie des équipages vers... les bateaux pirates. Car il y régnait une répartition des pouvoirs bien différente, aux principes démocratiques avérés.

Si le capitaine a toute autorité pendant les batailles, son pouvoir de dirigeant est sévèrement encadré. Il lui faut d'abord, pour devenir capitaine, être élu à la majorité des suffrages des marins et savoir au fil du temps conserver leur confiance. Les témoignages abondent de capitaines déposés par leur équipage pour cause de mauvaise gestion des batailles, des hommes ou pour couardise. Le capitaine ne dispose, par ailleurs, d'aucun privilège particulier: ses provisions et sa rémunération ne sont guère plus élevées que celles du reste de l'équipage.

Des constitutions pour garde-fous. De plus, contrairement à la marine traditionnelle, le capitaine est loin de concentrer tous les pouvoirs. Il doit partager ses prérogatives avec un quartier-maître, élu également. Celui-ci est chargé de la distribution des provisions, du partage du butin et de la résolution des conflits entre marins. Les quartiers-maîtres pouvaient être choisis comme capitaines ; ils avaient donc tout intérêt à bien exercer leur fonction. Néanmoins, leurs pouvoirs de décision sont encadrés par des «constitutions» écrites dont le contenu est, là encore, défini de manière consensuelle; par les marins. Celles-ci fixent les règles de répartition des bénéfices et le montant des bonus pour les pirates les plus méritants, elles listent les comportements inacceptables (bagarres, jeux...), définissent les conditions d'indemnisation en cas d'accident du travail (500 pièces pour la perte du bras gauche, 600 pour le bras droit, etc.) et établissent la sévérité des punitions en cas d'infraction au code commun, le vol d'un autre pirate étant considéré comme la plus infamante. Les marins circulant entre les bateaux pirates, tous ont adopté le même genre de constitution afin de limiter le pouvoir discrétionnaire du quartier-maître. [...]

extrait d'une note de lecture de Christian Chavagneux parue dans Alternatives économiques d'octobre 2007.

Le travail de Peter Leeson est disponible en ligne : An-Arrgh-Chy: The Law and Economies of Pirate Organization.

Ayaan Hirsi Ali et Peter Leeson

Le blog d'Ayaan Hirsi Ali, l'ex-députée hollandaise dans une situation pire que celle de Salman Rushdie, puisque son propre pays ne veut pas assurer sa protection.
En étudiant le sujet hier, j'ai découvert que le maire de Bruxelles avait interdit une manifestation qui souhaitait une minute de silence le 11 septembre "afin de ne pas embarrasser la population musulmane de la ville". Le maire n'était pas sûr de pouvoir assurer la sécurité des manifestants, a-t-il argumenté (ce qui n'est déjà plus la même chose que "ne pas embarrasser la population musulmane").

Dans un autre genre et sans rapport : le site d'un économiste anarchiste.

Et pendant que j'y suis à inaugurer cette nouvelle rubrique, j'en profite pour rappeler que Rémi a déménagé de Prague à Dubaï. Cette mésaventure m'a bien fait rire.

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Mise à jour le 3 juillet 2014: la page d'Ayaan Hirsi Ali.
Concernant Rémi (Diligent), il est désormais plus actif sur Facebook que sur son blog.

Ça devient vraiment n'importe quoi

abracheumeuneu + Z = Zabracheumeuneu

Au suivant !


mise à jour le 3 octobre au petit matin : parce que c'est le plus discret des blogueurs, je vous signale la suite ici.

Aaarg, Jean-Paul kill me !

J'avais entendu parler de cela il y a deux ou trois ans, je ne savais pas qu'il existait un site[1]. L'article faisait remarquer à l'époque qu'il était impossible de faire de l'humour, en d'autres termes de jouer sur les allusions et les niveaux de langage, en globish: normal, ce petit-nègre n'admet pas les nuances.

Il doit bien y avoir quelque part un comité pour la défense de la langue anglaise, il faudra que je cherche.
Quand je pense que les mêmes personnes déplorent le langage SMS.

Notes

[1] source : Enjeux les Echos, septembre 2007

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