Les gens qu’on aime : #6 quelqu’un qu’on n’aimait pas au début mais ça a changé
Par Alice, dimanche 6 décembre 2020 à 13:23 :: Les gens qu'on aime
En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»
Aujourd'hui, quelqu'un qu’on n’aimait pas au début mais ça a changé: Sophie-Charlotte.
Je ne suis pas vraiment sûre que Sophie-Charlotte entre dans les définitions du Dr CaSo. Non seulement ce n'est pas une amie, mais c'est même une inconnue et le plus probable est qu'elle ait oublié depuis longtemps que j'existe.
Elle est le prétexte à montrer deux de mes défauts: mes jugements abrupts et mon stalking (ma traque) sur internet.
En août 1997 (un an avant Google, en pleine bulle internet) j'ai été embauchée dans une filiale de mon actuel grand groupe, une filiale qu'on appellerait aujourd'hui start-up, mais qui à l'époque était simplement une structure légère détachée de la mère pour travailler en mode projet. Nous étions trente, nous fonctionnions comme une famille (les platées de cèpes dans la salle de réunion hausmanienne ramenées par le président périgourdin à l'automme), je vénérais mon boss, c'était enthousiasmant.
Sauf qu'il y avait, comme dans tout projet, des consultants, des consultants d'Accenture, juste avant la déroute d'Andersen. Il y avait deux consultants junior aussi horripilants l'un que l'autre. J'ai failli gifler le mec qui disait des conneries et n'écoutait rien (avec sa gueule de beau gosse et sa cravate… Tous ces consultants embauchés sur leur gueule…) Leur seule obsession était de respecter le planning, même au prix de la qualité du travail. Or nous étions en train de construire une architecture informatique, la gauchir dès le départ, c'était faire partir le projet de travers.
L'autre, c'était Sophie-Charlotte. Elle devait surveiller que nous documentions1 le paramétrage d'un progiciel que nous avions acheté. J'étais chargée du paramétrage, mais c'était un faux paramétrage, un paramétrage contraint, du genre «— Ici il faut mettre A — Mais pourquoi? — Parce que.»
Sophie-Charlotte exigeait que je remplisse un tableau avec écrit «A» comme valeur de ce paramètre.
J'ai essayé de lui expliquer que si nous ne savions pas quelle autre valeur était possible et que nous ne savions pas à quoi servait ce A, le document que nous étions en train d'écrire était inutile et inutilisable.
Je me heurtais à un mur. La consigne était la consigne.
Un jour Sandrine m'a dit: «tu n'aimes pas beaucoup Sophie-Charlotte» et j'ai eu honte que cela se voit autant.
Les consultants sont partis. Je crois que c'est encore Sandrine qui m'a appris que Sophie-Charlotte était admise à Standford; à quoi j'ai répondu «Ça fera une dinde qui a fait Standford.»
Il est possible que j'ai été jalouse: à son âge j'étais mariée et j'avais déjà un enfant: je n'aurais jamais pu aller à Standford. Mais je pensais aussi que c'était une dinde, avec son obéissance militaire à son cabinet de consultants.
Il y a deux ans, je crois que c'était pendant que j'étais immobilisée à cause de mon pied, j'ai fait une recherche sur facebook. Le curieux est que je me souvenais de ses nom et prénom, car en général je les oublie. Et je l'ai retrouvée. Son sourire, ses photos, les causes qu'elle défend… Elle m'a plu. Et je me suis dis que j'étais vraiment con, avec mes jugements à la con.
Note
1: Ecrire un document de référence.
Aujourd'hui, quelqu'un qu’on n’aimait pas au début mais ça a changé: Sophie-Charlotte.
Je ne suis pas vraiment sûre que Sophie-Charlotte entre dans les définitions du Dr CaSo. Non seulement ce n'est pas une amie, mais c'est même une inconnue et le plus probable est qu'elle ait oublié depuis longtemps que j'existe.
Elle est le prétexte à montrer deux de mes défauts: mes jugements abrupts et mon stalking (ma traque) sur internet.
En août 1997 (un an avant Google, en pleine bulle internet) j'ai été embauchée dans une filiale de mon actuel grand groupe, une filiale qu'on appellerait aujourd'hui start-up, mais qui à l'époque était simplement une structure légère détachée de la mère pour travailler en mode projet. Nous étions trente, nous fonctionnions comme une famille (les platées de cèpes dans la salle de réunion hausmanienne ramenées par le président périgourdin à l'automme), je vénérais mon boss, c'était enthousiasmant.
Sauf qu'il y avait, comme dans tout projet, des consultants, des consultants d'Accenture, juste avant la déroute d'Andersen. Il y avait deux consultants junior aussi horripilants l'un que l'autre. J'ai failli gifler le mec qui disait des conneries et n'écoutait rien (avec sa gueule de beau gosse et sa cravate… Tous ces consultants embauchés sur leur gueule…) Leur seule obsession était de respecter le planning, même au prix de la qualité du travail. Or nous étions en train de construire une architecture informatique, la gauchir dès le départ, c'était faire partir le projet de travers.
L'autre, c'était Sophie-Charlotte. Elle devait surveiller que nous documentions1 le paramétrage d'un progiciel que nous avions acheté. J'étais chargée du paramétrage, mais c'était un faux paramétrage, un paramétrage contraint, du genre «— Ici il faut mettre A — Mais pourquoi? — Parce que.»
Sophie-Charlotte exigeait que je remplisse un tableau avec écrit «A» comme valeur de ce paramètre.
J'ai essayé de lui expliquer que si nous ne savions pas quelle autre valeur était possible et que nous ne savions pas à quoi servait ce A, le document que nous étions en train d'écrire était inutile et inutilisable.
Je me heurtais à un mur. La consigne était la consigne.
Un jour Sandrine m'a dit: «tu n'aimes pas beaucoup Sophie-Charlotte» et j'ai eu honte que cela se voit autant.
Les consultants sont partis. Je crois que c'est encore Sandrine qui m'a appris que Sophie-Charlotte était admise à Standford; à quoi j'ai répondu «Ça fera une dinde qui a fait Standford.»
Il est possible que j'ai été jalouse: à son âge j'étais mariée et j'avais déjà un enfant: je n'aurais jamais pu aller à Standford. Mais je pensais aussi que c'était une dinde, avec son obéissance militaire à son cabinet de consultants.
Il y a deux ans, je crois que c'était pendant que j'étais immobilisée à cause de mon pied, j'ai fait une recherche sur facebook. Le curieux est que je me souvenais de ses nom et prénom, car en général je les oublie. Et je l'ai retrouvée. Son sourire, ses photos, les causes qu'elle défend… Elle m'a plu. Et je me suis dis que j'étais vraiment con, avec mes jugements à la con.
Note
1: Ecrire un document de référence.