Billets qui ont 'littérature' comme mot-clé.

Le besoin et l'utile

Petit déjeuner :
— Je songe à t'inscrire à un cours de vingt heures sur un roman de Balzac, nous irions ensemble.
— Bof… si tu penses que j'en ai besoin…
— Besoin, besoin… Tu n'avais pas besoin d'aller à Florence, et cela ne servait à rien. Mais est-ce que c'était inutile ?


Mais ce soir je suis découragée. J'irai seule, c'est inutile, il a raison, cela lui est tellement indifférent, il ne comprend tellement pas de quoi je parle.


Agenda :
Bonne sortie en skiff, un peu tremblante. Ralentir la fin des retours.
60 k€ pour transformer une extraction en fichier xml… Je suis en rage.
Pensées pour Jean à Nantes.

Philosophie et littérature

Quand nous étudions Phèdre je pense à Traité du zen et de l'entretien des motocyclettes, Le Banquet me rappelle Ravelstein, et ce soir, tandis que le professeur s'emballe sur Aristote et nous présente la substance en prenant une table comme exemple (de ce qui est là, ici et maintenant), je songe à la table de cuisine de Promenade au phare.

Ma pensée vagabonde, je n'en reviens pas de tout ce qu'il faut connaître avant de pouvoir comprendre quelques bribes, entrevoir quelques éclats (Ça va tout de même beaucoup mieux qu'il y a quelques années, je me rends compte que j'ai accumulé un substrat de connaissances non négligeable: je dispose de suffisamment d'éléments pour commencer à créer des liens entre eux. C'est une sensation très plaisante). Je m'endors sur Leo Strauss (un de mes préférés, il me fait rire) dans son attaque de Wild (Sur une nouvelle interprétation de la philosophie politique de Platon); son art de distinguer toujours plus finement entre les concepts m'emplit d'admiration, je sais maintenant que ce genre de choses sera toujours hors de ma portée: je comprends tant que je lis, j'oublie dès que j'arrête de lire (exemple: les différences entre philosophie classique et philosophie moderne).
Tout ce que j'entreprends ces derniers temps n'a pas grand sens finalement, toute cette activité, toute cette agitation. Mais au moins j'aurai appris à jouer de la flûte avant de mourir.

Les arrières-salles

(Trois interlocuteurs)

— La génétique vous intéresse?
— Mais tu es généticienne?
— Mais non, pas du tout, et toi?
— Non, non.
— Moi ce qui me gêne dans la génétique, c'est que j'ai l'impression d'être indiscrète, de trahir l'auteur, d'aller dans la cuisine plutôt que de savourer le plat superbe qu'on vient de me servir.
— Mais non, pas du tout.
— Oui, pas du tout. Avec Proust on est déjà dans le salon...
— Oui, un salon pas très rangé où le ménage n'est pas fait très souvent mais le salon tout de même.
— On n'atteint jamais la cuisine. La cuisine n'existe pas, elle est hors d'atteinte.




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Complément le 13 mars 2015 : après cinq ans il y a prescription. (Et puis je doute que ce billet soit référencé très haut par Google; seuls les fidèles le liront à l'occasion).
Cette conversation a eu lieu à la pizzeria après une matinée sur Claude Mauriac à l'ENS dans le cadre d'une matinée sur l'autobiographie. J'y ai rencontré pour la première fois Jean Allemand. (Je représentais Patrick qui s'était cassé le pied après la mort de son beau-père). J'étais en face de Nathalie Mauriac Dyers (quelle émotion de manger une pizza en face d'une professeur religieusement écoutée au Collège de France!), à côté d'elle se trouvait Philippe Lejeune, à côté de moi Jean Allemand.
Philippe Lejeune qui commentait Robbe-Grillet et Sarraute s'est tu en apprenant que j'avais un blog.

Anniversaire

Cela fait cinq ans que j'ai découvert RC, cinq ans le premier juin exactement, en écoutant Répliques sur France Culture.

— Tu as changé. Tu es sans doute davantage toi-même parce que tu as trouvé quelque chose qui te ressemble et que tu es plus heureuse, mais je préférais avant.





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Huit ans après (2015), avouons que ces paroles m'ont percé le cœur (ce n'est pas pour rien que je les ai copiées ici, pour les conserver). Qu'est-ce qu'un amour qui ne souhaite pas le bonheur de l'autre, mais la conformité de l'autre à l'idée qu'on se fait de lui?
C'est peut-être à ce moment-là que j'ai commencé à douter de cet amour si souvent proclamé: proclamé, certes, mais qu'en était-il réellement?
Et aujourd'hui, avec la théologie, l'ensemble des questions posées par ce billet se pose de façon encore plus aigüe.

Cinq choses ramassées ce jour

- Tlön m'a convaincue que continuer (à lire, mais ce peut être à écrire pour d'autres) la littérature ne servait à rien (mais je crois qu'il ne l'a pas fait exprès). Je devrais me remettre (me mettre) aux mathématiques.

- Il m'a expliqué la différence entre Lui (et Elle. Non, je déconne) et Playboy : l'un était spécialisé dans les filles aux gros seins et petites fesses, l'autre, l'inverse. J'avais remarqué les seins, pas les fesses.

- La fille aux allumettes passe au Champo. - La bande-annonce de Shreck 3 est disponible. Elle est décevante. Tant mieux (quand la bande-annonce raconte le film, il n'est plus nécessaire d'aller voir le film).

- en exergue de Warwick, le faiseur de rois, de P. Murray Kendall
«Or voyez-vous la mort de tant de grands hommes, en si peu de temps, qui tant ont travaillé pour s'accroistre et avoir gloire, et tant en ont souffert de passions et de peines, et abrégé leur vie, et par adventure leurs ames en pourront souffrir…
« Mais, à parler naturellement (comme homme qui n'a pas grand sens naturel ni acquis, mais quelque peu d'expérience), ne [leur] eust-il point mieux vallu… eslire le moyen chemin en ces choses? C'est assçavoir moins se soucier et moins se travailler, et entreprendre moins de choses ; plus craindre à offenser Dieu, et à persécuter le peuple et leurs voisins, par tant de voyes cruelles… et prendre des ayses et plaisirs honnêtes ! Leurs vies en seraient plus longues ; leurs maladies en viendroient plus tard ; et leur mort en seroit plus regrettée et de plus de gens, et moins désirée; et auroient moins de doute de la mort. »
Philippe de Commynes

Note pour moi-même

Si j'aime la littérature et me défie de la philosophie et du droit malgré leurs attraits intellectuels, c'est qu'il me semble que la littérature n'a pas l'intention ou la prétention d'influer sur le monde, tandis que les belles constructions philosophiques et juridiques finissent un jour par provoquer des catastrophes, une fois qu'elles ont imbibé les différentes strates du réel.

Je me défie des systèmes et des utopies, ce qui garantit que le monde soit vivable, c'est son imperfection-même.
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