Billets qui ont 'livre' comme mot-clé.

La constellation des livres

Une amie a posté cet article sur FB: L’intérêt de posséder plus de livres que vous ne pouvez en lire.

L'article a l'air de supposer que tous les livres contiennent de la connaissance. C'est tout à fait faux. Il y en a quand même beaucoup qui sont des non-livres qui ne devraient même pas exister.

Sinon, posséder plus de livres que je ne peux en lire ne me fait pas culpabiliser : la présence de livres m'apaise. Je les vois, je vais mieux.

Qui ici se souvient des étoiles quand on les voyait encore? Le jeu consistait à regarder entre deux étoiles jusqu'à l'oeil en discerne une nouvelle et de recommencer, et toujours une nouvelle étoile apparaissait et la nuit se creusait et plus on trouvait d'étoiles plus le noir s'approfondissait, c'était vertigineux et c'était bien.

Les bibliothèques me font le même effet. Que je passe devant, je sens la présence d'un monde sous chaque couverture, monde de la diégèse mais aussi monde de l'auteur qui s'est assis à sa table pour écrire, et sur l'étagère une multitude de mondes repose, et d'étagère en étagère ils se multiplient.
Je contemple des galaxies.

Cabinets d'audit, agences de notation et vieille rancune

The Big Short à La Défense. J'avais préféré Margin Call, à voir avant Inside Job. En fait, j'avais compris très tôt le mécanisme de la crise grâce à mes "petits déjeuners de la finance" expliqués par des banquiers (je retrouverai la date dans ce blog: en 2008, sans doute, quand je travaillais encore à la doc).

J'attendrai le reste de ma vie la chute d'une agence de notation, n'importe laquelle. Et ce jour-là j'arroserai ça à rouler sous la table.
Ça peut arriver. Après tout, Andersen est bien tombé. (Comme il est difficile d'expliquer à quelqu'un qui n'est pas de ce monde-là la haine que suscite, que suscitait, en moi ceux qu'on appelait les "big six" (Arthur Andersen, KPMG, Ernst and Young, Coopers and Lybrand, DTTI (ex-Touche Ross), Price Waterhouse), ceux qui nous courtisaient à la sortie de Sciences-Po, et que, rien qu'à voir quels étudiants ils attiraient — les plus prétentieux, les plus méprisants, les plus imbus de leur personne — je savais qu'ils étaient, qu'ils seraient (dans mes années professionnelles à venir) mes ennemis héréditaires. (Et cette intuition s'est confirmée: gens inutiles pleins de morgue payés très cher brassant beaucoup de vent — il aura fallu attendre V., élève dans ma promo à l'ICP et associé de l'un de ces grands cabinets, V. si réservé, aimable, prévenant, (le prince de la gougère au fromage) pour que je me dise que peut-être, il y avait quelque chose à sauver dans ce monde que je méprise (quelle est la phrase, déjà? «Certains rêvent de penthouses, de grosses voitures et de strip-teaseuses, d'autres de chalets isolés qui leur permettront de ne jamais croiser les premiers»)).

Phrase à retenir du film: «Ils ne sont pas stupides, ils s'en moquent. Ils savaient que les contribuables paieraient les pots cassés.»


Sans rapport et sans transition:
Ce matin, j'ai cherché quelques auteurs à télécharger sur mon téléphone, des auteurs pour la plupart libres de droits (je choisis des œuvres complètes entre un et trois euros, parce que tout travail mérite salaire). C'est amusant de constater ce qui m'est venu à l'esprit (en choisissant les langues que je lis: français, anglais, péniblement allemand):
- Berlin Alexander Platz (en allemand)
- Derrida par Peeters (lors d'une recherche sur Derrida)
- Tristam Shandy
- The Golden Bough
- De l'origine des espèces (Darwin en français)
- Tout Dickens, tout Swift, tout Carroll, toute la poésie de TS Eliot, Ulysses, Don Quichotte dans la traduction récente, les Mémoires de St Simon en deux tomes, tout James, tout Wilde, tout Poe, tout Baudelaire, tout Rimbaud, tout Chateaubriand, tout Proust (ou presque: pas Jean Santeuil et deux œuvres non libres de droits), tout Flaubert.

C'est un vertige que tout cela prenne si peu de place. Mon téléphone me devient très précieux, je le contemple avec respect: ce n'est pas possible (trois ans plus tard, elle comprit ce qu'était un iPhone… (mais enfin, qui ici a vu en 1989 un informaticien excité comme un pou à l'idée de posséder un disque de 60 Mo? J'ai quelques excuses à ne pas m'habituer. L'évolution a été proprement phénoménale.))

J'avais déjà téléchargé tout Hugo et tout Verne, Moby Dick, tout Kafka, Apologia pro Vita Sua et Balzac au compte-goutte (je le lis sur mon téléphone dans la journée, et le soir je lis les introductions et les notes dans la Pléiade.)

Vivrai-je assez longtemps? Curieusement, il me semble que je dois pouvoir tout lire. Pour la première fois, ça me paraît possible. (J'ai oublié Homère.)

Il me manque les Russes, des Russes. Mais je ne lis pas le russe. Et Tabucchi.

Une carte

Pas réellement un bonheur au sens de joie simple et intime, mais plutôt un petit mystère, une petite récompense tels que m'en réservent régulièrement les livres d'occasion (et ce que j'aime, c'est justement ce poids de vécu).

Et j'ai retrouvé la liste des adresses des participants à Cerisy, je vais pouvoir écrire des cartes de vœux.

Ranger sa bibliothèque

Oulipo. Je retiens une proposition d'Eduardo Berti: non, pas celle de lire les livres aller-retour, arriver au mot de la fin et tourner les pages à l'envers pour remonter vers le début (et certes, Ulysse de Joyce semble soutenir l'épreuve), mais celle de ranger sa bibliothèque dans l'ordre d'arrivée des livres sous son toit. Cela ressemblerait aux anciens catalogues des bibliothèques.
Le problème évidemment, c'est de décider cela au bout de trente ans: comment reconstituer cet ordre?

Un petit mot

Un petit mot de Gilda m'apprend que Rien où poser sa tête se vend bien. (Bizarre, je n'ai pas pensé à l'offrir à Noël. Trop timide, je pense. Ou réservée. Ou tous ces mots auxquels on ne pense pas quand on pense à moi (smiley)).


Dans un autre genre, encore un cadeau de Noël dans la boîte aux lettres: je découvre que le cadeau de ma sœur était un cadeau à triple détente. Ça c'est une surprise! (Soupeser le paquet et se dire: «ce n'est pas un livre».)

Bestiaire

Conversation sur le trottoir après le cours (sur St Jean - forts accents ricœurdiens).

— La chouette de ton ami Hegel…
— C'était la taupe, j'ai vérifié, il l'a piquée à Shakespeare, peut-être dans Hamlet, je crois.
— mais il y a aussi une chouette…
— oui, bien sûr…
— Il y a un paragraphe tout à fait savoureux sur les vaches dans la Phénoménologie…
— A quel endroit? je n'ai pas dépassé les deux tiers du tome un.
— Il y a quelque chose qu'il faudrait que tu lises si tu as le temps: la correspondance de Hegel. Il y a des lettres à sa femme tout à fait délicieuses…
— Ah, il était marié? C'est en allemand?
— C'est traduit, je n'aurais pas le niveau… Il s'intéressait à tout, il y a la description de hannetons… A un moment, il faut bien qu'il vive, ça ne s'est pas trop bien passé à Iéna, il est embauché comme proviseur…
— Ça nourrit, ce n'est pas à négliger, comme disait notre cher Grammont à une jeune fille à qui il conseillait de passer le Capes.
— …Sa grande obsession, c'est les chiottes, il n'y en a pas, les enfants se répandent partout, il écrit des pages et des pages pour réclamer des fonds, la construction de chiottes. Et sinon, je crois qu'on est un peu pareil, on aime bien les fous, ça devrait te plaire… il y a ce type, un marchand de vin, un Français qui a épousé une Allemande… il veut comprendre la philosophie allemande, il lit Kant, Fichte, Schelling, il écrit à Hegel pour vérifier s'il a bien compris… il y a des paragraphes lumineux, totalement compréhensibles, et Hegel, le plus grand philosophe du temps et peut-être de tous les temps, qui répond à ce marchand de vin, qui lui dit que oui, à condition d'apporter telle et telle restriction ou précision, c'est bien ça…

(En échange de la correspondance de Hegel, je lui conseille, fou pour fou, Poésie du gérondif.)

Petites joies sans importance

Bonheurdujour.
Difficile en cette journée où je ne me sens ni gaie ni optimiste.
Le chocolat viennois "miel amande" au Starbucks en sortant du cinéma.
Les œuvres complètes de Kafka en allemand téléchargées sur iBook (le dictionnaire en ligne immédiat en cliquant sur un mot m'ouvre un univers infini).

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2 janvier 2017 : j'explique ce billet incompréhensible maintenant. Il appartenait alors à une catégorie nommée "bonheur du jour". Le défi était de publier un petit bonheur par jour en 2016. J'ai abandonné à un moment donné dans l'année car cela multipliait les billets et j'ai fait disparaître la catégorie pour réattribuer les billets aux catégories existantes.

Suite

Donc rendez-vous annuel avec mon supérieur hiérarchique (j'ai lu quelque part que ce pensum était remis en cause par certains gourous des relations humaines. Bonne idée.)
En l'occurrence, c'est plutôt intéressant, même si mon chef semble me voir en hippie prêchant la paix parce que je défends le mutualisme (non, je défends la logique: ce n'est pas un contrat d'assurance, c'est une mutuelle).
— Ne vous trompez pas, simplement je n'ai pas l'habitude des représentants syndicaux. Je vis dans un milieu d'ingénieurs, je vise l'efficacité.
— Ah, n'utilisez pas de gros mot !


J'ai récupéré la montre de ma grand-mère. Elle fonctionne enfin, c'était la troisième tentative. Minuscule, aiguilles dorées sur fond doré, je n'arrive pas à lire l'heure avec ma vue déclinante. Mais ça n'a pas d'importance, ça me fait plaisir.


Fini Honeymoon with my brother.
Commencé The Last Lecture de Randy Paush (Le Dernier Discours). Un ingénieur qui n'a plus que quelques mois à vivre écrit un testament de vie pour ses trois enfants entre un et cinq ans: comment réaliser ses rêves d'enfants. (Je ne peux en dire plus, je commence le chapitre deux.)

Oulipotes

Premier Oulipo de l'année (la dernière fois j'ai oublié de venir).
Pièce de théâtre W ou les souvenirs d'enfance au jeudi de l'Oulipo. Le texte suit fidèlement le livre et c'est glaçant.

Puis pizzeria, dans une salle où nous sommes seuls et pouvons nous permettre de rire à gorge déployée (bon, ce n'est pas comme si nous nous gênions beaucoup habituellement).
Conversation avec M. qui a repéré quelques citations de ma part qui parlent de chameau et d'hébreu.
Par coïncidence, lui-même lit actuellement les écrits de grandes voyageuses des siècles précédents et il est rempli d'admiration. Il me cite Jane Dieulafoy (quel nom!) qui suivit son mari en Perse habillée en homme (elle passait pour son fils) et madame de Bourboulon qui incita son ambassadeur de mari à traverser la Chine pour rejoindre Moscou (plutôt que le traditionnel voyage par mer).

Le résultat de quelques recherches internet :
Trois livres de Jane Dieulafoy chez Phébus, sans doute lisibles en ligne sur Gallica :
Une amazone en Orient. Du Caucase à Persépolis 1881-1882: Paris, Phébus, 1987, 2010
L'Orient sous le voile. De Chiraz à Bagdad 1881-1882: Paris, Phébus, 1990, 2011
En mission chez les Immortels, Journal des fouilles de Suse 1884-1886: Paris, Phébus,1990

Une page du wiki Histoire de Chine rend hommage à Catherine de Bourboulon et Hélène Hoppenot. Le voyage de Mme de Bourboulon a été raconté par Achille Poussielgue.

Je signale pour mémoire cette liste de "mémoires par ou sur des diplomates français".

Malagar 1

Colloque à Malagar pour le centenaire de la naissance de Claude Mauriac. Pour tous ceux qui ne connaissent que le père, je fais la publicité du fils: des romans du Nouveau Roman "lisibes" (mais pour "lecteur averti" cependant, comme dit un commentaire de la bibliothèque de mon entreprise), des articles de journaux (dont cinéphiles), des rencontres (Jouhandeau, Gide, Cocteau,…) et un journal déstructuré ou restructuré (selon les points de vue: une chronologie recomposée par association de dates ou d'événements) couvrant la totalité d'une vie (la particularité de cette vie, c'est qu'étant le fils de François Mauriac, les personnes que Claude croisait naturellement étaient celles qui faisaient la France).

Ce que j'apprécie particulièrement chez Claude Mauriac, c'est la droiture et le scrupule, la tendance spontanée de tenter de comprendre le point de vue de l'interlocuteur ou de l'adversaire.

Interventions sur le diariste, le journaliste, le théâtre, un voyage tchèque (en 1938), La Marquise, etc.
Patrick intervient pour présenter l'amitié entre Jean Allemand et Claude Mauriac ainsi que le site Claude Mauriac dont il est webmestre.
(Mais c'est terrible, y a-t-il quelqu'un dans la salle qui ne tienne pas son journal?)

Rencontres interculturelles, encore. Ce voyage prend une teinte religieuse inattendue, entre le Belge agnostique, le Nantais appelé à témoigner au procès en canonisation du père Caffarel, l'incapacité de Claude Mauriac à croire malgré (ou à cause de?) la pression parfois excessive (à mon avis) de son entourage (Maurice Clavel, Xavier Emmanuelli) et mes voisines tchèque et russe catholiques (une Russe catholique? (un pour cent de la population)) au français varié et parfait.

(Et je remercie Aline qui a fait quatre heure de route pour venir nous saluer et partager quelques heures avec nous.)

Le futur de l'édition

Lettre reçue :

«De mon côté, les affaires alimentaires sont plutôt satisfaisantes. La petite entreprise de "rewriting" va son bonhomme de chemin avec [noms de plusieurs maisons d'édition] et autres qui nous envoient, à mon associé et à moi, de bons gros manuscrits qu'il faut "lisser", "toiletter", préparer", c'est-à-dire, ni plus ni moins, traduire en français courant, qu'il s'agisse de romans (eh! oui!), d'essais ou de témoignages. L'honnêteté voudrait, désormais, que l'édition imite le cinéma et fasse figurer, après le titre et le nom de l'auteur, un générique complet de tous les participants à un livre.»

Lectures

Pas de boîte à livre à la bibliothèque Melville. Je me suis détournée pour rien. Ce faisant, j'ai commencé machinalement Sur la balance de Job que j'allais rendre sans l'avoir lu, j'ai donc deux jours pour lire trois cent cinquante pages (il a déjà été prolongé deux fois).

Je suis un peu gênée de lire la Bible dans le métro, je me sens évangéliste fanatique.

Lude

Je lis Taubes dans le métro, La théologie politique de Paul. La transcription du colloque et la traduction rendent admirablement le ton alerte, caustique, passionné, du professeur.
Quand j'arrive p.74 à «Je pourrais me référer à l'allégorèse alexandrine, étudiée par Jean Pépin», je ferme le livre, j'enlève mes lunettes, et je ferme les yeux pour ne pas me mettre à pleurer.

C'est la même sensation que des années plus tôt à Versailles, le soulagement, la re-connaissance, tout va bien, il ne faut plus avoir peur. Le livre de Jean Pépin, c'est celui que j'avais acheté pour mon anniversaire en 2006, en même temps que les Cahiers de la nuit surveillée consacrés à Rosenzweig. Alors que je savais parfaitement pourquoi j'achetais les Cahiers, je n'avais pris le Pépin que par confiance dans le libraire.
Eh bien voilà. Le livre a trouvé son explication.

Relier ses livres

Passé récupérer le petit Taubes chez la relieur (les horaires sont plus variés qu'annoncé sur le site). Je lui laisse mes Fables de La Fontaine (édition scolaire Hatier des années 50) pour qu'elle me le relie à l'identique des Lettres de mon moulin trouvées à Mulhouse en février: que les deux piliers de mon enfance soient frères jumeaux.

Apparemment cela va coûter une petite fortune. Ce n'est pas grave. Ce qui m'ennuie, c'est plutôt que je ne peux assurer l'avenir de ces livres: où iront-ils, qui prendra soin d'eux, à quoi bon les aimer ainsi?
La relieur m'a demandé: «Alors, ils s'en sont rendus compte, que vous aviez des livres reliés dans votre bibliothèque?»
J'ai été interloquée une seconde, puis je me suis souvenue que j'avais dû lui dire que je pouvais bien faire ce que je voulais avec mes livres, personne ne s'en rendrait compte à la maison. Et c'est le cas. La bibliothèque est mon manteau de cheminée à moi (allusion à La lettre volée).
Finalement, le surprenant, c'est qu'elle se soit souvenue de ma remarque.

J'étais venue en vélib de Saint Lazare (Saint Lazare/Caulaincourt, ça monte), je repars en vélib pour gare de Lyon, un peu au pif, en me guidant au soleil (le garder dans le dos). De Caulaincourt à République (boulevard Barbès, avenue Magenta), pratiquement pas un coup de pédale, pente douce sur une piste cyclable sur les trottoirs très larges. Il fait beau, pas trop chaud, les gens sont gais.

H. m'a appelé vers 17 heures pour s'inquiéter de mon RER, il avait appris l'accident de train à Brétigny. Gare de Lyon à 20 heures, l'annonce était «A la suite d'un incident technique, aucun RER C ne circule». (Je prends le D).

J'ai commencé Auguste Valensin (recueil de notes, fragments de journal, etc, mis en ordre par Henri de Lubac et Marie Rougier) après mon orgie de livres vite lus qui m'a reposée. Jean me l'avait chaudement recommandé et les premières pages me donnent l'impression de comprendre pourquoi: interrogations sur la façon d'apprendre, sur les raisons d'apprendre, sur l'humilité, l'arrogance, etc. Je trouve par exemple ceci:
Il faut faire à fond ce qu'on fait. Le travail rapide n'est pas le travail hâtif. Il faut d'abord aller lentement, assurer les degrés… Par exemple, si j'avais bien à fond étudié Platon, de façon à le savoir, j'y aurais mis plus de temps , mais maintenant je mettrais moins de temps pour savoir Aristote, le comparer à Platon, et ainsi de suite: on met de moins en moins de temps pour approfondir. Je m'en aperçois bien pour l'allemand, que j'ai fait selon la bonne méthode: je paraissais aller lentement quand j'appenais Alibaba… j'étais tenté de cesser… les autres me devançaient… mais je suis avant eux tous: Alibaba que j'ai lu lentement me permet de lire Zeller vite. Or si sensée que cette réflexion paraisse, en pratique on s'y tient difficilement et je m'y tiens mal malgré mes résoutions.
Auguste Valensin, p.36
Evidemment, lui écrivait cela à 25 ans, pas à 46. D'une certaine façon c'est reposant: je peux travailler en abandonnant toute idée de compétition ou de réussite, il est trop tard, tout ce que je fais ne peut être qu'en soi, pour soi, il n'y a pas d'autre enjeu que l'avoir fait. Mais cet état d'esprit n'est pas si facile à conserver, par moment le cerveau panique.

Je retiens Alibaba ou les Quarante voleurs, par Wagner: histoire renfermant toutes les racines allemandes et toutes les règles et exceptions de la grammaire allemande dans l'ordre grammatical (Poussielgue, 1902). Opuscule de 36 pages, précise la note de bas de page.

Trois tiers

Matinée sur Römer (il ressemble un peu à Luchini (je suis contente de constater que la lecture de Dieu obscur m'avait suffi à déduire qu'il était protestant)).

Après-midi à Bois-le-Roi. Je dépose encore quelques livres dans la boîte destinés aux livres qu'on souhaite donner.
Le seul problème de la bibliothèque de Bois-le-Roi, c'est que je retombe dans ma vieille addiction pour les livres de L'école des loisirs, ça se lit vite et me repose. Simple, de Marie-Aude Murail.

The Big Bang Theory saison 2, épisodes 6 à 12.

Qu'en faire?

Hier Patrick m'a fait un étrange cadeau : l'année 2011 de ce blog repris dans un livre, "les mois à l'endroit".

Sensation étrange. C'est plaisant, c'est flatteur, je découvre que j'aime me relire et j'ai honte de cette complaisance; en même temps j'ai aussitôt des envie de corrections, ou plutôt d'ajustements, des précisions de contexte à apporter qui me semblaient inutiles sur le blog, éphémère par essence.
Qui dit quoi à qui dans quelles circonstances, cela paraît soudain beaucoup plus important dès que c'est imprimé. Il devient plus important d'être compris.

Mais que faire de cet objet? Je ne peux pas le faire lire à ceux qui ne connaissent pas le blog (et un livre non lu, c'est triste. J'ai toujours prêté mes livres, moins pour les lecteurs que pour les livres, pour qu'ils sortent des étagères, qu'ils respirent — parfois j'emprunte un livre à la bibliothèque uniquement pour qu'il sorte), et il est inutile de le faire lire à ceux qui lisent ce blog (et pour le coup ce serait bigrement prétentieux).
Impression étrange d'avoir dans les mains un objet absolument inadapté — et j'en suis embarrassée car j'en suis l'auteur.



Il y avait d'autres cadeaux:
- Les psaumes traduits (adaptés?) par Paul Claudel
- … le pivert nu et les tomates vertes… et Oulipotages de Jacques Theillaud (un ami FB)
- la correspondance Hawthorne-Melville que je n'avais pas trouvée cet été : D'où viens-tu, Hawthorne?

Deux artisans

Je suis en train de dépenser avec très peu de remords l'argent du ménage à des futilités.
  • et samedi, vieux rêve, des (enfin une) reliures.
    Un peu étonnée de me trouver tant de points communs avec la relieuse. Discussion à bâtons rompus sur la peau de chèvre, les bibliothèques en trompe l'œil, Le Contrat de Westlake, les charges qui étouffent l'artisanat (avec ce maudit calcul de charges sur les années N-2 qui condamne toute personne faisant une "bonne année" à mourir de faim les deux années suivantes: du travail indépendant comme bénévolat), la couleur du papier («vous choisissez le cuir, je choisis le papier» (ça m'a fait rire)), l'obsession de laisser les choses en ordre pour le cas où l'on viendrait à mourir brutalement afin de ne pas pénaliser ceux qui resteraient? (Cela ne m'a pas réussi de me faire passer pour organisée. Sûre comme la mort, j'ai oublié dans la boutique ma pochette contenant mes papiers et ma carte bancaire. J'y retourne ce soir.)>*

Ce n'est pas ce que vous croyez

1/ "D'apparence musulmane", assise à côté de moi ce matin.


Fier d'être arabe et chrétien


2/ Je m'assois sur le lit d'un inconnu après y avoir déposé quelques billets.


(Je viens de trouver chez un libraire "à domicile" un texte de RC que je ne qualifierai pas de rare mais d'inconnu.)

Rendre le monde plus fou

A bas la société de consommation


Je traduis un article trouvé sur twitter:

Cette lettre a été envoyée par un grand magasin anglais d'Oxford à l'une de ses clientes:

Chère Madame Murray,

Bien que nous apprécions à leur juste valeur vos visites régulières et l'usage de votre carte de fidélité, le directeur de notre magasin envisage de vous interdire, à vous et à votre famille, l'entrée de nos magasins, à moins que votre mari cesse ses excentricités.

Vous trouverez ci-dessous une liste de ses méfaits commis durant les derniers mois, tous attestés par les caméras de surveillance:
- le 15 juin, a pris 24 boîtes de préservatifs et les a distribuées au hasard dans les caddies de clients quand ceux-ci regardaient ailleurs;
- le 2 juillet, au rayon articles ménagers, a réglé les sonneries des minuteurs de façon à ce qu'elles se déclenchent l'une après l'autre à cinq minutes d'intervalle;
- le 14 août, a déplacé un panneau "attention, sol glissant" sur une zone moquettée;
- le 4 octobre, a utilisé l'objectif d'une caméra de sécurité comme miroir pour se curer le nez;
- le 3 décembre, a parcouru tout le magasin en regardant autour de lui avec méfiance et en fredonnant audiblement le thème de "Mission impossible";
- le 18 décembre, s'est caché entre des vêtements suspendus en criant «Attrapez-moi, attrapez-moi!»;
- le 23 décembre, s'est enfermé dans une cabine d'essayage, puis a crié très fort: «Il n'y a pas de PQ ici».

Veuillez agréer nos sincères salutations,

Le directeur du magasin

Repéré par Derrick Soo


Le livre des questions (version pas très sérieuse, j'en ai peur)


J'aime beaucoup le septième livre. (Surprise de voir apparaître ici Roger-Pol Droit…) J'aime bien l'idée aussi de voir la tête de gens dans le frigo (livre 3) : 241543903(ceci est la raison (enfin, l'une des) pour laquelle j'aime les Américains: cette façon de s'amuser ensemble sans avoir besoin de savoir qu'ils ne seront pas seuls à agir ainsi, sans avoir peur du ridicule… (Et ça y est, je viens de comprendre ce que c'est qu'un "MEME".))

Kantorowicz

Aile Denon, Le Greco, Murillo. Je comprends l'intérêt des expositions, les tableaux vus à cette occasion restent profondément gravés dans la mémoire, ils deviennent reconnaissables sans hésitation (Mantegna) Pourquoi? Parce qu'ils sont détachés du monde un instant, mis en avant?
Tendance à mélanger les Italiens, surtout quand il y en a plusieurs de la même famille. Vu le tableau dont Le Bernin disait que c'était ce qu'il avait vu de mieux à Paris. Oublié le nom, oublié le peintre (un ange robe blanche d'un bleu porcelaine, ceinture rose. Deux syllables, ce n'est pas Lippi, ce n'est pas Bellini... Retti? (non, Reni, je viens de le trouver sur Google)). Ce n'est pas le tableau que je préfère (la déformation du cou de la Vierge), mais d'autres Reni me plaisent beaucoup. A suivre.

Commencé Kantorowitz (Frédéric II). Emerveillement d'une lecture si fluide. Ce n'est pas difficile, c'est tout à fait facile, mais chaque phrase compte. Dense et fluide, une merveille, vraiment. Et puis il y a ses jugements du caractère des hommes, son attention aux hommes (Innocent III, Philippe de Souabe, Henri VI) qui me paraît si différent de ce que j'attends d'un historien (de ce à quoi je m'attends de la part des historiens, souvent si froids, si peu empathiques, que je ne peux pas les lire) et qui dessine Kantorowitz avec tant de chaleur.

Grosse déprime en découvrant les séminaires de l'Item: mais pourquoi je perds mon temps à des trucs inutiles qui m'ennuient alors que je pourrais le consacrer à des trucs ''inutiles'' qui me passionnent?

Tout le monde est malade à la maison. Le week-end sous la pluie n'a pas pardonné.
Menace de sciatique.

Soir

Appris qu'un blogueur très aimé est diabétique. Ça fait un choc. On a beau savoir que cette maladie est connue et maîtrisée, ça fait un choc.

Passé à la Fnac de la Défense pour acheter un livre de classe (un "cahier d'activité"). Comme l'attente à la caisse était longue, pris l'un des livres à proximité, Jean Teulé, Mangez-le si vous voulez.
Je n'aurais pas dû. Le titre est à prendre au sens littéral, terrible histoire d'un village devenu fou un après-midi de défaite, de sécheresse et de beuverie. Envie de vomir, pas tant de dégoût que de désespoir.

Encore une journée étrange, solitaire et lente. Je réfléchissais hier tandis que notre hôtesse évoquait la foule parisienne qu'il m'arrive souvent de passer la journée sans parler à personne, si l'on excepte les sourires, inclinaisons de tête et salutations lors des croisements dans les couloirs.

Un des bonheurs possibles de l'homme

Sur vehesse, j'ai mis en ligne une citation de Borgès. J'ai noté quelques mots dans les notes invisibles du blog. Aujourd'hui 18 avril 2020, je les copie ici.

Il y a longtemps que je sais qu'il n'y a pas de colère ou de chagrin qui ne cède dans une librairie : au bout d'un moment j'oublie tout, et même les livres. Le temps et l'espace sont rangés sur les étagères, il suffit de passer les yeux sur les dos des livres, le contenu de chacun se déploie quelques fractions de secondes, un contenu purement imaginé, bien entendu, et c'est comme un exercie de rêves, de dos en dos. De temps en temps on tend la main et on en ouvre un, pour dissiper le rêve et reprendre contact avec le texte, la réalité. Ce n'est jamais ce qu'on pensait mais ça n'a aucune importance puisqu'on savait qu'on rêvait.
C'est sans doute pour cela qu'il est si difficile de choisir un livre. Il faut en trouver un qui fasse d'avantage envie que le rêve.
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