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Sonnées

Dernière journée avec J.. Procéder à un envoi Sendinblue pour valider sa compréhension des mécanismes, lire ensemble les procédures de bilan qu'elle va devoir prendre en charge. Nous avions le cœur serré sans l'avouer. Selfie avant de nous quitter:
— Ça fait presque neuf ans… si le suivant reste aussi longtemps que moi, tu seras presque à la retraite.
— J'aurai soixante ans, s'esclaffe-t-elle, incrédule.

Je pense que je devrai revenir deux fois pour lui donner un coup de main, mais je ne sais pas si cela se fera réellement.
Et puis toujours la promesse d'un resto «après le déconfinement». Cela ressemble à l'horizon, recule au fur à mesure que nous avançons. J'ai fini Le grand incendie de Londres. Ces grandes catastrophes, rupture du temps, qui effacent tous les projets, à la fois ceux qui étaient en cours avant la catastrophe et la possibilité même de faire des projets.
Et sinon, très beau livre, même si sa structure me reste hermétique.

Le plus difficile

Le plus difficile est d'annoncer à J., ma collaboratrice, que je vais partir. Je l'appelle en fin de matinée: «je suis contente pour toi. C'est une bonne nouvelle pour toi, une mauvaise pour moi mais une bonne pour toi.»

J'espère que nous pourrons nous faire un resto avant mon départ. Serons-nous déconfinés d'ici le premier mars? Rien n'est moins sûr.

A sa façon de présenter ses vœux, je comprends que le trésorier est au courant. Il se passe ce phénomène que j'ai déjà constaté pour d'autres: l'espèce d'aura de prestige que prend une personne qui démissionne. Alors que j'aurais attendu une réaction du type «tu nous trahis», c'est une réaction «tu oses et tu prends le risque, whaouh».
C'est à la fois généreux et triste.

Turning point

Nous avons signé à trois heures, nous avons bouchonné à Fontainebleau à cinq heures.

Photos à cinq heures et demie du second étage du loft, vers l'intérieur puis l'extérieur. Dans trois six jours les jours commencent à rallonger. Nous allons déménager pendant la période suspendue de temps étale.

loft poutrelles acier loft vers l'ouest


Nous avons bu du champagne à six heures avec les anciens propiétaires, avec alarme du téléphone réglée à sept heures moins le quart à cause du couvre-feu.
Le propriétaire nous a montré ce clip de Fred Blondin tourné au loft.


Sur mon ordi m'attendait le mail d'embauche de mon futur employeur (mercredi, ce n'était que la confirmation du cabinet de recrutement).

Champagne bis !

Bu un peu trop de mousseux à jeun pour fêter le fait que je suis embauchée dans une petite boîte et que je vais pouvoir plaquer ma dém' dans mon grand groupe. Et dans ta face, le chef qui ne comprend pas que je ne vais pas attendre (comme lui) la retraite à me décomposer sur place d'ennui et d'exaspération (enfin bon, lui n'est pas du style à beaucoup s'exaspérer).

Better Call Saul, S4E8, ma préférée. Il faut sauver le soldat Babineaux. Tellement de fantaisie, de folie, de travail et de préparation.

Entretien

Un entretien positif ce matin à Vincennes.
Les magasins sont ouverts mais il n'y a pas tant de monde que ça.
L'après-midi j'apprends que je suis sur la short-list des deux personnes qui doivent rencontrer le président.
Chic.

Quant à H., il avait son audience de référé cet après-midi. Ça a duré trois heures. Il était content car ils ont eu un juge attentif.

Y a des jours comme ça où tout se concentre.

Futur

Déjeuné avec Domitille qui pourrait m'embaucher si ses projets se concrétisent.

— Finalement, je vais avoir le même boulot que Mme Fillon. (Impossible de me souvenir de son nom tant je l'ai appelé Pénélope).
— Non puisque toi tu vas travailler.

A suivre.
En attendant il faut que je me mette à jour.

Options

Etabli un récapitulatif de différentes options : passer à 80% ou prendre un congé sans solde pour travailler en indépendant, changer d'entreprise (mais je ne crois plus beaucoup à cette option, ni à celle de trouver un autre poste dans la même boîte).

Le problème est de s'être habituée à une certaine aisance financière.

2018, l'année de la déliquescence

2017 avait été l'année de la folie (au sens psychiatrique du terme).
Cette année est celle de l'effritement.

Déménagement de la Défense à Nanterre préfecture, (fin de l'aviron facile), instalation en open-space, GC a perdu pied jusqu'à nouvel ordre, dissertation non rendue en juin, diplôme raté de A. et inscription obligatoire à la CNOV, grève officielle du RER D d'avril à juin mais en réalité ça n'a plus jamais fonctionné normalement (normalement: être à l'heure au moins trois fois sur quatre), des amis qui défendent les zadistes (??!!), pas de RER A cet été, Vincent qui me claque dans les doigts à propos de la course des dames, les émeutes de fin d'année.

Le seul point de lumière aura été les 50 ans de mariage de mes parents : un temps magnifique et des gens heureux d'être là. Je me félicite de l'avoir organisé, heureusement que je l'ai organisé.

Je ne suis pas optimiste pour 2019.




Notons par ailleurs, pour mémoire et sans aucun rapport, pour ne pas perdre cette précieuse référence, ce diagramme destiné à permettre de dater une carte (après une discussion sur le thème "mon diplôme n'existe plus (DEA, DESS), mon école a changé de nom, je viens d'une ville qui n'existe plus dans un pays qui n'existe plus").




ajout le 16 janvier 2019
Count your blessings : 2018 est l'année où j'aurais compris qui je suis (je veux dire : ni un clône de mon père taciturne, ni de ma mère angoissée). Ça m'a libérée au niveau ambition professionnelle. J'espère juste que cela n'arrive pas trop tard.

PA de la semaine

- lundi 10 : une entreprise de joaillerie. Un cabinet de recrutement entièrement féminin.

- mardi 11 : Christian Tacquart fait envie (et les biscuits Traou Mad : le mariage de Matoo).

- vendredi 14 : Neuilly sur Seine, plus raisonnable. Une PME avec de l'international. (cabinet Badeloch & Clarck).

Le problème, c'est cette carrière entièrement dans l'assurance : comment donner envie à quelqu'un de me faire confiance pour faire autre chose ? Je me rends compte que pendant que je me consacrais à RC, ma vie professionnelle est passée à côté de moi. Vais-je pouvoir la rattrapper ?

La disparition des cadres

Matinée au cercle des Pyramides, un cabinet d’experts dans la législation sociale qui organise régulièrement des petits déjeuners de formation et d’information.

Très intéressant comme toujours. J’avais entendu parler de la fusion Agirc-Arrco, mais je n’en avais pas compris la conséquence: la disparition du statut de cadre, «un statut qui n’existe pratiquement qu’en France», «devenu inadéquat à une époque où l’expertise compte davantage que les capacités d’encadrement».

Beaucoup de contrats de prévoyance qui faisaient référence au statut de cadres (créé en 1947) vont devoir être réécrits. Les cotisations sont harmonisées, certains vont y perdre, d'autres y gagner.

L’avocat fait également allusion au projet de Macron de fondre les quarante-deux régimes de retraite en un seul… et évoque le problème des réserves : certains régimes ont de quoi couvrir dix ans de pension, alors que les réserves de tous les régimes représentent 160 milliards d’euros, soit six mois de pension pour tous les régimes confondus.
Je ne suis pas sûre qu’avec les émeutes actuelles ce soit vraiment le moment d’évoquer cela.

Autre sujet ambivalent : afin d’inciter les personnes à partir plus tard à la retraite, ceux qui auront acquis le droit à une retraite à taux plein en 2019 se verront appliquer une décote de 10% pendant trois ans sur leur retraite complémentaire s’ils partent aussitôt. S’ils partent huit trimestres plus tard, ils auront une surprime de 10%, et ainsi de dix en dix pour douze et seize trimestres.
Evidemment, ce n’est incitatif que si l’on en parle, et le moment ne me paraît pas extrêmement favorable. Donc cela va se faire en catimini, les gens vont partir et se retrouver avec la décote de 10% sans avoir été prévenus, ce qui va générer du mécontentement, etc, etc.


Je passe aux Galeries Lafayettes m’acheter une veste car je suis partie si vite ce matin que j’ai oublié d’en prendre une. Dans l'après-midi, entretien en interne pour un poste de chargée de mission auprès d’un directeur. Je crains d’avoir paru trop indépendante.


Puis allemand. J’ai failli ne pas y aller en me disant que j’étais trop en retard, mais le prof l’était plus que moi: bloqué dans le RER B, grand foutoir tout l’après-midi car un train s’est retrouvé, d’une façon que je m’explique mal, sur les lignes du RER, et il n’était pas évident de le dégager. (L’inventivité en termes d’incidents techniques serait une source d’admiration si elle n’était une source d’agacement).

Huit

Un entretien au siège à 8 heures du matin.

Je rate le deuxième cours d'allemand à 16h30 car je me suis engagée à compléter l'équipe du huit qui court à Angers le 14: il lui manque des rameuses pour deux entraînements.

Le bateau est encombrant et va vite, il demande beaucoup de concentration. Nous ne sommes pas réellement ensemble, il manque des heures et des heures d'entraînement en équipe. C'est un bateau qui doit permettre d'atteindre l'osmose. C'est exigeant (c'est pour cela que j'en rêvais. Il y a une course à Tours le 9 décembre, mais mes réflexions et calculs en Grèce m'ont fait aboutir à la conclusion que je ne vais pas y m'inscrire. Inutile de m'épuiser à mettre trop de choses dans le calendrier. Cela devient suffisamment compliqué comme ça).

Nous terminons l'entraînement à la nuit tombée. Il faut rentrer, je fais des mauvais choix entre la ligne 1 et le RER A (je rejoins le RER A à Charles de Gaulle pour aller plus vite mais il arrive puis reste en gare de longues minutes car survient un incident à Auber juste devant nous) puis attend dans la confusion gare de Lyon (vingt minutes de retard avec des trains qui changent de quai). Difficile de rester immobile avec les muscles brûlants.

Toujours pas

Reprise.
Entretien au siège à 17 heures.
Un pot à 18h45. JM est en train de faire le choix définitif de la théologie : il a démissionné d'un poste haut placé à la BNP pour son année de maîtrise. Il me cite la torah: «quand un homme a élevé ses enfants et a un toit, il a le droit de se consacrer à l'étude». (citation exacte à retrouver, me dit-il).
Concernant la dissertation de baccalauréat canonique (que lui a soutenue l'année dernière), je lui avoue que j'oscille entre des sujets qui me donnent l'impression d'être réglés en deux coups de cuillère à pot et des sujets qui exigeraient de lire tout Saussure, tout Benveniste, tout… (Nous parlons de Gunkel. Il ne connaît pas les formalistes russes. Je suis surprise.)
Il rit: «A priori c'est l'état normal des personnes normalement névrosées. Quand il te restera quatre mois, tu abonneras l'idée de faire le travail du siècle, tu prendras n'importe quoi et tu t'y mettras.»
Certes, réponds-je, mais paniquer doit faire partie du processus. Je crains que sans cela le mûrissement n'ait pas lieu.

Atelier. Je n'ai toujours pas de sujet. Je me sens très bête. A ma question ressassée "pourquoi faire de la théologie", une participante répond qu'elle ne comprend pas mon problème : c'est forcément pour parler de foi à des personnes croyantes.
Mais quel est l'intérêt de parler entre nous en étant tous d'accord ?

Convenir

— Je vais attendre d'avoir changé de boulot puis j'ajouterai ma licence de théologie sur Linkedin.
— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
— Pourquoi? Ça plaira à qui ça plaît.
— Je ne suis pas sûr que tu es envie de plaire à qui ça plaît.


Sur le coup ça m'a fait rire et paru plutôt vrai.
Mais finalement non: ce qui savent ce qu'est la théologie ne sont pas à redouter.

Equinoxe

Le vent est tombé assez vite mais la mer s'est creusée en vagues de deux mètres: c'est sans doute peu pour l'Atlantique mais pour la mer Egée s'est énorme, elle qui clapotait au pied de l'hôtel. Désormais les vagues se couronnent d'écume y compris en pleine mer.

Mon problème est le froid: j'ai préparé ma valise trop vite (en faisant trop de choses à la fois) et j'ai oublié de prendre un pull. Je n'ai que des robes sans manches et des sandales. J'enfile l'un sur l'autre deux tee-shirts sur une robe… Il y a une table dans la chambre mais pas de chaise, nous descendons travailler dans le hall de l'hôtel. Il n'y a personne, nous sommes en train de faire le contraire de tous les autres: rester quand il fait froid et partir quand il fait beau et que nous pourrions profiter de la mer.

Je passe deux heures à faire une fiche de lecture sur l'article de Lemieux lu en début de séjour. Me reviennent en mémoire les recommandations de Thibault Joubert en 2014: «faire de la théologie, c'est écrire». Or j'ai bien moins écrit depuis le début de ce cursus qu'avant.

Après-midi paresseuse. Nous allons à Platamonas à pied. Deux coups de fils professionnels: un rendez-vous plein d'espoir pour moi, une déception pour H.

Pour en finir avec cette mauvaise série

British Airways fête l'anniversaire de Freddie Mercury.

La holding du groupe est redevenue société mutualiste en juin dernier (après être passée SA en 2003 dans le but d'une introduction en bourse, projet qui a volé en éclats d'abord avec la crise des subprimes de 2008, puis avec une mauvaise notation en 2012).
Une offre de poste vient de passer en interne pour travailler dans ce domaine (le mutualisme). Ce matin j'ai peaufiné mon CV avec H. au téléphone et cet après-midi j'ai postulé en m'appliquant, c'est-à-dire en appliquant les conseils reçus en atelier de l'APEC en juillet dernier.

Uniforme

Renouvellement de ma garde-robe sur un mode que je n'avais pas appliqué depuis mes vingt-deux ans: j'avais alors passé un entretien, puis j'étais allée m'acheter les mêmes vêtements que la personne que je venais de rencontrer (j'ai été embauchée).
Là je fais dans l'anticipation, mais j'ai bien étudié les tenues de Homeland et The good Wife… *smiley* (J'ai acheté mes premiers pantalons depuis vingt ans (à l'exception de deux jeans, en 2001 et 2014).)


Dîner à la grande crèmerie. Bon mais cher, cher mais bon.

Chou blanc

Encadrement des débutants. Cool: deux débutantes, trois confirmés. Les débutants sont doués cette année, très bon équilibre, yolette stable.

Passé dans deux magasins le soir dans l'espoir vague de faire les soldes. J'ai décidé de me faire une garde-robe pro, ie bleu marine, blanche, beige (les trois B. Je plaisante mais pas tout à fait. Je n'irai pas jusqu'à adopter le tailleur, je n'aime que les robes).
Rien trouvé. Ce sera pour une autre fois.

Pris un Mobike pour rejoindre H. Comme nous n'avons pas réussi à nous mettre d'accord sur un restaurant dans le quartier, nous avons repris la voiture et échoué au Bambou (rue Baudricourt), le plus vietnamien des Vietnamiens. Salade de papaye et crêpe de porc accompagnée de mystérieuses feuilles (lotus d'eau? mûriers?): beaucoup trop mangé.

LinkedIn

Matinée à étudier LinkedIn dans un groupe dont deux RH (intéressant: la vision du recruteur). Ce lien permet d'avoir la vision des recruteurs (voir tout en bas de page).

Je suis en train de réaliser que je n'ai jamais pris la (ma) vie professionnelle au sérieux: c'était une sorte de hobby destiné à me nourrir, en aucun cas quelque chose de noble dans lequel s'investir. Ce n'était pas digne d'intérêt.
Aujourd'hui que je ne crois plus à l'intérêt général de la culture (art et littérature)1 j'ai envie de voir ce que donnerait l'investissement dans la vie professionnelle: est-ce là qu'il est possible d'être utile, de servir à quelque chose? (J'aimerais bien être utile). J'espère qu'il n'est pas trop tard.


Le soir vu Ocean 8. J'aime beaucoup Rihanna. Pour le reste ce film est totalement creux.


Note :
1 : cela n'a d'intérêt que pour soi-même, donc cela ne regarde que soi-même. L'injonction d'être cultivé vient des personnes cultivés en manque d'interlocuteurs pour discuter. Mais à part ça…

Le symptôme

Il est temps que je change de travail. Le symptôme est toujours le même: je me mets à aller au cinéma n'importe quand pour voir n'importe quoi.
Aujourd'hui à la Défense Le labyrinthe 3: le remède mortel. Un peu choquée que le mec qui apprend que son sang peut sauver l'umanité aille s'enfermer à l'écart.
Je suppose que ça permettra de faire un 4.
Sinon c'est comme d'hab: pas de réhabilitation pour celui qui a trahi. Il mourra forcément à un moment donné, en se sacrifiant pour la bonne cause si son remords est réel.

Management de transition

Quasiment fini la liasse fiscale. Je vais avoir clôturé les comptes en une journée. Il faut que je quitte ce boulot, il est devenu trop facile.

Cet après-midi, rencontré par l'intermédiaire d'A-C un consultant. Il est parti du principe que je voulais faire du consulting (ce qui est faux (non je ne veux pas parler de matrice SWOT. C'est ce que j'ai fui toute ma vie)) et m'a donné de bons conseils (c'est sympa de sa part, il a vraiment pris sur son temps par amitié pour A-C. Cela me fait plaisir de voir qu'il y a encore des gens capables de faire cela). Il propose du "management de transition" pour donner une teinte moins monolithique à mon CV (de l'assurance, rien que de l'assurance…) Pas bête. Je ne vois pas trop comment faire cela en étant en poste (le management de transition, c'est urgent par définition, pas question d'attendre trois mois de préavis que le candidat se libère), mais pas bête.

Levallois-Perret. Vent glacial. Cela faisait longtemps que je n'étais pas venue à Levallois-Perret.

J'ai abandonné le livre d'anthropologie chrétienne pour La jeunesse de Pouchkine. La faute à Markowicz qui a publié ceci sur FB hier ou avant-hier :
Mémoire d’Efim Etkind.
« Mémoire des souvenirs »
Chronique I.

Il aurait eu cent ans aujourd’hui. Mon maître, Efim Grigoriévitch Etkind. J’ai parlé de lui, je crois, assez souvent, depuis que je suis sur FB, je ne sais jamais si je peux répéter, si je dois recommencer à redire. Je sais que, d’une façon ou d’une autre, je lui dois tout.
J’aurais voulu parler de ça avec Sonia Wieder Atherton, — enfin, nous n’avons pas vraiment besoin, je crois, d’en parler, parce que nous comprenons sans mettre des mots dessus, — qu’est-ce que c’est, pour un musicien, un maître ? —Pour elle, Natalia Chakhovskaïa, dont elle est partie suivre l’enseignement à Moscou, alors qu’elle aurait pu très tranquillement, j’allais dire comme tout le monde, faire une brillante carrière sans ça. Mais voilà, la musique se transmet par affinités électives, de génération en génération. Est-ce pareil pour l’écriture ? Je ne le pense pas. J’ai l’impression que chaque écrivain se forme lui-même, avec ses lectures, évidemment, avec des amitiés, bien sûr, mais pas de maître à disciple. Les traducteurs non plus, bien sûr, — du moins en France.
Mais, je l’ai dit et je le redis, je ne suis pas un traducteur français. J’écris en français, je traduis en français mais je suis un traducteur russe, et si je suis fier de quelque chose de ma vie, c’est au moins d’une chose, d’appartenir à la tradition de la traduction russe, d’être formé par l’école russe — et, cette école russe, pour moi, c’était Efim Etkind. —

Imaginez ce que c’est, pour un adolescent, de le voir arriver, lui, ce colosse (il était grand et très costaud), et de voir qu’il travaillait avec moi. Qu’il me prenait au sérieux. Non, — qu’il voyait en moi quelque chose que, moi, je ne voyais pas du tout, quelque chose dont je ne savais pas ce que ça pouvait exister. Quelqu’un qui me faisait travailler inlassablement, recommencer, recommencer, qui me faisait lire, — qui m’apprenait à lire. Et sans jamais parler des sentiments, des émotions. En parlant toujours de la structure.

Tout ce que je sais de lui, je ne le sais pas seulement de ses livres, — ou, là encore, essentiellement pas de ses livres, mais de ses récits, — parce que, la plupart du temps, ses livres, je les avais écoutés, de chapitre en chapitre, en désordre, à la maison, chez mes parents, dans ma chambre à Deuil-la-Barre (Val d’Oise) — lui dans le fauteuil, moi, à côté, sur le lit, ou bien chez lui, à Suresnes. — J’ai su ainsi que, lui aussi, il avait appris tout jeune. Mais déjà, dans sa famille, son père et sa mère avaient voulu éduquer leurs enfants en trois langues (en plus du yiddish, qu’il parlait aussi) — bien sûr en russe, mais aussi, et en même temps, en français et en allemand. Il parlait ces trois langues aussi bien les unes que les autres. Nous n’avons jamais parlé qu’en français. Il ne m’a jamais dit un mot de russe — je veux dire, dans une conversation. Evidemment, jusqu’en 1974, il n’était jamais venu en France, tous les visas lui avaient été refusés. Et s’il était venu en Allemagne et en Autriche, c’était parce qu’il était un officier de l’Armée rouge. — Il avait fait la guerre (engagé volontaire, — il aurait pu ne pas la faire, parce qu’il était très myope), justement, en tant que traducteur de l’allemand, et vers l’allemand. Il me racontait comment il composait des chansons parodiques à partir des chansons de variétés de l’époque, et les répandait, par des tracts, et, surtout, la nuit, en rampant jusqu’à cent deux cents mètres des tranchées allemandes, et il parlait dans un mégaphone… toute la nuit, pour démoraliser les soldats. Plus tard, j’ai compris réellement ce que ça signifiait — et combien de gens comme lui se sont fait tuer, en première ligne, comme ça. Mais il ne parlait pas trop de ça. Il avait fait la guerre, il avait vu la mort en face, et très souvent, mais ce n’était pas un sujet de conversation. C’était juste un fait dans sa biographie. — Et puis, un jour, j’avais, par pure inattention (comme ça m’arrive toujours), fait carrément un contresens dans un poème de Pouchkine qu’il m’avait proposé de traduire. Et là, en souriant, il m’a dit que, bon, c’était très grave, mais ce n’était pas mortel. Mais que, pour lui, la traduction était quelque chose qui touchait à la vie et à la mort, et il m’a raconté que, pendant la guerre, dans sa division, un autre traducteur, un jour, avait, comme moi, commis une bévue — il était épuisé, sans doute. Ils avaient saisi des documents sur un officier allemand, et, dans ces documents, il était écrit que telle batterie de canons se trouvait disposée à tel endroit. Et lui, ce traducteur, avait traduit qu’il n’y avait pas de batterie à cet endroit. — Sur la foi de cette négation, le général de division avait lancé une attaque massive, puisqu’il n’y avait pas de canons. L’attaque s’est avérée être un massacre — qui aurait dû être évité. Le traducteur avait été fusillé.

Il ne m’a jamais parlé de la responsabilité morale du traducteur envers l’auteur qu’il traduit. Nous n’avons jamais, jamais, parlé de choses comme celle-là. Nous ne parlions que de structures, que de mots précis, que de lectures.

*

Il avait défendu Brodsky (il avait été très proche de Brodsky). En 1968, il y avait eu « l’affaire de la phrase ». — Il avait publié une édition très importante en deux volumes, une anthologie de la traduction poétique en Russie et en URSS. Il avait dit l’évidence, c’est-à-dire que, sous Staline, bien des poètes qui n’étaient pas publiés, traduisaient pour gagner leur vie — ce qui expliquait aussi le niveau exceptionnel des traductions en langue russe. Cette phrase, au moment où le livre était déjà imprimé, avait provoqué un scandale tel, que tout le tirage du livre avait été détruit, et qu’on avait tout réimprimé sans cette phrase. Déjà là, il avait failli être exclu de l’Institut Herzen (où il était le plus brillant des professeurs) et de l’Union des Ecrivains. Et puis, il avait aidé Soljenitsyne (j’en ai parlé, dans « Partages II »). Et puis, il demandait aux gens intellectuels juifs de ne pas émigrer, parce que leur place était en URSS, malgré tous les malgré — et un jour, il a été radié de l’Institut Herzen et convoqué au KGB (je vous la fais courte). Il y est allé, m’a-t-il dit, en survêtement et en bottes, en me demandant si je comprenais pourquoi. Je n’ai pas compris, bien sûr : en survêtement, parce qu’il n’y a pas de ceinture à enlever si on vous arrête. En bottes, parce qu’il n’y a pas de lacets. Et là, son interlocuteur lui a demandé, très poliment, s’il préférait aller à l’est ou bien à l’ouest, mais le plus vite possible. Et là, j’ai parfaitement compris — et vous aussi, j’espère.

Il est venu en France. Je crois que toutes les universités françaises, à titre symbolique, lui avaient offert un poste. Mais il y en avait vraiment un à Nanterre. Et il est devenu professeur chez nous.

*

La lecture, lui, je le disais, il avait commencé à la travailler tout jeune, à quinze, seize ans, auprès de Youri Tynianov. — Là encore, imaginez, tout ce que j’écris aujourd’hui, ce sont des bribes qui me reviennent de quarante ans. Parce que, oui, ça fait quarante ans que je travaille — j’allais dire que je travaille avec lui. Quarante ans. Quand je l’ai connu, il avait l’âge que j’ai aujourd’hui, et, Dieu, comme il me semblait vieux. J’avais son âge à lui quand il s’est présenté à Tynianov. Tynianov, entre mille choses, avait traduit Heine. Et ils lisaient ensemble, visiblement. Et moi, qui, à ma grande honte, ne lis pas l’allemand, je lis et je relis Heine depuis toute ma vie dans les traductions magistrales, magiques, de Tynianov, et celles d’Alexandre Blok. Mais il avait aussi travaillé auprès de Mikhaïl Lozinski… et vous savez qui c’est, Mikhaïl Lozinski ? C’est, entre autres chefs-d’œuvre, l’auteur d’une traduction grandiose, extraordinaire, de la « Divine Comédie ». Que je lis et que je relis.
Parce que c’est ça, aussi, que vous, mes chers lecteurs d’ici, qui ne parlez pas russe, vous ne pouvez pas comprendre— ou plutôt, c’est quelque chose que je ne peux pas vous expliquer. La littérature mondiale, quand je ne lis pas la langue, je la lis en russe. Parce qu’il existe une tradition immense de la traduction en Russie. Une traduction, c’est-à-dire des critères de base, et une école — des écoles, bien sûr, mais, en vrai, une école. Depuis Vassili Joukovski, qui ne distingue pas ses traductions de ses poèmes (et c’est par Joukovski que tous les Russes connaissent Goethe, Schiller et Byron, et qu’ils lisent « L’Odyssée » — évidemment en hexamètres dactyliques, comme dans l’original). Et Nikolaï Gnéditch, qui consacre sa vie à traduire « L’Iliade ». Et puis, ensuite, la grande école de la première moitié du XXe siècle : Blok, justement, mais aussi Pasternak, mais aussi Zabolotski, et Arséni Tarkovski, et d’autres noms, majeurs, que vous ne connaissez pas, comme Sémione Lipkine, et Lozinski, et des dizaines et des dizaines d’autres. Et donc, quand Efim Grigoriévitch m’a ouvert sa bibliothèque (des dizaines de milliers de livres), j’ai lu et lu et lu et lu. En russe.

Il a été l’élève des plus grands formalistes russes. De ces gens qui ont révolutionné les études littéraires, — et pas que les études littéraires, bien sûr. Chklovski, oui, Tynianov, Eikhenbaum, et d’autres, comme Viktor Jirmounski. Chercher la structure, ne jamais séparer la forme et le fond. Etudier le texte en tant que tel, mais ne pas le séparer de ses contextes, de tous les contextes possibles, — de sa mémoire : Etkind, en rigolant, m’a dit qu’il appelait ça « le structuralisme à visage humain », en parlant d’un grand ami à lui, un autre grand grand savant, Youri Lotman. Et ne jamais parler des sentiments, mais toujours, concrètement, des mots, des sons, de la construction. Traduire, ainsi, c’est rendre une structure par une structure. Et ne jamais rien séparer…

Et puis, comment voulez-vous que je vous parle de l’émerveillement que j’éprouvais, moi, et que j’éprouve encore, quand je l’ai entendu lire ce poème de Blok, « Ravenne »… Je ne peux rien vous traduire, là, parce que rien n’est traduisible, ni le poème ni l’analyse, mais de le voir décomposer la structure par trois, — pas « la » structure — « les structures », parce que, naturellement, il y a plusieurs niveaux de lecture de la construction, du plus large au plus restreint, — parce que ce poème est écrit comme un hymne à la « nouvelle vie » de Dante. Et de voir comment, par exemple, il faisait attention aux sons, au « n »…

VSIO chto miNOUTno, VSIO chto BRENno,
PokharaNIla TY v véKAKH.
TY kak mlaDEnets SPICH, RaVENNa,
Ou SONNoï VETCHnasti v rouKHAK…

C’est la première strophe…

Tout ce qui [tient] de la minute, tout ce qui est mortel,
Tu l’as enterré dans les siècles.
Tu, comme un bambin, dors, Ravenne
[Dans les bras] de la somnolente éternité.

« miNOUtno, BRENNo, RaVENNA, SONnoï (somnolente). Et, me disait-il, tu comprends bien, n’est-ce pas, ce que ça signifie, de commencer à contre-temps ? — Parce que, oui, le poème est écrit en « iambes », c’est-à-dire que l’accent est sur la deuxième syllabe, il ne peut pas être sur une position paire, et là.. tout le début est sur la première syllabe… Et oui, j’entendais, oui, je comprenais. Son amour d’Alexandre Blok, je le garde en moi, j’en porte la mémoire.

*

Le grand thème de la poésie russe, me montrait-il, au XXe siècle, c’est la mémoire. Il était la mémoire incarnée. Il avait connu tout le monde — depuis les années trente. Il connaissait par cœur des centaines, — réellement des centaines — de poèmes, en français, en allemand, en russe. Il les gardait, il les disait, parfois, pour me faire entendre. J’ai entendu Akhmatova par lui — et tous les autres. Et puis, c’est lui, quand même, qui a publié les « Conversations d’Anna Akhmatova avec Lidia Tchoukovskaïa ». Il les a publiées en russe, bien sûr. De cette publication, je me souviens comme si c’était hier.

J’étais chez les Etkind en été, ils venaient d’acheter une maison de campagne à Yvignac, en Bretagne. Il n’y avait pas de portable à l’époque, vous imaginez bien, et même pas de téléphone direct entre la France et l’URSS. Il fallait commander la conversation et attendre. Et, lui, en relisant les épreuves, et en particulier les poèmes d’Akhmatova cités par Lidia Tchoukovskaïa, il me disait qu’il connaissait des variantes différentes — jamais très importantes, un mot, une virgule, mais, enfin, il voulait être sûr. Parce que Viktor Jirmounski, dans l’édition qu’il avait faite des œuvres d’Akhmatova, les avait publiées d’une certaine façon, et elle, Lidia Kornéïevna (elle était la fille de Korneï Tchoukovski), elle disait autre chose. Ils sont restés au téléphone pendant trois heures, à parler de virgules et de tirets, et de l’intonation que ces virgules donnaient, ou ne donnaient pas, au texte d’Akhmatova, textes que, de toute façon, elle n’écrivait pas, puisqu’elle les donnait à apprendre par cœur, en particulier à Lidia Tchoukovskaïa. Cette conversation tranquille reste une des souvenirs les plus merveilleux de ma vie : malgré tous les KGB du monde, d’un bout de l’Europe à l’autre, eux, ils étaient là, et ils parlaient de vers… Et là, réellement, j’ai aimé l’expression française : « savoir par cœur ». Oui, ils savaient par le cœur.

Je voudrais, pour aujourd’hui, terminer sur cela : le savez-vous que, quand vous lisez Vie et destin de Vassili Grossman, vous le lisez grâce à Efim Etkind ? — C’est lui, et son ami Simon Markish (le fils de Peretz Markish), qui ont reçu le manuscrit du grand roman qui avait été arrêté par le KGB — oui, le roman avait été arrêté, pas son auteur : arrêté, toutes les copies, tous les brouillons, même les buvards. Tout avait été emporté. Quand Grossmann avait demandé audience à Khrouchtchev, il avait été reçu par Souslov, qui lui avait dit : « Votre roman ne sera pas publié avant deux cents trois cents ans. » Grossman avait développé un cancer, il était mort deux ans plus tard — comme Pasternak avait développé un cancer foudroyant et était mort après l’affaire « Jivago ». Il se trouve qu’il avait, à tout hasard, confié un exemplaire du manuscrit à son ami Sémione Lipkine (sur lequel je reviendrai), et que Lipkine l’a fait parvenir à Sakharov, et c’est visiblement, par Sakharov et aussi Vladimir Voïnovitch (mais ne me demandez pas comment, je ne sais pas) qu’Etkind a reçu les deux microfilms du roman. Simon Markish et lui les ont déchiffrés, page à page, mot à mot, et publiés, en 1980, chez l’Age d’Homme, parce que c’est l’Age d’Homme qui publiait, au même moment, notre Pouchkine… Etkind avait trouvé le temps d’établir le texte. De ça, je me souviens. Je me souviens de son sourire quand il nous en parlait à table — du choc, aussi, qu’il avait eu en découvrant les premières pages. Je me souviens d’avoir reçu l’un des premiers exemplaires, en tout petits caractères… Je découvrais Grossman.

Je me souviens de bien d’autres choses — mais, là, déjà, je suis beaucoup trop long. Je reprendrai plus tard.
Brodsky, Grossman. Ça me donne envie de pleurer.

Anglais

Je passe l'après-midi à convertir mon CV en anglais. Je me sers de site en ligne et d'offres d'emploi pour récupérer le vocabulaire. Je suis vraiment light, pas beaucoup de réflexes. Toute ma compréhension est littéraire et écrite. Je trouve une annonce qui demande un TOEIC supérieur à 900, de fil en aiguille je trouve ces grilles d'analyse.
Il faudrait/ il faudra que je les passe. J'ai l'impression d'avoir un niveau très décousu, à connaître du vocabulaire recherché sans être capable du plus simple.

Cet envie de contexte international est sans doute absurde. C'est ma frustration d'être née trop tôt, avant Erasmus.

Pentagon Papers

La journée s'est terminée à temps, avant que je ne morde quelqu'un.
Je feuillette les annonces de Linkedin comme un catalogue de jouets avant Noël : plus de banque, plus d'assurance, n'importe où sauf dans le 92, 93, 95. Mais bon. Pour l'instant ce n'est que du feuilletage.

Pentagon Papers. Deux remarques non cinématographiques :

- plaisir des rotatives et des caractères en plomb. Je soupçonne Spielberg de n'avoir fait le film que pour cela, pour le plaisir de réveiller ou reconstituer ces machines endormies (ô le tremblement des meubles dans les étages quand les rotatives se mettent en route à deux heures du matin… Cette magie avait disparu avant internet, cela faisait longtemps que les imprimeries avaient été exilées en banlieue).

- Comme parfois, voire souvent désormais, Spielberg donne une leçon d'histoire, un cours de droits civiques. Ici cela porte sur deux sujets : le premier, évident, est celui de la liberté de la presse, le droit à l'information et à la vérité. La mise en scène de l'amitié entre les dirigeants politiques et les propriétaires de journaux m'a fait songer que c'était peut-être ce qui avait manqué à Edward Snowden : il ne faisait pas partie du même monde… Bien entendu, le film est destiné à renvoyer à l'époque actuelle, l'époque Trump, aux fake news, à l'implication de la Russie dans les dernières élections, etc. Le film se termine sur le cambriolage de l'immeuble Watergate qui aboutira à la démission de Nixon : sous couvert d'un film historique, Spielberg indique son espoir que la presse fasse son travail aujourd'hui comme en 1972 et abouttisse si possible au même résultat.
Par ailleurs, il traite le sujet de la transparence des femmes, des femmes riches oisives s'occupant de l'aspect mondain de la vie maritale (Mrs Dalloway), des femmes non prises au sérieux, ignorées, mais faisant face, devant faire face à leur corps défendant, quand les circonstances l'exigent. J'ai souri en constatant que Spielberg n'avait pas pris le risque que les spectateurs ne comprennent pas : la femme de Ben Bradlee, le rédacteur en chef, explique ce qui est en train de se passer : « Toi, tu ne risques rien, au pire ta réputation en sortira grandie ; elle, elle est seule et elle risque tout » (et Spielberg fait expliquer cela par une femme). Empowering women. Heureuse coïncidence (pour lui) qui fait sortir ce film peu après le scandale Harvey Weinstein: à croire qu'il en est pour les prises de conscience sociales comme pour les découvertes scientifiques : un moment où les temps sont mûrs, un moment où différents événements ou artistes ou scientifiques convergent.

La mouche

La Mouche à la cinémathèque. Quelle lecture, quel blog, m'avaient-ils amené à penser qu'il s'agissait d'un film sur les voyages dans le temps ? Pourquoi m'attendais-je à un paradoxe temporel avec une mouche pour témoin ? S'agit-il d'un autre film ? J'aimerais retrouver cette source, il me semble me souvenir d'un mouche au milieu d'un objectif de photo ou de caméra…
En tout cas, anti-spoil : ce n'est pas du tout ça.

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Agenda
J'ai annoncé à mon supérieur que je comptais entreprendre un bilan de compétences. Je ne sais que faire du temps qui me reste :
- prendre un bullshit job très bien payé et me moquer du monde ? Ce serait dans la logique de ma carrière mais j'ai trop envie de me moquer des bullshit jobs eux-mêmes et de ceux qui les prennent au sérieux (y en a-t-il qui les prennent au sérieux ?) pour pouvoir faire cela avec le niveau de componction requis.
Le salaire compte moins en lui-même que pour le marqueur qu'il constitue : j'ai enfin compris que dans le monde du travail, ce n'est pas la compétence en soi qui est respectée, mais le salaire, et je ne veux plus être méprisée par des gens qui m'arrivent à la cheville (cette phrase extrêmement prétentieuse est la conséquence de quinze ans passés sur internet et sept à l'aviron où je ne supporte plus les nuls qui se croient bons) : il est important d'occuper la place que l'on doit occuper, même si par paresse et lâcheté et manque de confiance en soi on aurait tendance à choisir les positions humbles. Les organisations ont horreur du vide et il ne faut pas se plaindre ensuite de voir occupées par des cons des places qu'on n'a pas eu le courage de prendre. Bref, faut se remuer1 ! (mais ici j'ai glissé : il ne s'agit plus de bullshit jobs, mais de postes à responsabilités))

- choisir une voie intellectuelle, sans doute du côté de la traduction. Ce qui me manque pour cela, c'est la conviction : je ne trouverai jamais d'éditeur, je ne gagnerai jamais ma vie avec cela. Je suis défaitiste.

- choisir une voie humanitaire (je me retiens pour ne pas mettre des guillemets un peu partout) en m'investissant dans jrsfrance.org, par exemple. Là, c'est pratiquement du bénévolat. Quoique… la croix-rouge embauche en ce moment, il doit y avoir d'autres postes ailleurs.
J'ai peur d'être déçue, j'ai peur de me transformer en guimauve, je n'ai pas envie d'être compassionnelle, j'ai envie d'agir. Et j'ai peur de me retrouver endoctrinée dans des organisations aux convictions qui me feront rapidement horreur.


En rentrant, H. passe longtemps au téléphone à mettre les choses au point avec P. sur le management des équipes : ça va mal (déjà encore de nouveau). Les neufs personnes vendues avec le logiciel absorbent le choc en mettant la pédale douce alors qu'H. les voudrait déjà à leur maximum de productivité. Il faudrait peut-être prendre en compte les cycles de tension, pression, dépression, compression de l'esprit ou âme humain ; prendre en compte aussi que si H. est au courant depuis plusieurs semaines, les neuf n'ont appris la vente et leur changement de statut il n'y a que huit jours. (Orangina sanguine : « mais pourquoi est-il si méchant ? » ; H : « mais pourquoi est-il si pressé ? » (en réalité je sais pourquoi : cela s'appelle des clients)).

Pendant ce temps je regarde mon éternelle Good Wife : le colonel Chavez et le Vénézuela (épisode 20 de la saison 2) (et je pense à Mélenchon et aux canards sauvages : des bolivars). Hier, l'épisode 18 faisait un étrange écho à l'actuelle polémique qui entoure la promotion du dernier disque de Bertrand Cantat2.


Note
1 : quitte à devenir le nul et le con de quelqu'un d'autre ou de tous les autres. En tout état de cause, cela me paraît inévitable — et pas obligatoirement faux.
2 : Rappel pour les lecteurs du futur : chanteur qui a tué Marie Trintignant en 2003, sans doute par accident, au cours de violences conjugales coutumières.

Un barbecue anniversaire

Pas assez dormi : couchée bien trop tard zonée devant The Good Wife. Cette série met bien en scène l'intimité : ce que c'est que se connaître intimement entre époux, même après la trahison et dans la colère. L'actrice est exceptionnelle.

Anniversaire chez the voisins (ils sont nés à une semaine d'écart, pratique).

Cette année sera décidément sous le signe de la folie : une connaissance (qui a lui-même était hospitalisé plusieurs mois pour dépression) raconte la maladie de sa fille de quinze ans, pour laquelle il n'y a pas de nom pour l'instant : trop tôt pour l'instant. Parmi les symptômes, il y a la scarification ; l'incapacité à supporter d'être dans un espace confiné avec d'autres, donc l'incapacité à aller en classe ; la peur d'approcher ses parents, car celle qui habite dans son corps risque de les attaquer et de leur faire du mal…

Le voisin a un esturgeon de vingt centimètres dans un bassin de seize mètres carrés dans le jardin. Caviar dans vingt ans… Ah non, zut, c'est un mâle. Je suggère qu'on pourrait manger le sperme plutôt que les ovules, cela n'a pas l'air de réjouir les messieurs présents.

Tard le soir, nous mettons à jour mon CV pour un poste mieux payé, plus prestigieux et sans doute ennuyeux à mourir. Je ne sais pas si c'est une bonne idée. (Je suis sûre que c'est une mauvaise idée mais cela peut être un tremplin utile vers autre chose.) H. a l'idée étrange de mettre "grec" en loisir. C'est un bon test pour jauger ceux qui vont lire ce CV. Quelle quantité de déviance à la norme sont-ils prêts à accepter ?

Enquête

Les questions sont ici.

1. Non. Je ne sais pas si je le regrette. Je ne sais qu'en penser. Peur (de perdre le contrôle) et curiosité (de découvrir de moi des choses inconnues, de préférence insoupçonnables).

2. Non. Jamais témoin, une seule fois marraine… Ma vie est un échec.

3. Plus maintenant. J'en ai rêvé au lycée. Une fois encore je regrette d'avoir abandonné trop tôt. Le parcours qu'on vous annonçait été hyper-balisé (un doctorat en physique ou biologie). En réalité, un métier dans l'aviation et de la chance aurait pu permettre de s'approcher du but, cela s'est "beaucoup" ouvert avec la chute du mur (enfin, ça ne représente pas beaucoup de places malgré tout!) Je me souviens de la première Française, en 1985 ou 1986.
Aujourd'hui j'aurais peur. Je suis devenue peureuse en vieillissant. Je comprends mieux pourquoi on parle de l'inconscience et de l'insouciance de la jeunesse. Cette inconscience me manque, je la regrette.

4. Non. Avec mon grand-père maternel, il y a trèèèès longtemps. L'enfer. «Chut, arrête de bouger, ne parle pas», etc. Ah, et une fois en mer, à douze ou treize ans. Ça c'était bien, mais j'avais attrapé de sacrés coups de soleil.

5. Il me semble que oui. Mais évidemment, je ne suis pas objective.

6. Non. Je me dis que je devrais apprendre à planter un crocher dans du placoplâtre (Youtube à mon secours!) pour faire ce que je veux.
Mais je n'ai rien que je souhaite mettre au dessus de mon lit.

7. Oui. Pas tous les parents, mais un ou deux, oui.

8. Non.

9. Pas à ma connaissance !

10. 5h45. Rendormie en attendant le réveil (6h15)
Ces horaires sont ceux de mercredi 26 novembre, jour où je remplis ce questionnaire. Samedi dernier était le seul jour de la semaine sans contrainte, j'ai dû me lever un peu avant neuf heures.

Retour sur une vie (psychanalyse)

Cette planche de BD, dans le contexte d'un week-end orageux (orage dont j'espère que l'explication se trouve dans des médicaments mal dosés), m'entraîne dans des souvenirs que je ne mettrai pas tout de suite en ligne, pour ne pas qu'ils soient lus par trop de lecteurs.

Je n'avais jamais pensé au prince charmant, ma mère m'ayant suffisamment répété que j'étais insupportable pour que je sois persuadée que je serais seule (et cela me convenait très bien. Il n'y a pas longtemps sur FB en lisant deux femmes se pâmant sur des histoires de pirates ("j'en étais amoureueueuse quand j'étais petite!!!"), je me suis rendue compte que j'avais toujours été le pirate ou le mousquetaire, jamais la femme du pirate. Le conjugal n'a jamais été instinctif chez moi.)
(Aujourd'hui, en faisant le compte des reproches de mon mari, je me dis que ma mère devait avoir raison.)

Le travail? J'en avais une définition négative: ne pas être prof (le métier de mes parents). Pas ingénieur parce que cela me faisait peur (comment ça construire des ponts? mais je ne sais pas faire ça, ça va s'écrouler), pas médecin puisque ma mère, toujours elle, avait décrété que j'étais trop égoïste, alors… Ma mère (éternellement: on se demandera après pourquoi je me méfie autant des femmes) avait repéré que dans les classements de L'Etudiant, Sciences Po apparaissait à la fois dans les fac et les grandes écoles.
Et c'est ainsi que je me suis retrouvée à Sciences Po.

J'imaginais surtout que je marcherais. Mon idée du futur, c'était un sac à dos, droit vers le soleil levant, vers Vladivostock. Jusqu'à la mer. Je rêvais sur un fleuve ou une région, le Iénisseï pierreux (j'ai toujours eu un faible pour les régions désertiques au nom magnifique: les îles Kerguélen, rêve d'enfant).

J'aime beaucoup la pub sur la formation continue qui passe en ce moment au cinéma: un petit garçon demande à son père «Et toi, tu veux faire quoi plus tard?»

Je n'ai pas abandonné l'espoir, mais je ne sais pas l'espoir de quoi.

Incompréhension

Journée en réunion. Fébrilité.Ce qui me gêne, c'est de ne pas savoir ce que pensent réellement les autres. Si je pouvais être sûre que personne ne prend tout cela (trop) au sérieux, que nous sommes tous en train de jouer notre rôle avec plus ou moins d'habileté, je pourrais prendre beaucoup de plaisir à cela. Ce qui me tue (à petit feu), c'est de ne pas savoir si certains prennent vraiment tout cela au premier degré, et si oui… comment font-ils? Comment peut-on réellement prendre cela au sérieux, penser que cela a vraiment de l'importance, alors que cela n'apporte rien à personne, que cela ne fait que répondre à des exigences législatives? (exemple: «Nous ne ferons qu'un audit de conformité» signifie «nous vérifierons que la procédure existe, mais nous ne vérifierons pas qu'elle est adaptée, et encore moins qu'elle est appliquée». Mais à quoi, à qui, cela peut-il bien servir? Je les regarde, je songe à Lewis Carroll et Borgès, nous décrirons le monde jusque dans ses moindres détails, notre monde sera entièrement décrit dans nos tiroirs, dans nos armoires, et parce que nous l'aurons décrit et circonscrit, nous croirons le dominer et le maîtriser. Et je songe au Titanic. Décidément, j'ai du mal, cette rentrée ne passe pas. J'ai passé trop de temps au grand air.)

Projet professionnel (et Clément)

Cette fois-ci, Clément a dépassé les bornes. Je laisse tomber. Qu'il se débrouille. Et si tout lui pète dans les mains, tant pis.

Encore un entretien, hier. Et tout ce qu'ils voient, c'est ma vacuité, mon manque de désir, la futilité de tout cela. Peuvent-ils réellement croire qu'on puisse être enthousiaste à l'idée de paramétrer des logiciels ou de faire de la comptabilité IFRS?

Je vais faire autrement. Je vais m'investir dans l'A*BS, et aller me promener dans le groupe pour faire de la formation : je me fixe un objectif d'une demi-journée par semaine. Il faut également que je lise la presse professionnelle (en documentation) et sans doute que je me forme un peu au web. Je pourrais peut-être trouver quelque chose au CNAM sur ce sujet.

La fin

Nous étions invités le soir à un cocktail par l'entreprise. Le 5 ou le 6, j'aurais juré que c'était un vendredi, mais maintenant que j'écris cela quinze ans plus tard, je m'aperçois que le vendredi est un 7. Tout est toujours un peu faux.

Durant ce cocktail, nous avons appris que notre société était vendue. Plus exactement, notre équivalent "Vie" était racheté par une grande banque mutualiste, et nous faisions partie des conditions de vente: reprendre également la société "Iard" (incendie et autres risques divers, tout ce qui est assurance de biens par opposition aux assurances de personnes).

Nous aurons le choix entre suivre notre patron qui rejoint la maison-mère ou intégrer les équipes de la banque.

Mon monde s'écroule. C'est fini.
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