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Opération bis

O. s'est fait enlever les dents de sagesse aujourd'hui.

Comme il y a un an et demi, petit déjeuner aux Editeurs (c'est très snob, mais c'est aussi un café d'habitués), choisi pour son "grand" petit déjeuner (dixit la carte). Depuis la dernière fois, du jus de citron (à côté de l'orange et du pamplemousse) est proposé.
Le carrefour devant le café est condamné, le bitume arraché, mettant à nu les pavés. Un inconscient a attaché son scooter à une rambarde à l'intérieur des palissades vertes. Délicatement les ouvriers tronçonnent la rambarde pour dégager l'antivol sans abîmer celui-ci.
Nous partons à pied jusqu'à la rue du Bac (je donne l'adresse à qui veut (la demander en commentaire), nous sommes très satisfaits de ce chirurgien-dentiste); O. est tout surpris d'être aussi flageolant suite à la prise d'un Atarax.

Je suis surprise par la beauté de ce portrait 58 rue de Seine:





J'abandonne O. (quarante minutes, me dit l'assistante) et vais chercher la voiture près du théâtre de l'Odéon. En chemin je m'arrête à l'église du centre Sèvres.

Je récupère O. enflé sans excès, lèvres épatées, sans bleu (la non-utilisation d'écarteurs beaucoup plus douce). Il dort tout l'après-midi et moi aussi. A vrai dire, je ne ferai rien de ce que j'avais prévu de faire.

Le soir, The Grand Hôtel Budapest. Oserais-je dire que ce qui m'a sans doute frappée la première fois, c'est l'enfilade de certaines rues pavées, si semblables à certaines vues du Dernier des injustes? Et comment ne pas penser aussi à Ada, à la prégnance du rêve sur la réalité et à la fin d'un monde?

Agacement

O. est opéré des dents de sagesse mercredi prochain.

Je passe à la pharmacie pour acheter les anti-douleur et les antibiotiques prescrits par le dentiste.
Je repars bredouille : mon ordonnance a une semaine de trop, elle doit avoir moins de trois mois pour être remboursée par la sécurité sociale.

J'en suis quitte pour téléphoner, qu'on m'en maile une autre. Heureusement que pour une fois je m'y suis prise un peu à l'avance, certains traitements doivent être commencés la veille de l'opération.

J'fais c'que j'veux avec mes ch'veux

Mais en fait c'est pas vrai.

En 2007, j'ai trouvé un coiffeur qui m'a fait une coupe au carré à partir de laquelle j'ai réussi à me faire pousser les cheveux, ce qui était une première depuis les années 80: j'ai toujours eu, ou j'avais toujours eu, les cheveux très courts (je me suis dit un jour que, hasard ou inconscient, j'avais laissé pousser mes cheveux une fois que mes seins avaient été réduits (la phrase de Tlön ici était drôle car elle intervenait quelques jours avant l'opération et il ne devait me revoir qu'avec des seins plus petits, mais bien sûr, il ne le savait pas (et non, cela ne s'est pas vu, ou très peu, seules une ou deux personnes qui me connaissaient depuis longtemps l'ont remarqué)).

Depuis, j'ai hésité plusieurs fois à les faire recouper, en partie à cause d'une phrase de "lecteur" qui évoquait cette marque irréversible du vieillissement des femmes, ce moment où « elles coupaient leurs cheveux».

Mais bast, je ne peux pas me promener éternellement avec une frange, ça finit par ne pas faire très sérieux (depuis quand ai-je envie de faire sérieux? en fait je n'en ai pas spécialement envie, mais je ne veux pas non plus que certains c** se trompent sur mon compte).

Bref, cela fait plusieurs fois que j'essaie d'obtenir ma tête d'avant, mais rien à faire, je n'y arrive pas. Mon coiffeur n'en fait qu'à sa tête, à lui. Lui demandé-je quelque chose de si différent de la mode actuelle qu'il n'arrive pas à le concevoir? (ce qui expliquerait que tout le monde ait la même tête durant une même décennie) ou mon visage a-t-il tant changé de forme qu'il pense que c'est une mauvaise idée? ou tout simplement en tant que coiffeur préfère-t-il avoir plus de longueurs pour pouvoir travailler?

J'ai donc tranché dans le vif, et ayant repéré un salon à cinquante mètres du bureau (je ne l'avais pas vu plus tôt depuis deux ans que je suis là), je suis allée me faire couper les cheveux.

J'ai obtenu plus court que d'habitude, plus rond, mais ce n'est pas encore ça.

Dernier jour

Je trouve une infirmière à l'institut Vernes pour enlever les fils. Je suis contente, ce n'était pas gagné entre Noël et le Nouvel An.
Je déjeune d'une palombe au réglisse à l'Antre deux rue Mézière (très bon le réglisse, un peu coriace la palombe). J'achète des gants oranges pour moi et des collants à paillettes pour A.

Partie un peu tard du bureau, je ne sais plus pourquoi.

Réveillon chez les voisins, H. a passé la journée aux fourneaux. Bavardage agréable, je ne sens pas la fatigue.

Avant-dernier jour

Déjeuner au Saint John Pub (à Neuilly) pour la première fois depuis les travaux. La déco a changé, il y a maintenant une série de photos de sportifs sur les murs, dont Borg à genoux et la célèbre photo de Carl Lewis.

H. vient à Paris pour trouver du Tokay (mon vin préféré) et en profite pour aller voir Hunger games 2 (personne n'a voulu l'accompagner). Il me demande de le retrouver à 8h20 devant Gaumont Opéra.
Je quitte le bureau suffisamment tôt pour tenter de me faire enlever les fils au centre Turbigo (l'idée était aussi de tester le centre de santé recommandé par notre organisme complémentaire). Mais j'ai oublié mon ordonnance et l'infirmière refuse d'agir. Je suis dépitée d'avoir perdue deux heures. Je vais attendre Hervé au Starbuck devant le Gaumont en continuant Bertrand Russel. Son admiration pour les mathématiciens grecs fait plaisir à lire, les approches de racine de 2, le calcul de pi,…

H. me rejoint (plutôt déçu). Nous repartons lentement vers la Madeleine. Rue des Capucines, nous nous arrêtons dans un café appelé "Café Alice", déco moderne qui respecte le caractère de café parisien, cuisine correcte. Malheureusement quatre jeune filles proches de nous parlent très fort.

Deux jours à l'hôpital

(C'était prévu, ne vous inquiétez pas.)

Les infirmières sont jolies, souriantes et aimables.

En deux jours, je pense avoir dormi autant qu'un chat. Et j'ai un peu avancé dans Russell (moins que je le pensais. Cette manie de prendre des notes ralentit considérablement la lecture).

Opération

L'orthodentiste avait recommandé depuis longtemps que les dents de A. soient arrachées. Cette volonté de perfection et de norme m'agaçait un peu; d'un autre côté, je me souvenais bien des douleurs des dents de sagesse («il faut le faire pendant que tu n'as pas mal, je t'assure. Je te garantis qu'on a toujours mal un week-end ou un jour férié, bref, un jour où les dentistes sont fermés»).
Nous avions décidé d'attendre le bac, puis de retards en rendez-vous, la date avait été fixée aujourd'hui.

En cas d'anesthésie locale, un solide petit déjeuner est recommandé, j'ai prévu d'arriver tôt à Paris pour éviter les bouchons, nous allons aux Editeurs dont j'ai repéré la carte. A. prend ses médicaments (le dentiste a forcé la dose car elle a avoué son anxiété: elle plane un peu) et nous nous rendons au cabinet.

Le dentiste a du retard, nous attendons. En feuilletant un très beau livre sur l'art grec, A. a tout naturellement l'une des réflexions les plus païennes que j'ai entendues: «et dire qu'un jour, toutes nos cathédrales et tous nos tableaux auront aussi peu de sens que ces temples grecs…»
J'en n'ai le souffle coupé parce que je peux parfaitement adopter son point de vue. Après tout, pourquoi pas; après tout, c'est déjà le cas pour tant de gens; après tout, je suis capable de prendre la distance nécessaire à ressentir comme vrai ce qu'elle vient de dire.
Alors pourquoi m'accroché-je à l'idée que «cela ne sera pas»? Par peur, besoin de réconfort? Par conviction, entêtement?
Non, à cause de cette présence du Christ que je peux ressentir au quotidien à tout instant. N'est-ce qu'un fantasme? (mais à cette question il n'y a d'autre réponse que notre décision de répondre oui ou non, je le sais. Mais d'où vient cette décision, qu'est-ce qui la fait pencher dans un sens ou un autre?)

Je vais à la bibliothèque pendant l'opération. A mon retour, A. est un peu gonflée. Le dentiste souligne son courage: «cela a été très difficile, deux dents étaient coincées, il a fallu aller les chercher.»

Sur le chemin du retour, je m'arrête au Forum des Halles pour aller chercher un livre sur les Pokémon qu'elle a commandé. Je la laisse dans la voiture (les anti-douleurs la rendent flageolante et je ne tiens pas à ce qu'elle attrape un microbe dans la foule) et j'y vais: elle y tient tant; je suis persuadée qu'elle guérira mieux avec son livre qu'à se morfondre au fond de son lit en redoutant qu'il soit vendu parce qu'elle n'est pas allée le chercher assez vite.
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