Billets qui ont 'B.' comme nom propre.

Tension

Ce matin H. m'appelle angoissé : B. (le patron fou de la boîte qu'il vient de quitter) vient d'apprendre la vente du logiciel, le départ des neuf personnes qui travaillent autour de ce logiciel (commerciaux et développeurs), la transaction et le départ de H. : il est furieux.

H me dit : « la transaction mise sous séquestre par les avocats est datée du 9 octobre. Si B. démet X (le signataire) de ses fonctions dans la semaine, elle ne vaut plus rien. Je perds tout. Je n'avais pas pensé à ça. »

Je ne suis pas douée pour rassurer quand l'exposé des faits est implacable.
— Ecoute, n'y pense pas. Ne pense à rien, pense à autre chose. On verra bien.

Ce que j'en pense réellement : ce serait si étrange que pour une fois nous arrivions au bout d'une transaction, que pour une fois nous ayons de la chance (phrase très fausse : nous avons très souvent de la chance, dans le sens où les choses tournent au mieux. Mais là, cela ressemblerait à gagner au loto, ce qui n'arrive jamais.)

La tension monte

Demain H. doit signer à la fois la vente d'une activité à un futur repreneur et une transaction pour son propre compte afin de mettre fin au contrat de travail dans l'entreprise pour laquelle il travaille depuis sept ans et dont le patron est devenu fou avant de désavouer H. peu après. Je dois avouer que je reste confondue que H. soit resté dans cette entreprise huit mois après cela. Dans un monde normal, la conséquence mécanique d'un tel désaveu aurait dû être de virer H. aussitôt, en février dernier. Mais non : ce n'était pas un désaveu rationnel, c'était la décision d'un fou, et donc la personne à qui B., propriétaire de l'entreprise et fou, a confié la direction de l'entreprise (à la place de H.) s'est appuyée sur H. tout ce temps pour assurer la transition avant son départ inévitable.

Il a également confié à H. le soin de vendre une activité de l'entreprise, activité qui gravite autour d'un logiciel écrit par H. dans les années 2000 au sein de la société d'un ami. Ce logiciel a été vendu une première fois en 2006 à une entreprise de Cholet, puis racheté — sous l'impulsion de H. — en 2010 par son entreprise actuelle.
C'est donc pour ce même logiciel et l'activité qui gravite autour (neuf personnes) que H. a trouvé un repreneur. (C'est aussi le logiciel que H. débuggue depuis un an et demi : il corrige ce qui a été fait par les équipes choletaises entre 2006 et 2010 en s'arrachant les cheveux et pestant beaucoup à cause du code écrit avec les pieds).

Cela fait des semaines que la tension monte. En effet, tout doit rester secret : il ne faut pas que B. découvre que le logiciel va être vendu car il est capable de s'y opposer, il ne faut pas que les salariés le sachent non plus car un ex-salarié (l'un de ceux qui a salopé le code) pourrait se venger en prêtant de l'argent aux salariés actuels qui deviendraient prioritaires dans le rachat de l'activité (se venger : se venger de H. qui s'est débarrassé de lui en lui faisant comprendre qu'il n'était pas à la hauteur. Or cet ex-salarié est d'une part riche, d'autre part persuadé d'être bon).
Depuis trois semaines H. mène trois fronts : la rédaction des documents de vente (valoriser de l'activité sans l'aide des comptables puisque tout est secret (et donc se procurer les documents, les analyser, rédiger le protocole de vente)), la négociation de son propre départ et l'éternel débuggage du logiciel dont se plaignent les clients (et au fur à mesure qu'il débuggue, il comprend mieux ces plaintes… Il n'avait pas pris la mesure des erreurs de code. Ce week-end, découragé, il m'a dit : «J'aurais mieux fait de repartir de mon code-source (avant 2006) pour implémenter ce qu'ils ont ajouté, j'aurais été plus vite qu'à corriger leurs erreurs. Il y en a partout.»)

Depuis trois semaines nous pensons «un mur de briques», comme dans Le Village des damnés, pour ne pas attirer l'attention des dieux… (mon fils va encore dire que je suis superstitieuse… mais c'est aussi une façon de parler d'autre chose, de rire de notre bêtise et de nos craintes). Depuis trois semaines nous attendons que le ciel nous tombe sur la tête, que B. se réveille ou qu'il y ait une fuite auprès des salariés.

Tout doit être signé demain à onze heures et demie.


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Agenda
Yolette de débutants avec quatre garçons dont c'est la deuxième sortie. Amusant de les bizuter un peu pour assoir mon autorité.
Le soir, fin de The dressmaker. Finalement décevant, une fin trop misérabiliste. Début de Camille revient. Une bonne surprise.

Forfait

Tôt le matin, encore la nuit, je me suis levée pour aller aux toilettes. Le panier à linge en osier était sur le tapis. J'ai mimé au-dessus des deux bords le geste de monter en bateau, les deux pelles dans une main, le plat bord dans l'autre.
Impossible.
Sur le quai du RER, quelques heures plus tard, la mort dans l'âme, j'ai prévenu l'organisatrice que je déclarais forfait. J'ai annulé mon billet de train et la location de voiture.

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Agenda
Dîner au café beaubourg avec l'intermédiaire qui avait trouvé les fonds auprès de la BPI pour le projet américain — et sa femme. Nous entrons dans les détails, il prend conscience que «B. est fou» n'est pas une expression mais une réalité médicale.
C'est un Français qui a pris la nationalité américaine et vit à New York. Il découvre que je suis passionnée par l'idée aux Etats-Unis; visiblement ça change quelque chose pour lui dans sa façon d'envisager les futurs projets d'Hervé: «Je n'avais pas compris que c'était un projet de vie. On va faire quelque chose.»
Nous parlons de la Grèce, d'ostéopathie animale, de croissance de PME, etc.

It is closing time in the gardens of the West

Comme prévu jeudi ou vendredi, H. a rencontré B. chez son avocate (plus un autre avocat et le patron du cabinet comptable). A l'origine cela devait être une réunion pour décider de ce qui pouvait être sauvé, mais avec le licenciement de Carole, il n'y a plus rien à sauver.

"Ils" ont essayé, pourtant. Nous avions réfléchi aux conditions: reprendre Carole, ouvrir la filiale aux US. Les deux conditions ont été refusées. En revanche, proposition financière mirobolante pour rester malgré tout. Je méprise ces gens qui pensent pouvoir tout obtenir avec un gros chèque. Allez vous faire f***! Tout ça pour que le cirque recommence dans une semaine ou un an… La confiance est définitivement brisée.

H. me rejoint à La Défense. Nous déjeunons ensemble. Nous faisons la liste des personnes à prévenir personnellement, ceux dont il me semble important qu'ils n'apprennent pas cela par la bande, ceux que nous voulons (espérons) conserver comme amis ou au moins connaissances. Six ans, sept ans… Je me souviens de ce jour de juillet ou août 2010, j'allais entrer dans le RER pour rentrer, j'ai H. au téléphone: «Il faut que je te parle.» Quelle solemnité soudain. J'ai eu peur: j'ai fait une conn**? il a fait une conn***? «Que dirais-tu si j'allais travailler à Mulhouse?» Euh… comment avouer que je ne situe pas exactement Mulhouse, là tout de suite maintenant sur un quai de RER. «Euh, rien… si ça te va, pourquoi pas?» (La même année, en septembre, C. devait partir en Suisse.)
And now back home. (Ça me fait penser que je vais pouvoir m'absenter le week-end: j'évitais, sinon nous ne nous voyions plus du tout.)

Nous faisons la liste du matériel qui appartient à l'entreprise et à rendre. Quand je le quitte, il va s'acheter un téléphone. «L'employé m'a proposé de m'aider à configurer mon iPhone, je lui ai dit que je m'en sortirai».

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La chienne que j'ai d'une certaine façon sauvée il y a deux ans (c'est ma fierté) est morte hier soir.

Nancy

Nous avions décidé hier matin d'aller à Nancy pour le week-end, afin de se dépayser, d'oublier le stress des derniers jours en s'éloignant de la maison. Le billet a été pris hier soir, il ne restait plus de place. Train à midi vingt gare de l'est.
Nous visons le RER de 10h45. En arrivant devant la gare, nous découvrons que les trains sont retardés dans les deux sens. O. nous conduit alors à Villeneuve-St-Georges où se croisent des RER de plusieurs branches, ce qui accroît nos chances d'en avoir un. Là nous découvrons qu'il n'y a plus de RER avant 13 heures.

Nous ressortons, annulons notre billet de train. Nous traversons la Nationale 6 pour nous mettre dans le sens de la circulation. Il pleut. Sous l'auvent d'un café triste H. appelle un Uber. Il sera là dans dix minutes. Nous attendons.
Et c'est là, sur le trottoir sous la pluie coincés par un RER qui ne passera pas, qu'H. reçoit un coup de fil de la DAF-DRH (directeur administatif et financier/ directeur des ressources humaines) qu'il a embauchée il y a deux mois: elle est en pleurs, elle vient de recevoir une lettre de licenciement immédiat (durant sa période d'essai). Comble de l'horreur, elle est signée d'EV, un type qui ne lui arrive pas à la cheville et qu'elle mettait en danger par sa compétence et son efficacité. Il faut supposer que B. lui a signé un pouvoir (je n'ai jamais aussi bien compris à quoi servait les pouvoirs qu'en ce moment.) Et si B. l'avait nommé DG? EV directeur général — rire nerveux.)
C'est à la fois un coup de massue (rien ne laissait prévoir cette décision), un désaveu, et un soulagement: tout à coup il n'y a plus rien à sauver, une porte se ferme, il est évident que tout est fini, qu'H. doit partir.

H. passe tout le temps du trajet jusqu'à la gare de l'est au téléphone à discuter avec les autres directeurs qui sont autant d'amis. Je suis gênée pour et par le chauffeur. Cela ressemble à une révolution de palais, "aux abris" et "qui m'aime me suive", cela devait ressembler à ça — sauf qu'il ne risque pas sa tête, c'est tout de même appréciable!

Avec tout cela ce week-end va être ridiculement court. Plus de train direct, un TGV pour Metz vers 14 heures, un TER pour Nancy. Fnac à Metz pour acheter un disque dur (sauvegarder les données), promenade dans Nancy à la nuit tombée. Et qu'avez-vous fait à Nancy? Nous avons acheté des sous-pulls blancs "Petit bateau" (pour le stage d'aviron fin mars: je préfère ramer dans du coton, je n'aime pas les fibres modernes), des bretelles (mercerie rue Raugraff), des bergamotes (cinq cent grammes), de la poudre de riz (mais on dit "libre").
Nous sommes contents d'être là. A la maison nous aurions ruminé, ici nous devisons, nous rions — le cœur gros.

Début de clôture

Sortie en huit (de couple) pour la première fois depuis juin 2015. Nous avons fait beaucoup de progrès depuis cette époque où j'avais cru un moment que nous n'arriverions jamais à tourner (et nous voilà partis jusqu'au Havre). L'équilibre était même meilleur que dans certains quatre.
Ce qui me fait plaisir, c'est que c'est Vincent qui nous l'a proposé et non nous qui avons quémandé: il nous considère enfin à niveau. Cela conforte mon idée de proposer aux filles de s'inscrire à la coupe des dames à Angers. (Si nous réussissons à trouver le nombre de rameuses nécessaires (l'expérience prouve qu'il faut être douze ou treize pour faire un huit, paraît-il), il faudra aussi trouver un conducteur pour la remorque. Enfin, nous n'en sommes pas encore là.)

J’ai écrit un mail pour lister les risques réels que court la mutuelle (la question d’un actuaire dans l’après-midi donne à penser que le dernier (des risques que j'ai listés) est peut-être en train de se réaliser, ou est en train de commence à se réaliser (cela prendra bien trois ou quatre ans).
J’ai lancé les premières opérations pour la clôture du bilan. Ce sont les travaux que je préfère, jusqu’à fin avril, le moment où tous les chiffres coïncident et les engrenages s’emboîtent parfaitement.

Front de B.: H. a eu l'expert-comptable au téléphone et a rétabli quelques vérités («B. ment comme un arracheur de dents, ce n'est pas nouveau»), il a rendez-vous lundi avec l'avocat et B. pour essayer de définir une ligne de conduite. «Au moins, dit-il, je vais avoir affaire à quelqu'un qui a toute sa tête.»

Hier H. m'avait proposé de passer le week-end à Caen, j'ai fait une contre-proposition ce matin: Nancy. Au moment de prendre les billets nous nous apercevons avec surprise que les billets de TGV sont en sur-réservation: une fois encore, nous avons négligé de prendre en compte les vacances scolaires qui désormais nous échappent. Nous pourrions prendre un train très tôt, nous choisissons paresseusement 12h20 gare de l'Est: je n'ai pas envie de me presser.

Le nœud de l'affaire

Ce matin, sur le quai de la gare, O. me dit:
— B. a dû discuter avec des psy à l'hôpital et se rendre compte que son problème, c'était papa. Donc maintenant il veut se débarasser de papa. Papa veut gagner une bataille que de toute façon il ne peut pas gagner.
— C'est pas bête ce que tu dis là. Tu l'as dit à papa?
— Oui. Mais je n'ai pas l'impression qu'il m'ait écouté.

Risques

Pas grand chose.
Un peu agacée de lire la "revue des risques" écrite par un cabinet d'audit avec le président et le trésorier pour qu'à la fin ceux-ci concluent: «en fait il n'y a pas de sujet».
Ben non il n'y a pas de sujet. S'il y en avait eu, croient-ils vraiment que j'aurais attendu cette mission d'audit pour le faire savoir? Enfin, ça fera plaisir à la commissaire aux comptes.
L'agacement au carré, c'est qu'il y a bien des risques (de disparition de la Mutuelle), trois, que j'ai cités. Mais comme ils ne sont pas "opérationnels", ils n'ont pas été repris.

Il se passe quelque chose au niveau de la paie. Je sens des jeux d'influences sans comprendre entre qui et qui ni pourquoi. La mise en place de la DSN (déclaration sociale nominative) exacerbe les tensions.

A la maison, sur le "plan B.", cela ne va pas mieux. H. s'en veut : «si je n'avais pas attendu, tout serait signé».
Mais à l'époque (les quinze premiers jours de janvier, comme cela paraît loin), il s'agissait de ne pas trahir B., de deviner sa volonté pour ne pas agir contre son gré. Il n'y a pas à s'en vouloir de cela, c'est tout à son honneur.
Maintenant tout semble bloqué: ne pas aller en Amérique, perdre les deux ingénieurs-clé, ne pas pouvoir livrer à temps l'Etat, perdre la face… Comment se faire embaucher ensuite?
Tout paraît si grave. Je lui rappelle que c'est une illusion: personne ne se souvient de rien, personne ne se soucie de rien, il suffit de continuer.
H. a enfin mis Nat au courant. Il était temps.

Angoisse

Quatre secoué par les péniches : Pascal (qui brûlait de prendre la nage depuis mercredi dernier), Peter et ?? (Christian?) Je suis à la barre. Il fait doux.

J'avais posé mon après-midi pour aller assister à un cours sur la génétique des films (avec Daniel Ferrer) mais entre Trump et B. je me sens fatiguée. Un détour par Ladurée (fatalitas, il n'y a plus de glace au gingembre!) et je rentre. Le voisin est là.

H. a appris que B. a demandé à son avocat de gérer ses affaires. Jusqu'où va le mandat de celui-ci? En attendant, la BPI s'inquiète, plus personne ne lui répond, il y a deux millions d'euros en jeu, ce qui représente une grosse somme pour une PME de quatre-vingt personnes. Et Nat aux Etats-Unis qu'il va falloir payer… et les virements qui ne peuvent être faits sur les comptes américains sans la signature de B… Et les quatre-vingts salariés qui ne savent pas que leur entreprise est sur le fil…
H. est épuisé. Trop de chauds et froids et la perspective de voir disparaître tout ce pour quoi il s'est investi depuis 2010.

Incompréhension et amitié

Une fois encore, pas de rapport entre les deux éléments du titre de ce billet : ce sont les deux teintes de la journée, tant la seule unité de nos journées n'est parfois que nous-mêmes.

H. m'appelle vers midi. Il est décomposé:
— B. ne veut pas signer les billets d'avion pour Nat. Il ne veut plus aller aux Etats-Unis.
— Mais il a bien signé pour la création de l'entreprise?
— Oui. Il est fou. C'est impossible de travailler avec lui. Je ne sais plus quoi faire.

Je donne quelques conseils, en particulier d'envoyer sans commentaire un résumé en français en quelques points ne dépassant pas la page A4 des documents envoyés en anglais, puisque B. ne veut pas avouer qu'il ne parle pas anglais.

Le voisin est d'un grand secours. H et lui ont organisé un concours pour savoir qui avait le patron le plus fou.

Le soir je vois Aline. Nous parlons chats, santé, voyages. Elle me raconte la grande époque des éditions J'ai lu, avant les années 90, le début de la financiarisation. Cela me paraît toujours mythique, j'ai commencé à travailler à ce moment-là.
Elle me parle d'un voyage des cruchons pour visiter les châteaux de la Loire. D'un côté je viendrai de les visiter une fois encore avec Nat, d'un autre côté il s'agit de la partie au-delà de Tours, que je ne connais pas. Et puis H. devrait être aux Etats-Unis, s'il est encore possible d'y croire. Je vais essayer d'y aller.

Vendredi

Encore un beau quatre. Le moment où le bateau quitte le ponton et se retrouve au milieu du courant est un moment de ravissement: à chaque c'est une redécouverte, à chaque fois j'oublie combien j'aime être là, surtout avec trois autres rameurs que je connais maintenant depuis des années. Confiance et fraternité le temps d'une sortie, voilà un sentiment que je n'éprouve plus sur la terre ferme. Marc, Philippe, Jean-Pierre, moi à la barre. Un tour de l'île et un barrage. Un bateau sans doute moins beau que mercredi, mais les conditions sont moins dures, il fait moins froid.

Absurdement je passe l'après-midi à trier et jeter des mails dans mes archives (mais pourquoi?)

Le soir réunion avec les CAC (commissaire aux comptes). (Réunion à 16 heures un vendredi soir. Lol.) J'abandonne mon vocabulaire zazou (celui destiné à ne pas me prendre au sérieux qui fait qu'on ne me prend pas au sérieux) pour utiliser des mots davantage Science-Po (celui qui écrase toute personne ne me prenant pas au sérieux).
Je n'arrive pas à comprendre comment quelqu'un de mon âge peut encore utiliser la rhétorique du yaka faukon:
— Mais il suffit de rapprocher les fichiers puisqu'on a une clé commune…
— Certes, je vous fournis les fichiers puisque vous proposez de nous aider. Mais je vous ferai remarquer que ce qui compte, ce sont les dates d'affiliation et de radiation. Le fait que les personnes apparaissent dans les deux fichiers ne suffit pas. Or le fichier fourni par X ne comporte pas de date.
— Ah…

Ben oui. Sinon nous aurions déjà fait le nécessaire. Que croit-elle ?

Jeudi et vendredi H. a vu son patron B. (sorti de l'hôpital psychiatrique le week-end dernier). Il lui a exposé tout ce qui ne lui convenait pas, exactement comme si B. était (dans son état) normal (mais il n'y a pas d'état normal de B., c'était connu avant, cela ne paraissait pas si grave. Le problème, c'est que la forme juridique de l'entreprise est une SAS, c'est-à-dire qu'il en est le seul actionnaire. Il n'y a personne pour prendre le relais en cas de défaillance de B. maintenant qu'il a révoqué le mandat de mandataire social de H. en sortant de l'hôpital.)

Mort de Henry-Louis de La Grange. Pensées pour Vincent.

Chroniques du temps immédiat

Suspendue aux nouvelles du monde. Une impression de mauvais rêve. Tout est logique et irrationnel.

Fillon a embauché sa femme pour cinq cent mille euros sur huit ans.

Lundi, France Inter a préféré commenter la primaire de la gauche que les centaines de milliers de femmes qui ont marché contre Trump.

L'état-major du Département d'Etat américain démissionne. (Enfin. Enfin de la résistance en haut lieu).

Trump signe décret sur décret, IVG, mur, oléoduc, fait disparaître des pages du site de la Maison Blanche. Sa femme a l'air profondément triste.

Le terme "alternative facts" fait exploser les ventes de 1984 (un livre interdit en Floride pour son contenu communiste…)

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Agenda
Finalement B. a signé. La boîte aux Etats-Unis est créée. Nat vient en France le mois prochain.
J'ai choisi mes spectacles à l'opéra pour l'année prochaine.

Un homme en colère

Bon. Encore un. Encore un que j'énerve spontanément, sans me forcer.
— Tu devrais peut-être changer de poste s'il te met dans cet état. Chaque fois que je t'ai au téléphone tu es exténué ou en colère.
— Mon poste me va très bien. C'est toi qui m'énerves.

Evidemment, de mon point de vue, c'est plutôt moi qui devrais être en colère. Après tout, me dire «mais qu'est-ce que vous faites à la mutuelle?» sous-entendu «vous vous la coulez douce pendant que moi je trime» et «la mutuelle représente 2% de mes problèmes, tu le sais ça?».
Oui je le sais, ça fait cinq ans que tu me le répètes à chaque fois que je t'ai au téléphone. Décidément, c'est moi qui devrais être en colère. Mais il me fait rire.
Bon, mais qu'est-ce qui peut l'énerver comme ça? Je ne représente pourtant pas un grand risque pour lui (nous avons le même patron). Mes mails sont-ils trop bien écrits? Ou peut-être n'apprécie-t-il pas que j'ai commencé subrepticement à faire de la formation continue à ses équipes parce qu'il est incapable de leur transmettre une procédure claire et simple (autrement dit, je téléphone et j'explique directement (gniark gniark. A sa place je n'aimerais pas. Mais je ne suis même pas sûre qu'il s'en aperçoive tant il est loin de ses équipes.)).
Enfin bon.

Trois cartes de vœux (écrites), ce qui fait cinq. Je suis terriblement en retard.

Allemand (cours): J'ai posé la question des fiches de lecture à M. Boss. Ça l'a fait rire : «Laissez tomber. Considérez-les comme des exercices scolaires, académiques.»

Vietnamien (resto): Comme O. à la voiture, H. accepte de passer me chercher à la gare pour me déposer à Montgeron. Vous dînons ensemble et parlons de B., inévitablement. Celui-ci ne veut plus aller aux Etats-Unis. H. est désemparé, exaspéré, il voit tout ce pour quoi il travaille depuis décembre 2014 (avec le soutien sans faille de son patron) s'écrouler. Il pense à tous les engagements qu'il a pris envers des gens qu'il considère maintenant pour certains comme des amis.

Catéchisme: information/formation des parents avant la prochaine rencontre avec les enfants. C'est intéressant de voir les messages que fait passer le prêtre en une heure à des parents un peu déboussolés de tant de nouveautés sur l'œcuménisme, la responsabilité de l'Eglise dans les affaires de pédophilie, l'exégèse et l'ancien testament).

Patatras

B. rétrograde H. de DG au poste de directeur technique. Il lui retire sa délégation de mandataire sociale qui faisait qu'en pratique, H. prenait toutes les décisions. En particulier, H. était l'interlocuteur privilégié de la BPI. Fin du projet américain (oui ou non?)

C'est bizarre, cette impression que le monde prend les couleurs de Trump, c'est-à-dire de la bêtise arbitraire et de la folie.
Hier, en écoutant L'Amérique de Kafka, je songeais que cet arbitraire du monde, cette impossibilité de ne jamais pouvoir se faire écouter, que jamais la vérité ne puisse éclater et redresser les malentendus devaient directement provenir de l'expérience de Kafka juriste dans une société d'assurances.

Je lis La supplication.

Douches froides

Vendredi soir H. apprend que B. reste à l'hôpital.
Samedi il apprend que B. a envoyé un sms à un directeur de l'entreprise.

C. et I. se séparent. Ils n'auront pas tenu quatre mois ensemble une fois quittée la maison. Voilà qui relativisent les remontrances de C. concernant notre tendance à nous disputer souvent, H. et moi.

Apéro chez le voisin qui a reçu samedi une lettre de convocation à un entretien préalable à licenciement après trente ans dans la même entreprise. Son patron ne supporte pas la place qu'il a prise. Il est terriblement démoralisé. Sa femme a essayé de joindre H. tout le week-end, mais celui-ci, lui-même découragé par la résurrection de B. après quinze jours de silence, a laissé se décharger son téléphone sans le recharger. En désespoir de cause, la voisine a fini par me téléphoner (je ne suis pas celle à qui on téléphone. Je suis celle sur qui l'on compte pour répondre aux mails et se souvenir des dates.)
Nous allons donc prendre l'apéro pour donner quelques conseils sur la façon d'aller à l'entretien (se faire accompagner, toujours) et de prendre un avocat. (Leur expérience de la justice est celle des divorces et gardes d'enfants: c'est autre chose, mais ça fait également dresser les cheveux sur la tête par instants.)

En rentrant, H. finit par donner un coup de fil à l'un des directeurs: B. est sorti de l'hôpital et se repose chez sa mère.

Ivo Livi

Par hasard j'avais vu une critique du spectacle et pris deux places puisque Yves Montand est l'un des chanteurs favoris de H.
Je suis moins enthousiaste que les critiques sans doute parce que Montand m'est indifférent, mais suivre une vie liée aux événements politiques permet toujours de mieux appréhender l'épaisseur du temps1: vraiment, Trénet et Fernandel dans l'entre-deux-guerres? déjà? mais leur carrière a duré une éternité!
J'ai beau le savoir, c'est toujours une redécouverte. Et je n'avais pas conscience de la notoriété internationale du couple Montand-Signoret qui a enchaîné des visites quasi officielles auprès de Krouchtchev puis Kennedy sur fond de répression hongroise.
Chants, claquettes, chorégraphie, impressionnant accordéon. Si vous aimez l'histoire et la variété, l'histoire de la variété, cela vaut le déplacement.

Retour dans un brouillard qui s'épaissit.

J'ose avancer qu'avec Montand, Brel, Gainsbourg et Aznavour, nous tenons un beau palmarès de laideur.
— Mais Montand n'est pas laid !
— Je trouve que si. Peut-être le moins laid, le dernier de la liste. Première place pour Brel, les deux autres entre les deux.
— Montand a du charme.
— Peut-être. Mais beauté et charme n'ont rien à voir, heureusement. Tiens, ça me fait penser à Belmondo…
— Mais Belmondo est beau !
— Je ne sais pas comment il était quand il était jeune, mais j'ai lu pendant les vacances que son prof de théâtre, Pierre Dux, lui avait prédit qu'il n'arriverait jamais à rien, trop laid, trop malingre, trop mauvais. Quelques années plus tard Belmondo croise Dux sur les Champs Elysées. Il a Ursula Andress à son bras et dit à Pierre Dux: «vous voyez, je m'applique».

Les aventures de B., suite. Son avocat (il a un procès en cours) a téléphoné. B. est en hôpital psychiatrique: que prendre comme décision, qui prend les décisions? Je vais encore faire des progrès en droit (du droit comme science empirique).

Dernier épisode de Sense8 saison 1. Je crois que le scénariste s'est mis dans une impasse avec Will: il ne va tout de même pas le garder inconscient le reste du récit?



1 : le genre de phrase qui me donne tellement l'impression d'être une copie de GC (sujet: raconter votre visite à la bibliothèque universitaire, choisissez un livre, argumentez ce choix et donnez vos impressions (sujet reconstitué à partir des extraits donnés par GC. Son but est d'obliger les élèves à aller au moins une fois en bibliothèque, afin qu'ils sachent ce qu'elle peut leur apporter.)

Troisième jour après Noël

H. arrive dans la cuisine. Il fait une drôle de tête, il est blanc.
— Ça va ?
— Non.
(Mon cœur se serre: ses parents? sa famille? Les décès sont brutaux, inattendus, de son côté.)
— J'ai eu un coup de fil de Grégory. B. a disparu. Il s'est disputé avec son frère et il a disparu. Les gendarmes le recherchent.

Je tente de le rassurer comme je peux, de rationaliser. Je ne comprends pas comment il est possible de lancer un avis de recherche sur une personne majeure disparue depuis quelques heures seulement (cela m'inquiète mais je ne le dis pas). Je souligne à quel point cela n'est rien par rapport à un problème de santé dans la famille. Mais il pense à la fois à leur propre dispute de vendredi dernier et aux projets en cours, aux Etats-Unis, etc.: comment prendre des décisions légales avec un patron disparu? Le côté feuilleton américain est si prégnant qu'il en est irréel: est-il possible que cela soit vraiment en train de se passer?

Je classe des papiers, range un peu, non plus les pièces de la maison, mais les documents, autre sorte de pièces. Il fait un temps magnifique, nous pensons aller visiter le château de Fontainebleau mais il est déjà trop tard (il est 15 heures pour une fermeture à 17), je déroute les projets vers le club de Melun et nous suivons (à pied) la Seine rive gauche à Chartrettes. Il fait beau, froid, un skiff, un pair-oar, un double: les "compèts". La route cycliste dont l'indice quand je rame sont les vélos suit apparemment un conduit d'hydrocarbure (puits de pétrole en Brie, péniches et réservoirs à la sortie de Melun). O. et H. discutent de la nature des fils électriques: fibre ou pas fibre?
Il faudrait fibrer la France tout entière pour mieux répartir la population. C'est un argument de choc pour un village: «nous avons la fibre».

Coup de fil, B. est retrouvé, il a fallu cinq équipages de gendarmerie (dix gendarmes) pour le maîtriser (je pense à la colère de Valérie Trierweiler), il est à l'hôpital: ouf, il n'est pas mort d'hypothermie dans un fossé. Risque-t-il d'être déclaré irresponsable? Et dans ce cas, que se passera-t-il? un juge de tutelle, un conseil de famille? Comme nous sommes peu préparés à ce qui ne devrait arriver que dans les films. Comme nous oublions que la fiction s'inspire de la réalité et ne constitue pas un monde en soi.

Cahier des charges pour le film vespéral: «quelque chose de gai». J'ai repéré Ciel d'octobre il y a quelques jours. Ce n'est pas gai mais encourageant, plein d'espoir: un garçon fils de mineur veut sortir de son trou et se passionne pour les fusées. Le ciel d'octobre est celui du Spoutnick. Le jeune garçon, c'est Jake Gyllenhaal.

Episode 11 de Sense8 saison 1.

Dernier jour avant Noël

Quatre: Emmanuel, Dominique, moi, Pascal. Emmanuel m'a corrigé un défaut: j'enfonce trop mes pelles, il faut avoir la sensation de ramer la moitié de la pelle hors de l'eau pour être à la bonne profondeur. Le bateau devient alors très léger et s'équilibre (je me dis qu'à ramer seule, j'ai pris l'habitude de ramer en force, soit exactement ce que je déteste chez les autres: so proustien1). Je suis enchantée d'avoir enfin une piste de travail. J'ai hâte de l'expérimenter avec d'autres équipages.

Journée à vider ma boîte mail. Par moments j'écris des dissertations sur la prévoyance et la santé (être née en 1992 et vouloir une sur-surcomplémentaire… non, ce n'est pas normal d'être à ce point obsédé par la sécurité à cet âge-là, même pour une juriste! (on va encore me dire que j'émets des jugements de valeur: oui, et j'assume (cependant (rassurez-vous), je ne fais jamais que fournir des éléments de réflexion aux personnes qui m'interrogent. "L'appétence au risque" est quelque chose de très personnelle, personne ne peut décider à la place de quelqu'un d'autre à quel niveau il doit se protéger. Je donne des informations, pas des conseils. Ici, sur ce blog, je me défoule (si un blog ne sert pas à ça, à quoi sert-il?))

Je rejoins H. chez Ladurée, décomposé. Son patron ne veut plus ouvrir de filiale aux Etats-Unis alors que tout est prêt pour mars prochain. Un Américain est embauché, un local choisi. H. a fait une ou deux erreurs psychologiques de base en ne prenant en compte que les faits, sans faire attention à la susceptibilité de B., son patron (travers que ma fille et moi partageons).

Zut. B. va encore réussir à nous pourrir nos vacances. (Je parais ainsi peu compatissante aux affres de H.: c'est que je ne suis pas inquiète, H. va trouver une solution. D'autre part, B. était si charmant depuis plusieurs moi que j'attendais le contrecoup. Je n'en imaginais pas la forme, mais je savait qu'il aurait lieu.)

A. arrive en voiture avec son lapin nain malgré tout beaucoup plus grand qu'il y a quelques mois. Il est même énorme dans la mesure où il est angora. Il n'a pas l'air effrayé (je redoutais la crise cardiaque pour son petit cœur de lapin).

Le soir, O. m'explique comment utiliser la recherche de kodi et je regarde le premier épisode de Sense8 dont Matoo et Ricroël ont parlé sur Twitter.


1 : «Et à la mauvaise habitude de parler de soi et de ses défauts il faut ajouter comme faisant bloc avec elle, cette autre de dénoncer chez les autres des défauts précisément analogues à ceux qu’on a. Or, c’est toujours de ces défauts-là qu’on parle, comme si c’était une manière de parler de soi, détournée, et qui joint au plaisir de s’absoudre celui d’avouer. D’ailleurs il semble que notre attention toujours attirée sur ce qui nous caractérise le remarque plus que toute autre chose chez les autres.» A l'ombre des jeunes filles en fleurs, Noms de pays: le pays
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