Billets pour la catégorie Boulot :

Grève, neige, réunions

Matinée sur mes mails, après-midi en réunions,14-16 puis 16-19. Tout l'objet de la première a été de rendre la deuxième efficace: faire disparaître un maximum de questions. Nous, les opérationnels, n'osons plus poser de questions, car au lieu d'obtenir des réponses (comprendre: des décisions), nous obtenons d'autres questions (comprendre: des hésitations) qui se multiplient dans un foisonnement amazonien. Pas le temps, plus le temps, tout doit être rendu demain à 13 heures.

Je n'irai pas en grec: du fait de la grève (noyée dans l'effet neige), pas de train au-delà de 19h46. J'attrape le précédent (19h32) en soufflant comme une locomotive.

Plombs

Froid de canard au bureau. J'essaie de régler les thermostats qui s'allument trois secondes et retournent au gris. Que se passe-t-il?

Je suis la seule responsable sur les lieux. A midi, j'envoie un sms à la DAF en vacances pour savoir qui je dois contacter: le gestionnaire de l'immeuble? un plombier chauffagiste? Avons-nous des contrats, peut-elle me donner des numéros de téléphone?

Elle m'envoie deux numéros, que j'appelle l'un après l'autre. Un chauffagiste passe dans l'après-midi. Il a l'habitude, il sait où est rangé le badge pour se déplacer dans tout l'immeuble (nous n'occuppons que trois étages, les trois autres sont loués).
Il revient quelques temps plus tard: «il n'y a personne dans les derniers étages, les plombs ont sauté. Ça faisait longtemps que ça n'était pas arrivé, au moins cinq semaines (What? mais cinq semaines, ce n'est pas long du tout. Et à chaque fois quelqu'un se déplace?) Ça a aussi sauté chez vous, au premier. J'ai remis les plombs en place».

Je lui demande de me montrer le tableau électrique, je prends des notes, je vais mettre des étiquette. J'ai toujours l'espoir de devenir autonomes dans le traitement de ce genre de problème.
En me quittant, il me dit: — au revoir, à la prochaine fois.
— Ah non, j'espère ne jamais vous revoir. Bonne année.

Il paraît donc certain que les plombs vont à nouveau sauter.
Mais pourquoi?

Vers quatre heures, la température commence à s'élever. Demain il fera bon.

Décision professionnelle

— Tu as deux minutes? Il y a cet adhérent qui a un cancer, il a compris qu'on remboursait cent euros pour les médicaments non remboursés pour le cancer1, il me dit que son médecin insiste pour qu'il en prenne tous les jours, et le médicament, c'est du Tadalafil.

Elle m'annonce cela avec l'air de «on sait ce que ça veut dire», or je ne sais pas. Je la regarde sans comprendre.
— Regarde !
Elle me montre triomphante une page google: «traitement de la fonction érectile».

Hum, il faut trancher. Est-ce vraiment en rapport avec son cancer? Le forfait est plafonné à cent euros par an; l'adhérent trouvera toujours quelque chose à se faire rembourser pour ce montant dans cet intervalle. Par rapport à mon équipe, il s'agit de donner l'impression que je décide de façon logique.
Comme toutes les personnes ayant autorité, je navigue entre les réputations également désagréables d'être trop gentille ou d'être une peau de vache.
— Ecoute, c'est un cancer. Imaginons qu'il en ait pour deux ans à vivre. Si on peut l'aider à s'envoyer en l'air durant cette période et avoir un peu de joie, pourquoi pas. Demande-lui simplement son ordonnance, qu'il comprenne que nous vérifions l'aspect médical de sa demande.



Note
1: c'est normalement destiné aux crèmes contre les brûlures, à la comestique adaptée aux radiations qui attaquent la peau ou à des schampoings particuliers.

Pot de départ en retraite



Ce soir, départ de Noëlle, 68 ans (elle part fin décembre mais le pot a lieu avant les divers départs en vacances).
Il y a un an, elle avait demandé une dérogation pour poursuivre au-delà de 67 ans, âge auquel les fonctionnaires sont rayés automatiquement des cadres. Cela m'arrangeait car c'est une excellente pro. Il va falloir s'adapter à la vie sans elle au bureau.

Je passe la soirée à boire du champagne et à observer les groupes se faire et se défaire: tristesse de voir l'un des plus anciens partir après quelques minutes car il hait d'une haine sans relâche celui que j'ai remplacé, présent pour accompagner sa conjointe qui est blessée à la jambe; satisfaction de voir la dernière arrivée (trois semaines d'ancienneté) s'intégrer au point de raccompagner Noëlle en voiture dans le 19e.

Formation

Formation des quatre derniers arrivés dans l'équipe.
Contexte : dans une équipe de quatroze, trois sont là depuis plus de vingt ans, sur les onze autres, le plus ancien est arrivé en 2019 et la dernière il y a trois semaine. Nous avons un vrai enjeu de transmission des compétences — et de mise aux oubliettes des procédures inutiles (tant il est vrai qu'il est plus facile de changer les hommes que les habitudes, ce qui s'exprime dans cette phrase incompréhensible: on ne change pas les hommes, ce sont les hommes qui changent).

Je donne du contexte, remonte aux grands principes de l'assurance, redescends dans les détails, explique des à-côtés en assurance de biens… Aucune idée de si je les gonfle ou si je les intéresse, je le fais parce que je suis persuadée que comprendre un mécanisme général permet de répondre aux questions imprévues hors des FAQ prémâchées.
En fait j'aime beaucoup l'assurance. C'est un beau principe, même s'il est souvent perverti.

Sur place

Week-end sur la rédaction du mémoire technique en réponse à l'appel d'offres. Je n'ai jamais fait ça, je suis paralisée par la peur. Je n'écris pas, je joue à Candy Crush, je commence une jolie série, Live up to your Name, une histoire d'acupuncture et de chirurgie cardiaque à travers le temps, avec de très beaux acteurs.

C'est incroyable d'en être toujours là, dans la même situation que lorsque j'avais quinze ans, ou douze, ou vingt-trois, toujours paralysée, incapable d'écrire, persuadée que je n'y arriverai pas. Heureusement que je me suis forcée à écrire mon mémoire de théologie, je me raccroche à cela.
Pendant ce temps, le consultant m'envoie des mails incroyables, du genre «XX compte beaucoup sur toi», alors que le même XX n'écoute jamais ce que je dis en réunion.

Rue du Bac

Entretien d'embauche rue du Bac. Je ne pensais pas que cela me ferait aussi plaisir de revenir dans ce quartier, le quartier de mes études et de mes premières années à Paris.
Comme c'est un quartier riche.
Quelle ironie qu'on y trouve la société St-Vincent-de-Paul, les Missions étrangères, le Secours catholique, etc. C'est déstabilisant.

J'en ai profité pour aller rendre le livre écrit par la prof de grec à la bibliothèque augustinienne.

une étagère de la biblibliothèque augustinienne

Formation bis

Changement de prof, changement de style : plus juridique, moins passionné. Davantage dans le genre QCM pour passer les examens: chaque chose a sa définition et sa case.

Les règles de la commande publique : s'inscrivent dans la sphère de la gestion des deniers publics.
Principe d'égalité de traitement, principe de liberté d'accès, principe de transparence de procédure.

Beaucoup de vocabulaire. Je le note ici surtout parce que je trouve cela curieux.

Appel d'offres : une procédure initiée par une personne soumise au code de la commande publique.

Procédures formalisées: Appel d'offres et procédure avec négociations (PAN)
Procédures adaptées (en dessous des seuils): MAPA (marché à procédure adaptée)
Procédure de gré à gré: pas de publicité ni de mise en concurrence

Le monde des sirènes1 : «vous êtes une personne privée (ici, une SEM, société d'économie mixte) qui passez des marchés privés qui suivent le droit de la commande publique. En cas de contentieux, vous dépendez du juge judiciaire et non du juge administratif.»

pouvoir adjudicateur (secteurs classiques) / entité adjudicatrice (secteurs spéciaux (transports, eau, électricité, services postaux, entreprises publiques comme la SNCF))
+ groupement de commandes (un mandataire coordinateur)
Accord cadre: 4 ans. Mais dans le domaine de la défense et de la sécurité, 7 ans.

Vocabulaire : Passation (jusqu'à la signature) / Exécution

Travaux: appel d'offres obligatoire au-dessus de 5 382 000 € HT. Et toujours je pense à Largo Winch, quand il est l'objet d'un redressement fiscal: «et vous tenez beaucoup aux 87 centimes?»

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Le soir avant de reprendre le métro j'aperçois de la lumière au-dessus de l'esplanade de la Défense. Il me semble que c'est à l'emplacement de mon ancien immeuble: il devait être vendu et détruit, pour que soit construit à sa place l'un des plus hauts immeubles de la Défense. Est survenu le Covid, le projet était en péril. Apparement il a abouti. J'ai marché jusqu'au pied de l'immeuble pour me rendre compte.

construction de l'immeuble de Total the Link, de loin au pied de l'immeuble en construction de Total the Link




Note
1 : mi-chair, mi-poisson

Formation aux appels d'offres

Très bonne journée sur un sujet aride, avec un avocat dont les yeux pétillent à chaque fois qu'il évoque un point délicat: on voit tout le plaisir du travail intellectuel, de la délicate pesée des mots et des interprétations.

«Nous sommes une cinquantaine d'avocats à intervenir sur les marchés publics. C'est un tout petit monde, tout le monde se connaît.»
Et chaque fois je pense à Thomas Römer, commentant le Pentateuque au Collège de France: «Les auteurs de la Bible se connaissaient tous, c'était un tout petit monde — comme aujourd'hui les exégètes, nous nous connaissons tous.»
Sur le coup, l'analogie m'avait fait sourire, mais en fait elle est toujours vraie: les spécialistes d'un domaine ne sont jamais nombreux et la plupart de temps se connaissent puisque qu'ils travaillent en dialogue — ou en opposition.

Obtenir des documents de l'administration: consulter la CADA.
Commentaire du prof: «la possibilité d'obtenir les documents de l'administration… ce sont les lois de Giscard d'Estaing, dont la vision libérale a dévérouillé l'administration de style gaulliste, avec la création de la CADA et la CNIL.»



Et sinon, ma mâchoire s'est décrochée en voyant le portable de ma voisine partie chercher un café: adresse de son employeur, numéro de téléphone, mot de passe scotchés sur le clavier… je ne pensais pas que c'était possible de réellement faire ça, en s'absentant et en laissant son portable grand ouvert sur la table.



Calme

Une semaine seul responsable au boulot.
C'est reposant.

Convention et protocole, billet technique

Encore une journée passée comme en rêve. Je ne me souviens de rien, sauf que j'ai découvert le protocole PAOS, l'équivalent de l'IDA pour les dommages corporels causés par des accidents de circulation.
Sur ce modèle, pour les accidents de la circulation et les sinistres impliquant des bicyclettes, un protocole a été signé le 24 mai 1983 entre les trois caisses nationales d'assurance maladie (CNAMTS, CANAM et la CCMSA) et les organismes représentatifs des entreprises d'assurance (GEMA et FFSA) avec pour objectif d'accélérer le recouvrement par les caisses de sécurité sociale des créances qu'elles détiennent auprès de l'assureur du responsable de l'accident, de permettre aux assureurs d'indemniser plus rapidement les victimes d'accidents de la circulation et de simplifier les rapports entre les caisses de sécurité sociale et les entreprises d'assurance en éliminant les causes de litiges. (Annexe III)
Bon, tout le monde s'en fiche ici, mais il en ressort que les mutuelles de la code de la Mutualité ne sont pas concernées. Du moins je crois. Si cela se confirme, une méchante assurance à forme mutuelle (ne pas confondre) est en train de nous voler quinze mille euros. (Je suis assez contente de moi d'être parvenue rapidement à cette conclusion sans connaître le sujet une heure plus tôt).

Je suis allée chercher H. gare de Lyon et nous sommes revenus ensemble par la coulée verte au Janissaire dont l'enseigne matin après matin retient mon œil: «gastronomie turque».
Excellente cuisine.

Au retour vers la gare, H. a reconnu la mairie du douzième où il a déclaré O. lors de sa naissance (une aventure que je raconterai un jour). Je n'avais pas pris conscience que c'était ici.

Mauvais esprit

Et tandis que le prestataire informatique nous expliquait que l'un de ses clients mutualistes, assureur de nombreux policiers, avait demandé pour eux «une charte graphique un peu plus bleu blanc rouge que pour ses autres adhérents», je n'ai pu m'empêcher de murmurer: «qu'est-ce qu'on va choisir pour les nôtres? Picsou dans son coffre-fort?»

Entre deux chaises

Nous avons lancé un appel d'offres pour un développement informatique (ou quatre, ou quatre en un). C'est toujours extrêmement embarrassant pour moi: j'ai toute la compétence à domicile (via H.) pour savoir quelles questions poser; mais lorsque je suis au bureau, je n'ai aucune compétence personnelle pour juger des réponses.

Et décider en une semaine1 d'un engagement de 700 000 euros HT sur cinq ans (sachant qu'en assurance on ne récupère pas la TVA) me semble vraiment léger (le développement est urgent et les décideurs partent en vacances).

Bref, cette situation est inconfortable et frustrante.



Note
1 : ce n'est pas moi qui décide, je me contente de mettre des grains de sable dans les engrenages, ce qui est une autre source d'embarras : celle qui conteste sans apporter de réelles solutions.

Panne

Pas d'internet au bureau et pas de téléphone fixe. A midi nous avons renvoyé les équipes chez elles pour qu'elles travaillent à distance. Je n'ai pas compris exactement la cause, des travaux, une gaine coupée?

Nous avons laissé tout le monde en télétravail demain et acheté une antenne 4G avec amplificateur pour servir de relais.

Cependant, on nous a promis que tout serait réparé demain.

80 ans

AG et 80 ans de la mutuelle.

— Vous êtes une mutuelle à contre-courant.
— Non, nous sommes une mutuelle singulière.

Bu trop de champagne.

Départ en catimini

Départ à la retraite d'une salariée. Départ à 67 ans : elle est fonctionnaire détachée, sa retraite n'est calculée que sur son salaire de base, hors "primes", donc elle part le plus tard possible pour optimiser sa pension.

Je mets primes entre guillemets car celles-ci n'ont pas la même nature que celles du privé: elles ont un caractère permanent — tant que vous êtes présent au travail: elles ne sont pas versées quand vous êtes en arrêt maladie, ou même — en vacances (ce qui fait qu'un des fonctionnaires de ma structure ne prend jamais de vacances et est d'une humeur exécrable). Peut-être que ce n'est pas vrai pour toutes les primes, peut-être que ça dépend de leur nom. Je suis désarmée devant cet imbroglio et je découvre des bizarreries tous les jours.

Les fonctionnaires ne cotisent que sur leur salaire de base (salaire indiciaire brut) et touchent une retraite proportionnelle. Cela signifie que durant leur vie professionnelle, ils supportent moins de prélèvements que les salariés du privé, mais une fois à la retraite, leur pension est plus faible. En clair, il leur faudrait cotiser volontairement sur leur partie "primes". Je suis toujours effarée de me dire qu'on demande aux fonctionnaires de se comporter comme des salariés américains. (NB: je présente des généralités, il y a beaucoup de cas particuliers. Par exemple, comme le salaire des professeurs ne comportent quasi pas de prime, l'écart de calcul de retraite avec le privé est inexistant (ou presque: je n'ose rien affirmer catégoriquement.))

Toujours est-il que les fonctionnaires de mon équipe restent jusqu'à être rayés des cadres, c'est-à-dire mis à la retraite d'office à 67 ans. J'en ai même une qui, s'étant arrêtée de travailler dix ans pour élever ses enfants et n'ayant pas tous ses trimestres pour une retraite à taux plein, a demandé à poursuivre au-delà. Elle aura 68 ans en juillet, elle part en décembre. Je sens qu'elle commence à peiner; les changements dans les modes de travail la désorientent mais elle reste une excellente technicienne.

Donc aujourd'hui, l'une des fonctionnaires partait à la retraite. Comme je suis très attachée aux rites, je lui avais demandé il y a dix jours si elle voulait qu'on organise un pot de départ à la retraite. Elle s'y attendait si peu qu'elle avait rougi et répondu oui.

Elle ne s'y attendait pas parce que c'est une vraie peste.
Je ne suis ici que depuis deux ans, mais durant ce court délai, elle a envoyé à la direction un mail odieux de dénonciation d'une collègue. Personnellement, à ce moment-là je l'aurais renvoyée dans son ministère d'origine (ce qui est l'équivalent d'un licenciement, ai-je appris sur Google); elle a simplement eu droit, sur mon insistance, à une lettre d'avertissement (j'ai appris au passage que le droit du travail privé s'applique aux fonctionnaires détachés (enfin, je suppose qu'il doit y avoir des subtilités)).

Depuis que j'ai annoncé qu'il y aurait un pot, certains sont venus me demander si c'était obligatoire (non), d'autres combien de temps il fallait y rester (un temps décent). D'autres m'ont dit qu'ils feraient le pot pour fêter son départ. On m'a (re)raconté qu'elle avait des poupées vaudou; aussi incroyable que cela paraisse, elle suscitait de la peur chez les agents les plus anciens qui la soupçonnaient d'avoir provoqué la mort de collègues (je vous jure qu'on m'a vraiment raconté ça. C'est si Jacques Yonnet.)
Bref, elle a dû entendre des commentaires et des conversations. Elle est venue en fin de semaine dernière me prévenir qu'elle ne voulait plus de pot car «elle n'aimait pas les hypocrites».

Elle est partie à trois heures, une orchidée et un bougainvillier dans les bras offerts par deux ou trois salariées charitables.

*****

J'ai fini la lecture de Terre inhumaine. Finalement l'aide que nous apportons aujourd'hui à l'Ukraine face à la Russie, c'est celle que nous n'avons pas accordée à la Pologne en 1945. A l'époque Staline avait jugé que l'Occident n'entrerait pas en guerre pour sauver la Pologne; aujourd'hui l'Occident compte sur l'Ukraine pour épuiser la Russie (ou plutôt se débarrasser de Poutine. Mais quid des oligarques?)

Décalage horaire

Télétravail. Je me connecte à 9h30 pour une visioconférence à quatre. «Une personne va vous laisser entrer en réunion».
Rien.
Pensant que je n’ai pas le bon lien, je me connecte à partir d’un autre appareil.
Idem.
Je farfouille dans mes mails: cela a peut-être été annulé, c’est fébrile ces temps-ci, avec l’appel d’offres qui ne tombe pas.
De guerre lasse, je laisse Zoom allumé et continue ce que j’étais en train de faire.
Plus tard encore, Zoom me déconnecte avec un message: personne ne s’est présenté pour la réunion.

Dans la matinée, échange de mails à je ne sais plus quel sujet. «On verra ça durant la visio de 14h30».
Je réagis aussitôt: «Désolée, je n’ai pas de lien pour une visio à 14h30».

Il s’avèrera que les autres non plus, sauf un, l’organisateur de la visioconférence — qui est en vacances en Thaïlande mais n’a pas annulé la réunion — de 9h30 ce matin — qui est devenue 14h30 pour lui.
En fait nous sommes trois à avoir attendu bêtement ce matin à 9h30 que quelqu’un nous «laisse entrer en réunion». En temps normal nous nous serions envoyés des SMS, mais là, chacun a pensé qu’il s’était trompé.
Bref, nous annulons la visio de l’après-midi.

Télétravail

Journée à lire des contrats de 2016. Il faut que négocie, paraît-il. Aussitôt remonte la phrase du Cinquième élément: «Où est-ce qu'il a appris à négocier?»

Je suis installée dans la salle de bain sur la table rouge. Il fait frais. A ma gauche la vigne vierge. D'un trou dans le mur vont et viennent des petites guêpes.

Choquée

Une nouvelle embauchée est arrivée aujourd'hui. Elle habite Provins. Pour être sûre d'être à l'heure elle a réservé des chambres d'hôtel tout le mois.

Grand désarroi:
— Mais enfin, vous ne pouvez pas faire ça! C'est le travail qui doit vous faire vivre, vous ne pouvez pas perdre de l'argent pour venir travailler.
— Ça me plaisait ici. Je voulais ce boulot. Et la ligne R, c'est trop incertain, surtout l'été, avec les travaux. Ce matin il y avait encore une grève surprise.

Je ne suis pas marxiste. Je ne fais pas de grande analyse du capitalisme car c'est toujours moins mauvais que le communisme.
Mais tout de même, quelque chose dysfonctionne profondément.

Une glycine de moins

Avec Maria toute la journée (elle part à la retraite le 30). Ne pas avoir été sur site la semaine dernière a mis à mal le transfert de connaissances que j'avais planifié.

Le soir quand je rentre le jardinier a coupé la glycine blanche, ce qui donne une impression de mur pénitentiaire à cette partie du jardin. Il espère pouvoir sauver la violette en coupant les rejets et en dégageant la partie centrale. Ce sera pour cet automne.



Par ailleurs, j'ai reçu mon baptême de manager: la jeune embauchée du 15 décembre m'annonce qu'elle est enceinte. J'espère que le reste de l'équipe sera élégant avec elle, je redoute les remarques assassines.

Picpus

Le devoir de réserve impliqué par mon contrat de travail fait que je publierai mes notes dans cinq ou dix ans. Notons simplement pour mémoire (et parce que cela peut être utile à d'autres) que les dossiers suspendus à présentation verticale demandent un intervalle entre les étagères plus grand que les dossiers suspendus réservés aux tiroirs.

Vingt minutes de vélib tranquilles entre garde de Lyon et la rue Picpus. Le boulevard Daumesnil monte jusqu'à la place Félix Eboué puis descend en pente douce. Peu de circulation à sept heures et demie.

A midi, j'ai repéré une quincaillerie (j'adore les quincailleries) et une salle de sport vraiment proche. Le soir en rentrant j'achète un pinceau pour coller (à force de donner les miens je n'en ai plus) et je vais voir la salle. Elle est petite, sympa, elle a des fenêtres, elle n'est pas peinte en noir (ouf!). Je pense que je vais l'adopter, même s'ils me préviennent que le rameur Concept va être remplacé en juin (on verra bien).

J'emprunte beaucoup par curiosité un peu par erreur la petite ceinture: je pensais que c'était la coulée verte.
Je prends un velib et retourne gare de Lyon.

Sinon il y a lui qui lisait L'adolescent de Dostoievski à la table voisine à midi.

Jeune homme lisant Dostoievski en terrasse


Paper cuts

Levée à cinq heures vingt mais aucune envie (aucun ressort) de me presser. Je fais la vaisselle en écoutant la radio (les auditeurs de RTL expliquent leur vote), pars à la gare en voiture (quand je suis à l'heure je prends le bus), laisse délibérément passer mon train, prends mon café avec Toufik. Je lui suis reconnaissante de ne pas parler politique. A cette heure matinale, la plupart de ses clients sont mélenchonistes. Ils me regardent dubitatifs, avec une gêne imperceptible: ils me connaissaient avant la campagne, Toufik est amical (il l'est avec tout le monde, mais nous avons des conversations de fond — trois minutes avant de prendre le train), il leur faut choisir entre leur détestation théorique et leur jugement pragmatique.

Aujourd'hui (au boulot) c'est étiquettes et planification: nous déménageons de Vincennes à Paris durant trois jours. Je me rends compte que ce que j'avais fait avant mes vacances est faux, les étagères comptées pour trois mètres en font un cinquante (deux armoires côte à côte), il faut tout recommencer. Je ne sais pas comment tout cela va tenir dans les nouveaux locaux, tout est un peu laid, un peu de guingois, les boîtes d'archive de récupération ne sont pas toutes identiques, je m'agace devant des dossiers suspendus qui auraient dû être changés depuis longtemps; demain ils vont se vider à la première manipulation. Comment peut-on associer autant de dévouement dans ses fonctions à aussi peu de soins, aussi peu de sens de l'initiative (ici l'initiative aurait consisté à changer un dossier sans qu'on vous le demande)? Est-ce cela l'esprit bureaucratique?
J'ai fait changer les dossiers que j'ai repérés mais je sais que demain je vais en découvrir bien d'autres. Ça va être sport.

Dernier massage thaï à midi. Cela va me manquer. Cela ne procure aucune détente musculaire, ça fait un mal de chien, mais je suis persuadée (n'est-ce pas l'essentiel?) que cela remplace ostéopathie et acupuncture. Il me semble que je parviens à somnoler au milieu des douleurs.

Les LFI viennent expliquer que Macron est mal élu. Je pose ça là pour mémoire.



Il faut cependant admettre que 58%, quand on a l'extrême-droite en face de soi, ce n'est pas beaucoup. Dans un ou deux quinquennats, ça finira par craquer. Ce qui me déprime le plus, c'est de voir des noirs ou des basanés voter Le Pen ou s'abstenir. N'ont-ils pas conscience que pour eux la vie deviendra infernale? Délit de faciès multiplié par cent et associations de défense affaiblies ou disparues.

Quant aux plus faibles, aux plus pauvres... Est-ce Zweig qui commentait: «Quelques années après l'accession d'Hitler, il n'y avait plus de chômage: les gens étaient soit en prison, soit gardiens de prison»? (C'est un vieux souvenir d'un cours d'allemand de terminale, mais je ne suis plus sûre de l'auteur de cette citation (approximative)).

Marine Tondelier, conseillère d'opposition à Hénin-Beaumont, a publié un livre, Nouvelles du Front et gagné son procès en diffamation: délation et suspicion généralisées, c'est la vie sous le RN.

Elon Musk, trumpiste et nazillon, vient de racheter Twitter. Il veut supprimer la censure. Je pense à Sa Majesté des mouches.

Picpus

Visite de nos futurs locaux. La perspective de se retrouver dans Paris me fait étrangement plaisir. J'en suis partie en 2009 pour la Défense. Puis Nanterre, puis Vincennes…

Nous devrions déménager en avril.
Le paradoxe, c'est que je ne suis pas sûre de ne jamais y aller. Ou quelques mois. On verra.
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