Billets pour la catégorie 2023 :

La ligne de Blakiston

Je lis les deux tomes de Golden Kamui reçus à Noël (j'avais lu les livres d'O en mars 2020 pendant le confinement. A l'époque il y en avait huit de publiés en français, aujourd'hui nous devons en être à plus de vingt.)
Une adaptation animée très fidèle se trouve ici. (Si je commence à regarder les anime, je suis perdue.)

Je découvre en préface une autre ligne zoogéographique, la ligne de Blakiston. Est également évoquée la règle de Bermann.

Durant la pause de midi j'ai vu SHHTL, film en yiddish qui raconte la dernière journée du shethel ukrainien le plus à l'ouest de l'Ukraine, la veille de l'invasion allemande.
C'est un film bavard, dont l'intérêt principal est de nous rappeler que nous avons tort de ne pas choisir d'être heureux tant que le malheur inexorable est à distance et que nos disputes sont une perte de temps criminelle compte tenu de notre durée de vie si courte.

Il y a trois ans, j'avais monté une structure en auto-entrepreneur de façon à facturer encore quelques travaux à mon ancienne société. Depuis que j'avais déménagé en Seine-et-Marne, je n'avais jamais réussi à la changer d'adresse (à qui s'adresser? incompréhensible, tribunal, CCI, etc.)
C'est désormais chose faite, grâce au guichet unique de l'INPI. Alleluiah. Comme quoi la simplification administrative n'est pas un vain mot (cela a été facilité par le fait que j'avais déjà un compte France Connect Plus que j'avais créé pour utiliser mon CPF.).

Pull de Noël

Après des années d'hésitation, je me suis offert un pull de Noël.

pull avec père Noël - site sur Lorealwear


Rentrés à la nuit tombante. Nous travaillons tous les deux cette semaine.

Parkour

Journée à écrire des billets de blog et à chercher une nouvelle série sur Netflix. Rien ne me convient.

Je contemple également cela avec intérêt (il me manquait le vocabulaire pour faire une recherche. Je l'ai trouvé en hashtag sur les vidéos FB). Je me sens tellement gauche. Le club référencé à Paris s'appelle Pinkparkour, pour une pratique «entre femmes et minorités de genre». C'est une nouvelle encourageante, c'est moins impressionnant que se retrouver parmi des musclors, mais je me demande s'ils auraient la même bienveillance envers une vieille qu'envers les minorités de genre.

23

Thé à la menthe à 22 heures; mal dormi; préparé les valises. Arrivés chez mes parents en avance, pour une fois. Pas de sapin, pas de guirlande, pas de décoration, strictement rien. C'est tout de même très étrange.

Dormi une partie de l'après-midi dans un fauteuil du salon, puis tenté de sécher la voiture pour découvrir qu'elle était trempée plus haut derrière le siège conducteur. Je ne comprends pas quel est le trajet de l'eau, à quel niveau elle passe. Ce n'est pas la capote qui a un défaut, c'est plutôt la structure derrière le siège conducteur qui doit être fêlée. Le compliqué, c'est qu'il faudrait ramener la voiture où elle a été réparée au printemps dernier, à 80 km de la maison, et que le garage reconnaisse qu'il a mal fait son travail, le tout avec l'aval de l'assurance afin de faire jouer la responsabilité civile du garage. C'est une bataille de longue haleine que je laisse H. mener.

Terminé The recruit. Amusant, le personnage du naïf dans un film d'espionnage.

Journée cool

Fini The Rookie, regardé 2012 donc je ne connaissais pas l'existence (une bonne bouse traditionnelle avec des parents divorcés, un fils et une fille et une catastrophe naturelle — soudain je comprends pourquoi tout le monde connaissait la prédiction maya), commencé The Recruit, plutôt amusant.

En y réfléchissant, 2012 est à inscrire dans la liste les films où les Chinois sont les sauveurs, comme dans Gravity, par exemple. C'est une histoire d'argent, mais aussi une façon de structurer les esprits — en un mot un instrument de propagande. C'est plus ludique et moins hostile que la manipulation russe de l'information. Reste à voir les conséquences à long terme.

J'écris quelques billets de blog en regardant ces films et épisodes; je nomme des photos, je fais des recherches Google. C'est les vacances.

Fan de la ligne de Wallace et de Stephen Hawking barreur d'un huit vainqueur à Oxford en 1961.

Lâcher prise

Je suis en vacances deux jours, soit cinq, par la magie du week-end et du 25 décembre.

Je n'arrive pas à «redescendre», adrénaline au plus haut. Le plus gênant, c'est pour dormir.

Aujourd'hui, je suis allée chez le coiffeur, j'ai récupéré mon imperméable et le cadeau pour ma sœur, fait la sieste, étendu une machine, continué la saison 3 de The Rookie tout en rédigeant un billet de blog, le premier depuis trois semaines; le tout avec un sentiment d'urgence que je ne maîtrise pas. Je n'arrive pas à redescendre.

H. a rapporté un sapin et l'a décoré. Il faut que j'installe la crèche.

sapin de Noël


Une grande photo pour un petit sapin. Je me suis toujours dit que le jour où nous ne ferons plus de sapin de Noël, nous aurons abandonné quelque chose.

Le pull vert

Terminé ce soir un pull vert foncé en point irlandais.

J'ai commencé ce pull aux environs de 1995, 1996. A l'époque ce n'était pas le même modèle: j'avais commencé un pull à manches chauve-souris (c'est un patron où les manches se tricotent d'un bloc avec le corps du pull, sans couture. J'aime beaucoup, même si c'est peu pratique pour enfiler une veste ou un manteau). Je me souviens de la date, parce qu'après la naissance de ma fille, je suis allée passer une semaine chez ma tante. J'espérais qu'elle s'occuperait des enfants (trois ans et quelques mois), ferait la cuisine et que je pourrais me reposer.

Cela ne s'est pas du tout passé comme ça. Ce n'est que plus tard, après la naissance de mon dernier, que je comprendrai à quel point ma tante célibataire sans enfant est totalement démunie, incapable de gérer de jeunes enfants avec toute la vivacité d'esprit et les réflexes que cela demande. Cela a été épuisant. Je me souviens de mes mains transpirant sur les aiguilles (un pull chauve-souris, c'est très lourd) et de ma tante en train de me dire: «Mais arrête, tu me stresses à tricoter tout le temps, à tout le temps faire quelque chose. Tu es comme ta mère et Solange 1».
Je suis tombée des nues: le tricot, stressant? Un pan entier d'interprétation s'ouvrait (c'était avant internet, avant d'avoir compris que tout était possible, que rien n'excluait rien, qu'on ne pouvait jamais être sûr que si X pense X, il est incapable de Y).

Ce dont je me souviens surtout, c'est que je voulais emprunter la voiture de ma tante pour aller voir ma grand-mère à Vierzon (une trentaine de kilomètres) et qu'elle a refusé. Enfin, pas exactement refusé, mais donné tant de raisons pour ne pas me la prêter (j'avais plus de cinq ans de permis) que j'ai abandonné. Je m'en veux encore de ne pas avoir insisté et pris la voiture malgré tout — c'est pour cela que je m'en souviens encore aujourd'hui. (Ma grand-mère est morte cinq ans plus tard, mais je la voyais si peu: pas le courage de faire deux cents kilomètres le week-end pour la voir avec les enfants, trop de sommeil en retard — je suis rongée de remords sur tous les sujets).

Quelques années plus tard, sans doute vers 2008 ou 2010 (y en a-t-il la trace dans ce blog?), j'ai changé de modèle et détricoté le pull chauve-souris jamais terminé pour commencer un pull irlandais. J'ai arrêté de tricoter il y a une dizaine d'années. Il était presque fini, j'étais arrivée aux diminutions des manches du dos, la dernière pièce à terminer. Je l'ai achevée aujourd'hui en regardant Qui est Erin Carter?

Il n'y a plus qu'à coudre les morceaux.



Note
1: sa soeur, mon autre tante, hyper active et maniaque de la propreté.

Appel aux dons: le bréviaire de Charles V

La BnF lance un appel au don pour acquérir un exceptionnel manuscrit enluminé réalisé vers 1370 pour le roi de France Charles V (1338-1380), le Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle. Cette acquisition permettrait au manuscrit de rejoindre les collections nationales, dont l’histoire commence avec Charles V dit « le Sage », célèbre pour son amour des livres et du savoir. La librairie qu’il installa au Louvre vers 1368 constitue le cœur historique de la BnF. Le Bréviaire à l’usage de la Sainte-Chapelle provient de cette inestimable collection princière dont seuls 185 volumes ont été retrouvés. L’appel au don est ouvert jusqu’au 31 décembre 2023.

Dernier mardi de l'oulipo

Comme je suis la reine de la nostalgie, une fois tous les spectateurs sortis, je me retourne pour une photo.
Je pensais photographier la scène vide, mais un régisseur était déjà en train de ranger les tables.

grand auditorium de la bibliothèque François Mitterrand


Est-ce la dernière fois qu'on se voit? Les optimistes pensent qu'il y aura reprise des soirées ailleurs, sous un autre nom.
Au cours de la soirée, j'apprends que GEF et Nicolas se sont connus par internet. Ça me plaît. Ça me console de mon entourage pro qui vit en 1912 et s'oppose à la dématérialisation au nom "du maintien de la relation humaine".

Quand je vois la résistance au changement de mon entourage professionnel, je suis étonnée que certains endroits de France ne s'éclairent pas à la bougie en se déplaçant en voiture à cheval (je me dis en écrivant cela que c'est ce que font les Amish. Comment se fait-il que nous n'ayons pas d'Amish en France?)

6

La vie est riche en réunions. Entre deux, je déjeune avec Patrick, lui-même en retard à cause du RER. Une heure à parler santé et famille, mais également de livres et de voyages.
Quand Paris a été choisi pour les Jeux olympiques, tout le monde paraissait ravi; aujourd'hui je ne rencontre que des gens qui organisent leur fuite de Paris: «je vais partir en juin dans les pays baltes avec X, mais mon but, c'est de ne pas rentrer avant la fin des jeux».

Patrick me raccompagne au bureau. Devant la porte, mon consultant parle au téléphone. Chic, je ne suis pas en retard (je me suis trompée d'une demi-heure concernant la réunion suivante).

Mars Express

J'ai convaincu H. d'aller voir Mars Express.

Très bon moment, film animé à la façon manga (des ralentissements dans la fluidité comme s'il manquait des images), qui m'a rappelé Les Cavernes d'acier, le cycle d'Asimov que je préfère.
C'est un film mélancolique à la façon de Blade Runner: les robots, victimes ou coupables? Les dernières images sont énigmatiques comme dans les meilleures histoires.

Balais à chiotte

Levés trop tard pour que H. me dépose au planeur le matin. Il est parti au ping-pong et je ne sais absolument pas ce que j'ai fait de ma matinée, sans doute rien. Ou la vaisselle.

Arrivée trop tard au planeur pour rentrer les ailes ou retourner les fuselages. Dans les listes des tâches (car il y a plusieurs listes, classées par thèmes), je me retrouve donc à nettoyer les sanitaires — type sanitaires de camping, puisque des vélivoles campent l'été au club et qu'il y a tout pour y vivre, cuisine et douche.

Il se trouve que Matthieu a fait une photo inattendue, les balayettes de WC dorées par le soleil couchant (la tâche rose, ce sont les rideaux de douche).

balayettes à chiotte dorées par le soleil

Testament

C'est un film étrange en ce qu'à tout moment on se dit que c'est une caricature forcée — puis on réalise qu'à bien y réfléchir non, ce n'est pas si exagéré que ça, voir pas exagéré du tout. Ça se moque beaucoup des manies de la jeune génération et des féministes. Le Québec ne va pas beaucoup mieux que la France.

Une phrase triste d'un vieux monsieur: «Nous autres hommes, nous sommes habitués à payer pour un peu de tendresse.»

C'est un message d'espoir malgré tout, parce que la vie continue. Il n'aura pas beaucoup de succès, car personne ne va oser dire du bien d'un film qui se moque des wokes.

La question demeure: pourquoi la jeune génération est-elle si en colère, alors qu'objectivement, la vie n'a jamais été aussi facile? (La dernière fois que j'ai écrit cela sur FB, on m'a rétorqué «comment? mais les taux d'intérêt? mais le réchauffement climatique? mais…». Et j'ai rétorqué guerre froide, impossibilité de voyager, pas d'internet, pas de smartphone, tout ce sans quoi les jeunes sont incapables d'imaginer le monde aujourd'hui. Combien capables de vivre sans eau courante et électricité une semaine?)

Evidemment, ça va se compliquer dans les années à venir. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'un jour ils regretteront de ne pas avoir plus et mieux profité de la vie aujourd'hui, de ne pas avoir davantage savouré chaque minute actuelle.

Lâcheté

Je le recopie pour que ce soit référencé par Google.

Journal de Sfar:
  • Le même jour à Sciences-Po Paris, une minute de silence a été observée en mémoire des victimes palestiniemmes de la guerre. L'UEJF a demandé qu'on observe également une minute de silence en hommage aux morts du pogrom du 7 octobre. Cela a été refusé.
  • Le même jour, la mairie de Londres a annoncé renoncer au traditionnel allumage des lumières de Hannoucah cette année. Par peur de l'hostilité de la population.

Je pense à cette photo de 1932 où une famille juive allemande allume un chandelier de Hannoucah tandis qu'au dehors un étendard nazi occupe l'espace public.


Sciences-po


Nous paierons cher notre lâcheté.
Je ne comprends pas ce manque de discernement qui fait confondre l'agresseur et l'agressé.

2024, l'année de tous les dangers

Ce soir, conférence-débat organisée à Torcy par Hadrien Ghomi sur la guerre en Ukraine.
Les invités : Anna Colin Lebedev et le Général Jérôme Pellistrandi.

Je suis surprise des questions: l'assemblée en sait vraiment peu. D'un autre côté, H. est obsédé par l'Ukraine, et donc j'en sais sans doute beaucoup plus que la moyenne.

J'apprends qu'il y aura des élections russes en mars 2024, élections courues d'avance mais élections quand même.
Bien entendu, la Russie va tout faire pour influencer les élections européennes et américaines. Quand je pense à nos concitoyens qui avalent la désinformation sans sourciller… Comment allons-nous faire, comment allons-nous nous défendre?

Quelle année, cette année 2024: élections en Russie, Europe, Amérique.
Je suis morte de trouille.

Sciure

Ce soir, j'ai eu l'œil attiré par des petits tas blonds derrière mon bureau. Je touche, mon doigt s'enfonce (ça se voit sur la photo), c'est de la sciure.
Un ou des vers sont en train de ronger mon plancher.

plancher rongé par les vers

Ponce Pilate

Présentation à la Sorbonne du livre Ponce Pilate de ma prof de grec. Les élèves sont une vingtaine, ce qui me paraît toujours extraordinaire pour une matière aussi peu porteuse: la littérature patristique et apocryphe des premiers siècles chrétiens.
Le temps prévu aura été bien trop court. Nous attrapons des bribes de savoir: comment chaque auteur grec ou latin a-t-il interprété les actions de Pilate? J'apprends qu'aux premiers siècles du christianisme, Pilate était considéré comme un saint pour avoir permis la résurrection. Il y avait même une église copte Saint Pilate en Egypte jusqu'au XXe siècle. Je me demande si Roger Caillois le savait.

Puis cours de grec, décalé d'une demi-heure. Chaque fois que je confronte mes traductions à celles des autres, je ne comprends pas pourquoi j'ai construit des phrases si compliquées. Malgré l'heure de décalage j'attrape le train de 22h16 car... la ligne 14 est en service !!! (Hourra!)

A la vôtre !

Ce matin à la buvette de la gare, Toufik me rend la monnaie: une pièce de deux euros de Monaco avec le prince Albert.

A 6 heures 52 (c'est-à-dire au départ du train), j'envoie une photo à mes parents (pour qui, afin de ramener la collection complète des pièces, nous avons écumé les pots à pourboire dans les pays baltes) avec le commentaire: «Monaco à la buvette de la gare».

La réponse de ma mère (à 7h14) m'a laissée pantoise: «En ouvrant sans voir la photo j’ai cru que tu buvais un monaco au buffet de la gare. La photo m’a rassurée 😂 bonne journée 🥰.»

Oulipo

BNF. Eternellement les fouilles de sac et les poêles le long du corps, je crois que je n'ai jamais connu la BNF sans contrôle de sac. J'aimerais connaître la liberté d'aller et venir une fois avant ma mort.

Avant-dernier Oulipo, peut-être. En tout cas, avant-dernier à la BNF. Que signifie «Après 18 ans de lectures à la BnF, l’équipe de l’Oulipo part voguer vers de nouveaux horizons»? La lassitude des participants laisse à croire que les réunions publiques vont s'arrêter. Les plus optimistes d'entre nous évoquent une poursuite ailleurs, dans un lieu plus petit, pourquoi pas chez Olivier Salon.
Il me paraît plus réaliste d'admettre que les protagonistes sont fatigués et ont envie de passer à autre chose.

Pendant le dîner, conversation à bâtons rompus, comme d'habitude. Je note simplement, à propos d'intoxication alimentaire: «Chez nous, mal manger signifie la perte d'un mois d'espérance de vie dans trente ans; ailleurs, cela signifie mourir dans les trois jours».

Départ à 21h50 pour un train à 22h16.
Retour tranquille.

Equilibre des vertus

J'ai conservé ce doc pour m'entraîner à le traduire car certains mots ne me venaient pas spontanément.

manque             équilibre            excès

corruption          probité               procédurier
légèreté             clairvoyance       condamnation
égoïsme             amour               obsession
mépris               respect              idôlatrie
fierté                 humilité             dévalorisation
paresse             application         acharnement
débauche          mesure              puritanisme
lâcheté              courage              imprudence



vocabulaire éthique

Filarmonica Joven de Colombia

Après nos mésaventures de l'année dernière, la Philharmonie m'envoyait des messages pour m'inciter à utiliser le crédit que j'avais sur mon compte.

J'avais donc regardé les programmes, avec la contrainte — pas folle la guêpe, chat échaudé etc — d'un concert le week-end l'après-midi, et trouvé un spectacle avec le double attrait de la présence d'Hillary Hahn et d'un orchestre colombien.

(Evidemment, marris qu'entretemps une manifestation contre l'antisémitisme soit programmée. Ce sera sans nous, avec cette impression de prêcher ce qu'on ne suit pas.)

Orchestre Filarmónica Joven de Colombia: surprise en les voyant arriver sur scène, tous moins de trente ans, pantalon veste noirs, baskets noires lacets blancs, t-shirt beige. La salle est différente aussi, plus colorée, plus remuante, sans grand effort vestimentaire mais dans une vraie joie d'être là. Est-il possible que tant de familles des musiciens aient fait le déplacement?

Ce sera le maître-mot de l'après-midi: la joie. Travesia n°1 de Wolgang Ordoñez (totalement inconnu de moi, évidemment), joyeux, enlevé, avec des évocations de danse sur la plage à la manière de L'homme de Rio ou du Tailleur de Panama; Petrouchka de Stravinski, où l'absence de danseurs est remplacée par une chorégraphie des musiciens à base de ola; coupés par le concerto pour violon n°2 de Mendelssohn jouée par Hillary Hahn qui se laisse porter avec grâce par l'enthousiasme de la salle.

En sortant, nous sommes pris par un embouteillage dans le hall de la Philharmonie: les joueurs de cuivre de l'orchestre improvisent un bœuf dans l'entrée.
Joie, jeunesse et vitalité.

Orchestre Filarmónica Joven de Colombia à la Philharmonie


PS: j'apprends par le livret que l'Orchestre Filarmónica Joven de Colombia est un «laboratoire d'innovation sociale» (je cite).

La lassitude de la Mort

Ciné-concert dans l'église de Moret : Der müde Tod de Fritz Lang (1921) à Moret, accompagné au luth médiéval par Jozef Van Wissem, compositeur quasi-exclusif des bandes originales de Jim Jarmush (mais comment et pourquoi s'est-il retrouvé à Moret?).

J'y suis allée davantage pour Lang que pour Van Wissen (que je ne connais pas: ce que j'ai précisé plus haut vient d'internet).

C'est un film restauré récemment grâce à des partenariats internationaux. C'est un conte, avec la stylisation des contes, c'est lumineux et vaporeux à la fois. Effets spéciaux par superposition, par surexposition.

Le conte se déroule en six chapitres, bien caractérisés. Le premier nous présente un jeune couple heureux dans une diligence. Un grand homme en noir arrête l'attelage et monte dans la voiture. Le deuxième nous montre la ville, ses notables à la Daumier et noue l'intrigue: l'étranger en noir a acheté le terrain près du cimetière et l'a clos d'une enceinte sans porte et dont on ne voit pas le faîte tant elle est est haute. Le jeune homme meurt, la fiancée rencontre la Mort (l'étranger, comme nous le savons tous). Très belle scène sous une voûte immense emplie de cierges; chaque cierge représente la durée d'une vie qui inexorablement fond vers sa fin.
La Mort propose un marché à la jeune femme: elle lui confie trois bougies à dix centimètres de leur fin, représentant la vie de trois jeunes hommes: si la fiancée parvient à en sauver un, la mort lui rendra son bien-aimé.

S'en suit trois épisodes, en pays mahométan, en Italie et en Chine, avec tous les indices qui permettent au spectateur de s'orienter dans des représentations qui s'appuient sur des clichés, non seulement visuels, mais également musicaux (trois types de musique) et graphiques: les cartons entre les scènes adoptent des graphies rappelant l'écriture arabe ou chinoise. Je vous joins ici trois cartons: le titre, en écriture gothique, un carton arabisant et un carton de type calligraphie chinoise.

Der müde Tod - carton en écriture gothique Der müde Tod - carton en police arabisante Der müde Tod - carton en police de style chinois


La jeune femme échoue à chaque fois (comment empêcher une bougie de fondre si elle brûle?), ce qui explique le titre: la Mort exprime sa lassitude d'être invincible. Elle propose alors à la jeune femme de lui rendre son fiancé contre la vie d'un autre humain. Le dernier chapitre se déroule dans le village, où la jeune femme tente de trouver un habitant qui accepte de donner sa vie pour qu'elle puisse retrouver son bien-aimé.

C'était très beau et je n'ai pas eu froid (ma crainte prosaïque).

Pour les cinéphiles, un billet sérieux qui m'apprend que le titre est classiquement traduit par Les trois lumières (mauvaise traduction: les trois flammes serait plus exact et rendrait mieux la tension qui traverse le film).

SPR

Ce soir, réunion à 19 heures près de la piscine (j'ai quitté le bureau précipitamment) sur le thème «Site Patrimonial Remarquable». Moret a été classé il y a un ou deux ans et il s'agit de tenir au courant les citoyens de l'avancée du projet.

C'était frigorifique et très intéressant pour la nouvelle Morétaine que je suis.

En résumé, il y a 27 monument historiques inscrits ou classés, 7 sites classés, 3 sites inscrits et 3 zones de sensibilité archéologique ainsi que plusieurs zones de conservation et de protection de la faune et de la flore. La dénomination SPR permet d'assurer à tout cela une protection globale, d'obliger à une certaine cohérence architecturale (ou de la rétablir). De ce que je comprends, les deux priorités sont de conserver une identité visuelle aux rues (des maisons vernaculaires aux villas bourgeoises du XIXe siècle en passant par les devantures des commerces) et d'aider à la rénovation thermique.

Au fur à mesure de la présentation où nous nous transformions lentement en glaçons, j'ai pris des photos des slides projetés. Voici une gravure de Moret :

gravure de Moret et de son enceinte


J'habite hors de l'enceinte, à cinquante mètres de la porte A (porte de Paris).

Condor

Ce soir, visio organisée par la FFVP pour «prise en main de Condor», le simulateur de vol sur planeur.

Je m'attendais à plein d'élèves (le mail était envoyé à tous les licenciés), nous sommes treize, la plupart retraités et pilotes. Je suis la seule femme; nous sommes deux à ne pas être lâchés (c'est-à-dire n'avoir jamais fait de sortie en solo).

L'explication avance pas à pas, prodiguée par un vieux de la vieille, de ces personnes qui ont vu naître la technologie et ont grandi avec elle: il connaît le simulateur par cœur, ses versions 1 et 2, il travaille sur la béta de la 3.

Il nous remet un doc de soixante pages qu'il a rédigé en français (désormais Condor n'est plus disponible qu'en anglais) et j'écoute les autres poser des questions en prenant des notes: choisir le pack T.16000M FCS flight pack, utiliser trackir pour suivre les mouvements de la tête, positionner l'écran à hauteur de ses épaules pour ne pas abîmer ses cervicales.

Pour faire fonctionner le simulateur en conditions réelles, il faut télécharger des «scènes» qui représentent le vrai paysage. Je pensais naïvement que c'était repris de Google, mais non: il faut les construire. Et c'est dans ces moments-là que je retrouve mon émerveillement d'internet des premiers mois et des premières années: les scènes ont été construites et mises en ligne par des passionnés. Des dizaines de scènes à travers le monde, des millions d'heures de travail, un site traduit en vingt-et-une langues. Vous pouvez les trouver là, et plus précisément celle de Moret ici.
(Pour vous cela ressemble à Google maps, mais en plus, ça modélise le vent, les courants ascendants, les relations avec le relief, etc).

La réunion s'éternise bien au-delà de la visio, les pilotes discutent de l'intérêt du simulateur qui permet d'étudier sereinement ses erreurs. C'est économique, c'est écologique. Cela peut aussi convenir à de l'apprentissage à distance, j'apprends avec surprise que la pollution principale du planeur est due… à la voiture: les trajets des pilotes pour atteindre les clubs. Je ne m'en rends pas compte mais je suis une privilégiée avec mes huit kilomètres: la plupart font cinquante à cent kilomètres pour venir voler. (D'un autre côté, c'est aussi l'une des raisons pour laquelle je me suis inscrite: ce n'était pas loin. Je n'aurais pas fait cinquante kilomètres pour apprendre à voler.)

Maintenant j'attends qu'H. termine l'installation informatique. C'était mon cadeau de Noël ou d'anniversaire dernier, j'espère que ce sera opérationnel à Noël prochain.

Camus par Enthoven

Camus «l'autre», ou Camus «le seul», selon les personnes qui connaissent les deux.

Je ne suis pas une fan d'Enthoven, j'hésite sur ce qu'en penser et j'ai tendance à le confondre avec André Enegren (la malédiction des assonances); en un mot je ne vais pas écrire un dythirambe, mais la mise en scène est solide, la démonstration impeccable, avec des illustrations filmiques inattendues qui font sourire. Par moments Enthoven a des faux airs de Belmondo. Devant le succès, le spectacle est prolongé jusque fin décembre.

J'ai lu tout le théâtre de Camus entre la première et la terminale (je lisais beaucoup de théâtre, Anouilh, Giraudoux, Camus, Sartre, Claudel, Péguy, tous ceux qu'on trouvait dans le Lagarde et Michard du XXe siècle). Je ne me souviens de rien et pourtant je l'aimais beaucoup. J'aimais moins les romans: rien compris à L'Etranger (j'ai toujours pensé que les profs nous le faisaient lire uniquement parce qu'il était mince), peu de souvenirs de La Peste lu les jours d'ennui chez ma grand-mère.

Séance de questions à la fin du spectacle. Réponse à un spectateur:
— Il est trop tard pour entreprendre le procès de Sartre. […] Vous savez que Sartre se moquait de Camus en l'appelant un «philosophe pour terminales». En fait, c'est un grand compliment: Camus est clair, il n'y a pas besoin de bagage conceptuel pour l'aborder. D'ailleurs Camus répondait: «certains ont des commentateurs; moi, j'ai des lecteurs.»

Il y a une erreur courante qui m'agace: non, il n'y a pas dans les évangiles de lien entre culpabilité et souffrance ou mort. (Si l'on prend le cas du Christ, c'est même l'inverse.) Les catholiques et les protestants ont propagé cette interprétation, mais ce n'est pas dans les évangiles.
Ce qu'implique les évangiles, c'est l'inverse: qu'il n'y a pas de raison de souffrir ou de mourir, il n'y a pas de lien logique entre les deux: «Et ces dix-huit personnes tuées par la chute de la tour de Siloé, pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem?» Luc 13, 4.

Il faudrait peut-être que je relise Camus. Ça me semble moins urgent que lire les témoignages du XXe siècle. Je peine désormais à m'intéresser à la fiction.

Fuite

J'étais contente hier soir: la serviette mise chaque matin, essorée chaque soir, remplacée pour la nuit, remplacée le matin, n'était plus qu'humide, et non trempée; je me disais qu'avec un coup de sèche-cheveux dans le week-end, la voiture serait à peu près sèche.

Il a plu cette nuit, ce matin il y avait à nouveau un centimètre d'eau dans la voiture. Donc il y a une fuite. Il faut faire ré-ajuster la capote. Elle avait été mal remontée une première fois après l'accident; je suppose qu'elle s'est détendue pendant les kilomètres cet été.

Travaux d'hiver, encore.

Le théorème de Marguerite

Le vendredi c'est donc cinéma, du moins j'essaie, si je trouve un film à une demi-heure du bureau qui commence vers 16h30, c'est-à-dire qui se termine vers 19h — le genre de critères chez les autres qui me les faisaient mépriser quand j'avais vingt ans.

La plus belle phrase concernant les maths dans un film se trouve dans Incendies: «bienvenue dans un monde de solitude, d'incertitudes, de nuits blanches,…» (etc, de mémoire).

Ce film-ci, il est plutôt pour les premiers de la classe et les amoureux d'Amy Farrah Fowler, mâtiné de french love car les Français ne savent pas faire autrement. On ne s'ennuie pas une seconde. J'espère que les scénaristes ont blindé les formules mathématiques car je suis sûre qu'il va y avoir des dingues pour les décortiquer.
Perso j'y ai trouvé du suspense car en observatrice des structures de récit, je ne voyais pas comment le scénariste allait trouver une issue: il n'allait tout de même pas résoudre une grande énigme mathématique mondiale?

Gênée malgré tout que l'actrice en gros plan me rappelle Paul Mirabel.

Les sept problèmes mathématiques du millénaire
T-shirt familial non repassé

———————

Agenda
Le traitement de la cystite par les pharmaciens est un leurre, ils refusent de vendre le médicament.
Trouvé par une sorte de miracle un rendez-vous à 11h45 à dix minutes du bureau. Je me suis fait un peu engueulée par un docteur sympathique aux cheveux très blancs: «Trois jours? Mais la cystite, c'est une urgence, on n'attend pas trois jours. (Mon excuse balbutiée: j'ai cru que ça allait passer en me reposant mercredi.) Bon, vous n'avez pas de fièvre? trois jours! Je ne vous donne pas le traitement minute mais le traitement sur cinq jours».

Médicament, soulagement dans les deux heures. Aussitôt la fatigue s'allège. Que ceux qui veulent vivre au Moyen-Âge ne se gênent pas, j'ai choisi mon camp.

Le jour des morts

La Toussaint est le jour des saints. Le jour des morts, c'est le 2 novembre.
Je le sais mais je l'oublie; et donc surprise quand je découvre en arrivant à Saint-Eloi que la messe n'a pas lieu dans la chapelle mais dans la nef, vaste volume aux poutres de métal. Le vent souffle en rafales (tempête Ciaran à l'ouest) et le soleil illumine l'autel au gré des nuages.

Jour de fête et donc mise en scène particulière, une mince cierge et une feuille de chant pour chacun.

Si je vous raconte tout cela, c'est à cause du chant d'entrée. Depuis ma formation en théologie, j'ai découvert que ces chants qui me paraissaient tous les mêmes ont souvent des intentions théologiques précises et renvoient à des textes spécifiques.
En gardant à l'esprit qu'il s'agit d'une messe pour tous les morts, voici la dernière ligne du quatrième couplet:
Sur les peuples de la nuit et du brouillard que la haine a décimés.
Quelle évolution depuis le peuple déicide.

Pour ceux que ça intéresse, mes notes sur Nostra Ætate, fin janvier 2015.

La douleur

Ce qui est terrible avec la douleur, c'est de devoir faire bonne figure.
On aimerait gémir dans son bureau, marcher à grands pas dans les couloirs du train en agitant les bras, se rouler en boule sur la moquette en hurlant à mi-voix. Juste faire du bruit et s'agiter pour se distraitre de la douleur, l'alléger en la dispersant dans l'espace par la voix et le mouvement.

Mais il faut faire bonne figure, il ne faut pas déranger les personnes inconnues qui nous entourent. Surtout il ne faut pas déclencher leur sollicitude, devoir les rassurer est au-dessus de nos forces alors qu'il faut déjà contrôler la douleur. Alors on se tient assise rigidement avec un sourire rigide; on souffle lentement les lèvres entrouvertes, on marche de façon saccadée et on essaie de concentrer son esprit sur autre chose en attendant que passe l'heure de trajet.

Aller-retour Blois

J'ai le projet de voir mes parents plus souvent — parce que le temps passe et que j'ai peur de les perdre — que j'ai la douloureuse et terrifiante certitude que je vais les perdre. J'espère qu'ils ne le voient pas trop, mais ils s'en doutent forcément — on ne passe pas impunément de presque jamais à quelques fois.

Journée tranquille à regarder les montages de papa sur leurs derniers voyages. C'est amusant de constater la façon dont ils se sont mis à visiter les villes, eux qui ne baroudaient que dans les jungles ou les savanes. Salzburg, Milan, Varsovie… et toujours au moment où on ne s'y attend pas, un oiseau à tête noire, un bison, un lynx.

Un tout petit monde: «Lui, il avait été notre guide en Espagne, et on l'a rencontré en Pologne.»

«Il y avait un Français, il est spécialiste des lynx. Il prend l'affût; dans le Jura, en dix ans, il en a vu trois, alors en Espagne, il était content. Les lynx hispaniques avaient quasi disparu jusqu'à ce qu'une propriétaire terrienne en réintroduise sur ses terres — avec des lapins. Les lynx sont petits, ils ne mangent que des lapins.»

Le gibier en France appelle ce commentaire: «Il n'y en avait plus du tout après la guerre, ça a pris cinquante ans, les premières biches qu'on a vues en Sologne, ça devait être en 80».

Maman s'est fait mal au genou, il est très enflé, et ça dure (et empire) depuis l'été. Elle se plaint du manque de médecins, de la durée pour avoir un rendez-vous. Les gouttes de papa pour son glaucome: «la boîte ne contient qu'un mois de traitement: pourquoi pas trois ou six?»
Ça l'exaspère. Je ne sais que dire, je sais le nombre de fois où je ne vais pas chez le médecin par flemme (juste en ce moment, j'aurais sans doute besoin d'un traitement antibiotique pour couper court à l'infection, mais je ne sais pas où aller, et il faudrait poser une journée de congé. Ça finira sans doute comme ça si ça continue à faire mal). Ils sont plus âgés, il est nécessaire qu'ils soient suivis.

Papa ne dit rien, mais je l'ai vu grimacer dans la cuisine. Ses vertèbres lombaires se calcifient et pincent le nerf des jambes, parfois il ne sent plus ses pieds. Un chirurgien propose de l'opérer. Il réfléchit.

Je leur montre le dossier de naturalisation des parents de papa. A ma surprise, cela les intéresse. Je n'aurais pas cru.

Nous rentrons dans la nuit. Maman nous a donné un trèfle rouge (oxalis) en pot, de la confiture de figues et de questches. Il ne pleut pas. Il est prévu une tempête demain.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.