Billets qui ont 'société' comme mot-clé.

Témoignage des cuisines

Comme je suis les cotisations de beaucoup plus près (correction: je ne les suivais pas, je pensais que c'était le rôle des délégués de circo. Mais quand le boulot n'est pas fait, on s'y met), j'ai vu arriver (en 2024) un cotisant 2022 qui n'avait pas réadhéré en 2023.

Décidée à personnaliser les relations, je l'appelle. Nous papotons. J'avais vu sur Linkedin qu'il suivait une formation chez Ferrandi et je pensais que c'était une reconversion. Curieuse, je l'interroge:
— Ah non, je n'irais pas travailler en cuisine!
— Ah bon, pourquoi? Je pensais que c'était une reconversion.
— Oui, j'y avais pensé, mais ce n'est pas possible. J'ai 58 ans et on se fait traiter comme des chiens. A la moindre erreur on se fait insulter, traiter de connard. On était douze, la moitié est partie. (Il reprend:) Mais la formation était très bien, c'était très intéressant, et je me suis éclaté à faire la cuisine pour les fêtes.


Et je songe à la réputation désastreuse du management français et aux interviews que j'entends le matin à la radio: la crise dans les métiers de bouche, les patrons qui augmentent les salaires pour trouver des salariés, etc. Peut-être qu'être poli et aimable («reconnaître l'autre dans son altérité», dirait-on en théologie) serait un début.

Plantes vertes

Coiffeur (RAS pour une fois).

Librairie avenue Daumesnil. Après de longues minutes :
Le Japon en guerre de Haruko Taya Cook & Theodore F. Cook
Les infiltrés de Norman Ohler
Les intégrés d'Arnaud Lacheret

Acheté une plante verte dégoulinante, mais je n'arrive pas à trouver son nom. Toutes les plantes de même type semblent artificielles. Sans doute une Soleirolia ou helxine.

En faisant des recherches sur Google, je découvre que deux mots antagonistes règnent sur le monde des plantes d'intérieur: dépolluantes et artificielles. Cela me semble représentatif de la schizophrénie actuelle, entre conviction d'une nature bienveillante et recherche du moins d'emmerdes possible (comme si la nature n'était pas le contraire du confort, comme si le travail de l'homme n'était pas justement destiné à construire un monde plus aisé).
Ce qui me fait penser, libre association, que la natalité n'a jamais été aussi basse en France depuis quatre-vingts ans: souci écologique ou refus des contraintes?

Infection urinaire ou presque. Difficile de rentrer à la maison. J'espère que ça n'est pas grave, que ça va passer dans la nuit (mais qu'est-ce qui a pu causer cela?)

Journée politique

A midi, revu RP (première fois depuis onze ans?) pour lui demander un service.
Il n'a pas changé.
Ses trois derniers livres sont juste effrayants par leur taille et leur contenu. Il faut que je tente de lire ça.

Le soir, visio-discussion sur des sujets institutionnels ou juridiques.
Je suis frappée de constater que sur le sujet de l'uniforme à l'école, les plus jeunes (entre 18 et 30 ans) n'ont pas l'air de penser à l'intégrisme religieux, mais à la discrimination sociale. L'argument se retourne: «à Fontainebleau, deux écoles privés ont des uniformes. Quand on les voit, on sait que ce sont des enfants de riches» (alors que classiquement on prône l'uniforme pour gommer les différences sociales).

Emeutes

Bavure: le 27 juin 2023 à Nanterre, un policier a tué un adolescent de 17 ans, Nael Merzouk, pour un refus d’obtempérer (il avait grillé un stop après d’autres infractions). Peur du policier, fatigue, racisme ordinaire, (racisme endémique), etc? Quoi qu’il en soit, les quartiers se sont embrasés. Incendies et pillages, moyenne d’âge quinze ans, atmosphère festive, caméras de surveillance démolies et posts sur Instagram et Snapchat.
Ce qui est impressionnant, c'est que toute la France est touchée: une pharmacie séculaire brûlée à Montargis, la bibliothèque de Metz réduite en cendres. Les maires sont pris à partie.

C'est l'été (et non novembre 2005), l'école est finie (— ou presque: sujet de débats sans fin entre profs et parents sur Twitter), ces gosses ne sortiront pas des cités pendant les vacances — ils n'en sortent pas non plus durant l'année: je me souviens de la copine prof à Bobigny qui nous expliquait qu'un voyage scolaire à Paris était une aventure pour eux. C'était quinze minutes de RER — qu'ils ne leur venaient pas à l'idée d'effectuer: absence de curiosité, d'imagination, enfermement dans leur monde bien connu.

Pour expliquer l'embrasement, certains évoquent le rôle en sous-main des barons de la drogue, mécontents de la pression qui pèse sur eux ces dernières années. Je n'y crois pas, cette explication ne sert qu'à satisfaire notre besoin de logique.
Je crois que c'est tout simplement l'occasion, l'impunité, l'effet de groupe, et aussi l'exemple donné par les adultes depuis cinq ans: après tout, ceux-ci ont brûlé le Fouquet's, la Rotonde, saccagé l'Arc-de-Triomphe, pourquoi les enfants ne pourraient-ils pas s'amuser aussi?

Je ne sens rien, rien de la colère que je ressens lorsque ce sont des adultes qui font n'importe quoi. Fatalisme. Nous sommes collectivement responsables des enfants, j'en ai toujours eu la conviction.

Que faire maintenant?
A court terme, aucune idée.
Pour l'été, imposer aux CE de la Poste, de la SNCF, d'Engie, de tous les groupes où l'Etat est largement partie prenante et où les CE sont si riches qu'ils n'osent en parler, cinq à huit pour cent de gosses de ces cités: que ceux-là en sortent, qu'ils voient autre chose.

Et puis évidemment, l'école. Il y a tout à revoir.
Parfois je pense à la fin du premier ou second chapitre de La Gloire de mon père: Joseph reproche à un collègue instituteur son manque d'ambition, celui-ci répond qu'il a évité l'échaffaud à une poignée d'élèves, qu'il estime donc avoir réussi sa vie.
Des derniers témoignages directs d'instituteurs que j'ai reçus, je retiens le découragement devant des injonctions contradictoires et un programme loufoque où se mélangent l'apprentissage fondamental (lire, écrire, compter) et des lubies contemporaines et changeantes. En substance, j'ai entendu «on n'a pas le temps de se concentrer sur le programme avec tout ce qu'on nous demande autour».

Retenons les habituels guignols de la Nupes qui ont du mal à cacher leur satisfaction (la France brûle, ils se réjouissent: tout va bien):

la Nupes ne condamne pas les violences


Cependant, parfois, retour à la réalité: ceux qui brûlent et saccagent ne sont pas électeurs, ce qui risque à terme de poser un problème pour ces députés si particuliers, d'où des volte-faces comiques et pitoyables.

double langage d'Alma Dufour


Contrecoup

La plupart des jeunes pilotes, et notamment ceux qui pilotent les avions qui nous remorquent, ont pour ambition de devenir pilotes de ligne. J'arrive au milieu d'une conversation entre pilotes d'avion-remorqueurs, instructeurs de planeur, élèves-pilotes de planeur. Elle concerne une grande compagnie aérienne:
— Pour sept postes, ils ont pris six filles. Ils manquent de filles dans les cockpits. Pour le septième, ils ont fait évoluer un mec en interne.
Mon premier mouvement est d'être désolée pour lui (surtout que celui qui parle est mon préféré). Mais je dis seulement:
— Vous êtes en train de payer pour les dix générations précédentes.

L'histoire avec sa grande hache: être présent au mauvais moment au mauvais endroit. Je m'abstiens de leur faire remarquer que la frustration qu'ils éprouvent, c'est celle de générations de filles à qui on a dit non pour la seule raison qu'elles étaient fille. Ce n'est pas plus juste aujourd'hui qu'à l'époque. Mais je ne vais certainement pas regretter qu'on essaie de rééquilibrer la situation, même si c'est brutal et injuste au niveau individuel. Cela permettra de faire évoluer les mentalités (rendre la présence de femmes normale, ordinaire, que cela devienne un non-sujet. La guerre des sexes est plutôt ennuyeuse, vivement qu'on passe à autre chose).

Combien de temps pour que la situation s'équilibre? Avec les départs à la retraite et le remplacement générationnel, quatre ans ou cinq ans?

Horreur

Hier, un réfugié a attaqué au couteau de très jeunes enfants dans un parc. J'avais vu passer l'information sur Twitter mais sans chercher à en savoir plus: c'est le genre d'info dont je me passe.

Quand Hervé est rentré du bureau, il m'a demandé:
— Tu as vu ce qui s'est passé à Annecy?
— Vaguement, mais pas plus que ça.
— Un homme a poignardé des enfants dans un square. Ça a tourné au drame dans la boîte: X vient d'Annecy, il n'arrivait pas à joindre sa femme, à un quart d'heure près elle était dans le parc.

6h50 ce matin. Je commande mon café. La télé est allumée dans la buvette, elle diffuse des images de l'homme qui marche de long en large dans le sqare en agitant les bras. C'est un grand gaillard costaud: mais pourquoi une telle armoire à glace est-elle allée attaquer des enfants de trois ans? Qu'a-t-il bien pu se passer dans sa tête? C'est une question que l'on sait sans réponse, car comment expliquer rationnellement la folie? Mais la curiosité, de l'ordre de l'effarement, demeure.

6h50 ce matin. Pour échapper à la télé, je sors en terrasse, du côté des quais vers le sud, peu fréquentés le matin. Il fait doux, le ciel est limpide. Ce pourrait être un moment calme et salutaire de ressaisissement de soi-même avant de s'élancer dans la journée. Trois habitués sont là, des hommes que je connais peu mais que j'aime bien, qui le plus souvent se taquinent sur leurs équipes de foot préférées. Ils sont en train de parler de l'agresseur.
— Moi, je l'enfermerais dans ma cave et matin et soir, j'irais le torturer.
J'interviens, pas sur le fond, simplement parce que j'aimerais qu'ils parlent d'autre chose: — Il faut être sacrément motivé, j'ai autre chose à faire de mes journées.
— Oui. (Il continue, obsessionnel:) C'est facile de torturer. Au Moyen-Âge, ils en connaissaient un rayon.
Un autre renchérit: — Et les Chinois...
— Oui. Par exemple, vous enfoncez un tuyau dans le cul et vous prenez un rat...

Je m'éloigne.

Quelques observations sur le temps, l’âge, la durée

Ce qui me frappe en lisant ou écoutant les revendications, c’est cette impression que l’Etat devrait subvenir à tous les besoins indispensables (de l’alimentation aux études des gosses (si tant est qu’on considère que les études soient indispensables)) afin que chacun puisse dépenser son salaire ou ses allocs pour ses loisirs, son téléphone, ses fringues, ses vacances, sa voiture (la voiture est encore personnelle, mais pas le carburant), le coiffeur et le maquillage (je découvre avec stupeur le prix de ces produits).

Concernant l’âge de départ à la retraite:
les gens qui avaient quinze ou vingt ans dans les années 80 ou 90 ont vu leurs parents partir en pré-retraite à 55 ou 58 ans. C’est peut-être ce qui leur rend si difficile de comprendre que ce temps-là est révolu (j’ai appris hier que ces dispositifs de pré-retraite avaient pris fin en 2012).
A l’époque (les années 80 et 90), il y avait des licenciements par trains entiers (les filatures du Nord, les aciéries de l’Est, etc). On se réveillait en apprenant des OPAs hostiles, des batailles à coups de chevaliers noirs et blancs (cf. Pretty Woman, c’est l’arrière-plan du film). Plus tard les sociologues et les RH se sont plaints du « désinvestissement des nouveaux arrivants dans le monde du travail »: mais pourquoi des enfants qui avaient vu pleurer leurs pères mis à la porte après vingt ou trente ans consacrés à une boîte auraient-ils dû croire (en et à) une entreprise et s’investir aveuglément? Le temps de la foi était passé.
Aujourd'hui, ces mêmes enfants trente ou quarante ans plus tard ne comprennent pas que les pré-retraites n’existent plus. En fait ce n’est pas deux ans de plus, mais six ou huit ans de plus que leurs pères qu’ils doivent travailler. Leurs pères auraient aimé avoir ces six ou huit ans. Pas eux.

Je lis et j’entends aussi des pères et des grands-pères «dégoûtés» en train de déplorer que leurs enfants et leurs petits-enfants n’auront pas de retraite et leur conseiller… de s’exiler! (on se demande où, puisque ailleurs l’âge de départ est généralement supérieur à celui en France. Passons.)
C’est possible. C’est trop loin pour qu’on le sache. Mais une chose est sûre: les jeunes ne repoussent plus l’accomplissement de leurs rêves à l’âge de la retraite. Ils font tout ce dont ils ont envie au fur à mesure. Et comme ils ont leurs enfants de plus en plus tard, ils ont le temps de parcourir le monde et de se consacrer à leur hobbies avant d’entamer une vie familiale.

Ce qui m’amène à une dernière remarque: on a ses enfants entre trente et quarante ans et on souhaite travailler jusqu’à la fin de leurs études. On a des prêts immobiliers sur vingt ou vingt-cinq ans et on souhaite travailler jusqu’à leur extinction. Tout naturellement, toutes les échéances reculent.

Top Crop

Je ne pense pas grand chose du crop top en juin, mais à sept heures du matin en février, avec cinq centimètres de peau à l'air au niveau du nombril, respect.

Mourir

Une adhérente m'apporte des documents: elle va passer à la retraite bientôt, sa situation va changer. Les statuts prévoient que les adhérents actifs doivent adhérer à un contrat de prévoyance leur garantissant un complément de salaire1 en cas d'arrêt maladie prolongé, les adhérents à la retraite doivent adhérer un contrat dépendance.

— Mais pourquoi obligatoire?
— Parce que c'est onéreux: donc élargir l'assiette permet de conserver des cotisations peu élevées en répartissant la charge sur tous (le principe même de la mutualisation).
— Oui évidemment. Mais moi je ne serai jamais dépendante.
— Hum. Vous savez, la dépendance, ça va être le sujet des prochaines années. En 2050 nous serons cinq millions de plus de quatre-vingts ans. Et comme on ne sait ni à quelle fréquence la population sera concernée, ni le coût que cela représentera, c'est difficile à tarifer pour un assureur. Difficile aussi de savoir combien seront dépendants, avec les progrès de l'alimentation, de la prévention…
— Et l'évolution des mentalités…
(Je ne comprends pas le rapport) — Qu'est-ce que vous voulez dire?
— Eh bien avec l'euthanasie bientôt possible…
J'en reste bouche bée: — Cinq millions de suicides, ça va être gai, le futur.



Note
1 : la mutuelle couvre des fonctionnaires. Le traitement des fonctionnaires se compose d'une «base indiciaire» et de primes (ne correspondant pas à grand chose: ce sont des primes techniques dont je comprends mal l'origine ou la justification. Dans le privé elles seraient réintégrées dans le salaire). En cas d'arrêt maladie supérieur à trois mois (il suffit d'un covid long ou d'une convalescence compliquée), les primes ne sont plus versées. Le contrat de prévoyance «perte de rémunération» est destiné à maintenir le traitement à niveau.

Evidemment, il est étrange que ce contrat soit obligatoire: on peut arguer que chacun est libre de se couvrir comme il le souhaite. Mais dans ce cas il suffit de choisir une autre mutuelle. Si ce contrat est obligatoire, c'est pour répartir la charge des cotisations sur tous. Dans le cas contraire, seules les personnes se sentant à risque (de santé fragile ou ayant une famille à protéger) souscriraient ce contrat: avec une fréquence plus élevée de sinistres, les cotisations seraient plus élevées. C'est ce qu'on appelle de l'anti-sélection.

Il faudrait que nous ayons tous profondément conscience que le but est de ne jamais utiliser une garantie d'assurance que nous souscrivons. L'assurance est un parachute: personne ne souhaite que son avion se crashe.

Ça me réjouit

Pourrait-on écrire: « Ça, me réjouit » en voulant signifier par la virgule le geste de montrer ?

Homard m'a yonnaise


C'est tout de même une curieuse époque qu'une époque qui permet de se prévaloir de Charlie (septième anniversaire du massacre hier) pour défendre EZ.

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Agenda
Réveillée à cinq heures du matin.

Barrée le huit sous une pluie fine. Ce qui m'étonne, c'est le peu d'insistance sur l'entraînement physique par ailleurs. C'est bizarre, je n'ai pas été habituée à cela.

H. passe me chercher après son tennis de table (la reprise est dure, ça doit faire dix ans qu'il a arrêté) et nous allons déjeuner à la Méditerranée (globalement libanais).

Acheté trois chemises. J'espère qu'elles ne rétréciront pas.

Conversation twitter : il paraît que je vis hors sol parce que je ne me fais pas insulter dans le métro. C'est bien, les cons me bloquent avant que je ne les bloque. Ça me plaît, ça veut dire que je résiste bien.

Woke

Magnifique sortie sur la Seine sous un soleil printannier. Au lieu de tourner entre le pont de Valvins et l'île de Samois (toujours ces circuits courts qui permettent aux bateaux moteur de nous surveiller: sortir en skiff l'hiver est dangereux, normalement cette saison est réservée aux bateaux longs. Mais covid oblige), nous sommes montés vers Thomery. Cela fait du bien de changer de décor. La forêt est pixellisée, duvet vert et bois gris.


Au retour j'écoute France inter et tombe par hasard sur la définition des "Woke". J'avais vu passer le terme cette semaine sur Twitter, mais j'avais eu la flemme de chercher.
Cela signifie "éveillé" (awake, je pense à JCVD et son aware). Il s'agit de prendre conscience d'être blanc et d'expier sa culpabilité face aux autres couleurs de peau. J'ai peur d'exagérer en retranscrivant ce que j'ai entendu donc je vous invite à écouter l'émission ici. L'invité est Mathieu Bock-Côté, québecois, auteur de La Révolution racialiste et autres virus idéologiques. C'est peu ou prou ce que j'avais recopié ici. Cela aura mis trois ans à quitter Twitter.

Bock-Côté salue la résistance de la France à cette idéologie, souligne la «tentation totalitaire» des démocraties (et se fait reprendre par le journaliste qui identifie totalitaire au nazisme ou au stalinisme, c'est-à-dire à ses illustrations historiques, et non à son sens, c'est-à-dire à l'exigence de représenter la seule façon admise de penser et d'expliquer le monde), donne l'exemple de Kamala Harris souspçonnée de trahison de la cause parce qu'elle a épousé un blanc «juif de surcroît».
Il explique que le mouvement venu des USA encourage les descendants d'émigrés en Europe à s'identifier au sort des descendants d'esclaves aux US.

En résumé, les races n'existent pas, vous êtes identifiés à et par votre couleur de peau, les blancs sont méchants.

Je vois disparaître une certaine France

La semaine dernière, deux personnes de mon équipe étaient en vacances et en télétravail hier. Je les ai donc rencontrées aujourd'hui. Ils sont mari et femme, fonctionnaires tous les deux, «agents», comme on dit ici.

— Ça fait trente-et-un an que je suis ici. Je vais partir en retraite en décembre. Avant, j'ai commencé à l'Imprimerie nationale, pendant dix ans. J'y suis rentrée par mon oncle. C'était plus facile que maintenant. Y avait mon frère et mon père, aussi. On m'a fait passer un petit test et puis voilà, j'étais embauchée. C'était souvent comme ça, une tante qui travaillait, y avait pas tous ces concours, on était en famille.

Je la regarde, à la fois éberluée et envieuse: ainsi, il en reste quelques-uns en activité, de ces gens qui ont connu le plein-emploi des Trente Glorieuses, où il suffisait de frapper pour être embauché. On me l'avait déjà raconté, mais les narrateurs avaient vingt ans de plus. Je suis devant les derniers témoins, nés en 1955 environ, qui ont commencé à travailler avant le premier choc pétrolier et ne sont pas partis en retraite malgré une carrière longue.
Je vois disparaître la France de San-Antonio.

Les transports du futur

Affiche à Nanterre préfecture.



En fait les deux sont vrais: la voiture sans conducteur et le conducteur sans voiture.

Ce qui est perturbant, c'est que lorsque je discute avec des jeunes et leur parle d'un monde où quasi plus personne n'aura de voiture personnelle, où les trains de courte distance auront disparu au profit de bus-navettes qui viendront vous chercher à domicile ou de ponts dont la signalisation changera entre le matin et le soir (le nombre de voies dans un sens et dans l'autre variera) en fonction des flux attendus, ils me regardent comme si j'étais folle et se détournent poliment. Cela m'est encore arrivé en juillet à jrs.
Pourtant, ce sont eux les jeunes, ce sont eux l'avenir.

Ils ont le même comportement que les vieux (comprendre: ceux de mon âge) quand je leur dis que la plupart de mes connaissances sont (ou furent) des blogueurs. Ils me donnent alors l'impression d'être une dangereuse anarchiste qui préfère la compagnie de gens qui n'existent pas à leur compagnie. (Je crois que ça les vexe).

Fréquence cardiaque

Comme les salles de sport sont fermées et que je ne vais pas acheter un rameur (c'est cher, c'est laid, ça prend de la place, c'est pour deux mois. Et c'est comme le cinéma: j'aime aller en salle de sport, j'aime partager l'effort ou l'émotion avec des gens que je ne connais pas), je me replie sur la course ou le vélo. Plutôt le vélo, ma paire de running a dix-huit ans (le plastique-caoutchouc a durci).

Une compétitrice a partagé le programme que leur a donné leur entraîneur: «Pour calculer la fréquence max théorique: 220 - ton âge. Moi ça fait 170 par exemple donc 80% de ça ça donne 150 donc l'entraînement de mardi je vais me mettre à 150 sur de la CAP.»

Je ne lui ai pas dit que je ne savais pas ce que voulait dire CAP.

Certains entraînements se font à 40% de cette fréquence max. Mon problème, c'est que 40% de ma fréquence max, c'est moins que ma fréquence au repos.


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Hier H. va chercher son médicament contre le diabète (les ordonnances pour maladie chronique sont automatiquement renouvelées par les pharmaciens jusqu'au 31 mai).
— Les gens sortaient avec des sacs Cora pleins, du savon, des boîtes de Doliprane… Ils sont fous.
Entendu aux infos ce matin : désormais achat limité à une boîte par personne.

Affaire Mila

Un matin tu te réveilles (14 février 1989, presque un anniversaire) au son du radio-réveil, tu apprends qu'un auteur dont tu n'as jamais entendu parler est condamné à mort par une fatwa, mot dont tu ignores le sens et l'existence, lancé par un imam iranien.
Fuite, protection policière, vie en éclats.

Un midi chez le coiffeur tu apprends que Cabu et Wolinski se sont fait assassiner parce qu'ils avaient dessiné le Dieu des musulmans.

Un soir en lisant Twitter tu comprends vaguement qu'une ado se fait insulter et menacer parce qu'elle a dit qu'elle détestait la religion, en particulier l'islam. Tu ne fais pas trop attention parce que ce n'est pas la première fois que Twitter s'enflamme, Zineb el Rhazoui en a déjà fait les frais, tu te dis que ça va passer, qu'est-ce qu'ils ont inventé encore?
Et puis ça devient n'importe quoi, tellement n'importe quoi que j'ai envie de hurler. La France entière est tombée sur la tête, c'était bien la peine d'avoir Voltaire, c'est le chevalier de la Barre all over again.

Je tente une chronologie:
Le 19 janvier, Mila poste une vidéo où elle dit :«[…] Je déteste la religion […], le Coran, il n'y a que de la haine là-dedans, l'islam, c'est de la merde […]». Elle reçoit des menaces de mort, quelqu'un poste son adresse en ligne, son domicile est protégé par la police, elle ne va plus au lycée.
Le 23 janvier, une enquête est ouverte pour retrouver les auteurs des menaces, mais une autre contre Mila, pour vérifier s'il y a eu «incitation à la haine raciale».
Depuis quand une religion est-elle une race? A ce compte-là, pourquoi ne pas avoir poursuivi Rushdie et Wolinski?
(Heureusement, le parquet a conclu qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre…)
Le 29 janvier, la ministre de la justice Nicole Belloubet prononce une phrase bizarre: «l'insulte à la religion est évidemment une atteinte à la liberté de conscience» (si les Manif pour tous se souviennent de cela à leur prochain rassemblement!!)
Le 31 janvier quelques personnes appellent à la raison: voici une tribune juridique rappelant la loi sur le blasphème et la réaction de Mme Badinter dénonçant la lâcheté ambiante. (Je pense à Houellebecq et son Soumission : il était en dessous de la vérité).
Le 3 février Ségolène Royal prend Mila à partie plutôt que de la défendre (mais depuis quand prend-on parti pour les menaçeurs et non pour les menacés? Qu'est-ce qui tourne pas rond? La gauche devrait se trouver un autre nom, Jaurès ne la reconnaîtrait pas.)
Pendant ce temps, la jeune fille confirme ce qu'elle pense de la religion en général, tout en présentant des excuses si elle a blessé des croyants en particulier. (Chapeau bas : je l'imaginais effondrée, avec ses parents catastrophés à l'idée de devoir déménager, etc. Elle a du cran et paraît moins tête de linote que je ne l'aurais imaginé.)
Cerise sur le gâteau, c'est Le Pen qui finit par dire quelque chose de sensé: «Dans notre pays de libertés, ce n’est pas à #Mila de s’excuser: c’est à ceux qui la menacent de mort, la harcèlent, l’insultent, de rendre des comptes devant la justice. » (Me voilà bien: en train de citer Le Pen!)
Résumé le 4 février de Jean Quatremer: «Piégés par le discours sur "l’islamophobie" des islamistes, une partie de LREM et surtout de la gauche a permis à l’extrême-droite de récupérer le combat pour la laïcité, la liberté d’expression, le droit à l’athéisme, le féminisme, etc. A ce niveau de bêtise, chapeau bas 👏».


La règle est pourtant simple, claire: une victime n'est pas coupable. Elle est victime. Elle peut être désagréable, vulgaire, idiote, naïve, méchante, on peut ne pas souhaiter prendre le thé avec elle et garder ses distances. Mais elle n'est pas coupable. Le coupable, c'est celui qui émet des menaces, et bien sûr, celui qui les met à exécution.


Et pour ajouter à la confusion — ou pour la conforter, pour mieux démontrer que plus aucune norme de base n'est respectée ou même connue — des policiers de confession musulmane sont mis à pied sans réelle raison. Depuis quand être musulman est-il un délit? On voudrait ghettoïser et susciter le ressentiment qu'on ne s'y prendrait pas autrement. Nous avons besoin de policiers musulmans, nous avons besoin que le recrutement dans la police représente le profil de la société française.
Noam Anouar est la victime en creux de la même hystérie que Mila.

Etre musulman n'est pas un délit.
Détester les religions, trouver la religion musulmane complètement con n'est pas un délit.
Menacer de mort est un délit.

Projet de réforme des retraites

Assisté ce matin à la toujours excellente présentation de l'actualité sociale par le Cercle des pyramides.

Parce que leurs explications sont claires, parce que je trouve utile de juger sur pièce, je mets en ligne leurs dernières pages. L'ensemble de la présentation sera bientôt téléchargeable ici.

Par parenthèse, notons que Maître Serizay était très remonté, non contre le fond de la réforme sur lequel il ne s'est pas prononcé, mais sur la méthode — le projet imposé à la chambre, envoyé aux caisses de retraites — qu'il jugeait tout à fait inconstitutionnelle (faudrait-il en déduire que les syndicats n'ont pas choisi le bon moyen de lutter?)

La page 58 me paraît particulièrement importante: 85% du SMIC pour une carrière complète, c'est un tel soulagement de savoir que cela va être mis en place — du moins je l'espère; des droits nouveaux en emploi-retraite (car il m'arrive de voir des retraités revenir travailler, par obligation financière ou parce que l'entreprise fait appel à eux pour un CDD: compétents, déjà formés,…)

Attention : il s'agit du projet en date du 10 janvier, susceptible de modifications ultérieures.







Crocodiles

Je me demande si les grands-parents et parents des hippies des années 70 étaient aussi surpris que ces mêmes hippies devant le monde de leurs petits-enfants.

Voici un thread de Desespeuphorie qui est un extraordinaire résumé de ce je lis et vois tous les jours sur internet.
Comme d'habitude, je le stocke ici : dans dix ou vingt ans, plus personne ne voudra nous croire; il faut garder des preuves.



Haribo fait maintenant des Croco "Parent-enfant" : une révolution sociétale, un thread
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Notons tout d'abord que bébé Croco n'a toujours qu'un seul parent.

La manif pour tous défile en scandant "un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants"
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Ils sont disponibles dans toutes les couleurs de l'arc en ciel.

Ludivine de la Rochère crie à l'infiltration du lobby LGBT au sein du conseil d'administration de Haribo et appelle au boycot.
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Marine Le Pen souligne sur BFM TV que le petit n'est jamais de la couleur de la mère. C'est pour elle le symbole du grand remplacement par le métissage.

+13 points dans les sondages
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Eric Zemmour quant à lui se félicite que les bonbons contiennent de la gélatine de porc.

"C'est toujours ça que les arabes n'auront pas"

357 plaintes au CSA. Aucune suite.
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Les vegans se mobilisent également sur Twitter, sur le débat suivant :
"Faut-il dévorer d'abord l'enfant sous les yeux de son.a p.mère, ou bien avaler le.a parent.e sous le regard horrifié du bébé ? Stop souffrance animale !"

Appel au boycot relayé par 2 personnes
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Les genderfluid se félicitent du fait qu'on ne connait pas le genre du parent.

"C'est une grande avancée pour la reconnaissance des gens non binaires dans l'industrie du bonbon. Bravo Haribo !"
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Les twitto.a.s qui sont à la fois vegan et non binaires sont en PLS, et lancent des threads avec plein de trigger warnings pour savoir si c'est bien ou pas de manger ces bonbons.
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Après 3 jours de threads régulièrement attaqués par le 12-25, le consensus est qu'il faut acheter les boites mais rendre aux croco leur liberté en les rejetant dans une rivière.
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Les khey du 12-25 décident de mettre leur grain de sel en se filmant en train de se mettre des crocos dans le cul.

Cyril Hanouna, fan de l'idée, met des Croco dans le cul de Matthieu Delormeau
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Une twitta demande l'interdiction de l'emoji Crocodile, arguant le fait que "ça peut trigger les crocophobes comme moi".

Elle reçoit 2433 DM avec des emojis Croco.

Elle menace de porter plainte pour cyberharcellement
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Sujet de bac philo 2020 : "est-ce que c'est beau la vie, pour les grands et les petits?"

Pétition en ligne des bacheliers qui trouvent le sujet trop dur.

"Tout le monde ne connait pas la différence entre crocodile et aligator, il faut annuler l'épreuve" : 150000 signatures
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Haribo propose un contrat de sponsoring à @Krokodeallll

Décalage trop grand entre les amateurs de bonbons et l'image de l'influenceuse : Christine Boutin demande l'interdiction de la publicité.

400 plaintes au CSA (qui est plus prompt à agir que dans le cas Zemmour, notez)
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Rupture de stock dans les magasins.

Macron lance un Grenelle du Croco.
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Les gilets jaunes manifestent pour la suppression de la TVA sur les bonbons.

Bilan : 4 yeux crevés.
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Boiron lance des granules "Croco 9CH". Ils achètent un paquet de bonbon et produisent 10 millions de tubes de granules.
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Boiron en profite pour demander le remboursement par la Secu. Le gouvernement hésite, les députés attendent les offres des lobbyistes.

Big Pharma est rebaptisé "Big Bonbon"
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Le twitto @desespeuphorie demande si quelqu'un a le @ du CM de Haribo, histoire de voir si il peut gratter un paquet ou deux gratos.

Bilan : 4 unfollow
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Gad Elmaleh prépare un nouveau spectacle sur les Croco.

N'allez pas le voir, tout est pompé sur ce thread
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TFou commande une nouvelle saison de "Schnapi, das kleine krokrodil".

En animation 3d ultra moche.

+20% de LV2 allemand au collège à la rentrée suivante.
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Le directeur du Leclerc Beynost pris en photo en safari chasse en Afrique posant fièrement près de la carcasse d'un crocodile fraîchement tué.

Boycot. Licenciement. #JeSuisCrocodile en tendance Twitter
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La team premier degré indique que c'est pas un crocodile mais un caïman.

Tout le monde s'en fout.
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Christophe Maé sort un album de reprises "Ah les croco ah les croco ah les crocodiles"

Double disque d'or en une semaine

En interview, il dira "c'est clairement ma meilleure chanson". Tout le monde acquiesce


Et pour parachever la démonstration, lorsque nous rentrons vers minuit, O. est en train de regarder "Questions pour un champion". Une fois que nous avons fini de nous moquer et de nous étonner, il nous explique qu'il le regarde au même moment que (environ) deux mille autres internautes en suivant le youtubeur Etoile et que c'est fun.

Le lendemain O., ayant lu les crocodiles ci-dessus, remarque : «C'est méchant pour Cyprien».
Comme je m'étonne que ce soit quelqu'un qu'il connaisse (et non un prénom random comme je le croyais), il me donne les noms des youtubeurs «qu'il pourrait être utile que je connaisse parce qu'ils sont connus»: Cyprien, Squeezie et Zerator.

L'avenir est plein de promesses

Trois meufs à la cafétéria de la boîte, une enceinte de six mois. Je chope la conversation au vol:
— mais tu dois bien te rendre compte qd tu vieillis que tu diminues
— déjà quand tu peux plus te lever de ton lit
— moi je pense que dans quelques années on aura un kit d’euthanasie à la maison.

Un monde qui m'échappe

Interloquée par un tweet de l'UNEF: «En tant que femme transgenre racisée je suis intersectionnelle. Mais ma racisation fait de moi une personne plus privilégiée qu'une afro descente et c'est à cause du colorisme qui crée un privilège entre les personnes racisées.» Clémence Zamora-Cruz


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tandis que ce genre de dessin circule (dessinateur inconnu pour le moment)


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alimentant les insultes d'une gauche qui ne sait plus prendre de recul.


(En fait ce ne sont pas les revendications que je rejette, c'est le vocabulaire1. Les mêmes idées exprimées de façon compréhensible remporteraient peut-être mon adhésion, ou au moins ma sympathie. Dans le cas d'espèce, il y a trop de mots dont je ne comprends pas le sens exact. Le lecteur (ou auditeur) est arrêté par le langage qui fait barrage aux faits. (Il essaie de démêler le sens des mots plutôt qu'accéder directement à la revendication.))

La fin doit vouloir dire : «il y a une hiérarchie2 dans le racisme subi en fonction de la couleur de peau. J'ai conscience d'avoir davantage de chances qu'une Africaine à peau très noire.» ("descente": est-ce une faute de frappe pour descendante ou pour décente? (mais dans le second cas, qu'est-ce que ça veut dire?))
Et le début : «je suis une femme latinos trangenre: je fais donc miennes les revendications des femmes, des personnes de couleur et des LGBT» (est-ce cela que veut dire «intersectionnelle3»? je n'en suis pas sûre car je ne sais pas exactement ce que désigne "sections" (pour moi une section était quelque chose de l'ordre d'une cellule du parti communiste).

Que ceci soit considéré comme une première contribution à un LTI contemporain (LFV, Langue française du XXIe siècle ?)



Notes :
1 : Ce doit être une preuve de mépris de classe blanc élitiste.
2 : On remarquera le choix de "privilège" plutôt que "hiérarchie": une tendance à s'excuser par avance, ce qui est certes sympathique, mais sans doute inutile pour un état de fait que l'on subit et dont on n'est pas responsable.
Hiérarchie des couleurs de peau (ce que veut dire colorisme?): c'est un fait connu; par exemple la société du Brésil est connue pour hiérarchiser subtilement le métissage. En France la hiérarchie me paraît moins subtile (euphémisme) et tenir davantage à la beauté (oui, personne ne le dit, mais oui) et aux vêtements qu'à la simple couleur de peau. Evidemment, ce genre d'intuition serait à mesurer.
3 : Je me suis renseignée: à l'intersection du racisme et de la mysoginie.

Cacophonie

Je n'avais jamais pris conscience à quel point la description des Français par Goscinny était exacte.


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Cacophonie incroyable toute la journée, tout le monde commente, une partie proteste, l'autre proteste contre les protestations: reconstruire à l'identique, pas à l'identique, en bois, en acier, en béton, en verre, Macron a eu tort de dire qu'on la referait plus belle, Macron a eu tort qu'on la ferait en cinq ans, (de façon générale Macron a tort), laissez parler les experts, c'est fou comme tout le monde est expert, salauds de riches qui donnent, salauds de riches qui défiscalisent, ah mais non ils ne défiscalisent pas, salauds de riches quand même, s'ils payaient leurs impôts on n'en serait pas là, pour des pierres il y a un milliard, mais les pauvres (les migrants, la planète), y peuvent crever, etc, etc.


La belle communion nationale aura duré moins de six heures.


Emotion mondiale, émouvante.
Un dessin venu d'Australie, de David Pope, inspiré d'une photo.


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Jusqu'à quand accepter l'inacceptable ?

Les gilets jaunes et black blocks ont incendié le Fouquet's. L'argument classique est «ce ne sont pas les "vrais" gilets jaunes».

Mais qui sont les vrais? Car si la revendication des plus pauvres est fiscale, ça n'a pas de sens puisque ceux-là ne paient pas d'impôt. Quant aux autres… pas un jour sans découvrir que l'un ou l'autre des leaders les plus en vue est fonctionnaire en disponibilité ou héritier d'un grand garage nantais ou autre anomalie.
Qu'ils éliminent l'impôt, je serai riche, mais qui s'occupera des plus fragiles? Il y a tant d'incohérence dans tout cela, tant de perte de vue des articulations, de la pensée du monde comme un ensemble. Chacun dans son coin enviant tous les autres et non chacun supportant tous les autres dans une vision organique de la société.

«Ce que je voulais dire c'est que» il faut savoir choisir son camp: quelle que soit la sympathie qu'on peut éprouver pour le mouvement, il faut décider si l'on trouve opportun de soutenir une action dont les leaders ne sont plus qualifiés d'extrême-droite mais "d'ultra-droite" — ramenant du même coup, ô douleur, l'extrême-droite dans l'acceptable.
Je découvre que la haine de Macron peut amener un homo à soutenir l'homophobie, une gauchiste à trouver les fachos pas si graves.



Précision : ce n'est pas l'incendie du Fouquet's que je trouve inacceptable. Concernant cet événement, je suis surtout soulagée qu'il n'y ait pas eu de mort. Ce que je trouve inacceptable, c'est le premier mort, le deuxième, chaque mort, les gens quittant leur domicile pour une course ou une visite chez le médecin et ne rentrant jamais. Ils n'avaient rien demandé. Et non, je ne mets pas les blessés des manifestations au même niveau: eux ont fait un choix, le choix de manifester. Certes ils soutiennent être victimes de violence. Mais curieusement les marches pour le climat ou contre la violence n'entraînent aucun débordement. Pourquoi?

La question de fond : à quoi sert l'Europe ?

Julien Munoz, journaliste, feuillette les cahiers de doléance.
Il est tombé sur une question de fond et l'a publiée sur Twitter.

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Je vais copier l'intégralité de cette lettre car un tel témoignage se conserve.
Cahier de doléances, mairie de la Hague. Cotentin - Manche.

objet : éthique et dignité

Sur le téléphone de mon mari apparaît régulièrement une annonce : Rencontre avec des femmes matures et des photos par dizaines de fesses et vagin de femmes nues exposés comme du gibier en vitrine, avec une phrase attactive et une adresse en dessous. Il m'assure qu'il n'a rien demandé, que cela apparaît d'autorité sur Gmail parce qu'il est un homme et que ce type de message est classé dans "publicité", ce qui autorise tout.

C'est extrêmement choquant et perturbant. Comment se fait-il que malgré la quantité d'institutions, de règles et lois existantes et le nombre de femmes partout présentes et d'hommes clamant la dignité et l'honneur, des individus sans scrupules s'introduisent dans la vie privée des hommes au mépris de la vie conjugale et du respect dû à tous? C'est le degré 0 de l'humanité. C'est inacceptable. A quoi sert l'Europe? A quoi sert la politique si des délinquants de cette sorte sous le couvert de "publicité" font de la débauche et de l'abominable pornographie un produit de consommation banal?
Il est grand temps de faire obstacle à ce laisser aller et de rétablir la dignité humaine.

Une citoyenne française
Si vous êtes curieux, lisez les commentaires.

Trois scènes

Dans le RER B, après l'allemand, col blanc/col bleu, et l'air infiniment digne, lointain ou méprisant du col blanc pour le col bleu bruyant au téléphone.


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Danr le RER D, trois potes hilares en train de discuter du Titanic (je ne sais pas comment cela a commencé, je suis arrivée au milieu). J'ai cru comprendre qu'ils se demandaient à quelle profondeur avait coulé le Titanic:
« Mais frère, ça pouvait pas faire 67 m, c’est une piscine ! »
Et de s'écrouler de rire.
J’ai eu l’impression de certaines discussions ds ma cuisine.
(Ils ont cherché sur Google.)


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En face de moi un homme isolé de la gaieté communicative lisait un livre d'épidiémologie. Je l'ai retrouvé car j'ai aperçu du rose sur la couverture:


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Lueurs de raison dans un monde qui perd la tête

Aux USA, les enfants cherchent à se faire vacciner en cachette de leurs parents (ce qui est illégal dans la plupart des Etats). Pour cela ils posent des questions sur des forums, dont Reddit.


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La pensée réac du jour

— Ce que je ne comprends pas, c'est qu'on dirait que certains s'attendaient à gagner plus à la retraite que lorsqu'ils travaillaient, ou tout au moins autant. Ils devaient tout de même se douter que ça allait faire moins.
— Mais non : ils n'en foutaient pas une rame quand ils travaillaient et ils étaient payés, ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient gagner moins à la retraite.



J'avoue, j'ai ri de bon cœur. Un peu scandalisée, mais pas tant que ça, parce que bien entendu, je songe à des exemples (qui ne peuvent constituer une généralité).

Ambiance

Mail pro reçu à 11 heures :
Bonjour,

Compte tenu des événements liés à la mobilisation des gilets jaunes prévue le week-end des 8 et 9 décembre prochains, nous vous invitons à prendre votre ordinateur portable à domicile vendredi soir afin de protéger éventuellement le matériel en cas d'intrusion des locaux professionnels et de pallier aux éventuelles difficultés d'accessibilité des immeubles Immeuble1 et Immeuble2, lundi 10 décembre prochain.

Cette mesure n'est prise que par précaution et nous espérons naturellement que chacun pourra regagner son lieu de travail normalement ce lundi.

Bien évidemment, nous vous invitons à éviter l'abord des ImmeublesXX ce week-end.

Enfin, un numéro vert sera mis en place pour vous donner des informations sur l'évolution de la situation au cours du week-end : 08xxxxx

Ce numéro serait disponible à compter du dimanche 9 décembre 14h.

Bien à vous.
Ce n'est plus à 1934 que je pense, mais à 1788.
Sauf que ceux de 1788 n'avaient sans doute pas grand chose à perdre, alors que ceux d'aujourd'hui vont tout perdre s'ils incendient les lieux de travail des bonnes poires qui continuent à payer pour eux: ils ne se paraissent pas se rendre compte que leur maigre retraite et la prise en charge à 100% des ALD (affection de longue durée) dépendent entièrement du fait que le reste de la population aille travailler tous les matins.


Je pleurerais bien sur le fait qu'en absence de réforme mes enfants n'auront pas de retraite, mais le plus probable est en fait qu'ils meurent du manque d'oxygène (diesel forever).
Beaucoup de pays réfléchissent aux moyens d'équilibrer les régimes de retraite à l'horizon 2030-2040. A cette date, le vieillissement aura atteint les Etats-Unis et la Chine; au Japon et en Europe, la population de plus de 60 ans sera pratiquement égale à celle de 20 à 60 ans.

Mais les calculs faits précédemment montrent que, même avec des hypothèses favorables, en 2040 la consommation d'énergie et les émission de CO2 auront l'un et l'autre été multipliées par 3 rendant probablement la planète invivable. Quelle est alors l'utilité du rééquilibrage des régimes de retraite ?

Patrick Artus, Flash CDC Ixix n° 185, 16 juin 2004

Retour à Melun

Comme le huit était complet, je suis allée ramer à Melun avec Guenaële pour la première fois depuis septembre. Ça m'a fait un bien fou au moral. Bien que n'ayant pas ramé de la semaine j'ai ramé les quinze kilomètres sans difficulté : les entraînements en huit ont été efficaces.


A. est à la maison pour fêter son anniversaire, mais mes parents et mes beaux-parents ne viendront pas demain: les «gilets jaunes» font comme une rumeur de guerre civile à la radio et sur Twitter.
Pour 10% de personnes en réelles difficultés financières, 90% sont des personnes qui ne veulent pas payer d'impôts, pas payer de taxes, en un mot surtout ne pas soutenir les 10% dont cela devait être le combat.
Manif de beaufs dans tous ce qu'elle a de méprisable et désolant: extrême-droite et extrême gauche, Mélenchon et Le Pen et Dupont-Aignan. (L'un des meneurs du mouvement, Franck Bulher, a rejoint NDA après avoir été exclu du FN pour racisme. Ça laisse rêveur.)


Le soir H et moi allons revoir Bohemian Rhapsody à Bercy avec les enfants. Coïncidence, je le découvre au générique de fin, c'est l'anniversaire de la mort de Freddie Mercury.
A. nous raconte les tribulations de Benjamin qui squatte chez elle quand il ne peut pas squatter chez Quentin, parce que par décision du juge, Quentin ne peut pas rester chez lui quand ses frères et sa sœur rendent visite à leur mère.
Cette histoire est louche. Je suis soulagée que ce soit Benjamin et non Quentin qui soit coloc chez A.

Hors du monde

* Entraînement le matin en quatre. Décevant.
O. a bien analysé mon problème : trouver des personnes de mon niveau aussi motivées que moi pour s'entraîner sérieusement. Or celles qui ont mon niveau ont l'esprit de compétition (entre elles) plutôt que l'esprit d'équipe.
En un mot, je suis en train de m'ennuyer. Je ne sais pas quelle décision prendre. Ne plus faire que du skiff à Melun? Mais seule je ne progresserai pas. J'aimerais progresser encore (un peu).

La Seine une semaine plus tard, une heure plus tard du fait du changement d'heure.

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Après la sortie Isabel et moi revissons toutes les planches de pieds.


* Courses en supermarché l'après-midi.
Je le note car cela n'arrive plus souvent, une fois tous les deux mois peut-être, pour les boîtes pour les chats, la lessive, les bières ou les biscuits apéro (le fond, quoi: tout ce qui nourrit pas).
A chaque fois c'est la même surprise, la même impression que le monde m'échappe: que de nouveautés inutiles! que de raffinement dans les motifs, les couleurs! Que de bouteilles, de bocaux, de cuillères, de yaourts à la tarte tatin…

A la caisse, mon étonnement atteint son comble quand je découvre un agenda Hildegarde de Bingen. Hildegarde de Bingen! Et pourquoi pas Maître Eckhart?
J'ai ouvert, curieuse de découvrir psaumes et musique sacrée. C'était purin d'ortie et cataplasme de seigle.


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Zut, je ne sais plus où j'ai rangé mon chocolat.


* O. regarde une émission sur Warcraft III "reforged" («encore du travail? Travail terminé» «Oui mon Seigneur!»: bande son de l'enfance des enfants). Tandis que je regarde des soldats passer des quidams au lance-flammes, il m'explique que ceux-ci se transforment en morts-vivants à cause d'un virus et que le chef militaire (le prince?) a décidé de les tuer avant la transformation.
Je frémis devant la constante de ce thème à travers les âges. Je me souviens d'Edmond Michelet racontant les baraques de quarantaine à Dachau, le choix des catholiques d'accompagner les mourants, le choix des communistes de se préserver pour la société à venir et à construire… Toujours le même choix, de mythes en guerres en jeux. (Je me contente de dire à O. que cela soit un jeu me met très mal à l'aise).

La nomination de Brett Kavanaugh

Ce n'est pas pour des raisons féministes que je suis atterrée par la nomination de Brett Kavanaugh samedi dernier, mais pour des raisons pédagogiques: comment enseigner aux enfants qu'il faut se conduire honnêtement et dignement quand des fripouilles comme Trump et Kavanaugh, uniquement mûs par leurs intérêts particuliers, semblent l'emporter dans tous les domaines?

Twitter : la fin de l'expérience

Les relations sur Twitter sont beaucoup plus lâches que sur FB: on peut "s'abonner" et "se désabonner" sans conséquence (alors que sur FB, ne plus "suivre" quelqu'un est vécu comme un camouflet à la limite du supportable, à tel point que j'évite certaines personnes uniquement parce que je sais que si ensuite je souhaite partir, cela risque de causer un drame.)

Durant ce très étrange printemps, je me suis abonnée à des gens très différents, des pro-bloqueurs de facs, des anti-parcoursup, des grévistes, etc. Je voulais évaluer leur bonne foi par rapport à leurs convictions, essayer de comprendre leur opposition systématique à tout, la façon dont ils rationalisaient cette systématie.

Ce qui m'impressionne le plus au bout de ce temps, c'est à quel point je suis perdue dans une certaine gamme de vocabulaire: raciste (ça, ça va), racialisé (j'ai interrogé autour de moi. Apparemment cela veut dire "minorité de couleur non blanche dont les membres décident de se réunir exclusivement entre eux". (Moi, j'appelle cela de la ghettoïsation volontaire)), indigéniste (les mêmes, mais extrémistes), sexisé (?? contre le fait d'être désigné par leur sexe? ou revendiquant au contraire leur particularité, féminine, transgenre, gay, etc?)

L'important est de ne pas être dans un groupe majoritaire, généralement préfixé par "cis-". Si vous êtes un homme blanc occidental hétérosexuel, désolée pour vous messieurs, vous n'êtes pas du tout tendance.

Par exemple, pour la marche des fierté, cela a donné ce genre d'appel, controversé parmi les homo eux-mêmes:
A l'occasion de la Gay Pride, un collectif "Stop au pinkwashing" a lancé un appel pour défiler en tête de cortège. Il s'oppose au cortège LGBT officiel qu'il dénonce comme "homonationaliste et raciste, dont le discours officiel de la Marche des fiertés se fait le relai". Le collectif dénonce la domination des" hommes gays blancs, bourgeois et issus des classes aisées" , complices du gouvernement, des violences policières faites aux immigrés", etc.
[…]
Ce collectif «politique, radical, féministe, queer, antiraciste et anticapitaliste» ouvrira la Marche et demande que "les personnes blanches respectent cette non-mixité en se plaçant derrière elles/eux".
source
Je note tout cela ici pour garder une trace du moment où le vocabulaire est devenu fou.

Tout cela est très fatigant (je ne plaisante pas quand je dis que je ne comprends pas le sens des mots: je ne suis jamais sûre de ne pas comprendre l'inverse de ce que voulait dire l'auteur d'une phrase), je mets donc fin à l'expérience. Je me désabonne de tous les convaincus, les dogmatiques, les doctrinaires, je garde les vieux de la vieille, ceux qui apportent de l'info et ceux qui ont de l'humour. Fini les toxiques (autre mot à la mode ces derniers mois).

Aujourd'hui j'ai découvert Bernoid qui dessine des insectes et photographie des champignons. C'est magnifique.
Il y a une collection de jeunes twittos en histoire ou lettres classiques qui me réconfortent, par exemple Regina sur l'Egypte ptolémaïque ou Dorymedon, dans le genre littérature "on ne lâche rien" (sa préparation de cours sur les mémoires pour les troisièmes… Whouaouh).

Transhumanisme

— Je n'ai pas compris le rapport avec la théologie.
— Que devient ta foi si nous ne mourrons plus ?
— Bah, déjà que je trouve bizarre de ressusciter...

Je donne juste quelques noms entendus ce soir. "L'homme augmenté" a été employé pour la première fois par le comité olympique en réponse à Oscar Pistorius. "Transhumanisme" est une création de Julian Huxley (le frère de) dans un article de 1957.

FM-2030, Fereidoun Esfandiary
L'Extropy Institute
Max O'Connor se fait appeler Max More en référence directe à l'utopie.
Ray Kurzweil étudie l'immortalisme. Embauché par Google qui lui fournit des fonds et un laboratoire. Il semble avoir tenté avec la mémoire de son père quelque chose qui ressemble furieusement à L'Invention de Morel.
En Europe, Nick Böstron.

Au passage je trouve cette sympathique horloge décomptant les minutes nous séparant de la fin du monde (en 1995 nous avons pu respirer).

Trois remarques générationnelles

1 - J'ai affilié une petite fille née en 2018 prénommée Leia.

2 - J'ai affilié (en CDD) un homme né en 1959. C'est la première fois que je vois l'embauche de quelqu'un si près de la retraite. (J'avais vu des cumuls emplois-retraite, mais ce n'est pas la même chose.)

3 - J'ai fait une recherche pour comprendre "snowflake" (flocon de neige). Cela fait plusieurs fois que je croise le terme (il y a quelques jours encore, sur la pancarte d'un manifestant américain: "snowflake en colère") et je pensais que c'était une remarque de Trump pour disqualifier des opposants en insinuant que leur résistance était éphémère, comme neige au soleil.
Pas du tout : cela qualifie la générations des adultes de 2010 (chez nous la "génération Z") que leurs parents auraient élevé en insistant sur le fait qu'ils étaient uniques, une génération très susceptible et moins endurante que les générations précédentes.

Récapitulatif

Je ne peux saisir l'air du temps. Comment rendre la folie qui s'est de nouveau emparé de la France ? Twitter, FB, les chaînes d'information en continu donnent une impression d'urgence, de catastrophe et de fin du monde à tout moment. C'est fatiguant.

Le pire est de voir des amis, des connaissances, devenir tout à fait agressifs. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi mes amis homos sont restés amicaux pendant la lutte du "mariage pour tous" sans me réduire à ma dimension catholique — alors qu'eux-mêmes se faisaient insulter par la hiérarchie ecclésiale (pas toute mais quand même, quelle honte quand j'y pense) — tandis qu'aujourd'hui certaines connaissances de gauche perdent toute mesure devant mes positions plutôt conservatrices alors qu'il ne s'agit jamais que de choix qui ne les (qui ne me) touchent pas profondément au quotidien : que les zadistes obtiennent ou non le droit de rester sur les terres occupées depuis des années, que les cheminots conservent ou pas leur statut et leur retraite, que les étudiants soient ou pas sélectionnés, cela ne remettra pas en cause leur vie personnelle (alors que le droit ou pas de se marier devait avoir un impact direct sur la vie des homosexuels et le regard que la société posait sur eux).

Faut-il voir dans leur virulence la trace de leur incohérence, d'une conscience intime mais non acceptée de la bizarrerie de rejeter la sélection en étant de purs produits de la plus haute sélection (classes préparatoires, grandes écoles)? De la bizarrerie de monter en épingle sur FB ou des blogs la nullité des étudiants en première année de fac (pour faire rire leurs lecteurs, évidemment) pour ensuite réclamer que ces étudiants ne soient pas sélectionnés? De la bizarrerie d'être prêts à condamner leurs enfants ou petits-enfants à payer la retraite de personnes qui auront passé, qui passeront, plus de temps à la retraite qu'à avoir travaillé tandis que la pyramide des âges s'inverse inexorablement?

S'agit-il de vraies protestations portant sur l'objet des protestations, ou simplement de l'occasion de frondes contre Macron qui les insupporte?


Récapitulatif disais-je :
- 17 janvier : abandon du projet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes (NDLL). Les occupants (illégaux, non propriétaires) ont jusqu'au 1er avril pour évacuer la zone. Le 9 avril, l'évacuation forcée commence. Les journalistes ne sont pas autorisés à être présents : on crie à la censure (mais je pense "Rémi Fraisse").

Ma position : aucune raison de donner des terres sous prétexte d'un droit acquis par le squattage. Mes contradicteurs arguent de projets collectifs d'agriculture responsable : je ne vois pas en quoi respecter la loi sur la propriété empêche de faire de l'agriculture responsable en déposant des projets individuels.

- 15 février (à peu près) : la fac de Montpellier est bloquée par des étudiants qui protestent contre la sélection à l'entrée des universités. (Un professeur et un ex-doyen font intervenir l'extrême-droit contre ces étudiants: grave erreur, car si je trouve l'occupation ridicule, je ne pourrai que défendre les étudiants s'ils se font tabasser). Plusieurs universités sont peu à peu bloquées (Toulouse, Tolbiac). Les bloqueurs paraissent minoritaires. Ces minorités découvrent que les réseaux sociaux peuvent jouer contre eux : avant, seuls ceux qui prenaient le mégaphone étaient entendus, aujourd'hui n'importe qui peut twitter : la majorité silencieuse s'exprime, il est possible de connaître son avis. Depuis mi-avril (les vacances scolaires?), les facs sont peu à peu évacuées par les CRS.

Ma position : je ne comprends pas pourquoi ce sont les étudiants et non les lycéens, voire les parents des lycéens, qui protestent. Je crois qu'il faut de la sélection, qu'il nous faut les meilleurs chercheurs et les meilleurs ingénieurs et les meilleurs écrivains parce que c'est ce qui élève le niveau général d'une nation, en fait son prestige à l'international, c'est ce qui fait des brevets, des emplois; je trouve stupide de prétendre que tout le monde est égal devant les études alors que personne ne le dirait pour du foot, par exemple (tout le monde n'est pas Zidane ou Marie Curie, tout le monde peut jouer au foot ou apprendre la chimie: il s'agit de niveau, eh oui). Mais sans aller jusque là, au premier abord, il me paraît préférable d'admettre un étudiant dans une filière du fait de son travail et de ses aptitudes que par tirage au sort. Le tirage au sort fait perdre deux personnes: celle qui est admise dans une filière qui ne lui convient pas et celle qui n'y est pas admise alors qu'elle lui conviendrait. Admettons que j'ai tort. Il reste que je ne comprends pas que ce soient les étudiants qui protestent et non les parents de lycéens. (Je pense à ma nièce qui passe le bac cette année : quel casse-tête.) Ce point m'empêche de prendre les étudiants au sérieux.)

- 14 mars : le gouvernement présente un projet de réforme de la SNCF. Les syndicats de cheminots annoncent une grève perlée de deux jours par semaine pendant trois mois.

Ma position : là en revanche je comprends très bien. Défenses des droits acquis (qui entre nous soit dit ne sont pas remis en cause) et souhait d'emm*** un maximum de monde pour avoir gain de cause. C'est pour moi la définition du caprice: si on se roule par terre dans le magasin en faisant suffisamment de bruit, les parents gênés finiront par céder. Je ne crois pas une seconde à "une défense de l'intérêt général". Sur le fond, la réforme est inévitable puisque la France est tenue par ses engagements européens. Elle est préparée de longue date puisque c'est par cette prochaine mise en concurrence qu'on avait justifié les changements d'horaires de la SNCF il y a quelques années. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose? Nous avons tous gagné à la mise en concurrence des opérateurs mobiles, à l'apparition d'Uber. On brandit en contre-exemples les accidents en Grande-Bretagne et en contre-contre-exemple le réseau secondaire allemand. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, ce serait à tous les Français de protester, pas aux seuls cheminots : visiblement ce n'est pas le cas. Il s'agit bien de la défense d'intérêts personnels, et non de "l'intérêt général".)


Ajoutons à tout cela (et sans doute est-ce le plus important, le plus préoccupant) la montée de l'antisémitisme : 23 mars, meurtre de Mireille Knoll. Avoir échappé à Drancy pour finir assassinée à 85 ans…
Et toujours cette logique d'exclusive qu'il faut à tout prix rejeter : si vous combattez l'antisémitisme vous êtes contre l'islam, si vous êtes pour Israël vous êtes contre la Palestine.
Non.
Nous sommes pour la raison et pour la paix, même s'il faut se battre pour elles. (Dernière phrase qui me fait penser à un dernier fait de cette période confuse : le 14 avril bombardement franco-anglo-américain des forces de Bachar El-Assad après que des civils ont été gazés).

Expliquer l'utopie à un Millenial

« J'avais des amis qui partaient à Katmandou, d'autres dans des kibboutz, mais au fond c'était la même chose. »

Chez Samuel

Où avons-nous atterri samedi soir ? Dans une chambre d'étudiant dans une cité universitaire rue Chevaleret, une chambre de quatre fois la taille de ma chambre de cité U d'autrefois (moins de dix mètres carré) parce qu'à l'origine cette chambre était prévue pour une "personne à mobilité réduite" (donc en fauteuil roulant ?) et qu'elle a été attribuée à Samuel sans qu'il sache pourquoi.

Qui est Samuel ? Je n'en sais rien, un étudiant, un ami d'ami, un ami d'ami FB rencontré IRL chez un ami oulipote qui n'est pas sur FB. Pourquoi ai-je été invitée à cette soirée, je n'en sais rien, peut-être à cause de la brutalité de GC fin septembre : certaines personnes atterrées manifestent leur soutien à leur façon.
Mais il faut bien reconnaître que cela ne suffit pas à établir la connivence et nous nous sommes tout de même bien ennuyés devant cet irénisme qui tournait sans but. Etrange malgré tout de constater que sur les huit personnes, sept étaient des descendants directs de l'immigration d'Europe de l'est.

(H. avait commenté avant de partir : « Ah ? du café du commerce organisé en chambre ? »
Ce n'est pas tout à fait vrai mais pas tout à faux, c'est vrai si l'on admet un café du commerce très bienveillant, si bienveillant qu'il nous en a paru irréel.)

Toute la difficulté va être de refuser les prochaines invitations.

Coup de geule hospitalier

Je reprends comme je l'ai déjà fait plusieurs fois une suite de tweets "à dérouler", comme on dit.
Bien sûr, entre autres causes : on commence par les abrutis qui ont déclaré que la santé devait être un secteur "rentable", rentabilité

parfaitement artificialisée par les tarifs de l'AM (assurance maladie) complètement déconnectés des coûts réels, de la course au cost-killing à tout crin

qui va en face de cette rentabilité illusoire. Comme dit un copain patron de clinique "si tu veux faire un truc rentable, t'ouvres un club de

strip-tease ou une pizzeria, pas un établissement de soins"
A quel moment c'est tolérable que des actionnaires se fassent du beurre sur la

santé de nos concitoyens?
On continue avec le dogme du "il y a trop de fonctionnaires" qui nous pousse à externaliser au maximum sur des

fonctions qui seraient "pas notre coeur de métier", en exploitant encore plus les personnes qui réalisent les prestations pendant que des

actionnaires se font encore plus de fric sur leur dos (coucou Onet Nettoyage, bande d'esclavagistes!) tout en cassant complètement la notion

de travail en équipe. Je vous épargne tous les fournisseurs et prestataires fumistes qui se foutent complètement de la qualité des

prestations qu'ils délivrent, et donc du service au patient qu'ils fournissent, du moment qu'ils se font encore plus de pognon sur le dos du

contribuable, du patient et du cotisant.
Tiens les cotisations sociales on en parle? Il est où le pognon qui finance la sécu à force de

baisser les charges sociales parce que les "salariés coûtent trop cher" pendant que les actionnaires défiscalisent dans tous les paradis

possibles et imaginables? Oui, la santé publique a un coût, et il n'y a pas que ceux qui tondent la laine sur le dos des autres qui ont le

droit d'être soignés dans les meilleures conditions possibles!
Quant à vos propos sur "l'hôpital est en situation monopolistique", vous

n'avez pas honte de raconter des conneries pareilles? Vous aussi vous avez pris le nouveau Levothyrox? Bien sûr qu'on est sur un foutu

secteur concurrentiel, partout : on est en concurrence avec le secteur privé, et même entre hôpitaux depuis que l'ARS surveille l'évolution

des parts de marché entre établissements. C'est exactement pour cette raison qu'on ne fait RIEN pour limiter l'afflux dans les services

d'urgence, parce que le but de cette course à l'échalote toxique, c'est de faire toujours plus de chiffre que le voisin. On est en

concurrence sur nos services supports, parce qu'on doit défendre jusqu'à la légitimité de nos cuisines et blanchisseries hospitalières

en faisant toujours moins cher que le concurrent d'à côté. Et après on s'étonne que les patients mangent mal...
On est en concurrence sur le

marché des professionnels de santé, d'abord sur les médecins : merci au crétin qui a décidé, en vertu de la loi du marché, qu'en limitant

l'offre de soins on limiterait la dépense de soins, et donc qu'il fallait bloquer les numerus clausus, on est ds une belle merde maintenant

On est aussi en concurrence sur d'autres secteur pros comme les kinés ou les orthophonistes, on est en concurrence de partout

D'ailleurs nos décideurs le savent bien, puisque ce sont les premiers à aller se faire soigner dans le privé à l'Hôpital Américain

Le seul truc sur lequel on a le monopole c'est justement sur tout ce qui n'est pas rentable et susceptible de rapporter du fric à court

terme. PARCE QUE C'EST CA LE SERVICE PUBLIC

Quel futur pour mes blogs ?

H. a passé ces derniers jours a cherché des solutions pour transférer mes blogs. Je suis embarrassée qu’il y consacre temps de temps, surtout pour VS : que faire de ce blog ? Le continuer, le mettre hors ligne ? Continuerai-je jamais l’analyse de l’oeuvre de RC, est-ce que cela en vaut la peine ? Ai-je perdu dix, douze, quinze ans de ma vie à lire RC ?
Non, non, ce n’est pas perdu, la plupart de mes relations proches sont une conséquence de ma lecture de RC. Et j’ai tant appris en littérature, peinture, musique, voyages… Non, non, ce ne fut pas inutile.
Et cependant… ai-je négligé les enfants pendant toutes ces années ? Sans doute que oui.

J’essaie d’expliquer à H. qu’il ne faut pas la même chose pour VS et Alice : un blog pour Alice mais plutôt un site pour VS. Je farfouille, je lui montre les billets sur L’Amour l’Automne : comment les rendre plus lisible en ligne (sous réserve que j’y travaille, bien sûr). Surtout je lui montre l’affreux carphanaüm que cela est devenu, un quart peut-être des billets indexés (pas eu le temps de faire les autres), des logiques de catégories qui ont changé avec le temps sans que les transferts de logique soient totalement menés à bien (la disparition de la catégorie Citation au profit de catégories par auteur (« — Mais pourquoi ? c’est moins lisible. — Oui, mais les gens ne cliquent pas sur l’index. L’expérience prouve que très peu de gens cliquent, très peu sont curieux, surtout depuis FB »), la même transformation attendue de la catégorie Livres mais pas encore terminée, la coexistence de billets en wiki et en html : « — mais pourquoi tu le fais à la main ? L’informatique le fera beaucoup mieux que toi.» Comment lui répondre que je le fais moi-même car je ne sais pas quand il sera disponible pour travailler sur mes blogs ? D’autre part ça me permet de relire et corriger mes billets (c’est difficile car je n’aime pas mon ton, le style instituteur de certains billets)), l’existence de deux types de photos, certaines hébergées dans dotclear et d’autres dans dropbox (désormais introuvables…)

Je suis embarrassée de le voir consacrer autant de temps à reprendre quelque chose que je ne suis pas sûre de continuer, dont je ne suis pas sûre de voir encore l'intérêt. Il me répond gentiment de ne pas m'inquiéter : c'est l'occasion pour lui de faire des recherches sur des technologies qu'il a besoin de connaître.

*****

Par ailleurs, date fatidique, H. a cassé l'anse de la tasse d'un demi-litre que j'ai acheté à Versailles en janvier 1986. J'ai bu des litres et des litres de thé dans cette tasse. Mon premier réflexe a été de dire : « tant pis, l'anse ce n'est pas très important » mais j'ai essayé plus tard : c'est tout de même très gênant (je ne le lui ai pas dit).

*****

Pendant ce temps, il y a eu un mort à Charlottesville durant des manifestations et anti-manifestations de « suprémacistes » (nazillons) américains. Trump a déclaré qu’il y avait des « gens biens » des deux côtés. Soupir.
Est-ce pire que les années maccarthistes, est-ce pire que la chasse aux sorcières, est-ce pire que l'ambiance contre la lutte des noirs américains pour les droits civiques dans les années 50 et 60 ?
N’en est-ce que la prolongation ou s’agit-il d’un paradigme différent, héritier des théories raciales nazies ?
Je n’aurais jamais imaginé vivre cela.

Lundi chargé

Dans le meilleur des mondes j'aurais passé mon week-end à travailler et je pourrais pleinement profiter de ma semaine d'arrêt. Dans la réalité je n'ai rien fait et je m'y mets dès le matin : envoi de mails pour prévenir de mon absence et du fait que je vais envoyer dès que possible des premières versions de documents qui seront à relire afin d'être présentés en conseil d'administration vendredi.
Envoi du procès-verbal du dernier conseil, de l'ordre du jour, de l'annexe des comptes corrigée selon les dernières normes de l'ANC (j'en veux au commissaire aux comptes de m'avoir prévenue de ce changement de normes… mercredi dernier! Quelle andouille, heureusement que je l'aime bien).

Sieste puis départ pour le bistrot d'Edgar près de la grande bibiothèque.
Nous finirons par voir Kwa plus régulièrement maintenant qu'il vit à Boston que lorsqu'il était à Brétigny… (phénomène à la fois étrange et bien connu).
Parlé des élections, et bien sûr de Pénélope, des emplois fictifs, du manque de vergogne:
— Mais en plus, elle travaillait ailleurs, dans une revue ou je ne sais où… (toujours surprenant de constater que quelque chose que l'on considère acquis semble à peine connu par d'autres)
— Oh tu sais, les emplois fictifs, ça se cumule!
Cette capacité à rire de tout, à s'offusquer quelques jours puis se mettre à rire, à tourner en ridicule… Est-ce pour cela qu'il fait bon vivre en France?

Pas le jour

Zut, je suis agacée. Et je devrais travailler et je ne travaille pas. Tout est allé de travers aujourd'hui, à peine, imperceptiblement, bien peu par rapport à l'agacement généré, à commencer par le réveil que je n'avais pas mis à sonner, le téléphone oublié dans la voiture dont je ne savais plus si je l'avais fermée, les "amis" FB qui vous menacent si vous ne signez pas leur pétition (??) alors qu'eux-mêmes ne réagissent jamais à aucune de vos sollicitations, ceux qui vous signalent que votre statut est ridicule, A. qui est incapable de comprendre que si j'envoie une question par sms c'est pour avoir une réponse et ce soir le réseau de la maison qui est tombé (problème d'adresses, de baux DHCP) alors que je me faisais une joie de regarder la suite de The OA.

(Mais qu'est-ce que j'ai? Rien de cela ne justifie mon énervement. La frustration aussi de savoir que si j'expliquais ma façon de penser à deux ou trois niquedouilles, ils ne s'en remettraient pas et qu'il faut donc que je me retienne. Je suis trop gentille.)

Et sinon il y a ça qui traîne (GOP: Républicains = Great Old Party): «domaines que les Républicains souhaitent réguler». Je le publie moins pour la sixième image que pour les cinq premières, résumé lapidaire de ce qui désormais occupe le devant de la scène (je me souviens d'une époque où c'était la guerre froide, la faim dans le monde, le prix du pétrole (élevé)).


2017-0106-regulation-deregulation-trump.jpg


Brexit

La Grande-Bretagne a voté pour sortir de l'Union européenne.

Je n'en comprends pas bien les conséquences. Je ne suis pas sûre d'y croire.

Quelque part en moi quelque chose rit: j'ai grandi au son de «I want my money back». J'ai toujours eu l'impression de gens qui ne se rendaient pas compte de ce qu'ils devaient à l'Europe. De façon générale, je déteste ceux qui font valoir leurs droits sans se sentir tenus par aucun devoir.

Mais je regrette. Je déteste les séparations, les départs. En pleine guerre contre Daesh, je trouve le moment extrêmement mal choisi.

Faut-il vraiment croire que la Grande-Bretagne va sortir de l'UE? Tant de nons n'ont pas été pris en compte jusqu'ici.


Non-n-est-pas-une-reponse.jpg

Péripéties

Journée de réunions. Je prends (mal mais plus) la mesure de tout ce qui est en train de transformer la France, l'administration française, de l'intérieur. Informatisation et harmonisation à marche forcée. La DSN (déclaration sociale nominative) oblige les entreprises à déposer leur données de paie dans des concentrateurs, ce qui remplace les multiples déclarations de charges sociales et enquêtes, ce qui va également permettre la retenue à la source (de l'IS) (— Mais tu crois vraiment que la retenue à la source va passer? ça fait tellement longtemps qu'on en parle… — La PUMA1 aussi, on en parlait depuis longtemps. — C'est vrai…), le tiers payant généralisé, etc. Tout le monde est en retard sur tout (40 ou 60% des entreprises n'ont pas encore mis en place la mutuelle obligatoire depuis le 1er janvier dernier); de temps en temps une échéance est reculée d'un an quand les professionnels réussissent à démontrer que leur cri d'alarme n'est pas de la mauvaise volonté mais de la panique ou de l'épuisement.
Cette modernisation est fantastique et salutaire, mais les équipes informatiques ne savent plus où donner de la tête. Le risque, c'est un bug majeur. Le risque moindre, c'est ce qu'on connaît: l'engorgement, car pendant que les équipes créent le futur, elles ne s'occupent pas du présent.


Note
1 : votée sans que personne n'y prête attention le 30 ou 31 décembre 2015 pour une prise d'effet le 1er janvier 2016: nous en avons découvert la mise en place et ses conséquences en février…

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Axiome : «On ne va pas tarder à déménager. Chaque fois qu'on refait le hall, on déménage.»
Et de me citer trois exemples par le passé.
Pour moi, tout l'enjeu est de savoir où: pourrai-je encore ramer le midi? L'ICP sera-t-il toujours sur mon chemin de retour?
Rumeur concernant Nanterre. Vingt minutes de plus dans les transports, quarante matin et soir? De plus en plus il va devenir cohérent de travailler de chez soi.

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Je dîne avec O. et avec Paul qui l'héberge.
Paul commente le sujet de bac spécialité maths:
— Oui, il y avait une erreur de signe…
O. l'interrompt: — Moi je ne l'ai même pas vu tellement c'était évident.
— … et on nous l'a signalée au bout de deux heures. Donc l'éducation nationale s'inquiète pour ceux qui sont sortis avant: mais soit t'étais super doué et t'avais tout fini et même démontré pourquoi le signe était faux, soit t'étais tellement nul que de toute façon ça change rien.

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H. assistait à une grand messe américaine où chaque Etat essaie d'attirer les investisseurs sur son sol, et tout particulièrement les créateurs d'emploi. Hiiiiiiiiiii, il a vu Obama en vrai.

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Dernier cours de christologie, dernier cours de l'année. Encore un TG samedi.
Cinq ou six livres en bibliographie estivale. C'est bien une logique de jeu vidéo : à chaque étape le niveau monte.

Six mois

Ce qui m'étonne, c'est que les journalistes sont capables de tartiner sur les traumatisés du Bataclan "qui sursautent à chaque bruit inattendu" sans jamais en profiter pour faire un peu de pédagogie à propos des réfugiés: eux, ce sont les bombes qu'ils fuient.

Panama Papers

J'ai l'impression que les Panama Papers font davantage rire les Français (source de plaisanteries, de dessins, reprenant cette remarque de Balzac que je ne me lasse pas de citer: «En France, tout est du domaine de la plaisanterie, elle y est la reine : on plaisante sur l’échafaud, à la Bérézina, aux barricades, et quelque Français plaisantera sans doute aux grandes assises du Jugement dernier.») qu'ils ne les scandalisent (ce qui n'est pas pour me déplaire, d'ailleurs. Je préfère cela aux bougonneries perpétuelles).

Peut-être n'est-ce que moi qui suis fataliste et désabusée depuis que j'ai appris qu'en 1932, la révélation de comptes cachés en Suisse a permis, non pas la condamnation des fraudeurs, mais la chute du gouvernement. (J'en ai déjà parlé, je pense, car cela m'a accablée: à quoi bon les déclarations de principe, les puissants ne sont mis en cause que par les révolutions (et c'est alors dans le sang. Or je ne souhaite pas de sang, et la révolution me fait peur. Comme dirait H., quoi qu'il arrive, nous serons du mauvais côté: pour la gauche (la vraie) nous serons riches, pour la droite, nous serons intellos.


PS: 11 avril. J'ajoute ces pastiches à la Panamanière. Voir aussi chez Elisabeth et Guillaume.

Sur le départ

Je pensais traduire le chapitre 3 de la seconde épître de Pierre ce matin et l'envoyer à la prof, mais quatre incursions FB plus tard (ce truc est maléfique), je ne suis allée que jusqu'au verset 9 (le cours a lieu ce soir: neuf par an et je vais en manquer deux cette année. La prof ne m'a rien demandé (je l'ai vu ravaler sa phrase "vous m'enverrez votre version" en se rendant compte que le cours était entièrement optionnel, gratuit, du loisir, en somme) et je l'admire tant, j'ai si honte de si peu travailler, que j'essaierai de lui envoyer dimanche en revenant. On verra.)

Une douche, un dépendage de linge (étendre le linge: extension du linge? contraction à l'inverse?) plus tard et je prépare ma valise, mon sac de sport plus exactement. Avant, je n'aurais pris que des affaires de sport (il est prévu de ramer quatre heures par jour) avec un gros pull et un jean, mais depuis l'entre-deux-rivières de juillet, je sais qu'il faut prévoir de quoi être coquette le soir (WTF?), un polo, un chemisier, une robe, et aussitôt ce problème (de poids, en poids, en volume): les chaussures: même en Bretagne, même entre provinciaux, même en camping, les gens "se font beaux" le soir. Je n'ai jamais appris cela (je veux dire chez moi, enfant), je n'ai jamais appris cette convention sociale qui me paraît tout à la fois ridicule (en camping? mais on s'en fout!) et respectable (cet effort de vivre ensemble).
Mais maintenant que je l'ai expérimentée, je m'applique à l'appliquer.

Ah tiens, j'ai oublié le Vicks et les boules quiès. Je rajoute et je pars.

Allez mourir ailleurs

A l'origine ce billet a été créé le 23 février1 et devait apparaître ce jour-là, jour où j'ai entendu confusément dans la voiture qu'un camp devait être rasé (confusément car sans entendre exactement de quel camp il s'agissait, mais en supposant qu'il s'agissait de Calais: depuis le livre d'Haydée (Saberan), je suppose toujours que c'est Calais).
Le 23 était un mardi, j'avais fini le week-end précédent une biographie de Heydrich et un goût de désespoir m'a envahi: il y a tant de similitudes avec l'entre deux guerres, même si bien sûr, les Syriens ne sont «que» des civils fuyant la guerre et non un peuple fuyant les persécutions raciales2 (que dire à propos des Chrétiens d'Orient?3).

Je poste ce billet aujourd'hui, après avoir lu des tweets sur «les ruines [du camp] de Calais qui fument encore trois jours après» (?? je n'ai pas cherché à en savoir davantage), des photos des camps grecs dans lesquels s'entassent les migrants, à dix mille dans des camps prévus pour mille…
Devenu spécialiste de la question juive malgré lui, Heydrich avait amorcé, lors de sa venue à Genève, à la S.D.N., des tractations avec le haut commissariat des réfugiés de la Sociétés des Nations, tractations reprises ensuite par la Wilhemstrasse. Comme il n'était jamais à court d'idées, il avait suggéré à Hitler, Himmler, Goering et von Neurath, alors ministre des Affaires étrangères, d'expédier les Juifs allemands en Palestine. Son idée ne parut pas folle, car Hitler, avant la guerre, n'était pas antisionniste4. Malgré les démarches du grand mufti de Jérusalem pour le mettre en garde contre l'établissement en Terre sainte de trop fortes colonies privées juives, Hitler ordonna à Heydrich de mettre son projet à exécution. De 1933 à 1939, près de cinquante mille Israélites purent ainsi quitter l'Allemagne pour la Palestine, dans le cadre d'un accord, dit le Haavara («tranfert» en hébreu), conclu en 1933, et fort intéressant financièrement pour le Reich, car Heydrich savait dépouiller les gens d'une manière apparemment légale5.

«S'il n'y en eu pas davantage, écrit André Fontaine, la faute en revient aux Britanniques, qui à partir de 1937 limitèrent à une dizaine de milliers de personnes par an le nombre de Juifs autorisés à débarquer en Eretz et refoulèrent impitoyablement les immigrants clandestins.»

Heydrich demanda au Fürher de s'adresser aux Américains, qui, après la nuit du 8 novembre 1938, avaient fait une violente campagne de presse. L'affaire passa entre les mains inexpertes de von Ribbentrop qui ne sut pas en profiter. Si les Etats-Unis s'étaient indignés à titre privé, Washington parla «quota d'immigration» à titre officiel. Seuls 27000 Juifs allemands et autrichiens furent autorisés à immigrer. Malgré les demandes et les objurgations de nombreuses organisations, ce chiffre sera maintenu jusqu'à l'entrée en guerre des Etats-Unis contre l'Allemagne6. Mieux que cela: le 17 novembre 1938, sir Ronald Lindsay, ambassadeur de Grande-Bretagne à Washington, proposa à M. Summer Welles, secrétaire d'Etat au Département d'Etat, de renoncer à un certain nombre des 83.575 visas d'immigration auxquels Londres avait droit au profit des réfugiés du Reich. La réaction de Welles fut immédiate: il rappela que le président Roosevelt avait confirmé, quarante-huit heures plus tôt, qu'il n'était pas dans l'intention de son gouvernement d'augmenter le quota d'immigration octroyé aux ressortissants allemands. Les Britanniques, eux, ne pensaient que politique arabe et refusaient, comme on l'écrit plus haut, aussi bien l'accroissement de la colonie juive de Palestine que l'ouverture de leurs propres portes et celle des membres du Commonwealth. même après la «nuit tragique», M. Malcolm MacDonald, monistre des Colonies, rejeta l'offre des Juifs palestiniens d'adopter immédiatement 10.000 enfants allemands. Un mémorandum proposant d'accueillir 100.000 Juifs du Troisième Reich avait eu le même sort.

Toutes les portes se fermaient. Les particuliers, pourtant, ne se gênaient pas aux Etats-Unis et dans les démocraties de l'Europe pour crier leur indignation. Une conférence internationale se tint pendant l'été 1938 à Evian et diverses solutions furent envisagées, mais non réalisées. Elles ne débouchaient sur rien de concret.

Heydrich écrivit dans le Schwarze Korps que personne ne voulait des Juifs, et son article fut repris quelques jours plus tard dans le Völkischer Boebachter.

«Si personne ne veut de nos Juifs», suggéra alors Heydrich au Führer au cours d'un déjeuner à la chancellerie où se trouvaient réunis Rudolf Hess, Goering, Himmler, Goebbels et Bormann, «pourquoi ne pas demander demander à la France de les accueillir à Madagascar ou au Portugal de les recevoir en Angola. Ce sont des territoires sous-peuplés.»

Les gouvernements intéressés demandèrent le temps de la réflexion. La guerre survint. Heydrich reprit cette idée après l'occupation de la France, mais cette fois c'étaient les moyen de transports qui manquaient.

Georges Paillard et Claude Rougerie, Reinhard Heydrich, le violoniste de la mort, p.227-229, Fayard 1973
Je ne peux m'empêcher de penser que tout le monde se fiche que les Syriens meurent, tant qu'ils meurent ailleurs, et chez eux serait le mieux, loin des yeux et des caméras. De façon inattendue, j'ai l'impression qu'il n'y a guère que Merkel que cela émeuve. (Et les pays d'Europe de l'Est qui découvrent soudain que l'Union Européenne, ce n'est pas que des subventions à recevoir, mais aussi des devoirs à remplir, des notions juridiques à respecter…)

Et maintenant Donald Trump candidat républicain… Cela faisait des mois que je le voyais "monter" sur FB via mes contacts américains, et chaque fois que j'ai posé la question: «Mais que se passera-t-il si…», j'ai eu droit à: «Mais non, ne t'inquiète pas, c'est comme Marine, elle est au second tour mais elle ne passe pas.»
Ne pas m'inquiéter? Mais enfin, que ces deux-là soient élus ou pas, c'est tout de même bigrement traumatisant qu'ils soient considérés comme des options envisageables par une partie de leurs concitoyens respectifs.
Cela n'affole-t-il vraiment que moi? Qu'avons-nous raté, que pouvons-nous améliorer, cela n'intéresse-t-il personne?
Pourrait-on se bouger avant qu'il n'arrive une catastrophe quelconque? (Trump-Poutine, le casting de cauchemar.)


Notes
1 : car les billets sont ouverts avec deux trois mots-clés chaque jour mais je n'ai pas le temps de les rédiger — indication précise du nombre d'heures où je n'avais rien à faire dans les années passées.
2 : cette phrase étrange et de mauvais goût au cas où l'on viendrait m'opposer le récurrent «ce n'est pas comparable» (même si sur mes blogs, c'est peu probable). Non, ce n'est pas comparable aujourd'hui, quand on sait ce qui s'est passé après 1939, mais c'est tout à fait comparable si l'on se place en 1939.
3 : Ne jamais oublier que la définition juridique nazie du juif était religieuse et non raciale (tant ce concept est insaisissable: une reconnaissance par l'absurde que la race n'est pas un critère définissable de façon certaine) cf Raul Hilberg.
4 : Ehahu ben Ellisar, La diplomatie du Troisième Reich et les Juifs, (1969)
5 : Le Monde, 27 décembre 1969
6 : L'Aurore, J.-L. G…, 8 janvier 1970

Beau comme l'antique

Ce soir-là, j'ai dit à un moment donné que notre époque me rappelait de plus en plus l'antiquité, déclenchant un échange de regards entre mes compagnons de table et un commentaire moqueur.
J'ai alors pris conscience que "l'antiquité" était chargée d'une telle aura positive que tout le négatif était oublié. J'ai renoncé à m'expliquer, "ce que je voulais dire, c'est que", renoncé à parler d'une société où seule une petite partie de la population avait la parole (commentaire goguenard en face de moi: «j'ai plutôt l'impression qu'aujourd'hui n'importe qui parle et qu'on n'y a pas gagné») — mais évidemment je parlais de la parole légitime, celle qui avait le pouvoir, celle du citoyen masculin par opposition aux femmes1, aux esclaves, aux étrangers —, une société qui noyait les problèmes dans les jeux et abêtissait la population plutôt que l'éduquer.

Cette semaine, j'en trouve une sorte d'illustration sur les murs du métro.
Photo station esplanade de la Défense, à travers les vitres destinées à empêcher les suicides:

2016-0302-nouveauxgladiateurs.jpg



Note
1 : Bien sûr, les femmes (en Occident) n'ont jamais eu autant accès aux postes de pouvoir et à la parole. Mais je songe aux programmes et discours lepéniste, trumpien ou trumpiste, à l'avertissement de Houellebecq dans Soumission, à la difficulté pour la mouvance de type zemmourien à vivre dans un monde qui n'est plus taillé sur mesure pour elle.

Encore un dimanche




Très bonne sortie ce matin. Yolette Lifa. A la nage, Virginie, Florence, Vincent, Magali.
Dormi tout l'après-midi en sentant mes muscles récupérer.


Elections régionales: je n'ai pas écouté de près, pas trop envie, mais j'ai cru comprendre que le FN était à 27%. Comment expliquer que je suis embarrassée d'être blanche dans le RER tard le soir. Pas effrayée, non1, gênée, comme quelqu'un qui aurait toutes les chances parmi des gens qui en ont moins.





Photo prise à 23 heures 16.


1 : j'ai cru m'étrangler en voyant une gourde ex-députée sur la liste de Dupont-Aignan dire (écrire) qu'«elle n'osait plus sortir le soir, prendre les transports en commun».
Viens avec moi ma poule, accompagne-moi une semaine et tu verras que ça se passe très bien, c'est même une expérience humaine curieusement chaleureuse et paisible: nous sommes ensemble dans notre fatigue et nous rentrons chez nous ensemble dans la nuit.
Arrête de circuler en voiture avec chauffeur.

Sainte-Anne

En faisant quelques recherches ce soir je tombe sur cela et j'ai honte: m'être réjouie que Charlie soit courageux pour qu'il se fasse assassiner deux ans plus tard… Avons-nous le droit de conseiller à qui que ce soit d'être courageux, si ce n'est à nous-mêmes?

Ce soir, je recherchais un billet que je n'ai pas mis en ligne. Il y a eu en septembre 2012 (pour la x-ième fois, la première fois remontant à 2005 au Danemark) des remous à cause de caricatures de Mahomet; sans doute y a-t-il eu des discussions autour du voile et de la laïcité ensuite, toujours est-il qu'en faisant des recherches sur internet j'étais tombée, je m'en souviens bien, sur des discussions très intéressantes sur un forum suisse (avec troll, mais un seul, ce qui est exceptionnel sur un tel sujet. Vive les Suisses.)

A l'époque, j'avais eu l'intention d'en faire un billet. J'en avais écrit le titre mais je ne l'ai jamais mis en ligne. Je l'ai retrouvé, c'était un billet daté du 6 novembre 20121.
Je ne l'ai pas mis en ligne car de fil en aiguille, j'avais eu la curiosité de chercher une photo de "mon" église, celle où j'ai fait ma communion et suivi mes premiers cours de catéchisme: Sainte-Anne à Agadir.

Et j'avais trouvé cela, qui m'avait fait froid dans le dos.
Et dans une attitude très "ne désespérons pas Billancourt" (septembre 2012, nous tâchions de comprendre ce qui allait sortir du printemps arabe qui s'enlisait après l'enthousiasme initial du printemps 20112), je n'avais pas posté cette photo et pas écrit de billet (aujourd'hui je le regrette car je n'ai plus de traces sur le vif de ce qui se passait et de ce que je pensais alors, juste des souvenirs flous).




Que se passait-il sur cette photo? Pourquoi? Elle datait de 2004, comment cela était-il possible? Les catholiques étaient-ils menacés en 2004 au Maroc? Les militaires assuraient-ils leur sécurité? Incroyable.
J'ai refusé d'y croire.

J'ai suivi le cours sur l'islam à l'ICP en janvier 2013 et en mars 2013, j'ai découvert en feuilletant L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète que Tareq Oubrou était allé en maternelle chez les sœurs à Sainte-Anne. J'ai acheté le livre.


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Agenda
C'est officiellement l'automne : première sortie en collant et manches longues.
Quatre sans Ena 2. Moi à la nage, Tudal, Olivier, Marc. Deux tours de l'île.



Notes
1 : Si vous regardez l'adresse du billet, vous verrez qu'il porte le numéro 2386. Cela permet de savoir quand il a été créé: je détruis rarement les billets que je ne mets pas en ligne; soit ils restent dans les limbes; soit je les réutilise à une autre date.
2 : En avril 2012 RC avait appelé à voté Le Pen, en septembre j'écrivais de ce que je pensais de sa hiérarchie des priorités dans un billet sur la SLRC, billet qu'en janvier 2013 Rémi allait faire censurer dans le silence — et l'approbation? je n'y étais pas, je ne sais pas — des membres de la SLRC3. Période douloureuse et inquiète que toute cette étendue de temps, sentiments ou sensations que je ne sais pas, je ne veux pas, exprimer sur le moment — et qui se perdent, et que je perds, plus tard.
C'est étrange de se dire qu'on écrit tous les jours, et que pourtant l'essentiel n'y est pas — ce qui compte vraiment n'y est pas, la colère, la tristesse, l'angoisse, n'y sont pas. (Les émotions positives y sont davantages (smiley).)
J'ai entrepris de reprendre mes billets pour les passer en format html (au lieu de wiki), j'en profite pour les annoter le cas échéant, pour ajouter les commentaires amers ou les explications gardées en brouillon à l'époque.
Mais parfois je ne me souviens de rien. Ce n'était pas si grave finalement.
3 : Cette censure m'a causé un chagrin et une crise de misanthropie si violents que j'ai fermé FB en mettant cela sur le compte du besoin de travailler (mes cours), ne voulant pas me donner le ridicule de croire que cela pouvait affecter qui que ce soit. Je me rends compte aujourd'hui que durant cette absence de FB se sont développées des haines entre des gens que je pensais amis, haines que j'ai du mal à prendre en compte pour ne pas en avoir vécu la naissance et l'évolution.

Agacée

Mardi, la RH a envoyé un mail à toutes les femmes cadres d'un certain niveau. Je l'ai lu avec stupéfaction, j'ai ri, je l'ai commenté à ma collègue, et je suis passé à autre chose.
Mercredi, en revenant de Melun, n'ayant rien à faire en conduisant, j'y ai repensé et une certaine forme de colère s'est installée : qu'est-ce que c'est que ces foutaises, et surtout, pourquoi et comment notre direction groupe peut-elle s'associer à cela? (Je suppose que cela leur permet d'afficher une action supplémentaire dans la lutte pour la diversité ou contre la discrimination (je ne sais plus quelle est la "lutte" à la mode actuellement, ni si ces deux appellations recouvrents exactement les mêmes "combats".) Je suppose qu'il doit exister quelque part un rapport annuel à rédiger, puisque nous avons une "charte de la diversité" et un accord pour l'égalité hommes-femmes (enfin, il me semble. Entendons-nous bien: ce n'est pas que je sois contre, c'est que je souhaiterais moins de chartres et plus d'actes concrets. Est-il normal qu'il n'y ait pas une seule femme dans la direction générale groupe, et que lorsqu'il y en a (c'est arrivé), ce soit toujours à la RH, au marketing ou à la communication? Nous sommes capables de manipuler des chiffres, vous savez (enfin bon).)

Donc voici le mail:
Bonjour à toutes,
Les 14 et 15 novembre prochains, le Groupe sera partenaire de la 2ème édition des journées Happy Happening (suite des rencontres "Aufeminin.com"), un événement pour découvrir, partager et réfléchir aux mutations de notre environnement.

L'objectif ? Révéler (ou réveiller !) la leader qui sommeille en vous !
Happy Happening donnera la parole à une trentaine de speakers, chercheurs, entrepreneurs, artistes, penseurs… pour faire évoluer les mentalités, bousculer les conventions, débattre et ouvrir des perspectives sur le monde de demain.

Monentreprise soutient cette initiative groupe et, dans ce cadre, vous invite à ces journées Happy Happening au Carreau du Temple à Paris.
Venez nombreuses nous retrouver sur le stand Monentreprise pour cet événement solidaire, engagé, participatif et audacieux !
Jusque là, ça va. C'est le programme de la journée qui m'a fait sursauter :
I/ Le programme de l'événement
Happy Brain : un colloque animé par une trentaine d'intervenants emblématiques issus de tous les horizons.
Happy Show : des animations lifestyle, des cours de sport, de relaxation, des dégustations, des concerts, des shows humoristiques…
Happy Brand : une vingtaine de marques offrant aux visiteurs une expérience unique

II/ Sur le stand Monentreprise
Des conférences de coaching RH :
Changer de cap / "oser" se mettre en danger
Comment se construire une image

Des conseils de la diététicienne XXX :
Le déjeuner : des idées pour manger équilibré
Faire ses courses : apprendre à lire les étiquettes
Astuces pour préparer un dîner sain, équilibré et bon

Pour plus d'informations sur les journées Happy Happening et pour l'achat des billets d'entrée, rendez-vous sur le site happyhappening.
Euh… Lire les étiquettes? J'en parle à déjeuner, j'essaie d'évaluer si je suréagis: «Qu'est-ce que c'est que ce truc? Ils veulent faire un blog de filles? Vous croyez qu'ils auraient mis un diététicien dans un salon "pour hommes"? Inutile, répond H., eux, ils savent lire les étiquettes.» (Fou rire autour de la table)

Depuis j'essaie de relativiser, de me dire que les hommes sur "leurs" salons ont aussi droit à leurs futilités, le vin, les voitures, le foot, la bière, (les putes…)
Enfin bon, bis.


Et maintenant, la question qui tue: fais-je part de ma protestation à mon chef? Nous avons pourtant dans le groupe une manifestation plus porteuse de dynamisme (sans compter le mécénat pour le cinéma et les maladies rares, mais ceci n'est pas spécifiquement féminin).


Agenda:
Magnifique lever de soleil sur La Défense.
Pris mon temps à boire un café pain d'épice au Starbuck en attendant que le soleil soit vraiment levé.

Barbecue

« Même le niveau des analphabètes a baissé. »

Politesse ordinaire

Deux jours de temps lourd mais beau, beau mais lourd (après une semaine de pluie et une à venir). Tant mieux pour O. parti descendre le Loing en radeau.

Samedi, j'ai expliqué à A. comment chercher des voitures sur le bon coin: «Tu choisis un prix, un kilométrage maximal, une région, tu regardes les voitures qui s'affichent, tu en choisis cinq ou six et tu téléphones pour prendre rendez-vous.
— Mais je ne connais rien aux voitures !
— Tu vas l'essayer. Il faut que tu te sentes bien au volant. Tu regardes le contrôle technique, si le moteur est propre. Tu crois vraiment que nous faisons davantage?»

Elle est trop timide pour téléphoner (pour entrer chez un coiffeur, pour trouver un médecin, pour s'acheter un vêtement: elle ne va voir personne si je ne l'ai pas accompagnée d'abord. So XVIIIe siècle. Cela m'agace prodigieusement (car m'inquiète) dans la mesure où elle habite à deux cents kilomètres).
Le soir sur la terrasse parès le barbecue, son grand-père (mon beau-père) regarde les annonces avec elle et les lui commente. Elle se décide à envoyer quelques mails (!)
C'est amusant, un type de voiture se dessine. Elle ne veut pas de twingo, pas de saxo, pas de C3. Elle a eu une 306, elle voudrait une 306. Vu sa tendance à embarquer dans sa voiture "tout ce qui pourrait servir au cas où" (ce qu'elle faisait déjà avec son cartable, emmenant tous ses livres, du fil, une aiguille, des pansements, etc), je l'imaginerais plutôt en combi volkswagen.

Elle ne veut pas non plus prendre trop de contacts: «Mais après, il va falloir que je réponde non à certains!
— Ma chérie, si tu leur réponds non, ils te seront déjà reconnaissants de les avoir tenus au courant!»
Et je lui raconte ma surprise devant les remerciements des gens quand j'avais décommandé des rendez-vous: «je vous remercie de m'avoir prévenu» (et cela m'avait fait de la peine: ces gens si reconnaissants pour une attitude normale).

Bien entendu, je ne l'avais pas convaincue.
Pendant que A. envoyait ses mails, H. a envoyé un sms pour une Ford. Le vendeur a répondu immédiatement (à onze heures passées) que nous pouvions l'appeler. Rendez-vous a été pris pour le lendemain dimanche dix heures et demie. Il devait envoyer son adresse par sms.
Le lendemain, H. et A. se lèvent et se préparent pour aller au rendez-vous, mais au moment de partir ne savent où aller car H. n'a pas reçu le sms promis.
Il ne le recevra jamais, le vendeur ne répondra ni au téléphone ni aux sms. A-t-il répondu bourré le samedi soir, dormait-il à dix heures dimanche, n'a-t-il pas eu le courage plus tard de téléphoner pour s'excuser? Sa mère a-t-elle fait une crise cardiaque dans la nuit? S'est-il fait voler son portable? Nous ne le saurons jamais, mais je suis plutôt satisfaite: voilà la démonstration par l'exemple de ce que j'expliquais hier à A.

Cecil

C'est l'histoire d'un lion abattu par un Américain. J'ai vu passer l'histoire il y a deux ou trois jours. Le lion a été attiré hors de la réserve où il vivait protégé, blessé à l'arc puis traqué et achevé quarante heures plus tard.
Ce braconnage ou brigandage a coûté cinquante mille dollars à l'Américain (tout cela reste à confirmer tout en étant considéré comme sûr: le nom de l'Américain a été dévoilé ainsi que son adresse). Les deux autochtones qui l'ont aidé ont été arrêtés, quant à lui, nul ne sait où il est (et heureusement pour lui, je pense).

J'ai donc vu passer cela sur FB sans doute chez une amie qui relaie énormément d'informations sur la vie animale (notamment la protection des chevaux sauvages en Amérique).

L'étrange, c'est que cela s'est emballé. Fatigués de la Grèce, de Daech, de l'Ukraine? Heureux de trouver enfin un coupable identifié, identifiable, pour un crime aux contours nets, l'illustration sans appel que l'argent permet de se penser au-dessus des lois1? Pour l'opinion publique occidentale, en quelques heures, cet Américain est devenu LE salaud emblématique (c'est tout au moins un connard dans les grandes largeurs).

C'est alors que certains, par conviction ou snobisme (ne pas hurler avec la foule peut s'interpréter de ces deux points de vue), ont commencé à dénoncer le "lynchage"2 médiatique, regrettant qu'on ne parle pas de sujets plus graves concernant l'Afrique (sachant que j'ai rarement vu chez eux quoi que ce soit en relation avec l'Afrique).

Bref, cette histoire est une sorte de parabole exemplaire (paradigme?) de ce que peut devenir un fait divers sur FB et les "réseaux sociaux" (entre guillemets, car ceux qui utilisent cette expression affectée me font rire).



PS : Sachant que mon ancien chef partait en safari3 (il conservait des cartouches gros calibres sur le bord de son bureau), aurait-il été susceptible d'une telle infamie? Je me le demande.



Note
1 : En France, au même moment, le roi d'Arabie privatisait une portion de plage publique avec l'approbation du préfet et demandait qu'aucune femme (CRS) ne fasse partie des agents chargés de sa sécurité. A-t-il payé pour cela? Ce serait du même ordre (tout s'achète, retour des privilèges, il n'y a pas égalité devant la loi (au moins, dans l'affaire Cecil, la loi n'a pas plié, elle a été violée)), ou pire, n'a-t-il pas payé, n'est-ce que bassesse du gouvernement? Nous n'en savons rien.

2 : Cela atteint de telles proportions que je commence à craindre pour sa vie s'il est découvert. On dirait des ayatollahs à la poursuite de Rushdie.

3 : Car tuer est légal dans certains lieux, qu'il s'agisse d'élevage à cette fin ou de régulation des populations.

Gibert jeune

J'avais cu un instant (mardi dernier) que La Poste pro sauverait l'honneur de la Poste, mais finalement non, ils sont aussi pitoyables que la Poste pour les particuliers: mardi ils me disent que les délais sont trop courts pour qu'ils s'engagent sur le projet (et donc qu'ils me laissent me débrouiller) et qu'ils vont m'envoyer très vite, sous 24 ou 48 heures, le numéro d'autorisation dont j'ai besoin pour mes enveloppes T; jeudi après-midi quand j'appelle je découvre qu'ils n'ont rien fait mais qu'«ils le font tout de suite»; vendredi à 10 heures non seulement ils n'ont rien fait mais en plus la personne que j'avais eue la veille au téléphone est partie en week-end. Je râle même si je sais que c'est contre-productif; la personne au bout du fil se fiche de moi mais doit néanmoins se sentir mal à l'aise car j'ai le numéro une demi-heure après, et le bon à tirer en fin d'après-midi (elle ne saura pas que tout est parti à l'impression sans attendre le BAT).

Je passe chez Gibert jeune (plutôt désert, assez agréable par rapport à l'autre — c'était là qu'il y a trente ans j'achetais mes San-Antonio — il n'y en a plus) pour acheter une grammaire allemande dont j'ai trouvé la référence sur internet. Je vais vite, je dois rejoindre O., et plus tard je regretterai l'avoir achetée : trop technique, trop détaillée, elle ne correspond pas à mes besoins.
Je passe sur abebooks, tape "grammaire allemande", "entre 1950 et 1975" et en trouve une qui devrait convenir davantage.

Cette visite est l'occasion d'une photo colorée de petits carnets postée sur FB qui déclenchera demain une discussion auto-démonstrative de ce que sont ces petits carnets, c'est-à-dire l'illustration de beaucoup d'énergie gaspillée pour pas grand chose.

Le code

Hier, O. a passé le code (nom officiel: examen théorique du permis de conduire) à la préfecture de Paris dans le 18e.

— La convocation disait d'arriver à 14 heures 15 pour 15 heures, alors je suis arrivé à 14 heures 15. Je me suis bien ennuyé, j'ai dû m'endormir parce que je ne me souviens pas de ce que j'ai fait. En arrivant, j'ai vu une file de gens, énorme, c'était les demandeurs d'asile. J'ai pensé à eux, à qui on allait dire non, et à ceux en face, dont le boulot était de dire non toute la journée… Ça m'a mis une mine…


(Résultats aujourd'hui : réussi (truc et astuce: bien réviser se qui concerne l'alcool et les drogues). Maintenant la pratique.)

Le mariage gay, non, les femmes à poil, oui.

La semaine dernière, Hervé tenait un stand au salon des maires. Comme je lui parle du livre d'Aubenas — qui n'a fait que confirmer ce que je savais, pour chaque chapitre ou presque je pourrais raconter une anecdote parallèle — et que je lui dis: «Ça va mal», il me répond drôlement: «Oui, il y avait beaucoup moins de stands que l'année dernière [Un stand coûte très cher]. Les petits éditeurs [de logiciels] ne sont pas venus. Les gens se replient sur l'essentiel. Moi ça m'arrange, je vends de l'essentiel.»

Nous avons eu peu de temps pour discuter le week-end dernier et il est parti à Mulhouse lundi.
Hier il me dit: «Ah tiens, j'ai quelque chose pour ton blog. C'était distribué au salon des maires.» Et il me tend la carte suivante (recto/verso, de la taille d'une carte postale).



Paupérisation

Je commence En France de Florence Aubenas. Les premières lignes sont les suivantes:
Cela se passe pendant l'année de l'élection présidentielle, pas celle-là, la précédente, en 2007. On est à l'automne, au moment où, dans les fermes et les maisons de la Creuse, on remplit les cuves de fuel en prévision des grands froids. A Guéret, les agents de la Caisse d'allocations familiales (CAF) voient alors arriver des gens qui ne venaient jamais dans leurs bureaux: des retraités avec des pensions de quelques centaines d'euros à peine, mais qui vivaient silencieusement depuis toujours et se seraient étonnées d'être considérés comme pauvres. Cette année-là, ils poussent la porte de la CAF, gauches, effarés d'avoir à demander quelque allocation, se présentant tous par la même phrase: «Pour la première fois, je n'ai plus les moyens de faire rentrer le fuel.»

Florence Aubenas, En France, incipit, éditions de l'Olivier, 2014
Jeudi ou vendredi dernier j'ai eu une retraitée au téléphone en fin de journée. Elle se renseignait sur le montant de la cotisation: «Je me suis fait avoir quand ils m'ont proposé de partir en retraite. Je ne pensais pas que j'aurais si peu après 43 ans de travail. 43 ans! Je ne m'en sors pas, il faut que je retourne voir la RH pour voir si elle accepte de me reprendre.»

Mardi 23

Quatre Impromptu à midi. Des problèmes d'équilibre (cette compensation du corps à tribord pour une pelle qui plume à babord: m'en déferai-je jamais?) mais une belle sortie. Première fraîcheur d'automne sous un soleil resplendissant.
Il me reste des traces d'oppression dans la poitrine, mais elles sont en train de disparaître — lentement.

Journées de bureau très calmes en ce moment: aucune réponse des administrateurs à mes mails, aucune décision de prise. Je sais déjà que nous allons avoir une fin d'année épouvantable, quand tout sera décidé et urgent — et je ne peux rien y faire, sauf avancer sur le fond (il y a toujours du travail de fond à avancer — heureusement).

Hervé revient de Mulhouse après avoir inauguré le Wifilib (l'équivalent de trois ou quatre lignes ADSL, dans la rue et gratuites, bien mieux que la 3 ou 4G, me dit-il) et me propose d'aller voir "une comédie anglaise", Pride.
Anglaise je veux bien, mais certainement pas une comédie. Le pendant anglais et optimiste de Dallas Buyers Club, une histoire que je n'aurais pas cru possible si elle n'était avérée. Surprenant et émouvant, parfois proche de la caricature ou du cliché, mais la vraie vie concernant ces sujets (grève des mineurs et lutte LGBT) est elle-même caricaturale.
Même si ce n'est pas son sujet principal, ce film montre bien le grain de folie et de joie que les gays sont susceptibles d'apporter au quotidien, joie et gaieté si attirantes quand, sans connaissance de ce milieu-là, on cherche juste à échapper à la grisaille ou à résister au désespoir. Le merveilleux est que cela ne réside qu'en une façon de se comporter et d'envisager la vie, la grisaille de l'existence n'a rien d'ontologique.
Rappel des années Thatcher, du début du sida, mesure du chemin parcouru par les LGBT depuis 1984 — et du chemin restant à parcourir.

Heureusement les syndicats vous défendent

Je précise que l'immeuble fait huit étages. Un ascenseur sur trois sera immobilisé (par roulement) durant la durée des travaux. Ce message concerne les personnes qui pointent.

Mail reçu ce jour:

Madame, Monsieur,

Comme vous en avez été informés par mon précédent message, les travaux de remise aux normes des ascenseurs démarrent ce 25 août sur le site de xxx.

Consciente des «désagréments» liés à ces travaux d’ascenseurs, et en accord avec les Organisations syndicales, la Direction du Groupe a décidé d’accorder, à titre exceptionnel, 2 jours RTT supplémentaires aux salariés de ce site en enregistrements horaires. (Cette mesure ne concerne pas les collaborateurs en « forfait jours ».)

Ces jours RTT exceptionnels seront accordés selon les modalités suivantes :

Pour les salariés en CDI à temps complet ou temps partiel supérieur à 50 % :
- 1 jour à compter du 1er octobre 2014,
- 1 jour à compter du 1er janvier 2015.

Pour les salariés en CDI à temps partiel inférieur ou égal à 50 % :
- 1 jour à compter du 1er octobre 2014.

Pour les salariés en CDD et les salariés nouveaux entrants, ces jours seront accordés :
- au 1er décembre 2014, sous réserve d'une durée de présence de trois mois, de septembre à novembre 2014, et,
- au 1er avril 2015 sous réserve d'une durée de présence de trois mois de janvier à mars 2015.

N’hésitez pas à contacter votre correspondant RH pour de plus amples informations.

Les équipes RH et logistiques comptent sur votre compréhension pour la gêne occasionnée durant cette période de travaux.
D'un côté les personnes qui pointent sont souvent celles qui ont le salaire le plus faible et il est compréhensible d'être attentif à leur sort. D'un autre côté ce degré de pinaillage me laissera toujours pantoise. N'ont-ils pas des sujets plus urgents à traiter?

Point Culture

Anecdote relatée par Laurent qui m'autorise à la reproduire ici :

« Dans la salle de gymnastique, deux hommes parlent d'un troisième qui ne serait pas très au courant des choses du football, confondrait des joueurs, ignorerait la composition de certaines équipes, serait incapable de faire d'intelligents pronostics quant à la suite du tournoi de la FIFA.

Le jugement tombe, sans appel :
"Il n'est pas très cultivé."

Tribunal

C'est un peu comme à les feuilletons américains, sauf que c'est dans les tribunaux français : vous vous retrouvez accusés de ce pour quoi vous avez porté plainte.

(Mais bon, c'est très intéressant, chacun devrait aller passer quelques après-midis dans les tribunaux pour comprendre deux ou trois choses de la procédure.)

(Ce billet pour mémoire. Pour ceux que ça intéresse, le jugement sera rendu le 9 septembre).


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J'ajoute des précisions un an plus tard, quand tout cela est en train de devenir du passé et tombe dans l'oubli : il s'agissait de l'audience d'appel en correctionnel. Nous avions gagné en première instance.
Des cas terribles dans la salle, une avocate présente par hasard (et n'ayant donc rien préparé — sans doute son client n'a-t-il pas payé); un homme à la limite de la crise de nerf, c'est la quatrième fois que son audience est reportée; un autre semble avoir tout oublié bien qu'il ait été pris en flagrant de vol de téléphone dans une boulangerie… Drôle de vie que la vie de juge.
Mécontente de ma "performance". J'ai fait l'erreur de me tourner vers JA pour répondre à une question.
En revanche surprise par son avocat qui a ébauché la question "pourquoi n'avez-vous pas fait appel concernant le procès pour diffamation?" et l'a laissée en suspens, sa voix s'amenuisant: de quelle réponse a-t-il eu peur? Ou a-t-il craint que le tribunal n'apprît que JA nous avait insultés après notre plainte?
Déjeuner tranquille avec JY. Patrick est à Kiev.
Passé à l'école où la gardienne me demande des nouvelles de C.

De Melun à Corbeil

En ramant. 25 km; j'en ai ramé 21 — à la nage. J'ai mal partout. Je ne comprends pas pourquoi, même à Venise je n'étais pas dans cet état-là — mais je n'étais pas à la nage.





Je me demande à quoi pense les grands sportifs quand ils ont mal. Mon ex-beauf parlait avec admiration de sa chienne qui «n'avait pas de mental» (moralité il lui a bousillé les cartilages à force de la faire courir avant qu'elle ait fini sa croissance).

Une chose est certaine, c'est qu'à partit d'un certain niveau d'inconfort, se concentrer sur le corps (genre méditation) est à éviter. Il vaut mieux écouter le bateau que soi-même.

Les bords de Seine sont magnifiques.

(Remarque : si vous devez passer le permis remorque, passez-le à Cesson, il paraît qu'il y a là une très bonne auto-école pour cela).

Dormi en rentrant après avoir mis le réveil à 19 heures pour aller voter. Cela n'aura pas empêché le FN d'être à 25%. Je ne suis pas surprise, c'était prévisible. Vu qui je connais que je pensais parfaitement "normal" qui a viré FN, tout me semble possible.
Désormais je n'ose plus parler à des inconnus (à la cafétéria, à midi durant le repas au club de Corbeil,…) en partant du principe qu'ils sont forcément anti-extrême-droite, que cela va de soi. Depuis un moment déjà je présuppose l'inverse: qu'ils sont peut-être d'extrême-droite.

Votez le 25 mai

- pour lutter contre la montée de l'extrême-droite dans toute l'Europe ;
- pour élire pour la première fois au suffrage indirect le président de la Commission qui représentera l'Union européenne pour cinq ans (jusqu'ici, le président de la Commission était nommé par les chefs d’Etat européens).

Procédure :
- Regardez cette vidéo pour vous faire une idée des candidats au poste de président.
- Accédez aux listes de votre région et tâchez de trouver pour quel candidat chaque liste s'est engagée (ce n'est pas toujours le plus facile).
- Votez.

Un dernier conseil : votez efficace. Les petites listes, c'est amusant, mais les problèmes actuels, c'est l'énergie, le réchauffement climatique et le terrorisme. Amusons-nous ailleurs que dans les urnes.

Samedi saint

Un samedi sans TG, sans marché: dormi jusqu'à 11h (11h11?). La grasse matinée est une rareté pour moi. (Je me souviens des enfants petits, quand je me levais avant eux pour avoir quelques minutes pour moi, pour rien, à boire mon thé en écoutant la radio avant que commence la journée, le grand rush pendant lequel il n'y a pas de temps pour penser).

L'expérience Blocher, parce que c'est le film qui passe à Montgeron. C'est à la fois intéressant et décevant. Il faut dire que l'expérience en question est périlleuse: filmer le chef de file de l'extrême-droite suisse sans parti pris. Mais si l'on ne questionne pas, n'interroge pas, n'est-on pas déjà en train de sympathiser? Et si l'on questionne, interroge, n'est-on pas déjà en train de juger? Comment montrer sans parti pris; est-ce possible; est-ce souhaitable?
Un film qu'il faut sans doute voir — en sachant qu'il laisse sur sa faim.

En sortant, je me demande comment Lanzmann aurait traité un tel sujet.

L'informatique pour la transparence

La société L. vend des appareils à verbalisation électronique. Certaines villes en achètent, s'en servent quelques semaines, puis arrêtent et reviennent au traditionnel PV en papier.

— Mais pourquoi?
— Le maire s'aperçoit qu'il ne peut plus faire sauter les PV. Quand c'est électronique, cela part directement au centre de gestion à Rennes, il n'y a plus de passe-droits possibles. Alors quand le maire s'aperçoit qu'il doit répondre non à deux ou trois notables du coin qui ne payaient jamais leurs PV, il fait mettre les verbalisateurs au placard et retourne aux vieilles méthodes.


Ce n'est pas la première fois que cela arrive. L'installation de planning et réservations informatisés de salles municipales dans l'une des plus grandes villes de France il y a quelques années avait rencontré une forte résistance: c'est alors qu'était apparu au grand jour (enfin, à la pénombre, il n'y a pas eu de scandale médiatique) tout un système souterrain de réservations payées de main à la main, permettant de favoriser ses amis et d'enrichir localement les gardiens des clés…

Question

— Alors, ce devoir de math ?
Mes garçons : — Ça n'a pas marché très fort, mais toute la classe s'est plantée, alors…
Ma fille : — Je me suis plantée, je suis nulle, je n'y arriverai jamais. Larmes, désespoir, drame.

Question en forme de sondage : peut-on remplacer "mes" et "ma" par "les" et "la" ?





Et sinon, rendu un livre abîmé à la bibliothèque (je pense qu'il s'est pris du café sur la tête).
— Il était déjà comme ça quand vous l'avez pris? Je ne vois pas de note sur son état.
— Oui, il était comme ça.
— Parce qu'on demande aux gens de nous rembourser les livres abîmés.
— Ecoutez, ce n'est pas moi qui ai fait ça, mais je veux bien le payer pour la collectivité. Mais dans ce cas, je le remporte avec moi!
— Ah non, on le garde, on n'a pas le droit de vendre les livres.

(Et à son avis, quelle est la différence avec le livre qu'on garde chez soi en le déclarant perdu?)

Le tourisme noir

Après Le Berry républicain, extraits d'un article de La Nouvelle République.
Entre génocides et tsunamis le tourisme a ses adeptes.

[…] Depuis quelques années, des tour-opérateurs emmènent les touristes sur ces théâtres de catastrophes, partout à travers le monde.

Se fondant au milieu de ces curieux fascinés par la mort, le photographe Ambroise Tezenas a sillonné le globe pendant quatre ans pour réaliser sa série de clichés Dark Tourism. Ou tourisme noir. Le déclic, il l'a eu au Sri Lanka, en 2004, au moment du tsunami. «J'ai passé une semaine à Telwatta après le déraillement d'un train qui avait fait 1.700 morts », se souvient-il. Quelques mois plus tard, « je suis tombé sur un article disant que le train était toujours là et que des touristes venaient se faire photographier devant».
Comme Telwatta, des dizaines de lieux figés par une catastrophe ont été pris d'assaut par les touristes ces dernières années. Et plus encore par les tour-opérateurs, qui ont flairé un nouveau marché. L'agence britannique Disaster Tourism propose ainsi depuis 2010 des «séjours catastrophe » sur mesure. En juillet, elle s'est empressée d'envoyer un groupe à Saint-Jacques-de-Compostelle, en Espagne, après l'accident de train qui a coûté la vie à 79 personnes. Son site internet s'adresse aux personnes ayant épuisé «leur forfait de vacances banales».

D'autres sociétés font défiler des photographes amateurs sur l'île du Giglio, en Toscane, où gît l'épave du Costa Concordia. Les plus téméraires se rendent à Fukushima, malgré la radioactivité ambiante. Dans la province chinoise du Sichuan, le gouvernement propose des excursions au milieu des ruines laissées par le séisme de 2008. Aux États-Unis, des «Katrina tours» sont organisés à la Nouvelle-Orléans depuis après le passage de l'ouragan en 2005, tandis que Ground Zero est entré dans les guides touristiques.

Ces sites fascinent d'autant plus qu'ils ont acquis une certaine célébrité. «L'attirance pour le macabre grandit proportionnellement à l'intérêt croissant que lui portent les médias et les productions cinématographiques», écrit ainsi le père du concept de dark tourism, le sociologue britannique John Lennon. A sa sortie, La Liste de Schindler, le film de Steven Spielberg, aurait ainsi fait bondir de 15% les entrées au camp d'Auschwitz.

[…]

Dans l'Hexagone aussi, Verdun ou Oradour-sur-Glane font recette. Plus récemment, des centaines de curieux ont afflué sur les côtes vendéennes après la tempête Xynthia, qui avait fait 29 morts en 2010. Une société a même envisagé de créer un train touristique pour sillonner les zones noires. Le projet a dû avorter face aux critiques. Preuve que la France n'est pas encore prête à s'ouvrir au tourisme noir.

Chloé Bossard

Les infos sur France Inter et France Musique

Sur France Inter à six heures et demie durant le petit déjeuner (citation à peu près, de mémoire):
Un homme s'est suicidé dans Notre-Dame pour protester contre le mariage gay. Dans une lettre, il a appelé à d'autres actions inédites et spectaculaires.

Sur France Musique à sept heures en voiture:
L'écrivain Dominique Venner s'est suicidé dans Notre-Dame à 78 ans. Les raisons de son acte ne sont pas très claires mais pour Marine Le Pen il est évident qu'il s'agit d'une opposition au mariage homosexuel.

Je médite trois secondes sur l'information que j'aurais eu en n'écoutant qu'une seule radio (la veille, l'ouragan qui a détruit une ville des Etats-Unis avait occupé le temps d'antenne sur France Inter, tandis que c'était l'actualité internationale (la Syrie) qui prenait cette place sur France Musique. Evidemment, la comparaison n'est pas juste, peut-être qu'à sept heures, heure de plus grande écoute, France Inter fait moins dans l'anecdotique. A vérifier).

Virgin ou la civilisation

Ce qu'il faut lire est ici (je me souviens qu'emmenant mon fils de huit ans à une séance de cinéma à dix heures où le petit déjeuner était offert, je l'avais prévenu du comportement des adultes, car je me disais qu'il serait sans doute choqué de voir les gens se ruer pour un petit pain au chocolat gratuit).

L'homophobie libérée

La loi va passer, les enfants de couples homosexuels vont continuer à aller à l'école, de nouveaux enfants de couples homosexuels iront à l'école.

Mais avec "l'homophobie décomplexée" (approuvée par l'Eglise, je commence à sentir la colère monter en moi (jusqu'ici ce n'était que la honte)), ces enfants vont courir des risques de plus en plus grands.
Et quand ils se seront fait agresser, les antis diront que c'est la faute de leurs parents homos, je suppose.

Ce n'est pas possible d'être aussi con.
J'ai plein d'analogies Godwin qui remontent, et c'est pour ne pas faire du Godwin que je me retiens. Mais comme disait Todorov (introduction de Face à l'extrême), les problèmes moraux rencontrés pendant le nazisme étaient les mêmes que ceux de tous les jours. C'est la conséquence des décisions prises qui était radicale, qui menait à la vie ou la mort.
Mais le choix, accueillir ou rejeter, aider ou dénoncer, voir ou fermer les yeux, est le même tous les jours.

La confusion des sentiments

Appris que l'abominable homme des blogs était passé à la télé pour la journée de la gentillesse.

1/ c'est intensément réjouissant comme illustration du fonctionnement de la télé.
2/ je préfère le savoir là que sur Canal Académie ou dans les cahiers de l'Herne. Amuseur public, c'est davantage sa place.
3/ je suis rassurée sur son état: il n'est pas en train de dépérir.
4/ je suis inquiète des nouveaux moyens de nuire qu'il va découvrir là (et en particulier de nous nuire, bien entendu).
5/ et puis malgré tout, le sentiment d'une injustice, le sentiment que ce monde manque de rectitude. Cependant, je crois vraiment que "si tu t'assois au bord de la rivière, tu verras passer le corps de ton ennemi". Attendons calmement.

La carte vitale du centenaire

Il nous téléphone parce qu'il ne fait pas bien la différence entre la sécurité sociale et sa mutuelle. Sa carte vitale est désorientée depuis qu'il a eu cent ans en juillet, elle ne fonctionne plus.
Je lui dis d'appeler le 3646. Il comprend mal, il entend 3648.
«Il va tomber sur un disque», me dit ma collègue. Je lui conseille de se faire assister par quelqu'un, son pharmacien par exemple. Mais son pharmacien est déjà celui qui s'en est débarrassé en le renvoyant vers nous. J'ai le cœur serré. Je ne comprends pas comment une société qui n'a que le mot "vieillissement" et "seniors" à la bouche peut avoir entièrement basculé du côté du téléphone. Avec l'âge, la plupart d'entre nous deviennent sourds, le téléphone, ce n'est pas le plus pratique. Et la touche étoile et le code confidentiel, c'est déjà agaçant à trente ans, alors à quatre-vingts ou cent…
Ça m'agace et ça me peine.



Acheté des boutons pour le manteau rouge à L'entrée des fournisseurs et pris un goûter au Loir dans la théière avec A. On dirait que les patrons ont changé. La tarte meringuée est monstrueuse.

Caricatures islamistes

En tant que croyante, je n'aime pas le blasphème et les caricatures.

En tant que catholique, je trouverais fort de café qu'on ne se moquât pas de l'Islam sous prétexte que les intégristes posent des bombes et massacrent, alors qu'il y a longtemps qu'on ne se gêne plus pour se moquer d'à peu près tout dans ma religion, depuis qu'elle est devenue à peu près inoffensive, en fait (à quoi on me rétorquera que dans le cours de l'histoire, les cathos… [etc]: certes, mais ce n'est pas de ma faute, et c'est tout de même de ma foi qu'on se moque, c'est-à-dire quelque chose qui n'est jamais si loin d'un affect ou d'une affection).
Donc je remercie solennement Charlie hebdo de ne pas céder à la peur. (J'aime beaucoup cet ancien dessin dans lequel Dieu Mahomet constate: «C'est dur d'être aimé par des cons». C'est un très bon résumé.)

Que penser de la décision de la France de fermer ses établissements publics dans certains pays? Lâcheté ou responsabilité? Je penche pour la deuxième interprétation, malgré tout: une obligation de protéger ses ressortissants, et une façon d'aider les gouvernements des pays en question en ne laissant pas de prise aux attaques.

Rendre le monde plus fou

A bas la société de consommation


Je traduis un article trouvé sur twitter:

Cette lettre a été envoyée par un grand magasin anglais d'Oxford à l'une de ses clientes:

Chère Madame Murray,

Bien que nous apprécions à leur juste valeur vos visites régulières et l'usage de votre carte de fidélité, le directeur de notre magasin envisage de vous interdire, à vous et à votre famille, l'entrée de nos magasins, à moins que votre mari cesse ses excentricités.

Vous trouverez ci-dessous une liste de ses méfaits commis durant les derniers mois, tous attestés par les caméras de surveillance:
- le 15 juin, a pris 24 boîtes de préservatifs et les a distribuées au hasard dans les caddies de clients quand ceux-ci regardaient ailleurs;
- le 2 juillet, au rayon articles ménagers, a réglé les sonneries des minuteurs de façon à ce qu'elles se déclenchent l'une après l'autre à cinq minutes d'intervalle;
- le 14 août, a déplacé un panneau "attention, sol glissant" sur une zone moquettée;
- le 4 octobre, a utilisé l'objectif d'une caméra de sécurité comme miroir pour se curer le nez;
- le 3 décembre, a parcouru tout le magasin en regardant autour de lui avec méfiance et en fredonnant audiblement le thème de "Mission impossible";
- le 18 décembre, s'est caché entre des vêtements suspendus en criant «Attrapez-moi, attrapez-moi!»;
- le 23 décembre, s'est enfermé dans une cabine d'essayage, puis a crié très fort: «Il n'y a pas de PQ ici».

Veuillez agréer nos sincères salutations,

Le directeur du magasin

Repéré par Derrick Soo


Le livre des questions (version pas très sérieuse, j'en ai peur)


J'aime beaucoup le septième livre. (Surprise de voir apparaître ici Roger-Pol Droit…) J'aime bien l'idée aussi de voir la tête de gens dans le frigo (livre 3) : 241543903(ceci est la raison (enfin, l'une des) pour laquelle j'aime les Américains: cette façon de s'amuser ensemble sans avoir besoin de savoir qu'ils ne seront pas seuls à agir ainsi, sans avoir peur du ridicule… (Et ça y est, je viens de comprendre ce que c'est qu'un "MEME".))

Aération des préjugés

Les 50 ans de Vatican II.

— Où étiez-vous le 11 octobre 1962 ?

La question est revenue comme une antienne, les réponses ont été variées, plutôt drôles. Ce qui me fait rire, c'est de contacter le décalage entre mes préjugés et la "réalité" (enfin, réalité? une autre manière d'envisager les choses). Pour moi, Vatican II était quelque chose d'un peu zazou, hippie (une participant dira drôlement: «Soyons clair: Vatican II N'EST PAS responsable de mai 68», et c'était drôle, tant tout ce qui avait été dit avant le prouvait (l'ecclésiologie, la réforme de la liturgie, l'étude biblique, le subsistit (beaucoup aimé le subsistit),…); il se contentait de se moquer ou de se défendre d'un préjugé de société que sans doute personne ne partageait dans la salle — sauf moi, vaguement: la fin du latin, de l'autorité, de la pudeur et de la retenue, etc, etc?)

Hervé Legrand intervient en fin de journée. C'est pour lui, c'est à cause de son nom, que je suis venue: quinze ans après, 1997 peut-être, en mars c'est sûr. C'était aux Fontaines, le centre jésuite vendu depuis à Cap Gemini, je crois.

Déjeuner au O'Neil dont j'ai le plaisir de constater qu'il a bien tourné: c'était un lieu bruyant, plutôt touristique, attractif, c'est devenu un restaurant de quartier, calme, bienveillant, au service rapide et à la musique discrète (du jazz, principalement).

Le soir, la Russie au Centre Sèvres avec Patrick. Chronologie de la résistance d'une certaine classe de la population qui s'appuie sur le droit et l'humour pour contrer ce qu'elle désapprouve.

Illumination

Dédié à Guillaume.

Mon amie Agnès est professeur d'histoire en lycée technologique. Lors d'un voyage à Berlin, elle fait visiter je ne sais plus quel musée à ses élèves et explique devant la photo de Jesse Owens que Hitler aurait refusé de lui serrer la main.

C'est alors que les yeux de Jennifer se dessillèrent et qu'elle dénonça outrée:
— Mais Madame, c'est pas bien, Hitler, il était raciste!

Panique tendance folie (ou: ça devient n'importe quoi)

Dans ma boîte mail ce matin un message du secrétariat du collège:

Madame, Monsieur,

L'envoi d'un message concernant la présence d'un véhicule aux abords du collège a déclenché une vague de panique. Nous vous remercions de votre collaboration mais nous vous demandons de ne pas signaler systématiquement la présence de ce type de véhicule. En effet, cela gêne le travail de la police. D'autant plus que, après enquête, les faits ne sont pas avérés.



Cordialement,



Le secrétariat

Voila qui me rappelle la fin de cet article de Libération il y a quelques jours, quand un homme est mort (crise cardiaque) simplement parce qu'il ne plaisait pas aux parents d'une école maternelle:

La rumeur a fait un mort lundi à Brest. Un retraité de 65 ans, ancien ouvrier de l?arsenal, soupçonné à tort de pédophilie par des parents d?élèves de l?école maternelle Auguste-Dupouy du quartier de Bellevue, un quartier populaire à la périphérie de Brest.
[?]
Mais pour une mère, la mort du retraité est «un mal pour un bien», car il lui faisait peur et «n?avait rien à faire à côté des écoles».

Pierre-Henri Allain, Libération, La mort d?un marginal taxé à tort de pédophilie, 1er décembre 2011

Je ne veux pas savoir ce que cette mère va apprendre à ses enfants.
Je déteste cette société de la peur.

Far West, Berry profond (extrême centre)

Ma tante (la sœur de ma mère) me fait rire :
— Elle nous disait tout le temps qu'elle ne savait pas comment elle grossissait qu'elle ne mangeait rien. Mais on a finit par savoir le fond de l'affaire: elle buvait un à deux litres de lait entier par jour qu'elle allait chercher à la ferme. Alors j'ui ai dit: «Mais enfin, Roselyne, le lait, c'est avec ça qu'on engraisse les veaux!…»

Ma tante me fait peur. Je n'arrive pas à faire la part de l'irritabilité, de la paranoïa, et du véritable harcèlement. Quand elle parle de sa vie, j'ai l'impression d'être arrivée dans un de ces westerns où une bande de blancs-becs terrorisent les paisibles habitants d'un minuscule village.

Les adolescents sur leur mobylette, qui discutent jusqu'au milieu de la nuit, c'est agaçant, mais elle a le sommeil très léger et habite à côté de la place («Le Plassis») où ils se réunissent: faut-il prendre ses jérémiades au sérieux?
Mais les filles de treize ans qui s'amusent à déplacer les fleurs et les plaques sur les tombes et à les mélanger, la boîte à lettres de ma grand-mère arrachée et abandonnée à deux cents mètres de là sur la place, les tuiles de la salle des fêtes jetées à bas du toit (et l'adjoint au maire qui refuse de porter plainte de peur de ne pas se faire réélire)?
Personne ne dit rien, les plus faibles craignent les représailles, les plus forts rient que ce n'est pas bien grave.
Ma tante est dans un état de nerfs lamentable, résignée et exaspérée.

— Tu ne peux pas aller dormir chez mémé? Tu seras plus loin de la place, tu ne les entendras pas.
— Oh tu sais, maman, je m'en occupe déjà toute la journée, alors le soir… Elle fait un geste de la main pour montrer qu'elle en a "jusque là", au niveau du cuir chevelu.
— Mais qu'est-ce qu'on peut faire, alors?
— Rien. Il n'y a rien à faire.

J'ai tout de même insisté pour qu'elle aille déposer une main courante. La boîte aux lettres arrachée, c'est un acte réel, concret, pas une interprétation de vieille dame acariâtre. Il n'y a qu'une poignée d'enfants dans le village. Il serait facile de faire faire quelques travaux d'utilité publique aux coupables.

Ce qui m'étreint, ici, c'est l'ennui de ces adolescents entre treize et dix-huit ans. Qu'est-ce que je peux faire? Ch'ais pas quoi faire.

liens

  • Japon
Semaine Japonaise à l'ENS du 26 au 29 avril 2011. (Attention, certains ateliers nécessitent de s'inscrire au préalable.)




- des bateaux
- une analyse des risques de catastrophes naturelles au Japon publiées en mars 2010. (Traditionnellement quand il s'agit de prospectives je recommande les analyses des sociétés de réassurance (l'assurance cherche à ne pas perdre d'argent, et non à en gagner: elle n'a pas la même vision du risque)).
- la fission.

  • un lien geek
histoire et actualité des jeux vidéos.

  • divers
- un rapport sur la prostitution
- un récapitulatif des meilleurs blogs économiques (anglais)
- Isidore, plateforme des sciences humaines et sociales du CNRS
- des documents sur Lacan
- les Cantos de Pound.

*dessins
œuf dur, la disparition des télécommandes, addict au feutre, fromage bleu, cœur.

Le droit

François paraissait très malchanceux. Il s'écoulait rarement un trimestre sans qu'il n'ait un accident, un accrochage, en voiture. Peu à peu, nous finîmes par comprendre pourquoi: si c'était son droit, il passait. Estimez rapidement le nombre de portières que cela peut coûter en terme de priorités à droite refusées.

Je me souviens avoir révolté un homme lors d'un dîner. Il était breton et plaidait pour les traditions. «On sous-estime les traditions. Elles garantissaient un monde plus chaleureux où l'entraide jouait un grand rôle. Par exemple, une veuve de marin était soutenue par le village, on l'aidait à élever ses enfants (etc)...»
Habituée à me représenter la vie dans les petits villages (une certaine expérience), j'objectai: «Oui, à condition que cette veuve acceptât les conditions du village. Que se passait-il si elle prenait un amant, par exemple, ou si elle souhaitait mener sa vie à sa guise? Les traditions, c'est aussi une manière de mettre l'individu sous la tutelle de la communauté. Le droit crée un monde plus froid, mais il garantit une certaine liberté.»
L'homme était absolument furieux.

Droit défensif, droit offensif, un certain rapport à la liberté individuelle et au bon sens.

Potiche

La première minute, Blanche-Neige kitsch, annonce clairement la couleur: tout cela ne devra pas être pris trop au sérieux, et les dialogues parfois un peu creux un peu forcés un peu récités (c'est du théâtre, est-il volontaire que cela se sente imperceptiblement par instants?) ne feront pas oublier la loufoquerie de l'ensemble, et une certaine... hum, nostalgie est trop fort, pas de nostalgie (non, pas du tout, comme tout était lent et vide), mais plaisir, plaisir certain, à retrouver quelques minutes cette tranche de passé que nous (ceux qui ont au moins mon âge!) sommes capables de reconnaître.

J'ai beaucoup aimé voir Gérard Depardieu et Catherine Deneuve danser ensemble, j'ai aimé imaginer leur complicité dans la maîtrise partagée de leur métier et la conscience réciproque de ce que l'autre a traversé depuis le début de sa carrière pour se retrouver là à faire les pitres ensemble...

Une usine de parapluies: les Parapluies de Cherbourg?
Intéressant, les questions laissées sans réponse, ou avec trop de réponses possibles. (Bon, je ne spoile pas).
Féminisme, prise de conscience des femmes? Dans les entreprises familiales de province, cela n'a pas évolué tant que cela (ni les rapports sociaux, d'ailleurs).

Catherine Deneuve a des jambes parfaites, mais si Depardieu grossit encore il va nous faire une crise cardiaque.

La lutte

Pourquoi et avec qui évoquai-je cette excellente anecdote que j'avais découverte chez Damien? (Plus de deux ans... incroyable.)
Je recopie, pour ne pas perdre, et fais une note mentale pour ce Ringolevio:

«Our revolution will do more to effect a real, inner transformation than all of modern history's revolts taken together ! . . . In no stage of our advance, in no stage of our fighting must we let chaos rule ! . . . Nobody can doubt the fact that during the last year, a revolution of the most momentous character has been swelling like a storm among the youth of the West. Look at the strength of awareness of the young people today ! Look at our inner unity of will, our unity of spirit and our growing community of thought ! Who could compare us with the youth of yesterday ? We are unanimously convinced that strength finds its expression not in an army, in tanks and heavy guns, but rather ultimately expresses itself in the common working of a people's will ! The will that is uniting our groups with the conviction that men and women must be taught the feeling of community to safeguard against the spirit of class warfare, of class hatred and of class division ! . . . We are approaching a life in common, a common life of revolution ! A common life to work for the revolutionary advancement of peace, spiritual prosperity and socialism ! Toward a victorious renewal of life itself ! . . . Our job is to wake everyone up and do away with illusions ! So that when the people are finally awakened, never again will they plunge into sleep !
«The revolution will never end ! It must be allowed to develop into streams of revolutions and be guided into the channel of evolution . . . History will judge the movement not according to the number of swine we have removed or imprisoned, but according to whether the revolution has succeeded in returning the power to the people and in the bridling of that power to enforce the will of the people everywhere ! . . . Power to the people !»

Acclamation triomphale, standing ovation - Grogan reste immobile, attend que le silence revienne - Il explique alors qu'il refuse les applaudissements, parce que ce discours n'est pas de lui : il a été tenu pour la première fois au Reichtag en 1937 et son orateur était Adolf Hitler - Personne ne moufte - Emmett Grogan s'empresse de filer, alors que la foule, soudain consciente de l'entourloupe, explose de rage, casse tout et met le feu, déchaînée contre celui qui lui avait malicieusement désigné la duplicité de toute ronflante phraséologie révolutionnaire.

(Cette anecdote se trouve dans Ringolevio d'Emmett Grogan, à lire absolument pour une connaissance lucide des sixties...)

Chroniques de l'incrédulité

Rappel: billet pour mémoire, archives en vrac. Le 24 février 2008 j'écrivais : «Bien. Je vais utiliser une forme à laquelle je pensais depuis quelques temps, le post baladeur: un seul post sur un thème, mis à la date du jour du dernier jour. Cela m'évitera d'ouvrir une rubrique "Sarkozy".<br /> J'ai entendu Sarkozy pour la première fois la semaine dernière (si si c'est possible), il a la voix, l'attitude et les mimiques assorties aux lunettes de soleil et à la gourmette, faut-il se réjouir de la cohérence du réel?<br /> Je note donc les dernières en date, pour mémoire, puisque ce blog a aussi (ou avant tout? non peut-être pas, finalement) une valeur d'archives.»<br /><br /><br /><br /> Il s'agit donc d'un billet qui s'allonge (malheureusement) au fil du temps.<br /><br /><br />

<b>15 février 2008 : Une indécence pour couvrir une imbécillité</b><br /> Je n'ai pas spécialement l'intention de me mettre à suivre les stupidités présidentielles. Cependant, la dernière en date ("adoptez un petit juif de la Shoah") me paraît si répugnante que je vais la noter ici, afin d'en conserver une trace. <br /> De même je note le soupçon qui m'est venu aussitôt venu à l'esprit : s'agirait-il de créer un agitation telle qu'elle couvre la bêtise du premier interview de Mme Bruni-Sarkozy? (J'avais bien dit que son plus grand charme était son silence.) <br /> Après tout, les mêmes sphères sémantico-historiques sont concernées.

<blockquote>Une phrase de la première interview que Carla Bruni-Sarkozy accorde depuis son mariage a suscité hier quelques remous. A propos du SMS que Nicolas Sarkozy aurait envoyé à son ex-femme, la première dame de France affirme, dans son entretien à « L'Express Â», que « Le Nouvel Observateur Â» (dont le site a publié l'information) « a fait son entrée dans la presse people. Si ce genre de site avait existé pendant la guerre, qu'en aurait-il été des dénonciations de juifs ? Â» Le directeur de la rédaction du « Nouvel Observateur Â», Michel Labro, a aussitôt estimé sur Rue89 que cette interprétation était « parfaitement hallucinante, assez incroyable et pathétique…, parfaitement imbécile Â». Soucieuse de calmer le jeu, Carla Bruni a indiqué hier être « extrêmement désolée Â» si elle a « pu blesser quelqu'un Â».

<br /><br /><i>Les Echos</i>, <a href="http://www.lesechos.fr/info/france/4687019.html">le 14 février 2008</a></blockquote>

<b>semaines précédentes</b><br /> L'affaire du stylo (<i>février 2008, Sarkozy empoche un stylo-plume lors d'un voyage officiel en Roumanie</i>), les déclarations sur les rapports de l'école et de la religion (<i>semblant reconnaître une prééminence de l'Eglise dans l'éducation</i>) (je n'en reviens toujours pas que les musulmans n'aient pas saisi l'occasion pour remettre le voile sur le tapis et exiger des écoles non-mixtes: quelle manque de réactivité), cette histoire de secte pas très claire… J'en oublie, c'est certain. <br /><br /> <b>semaine du 18/02/2008 : pression sur le président de la Cour de Cassation</b> - Intervention auprès du président de la Cour de Cassation pour lui demander de faire appliquer une loi dans un sens réprouvé par le Conseil Constitutionnel.<br /> - Nomination de Christine Ockrent à la tête de France Monde. (La presse européenne se moque de nous ou est choquée).<br /> - L'analyse d'un journaliste d'<i>El Pais</i> <a href="http://www.rue89.com/2008/02/21/courrier-international-et-sarkozy-lagardere-censure-aussi">traduite par <i>Courrier international</i></a> est menacée de censure par Lagardère (je copie/colle au cas où le lien ne serait pas pérenne):

Le groupe Lagardère a réussi à faire encore plus fort que Métrobus, la régie publicitaire de la RATP: dans des boutiques Relay de tout le pays, les employés ont dû plier le haut de l'affiche pour que ce titre sacrilège n'apparaisse pas: "Vu de Madrid, Sarkozy ce grand malade". Quand le ridicule se joint à la censure...
Cette inventivité s'explique simplement: Lagardère (propriétaire des Relay) a laissé la direction du magazine face à une alternative. Soit les affiches partaient à la poubelle, soit elles devaient être pliées. Courrier International, qui ne souhaitait pas gaspiller entièrement ses frais de promotion, a préféré plier. Ces affiches, de format vertical contrairement à celles censurées par Métrobus (lire ci-dessous), sont donc visibles à 600 exemplaires dans des Relay en France. Mais le haut est caché!
article de Rue 89

PS: penser à acheter Courrier international ce cette semaine.

6 mars 2008 : Quand les Allemands ont de l'humour.

J'hésite entre la honte et l'éclat de rire. Au cas où le lien se rompe, j'explique: il s'agit d'une vidéo dans laquelle Angela Merkel offre un stylo à Nicolas Sarkozy, l'un des accompagnateurs allemands précisant: "je crois que vous en faites collection".

26 mars 2008 : En revanche, les Anglais ne sont pas toujours des gentlemen.

Lors de la première visite officielle des Sarkozy en Angleterre, un tabloïd afficha une photo de Carla Bruni nue, datant de ses années de mannequin. (Cette visite fut par ailleurs un succès).
Perfide Albion!
(Je trouve cela tout à fait unfair.)

14 juillet 2008 : Une Légion d'honneur déshonnorante

Nicole Choubrac, vice-présidente chargée des affaires familiales au tribunal de grande instance de Nanterre, avait réglé la séparation du couple Nicolas-Cécila Sarkozy en octobre 2007.
Elle a été nommée chevalier de la Légion d'honneur lors de la promotion du 14-Juillet sur le contingent du ministère de la justice.
[source: Le Monde du 16 juillet 2008, p.8]

28 octobre 2009 : "Nicolas Sarkozy aurait mieux fait de nommer son fils à la Cour des Comptes"

Ce billet étant tombé dans l'oubli, j'avais renoncé à l'exhumer pour #jeansarkozypartout (c'est par ce tag que j'ai découvert l'affaire sur twitter, un soir à Cerisy, sans bien comprendre ce qui se passait).
Le rapport de la Cour des comptes et la douche à 245 572 euros m'aura fait changer d'avis.
- La présidence française de l'Union européenne a coûté 171 millions d'euros, soit à peu près le double de ce que dépensent en moyenne les autres pays lorsque c'est leur tour.
- Début octobre, Jean Sarkozy, 23 ans, en deuxième année de droit, était pressenti pour devenir président de l'Epad, provoquant un tollé chez les gens sérieux, le rire chez les gens pas sérieux (jusqu'en Chine...). Charles Bremner parle de République bananière.

juin 2010 : Ça devient inquiétant

Il s'agit de moins en moins des frasques plus ou moins privées d'un garçon mal élevé, mais bien d'une conception de la vie ahurissante et malhonnête qui entâche toute la sphère politique.
- Sarkozy se penche sur le football plutôt que sur les scandales qui touchent ses ministres, Madame Boutin et M. Woerth (par épouse interposée). Je note, toujours en cas de disparition des sources sur le net: «Les enregistrements pirates d'un maître d'hôtel indélicat révèlent les liens qui unissent Liliane Bettencourt (ou son entourage), Nicolas Sarkozy et le couple Woerth. Problème : l'héritière L'Oréal dispose aussi de comptes en Suisse...» Liliane Bettencourt a porté plainte. «Mais, alors que nos confrères de Mediapart sont assignés jeudi par la milliardaire et son conseiller, et sommés de retirer les conversations sous peine d'une astreinte de 10 000 euros "par heure de retard et par extrait", la question qui domine toutes les autres est simple : le public a-t-il intérêt à avoir connaissance de ces informations ? Et la réponse l'est tout autant : c'est oui. Les conditions de l'embauche de l'épouse du ministre du Budget au service de la milliardaire, la connaissance précise qu'avait Mme Woerth de l'évasion fiscale pratiquée par cette dernière, à l'heure où son mari multipliait les moulinets contre les comptes en Suisse, sont des sujets d'enquête d'intérêt public. Ne nous y trompons pas : contrairement aux termes hypocrites des deux assignations, ce n'est pas pour avoir violé la vie privée, que Mediapart est assigné. Meilleure preuve : comme c'est curieux, les plaignants n'assignent pas Le Point, qui a pourtant choisi, dans les mêmes conversations, des passages touchant bien davantage à la vie privée de la milliardaire et de son cher photographe, en prenant garde d'expurger tout ce qui pourrait éclabousser le couple Woerth.»
L'affaire vue de l'étranger, par La Tribune de Genève.
- (Passons sur les émoluments de Christine Boutin et les cigares de Christian Blanc).
- France Inter remercie Didier Porte, Stéphane Guillon et (ce n'est pas encore sûr à l'heure où j'écris), François Morel. Ce n'est pas que je les regretterai tant que ça (je n'écoute pas France Inter), mais est-ce vraiment normal?
- Une loi visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d'intérêts des élus locaux.

Grève: je suis contre

Ça m'agace cette grève pour les retraites. Le Livre blanc sur les retraites de Rocard date de 1991. Cela fait vingt ans qu'on aurait pu faire quelque chose, c'est-à-dire allonger la durée de cotisations. Je sais bien que ce n'est pas drôle, mais d'une part je suis autant concernée que la plupart des grévistes (et vu mon âge je m'habitue plutôt à l'idée que je n'aurais jamais de retraite telle qu'on la conçoit aujourd'hui, c'est-à-dire une étendue de grandes vacances, de temps libre), et d'autre part, ne pas cotiser suffisamment (par rapport aux équilibres budgétaires nationaux) entraîne une baisse tendancielle des pensions de retraite qui obligent de vieilles personnes, à 67 ans ou plus, à chercher désespérément des petits boulots pour survivre.
Qui peut souhaiter cela?

Il s'agit d'une première réforme. Il y en aura d'autres, par d'autres gouvernements. Il faut tendre à la transparence et à l'uniformisation des régimes. Seule la pénibilité est une raison de s'arrêter plus tôt.

Un livre en ligne de Thomas Piketty : Pour un nouveau système de retraite.

Délation institutionnelle

Billet simplificateur (ou simplifié): je donne les principes:

La CNIL interdit à l'Etat de pouvoir identifier ses citoyens sous un numéro unique (comme le numéro de Sécurité sociale, par exemple. D'ailleurs ce numéro de SS est tabou, on se demande pourquoi. Ainsi les entreprises vous donnent un matricule, elles n'ont pas le droit d'utiliser le numéro de SS… indispensable par ailleurs pour gérer les relations avec les différents organismes sociaux).
C'est gentil, ça part d'un bon sentiment. On se demande à quoi cela peut bien servir (le jour où un dirigeant mal intentionné voudra rapprocher les différents fichiers, cela ne lui prendra pas beaucoup de temps, surtout aujourd'hui), mais c'est touchant, cette volonté "de ne pas reconduire les erreurs du passé" (sachant que les listes de juifs en 40 et 41 ont été constituées par appel à la population: obligation d'aller se faire enregistrer. Quelle différence avec déposer un dossier à la préfecture quand on est sans papier? On est dans le déclaratif, la démarche volontaire, pas besoin de fichier préalable pour cela.)

La lutte anti-blanchiment/anti-terrorisme (dite LAB-LAT) fonctionne à contre-courant de cette démarche. Elle impose aux entreprises opérant dans certains secteurs dits sensibles (la banque, l'assurance, etc) de s'informer sur l'origine des fonds déposés (héritage, gain au loto, vente immobilière, honoraires, contrat important, etc)1, mais plus encore, d'avoir une "vision globale" de leurs clients, c'est-à-dire de savoir regrouper les informations qu'elles détiennent sur chacun d'eux à travers leurs différents comptes, contrats et produits de placement, dans différents endroits de France ou de la planète. Ces entreprises doivent déclarer à Tracfin les fonds dont l'origine est inconnue (dont le client refuse de dévoiler la source), mais aussi les comportements louches (le plus souvent des opérations de placement dont le dénouement précipité fait penser à du blanchiment).

Auparavant, cette vigilance constante ne concernait que certains types d'opérations finalement assez rares dans une vie ordinaire de petite banque de province ou de mutuelle niortaise. Mais désormais doit être déclarée toute opération qui, si elle était frauduleuse, serait passible d'au moins un an de prison: cela étend le champ de la vigilance à la fraude fiscale, beaucoup plus courante que le financement du terrorisme…

Cela revient à attendre des banques et des assurances qu'elles se transforment en un vaste réseau de délation organisée.


Note
1 : Ce qui m'agace, c'est que l'Union européenne a refusé de mettre cette mesure en place au moment du passage à l'euro, alors que cela aurait été l'occasion rêvée de mettre la main sur les gros trafiquants… ou tout au moins d'assécher leurs capitaux en les empêchant de les convertir facilement.

Plus rien ne va de soi

Je découvre mi-agacée mi-amusée "l'exigence de conformité" dans les secteurs de la banque et de l'assurance.

Autrefois, on partait du principe que les individus se lavaient les mains, que les spectateurs écoutaient silencieusement les films au cinéma et que les entreprises respectaient la loi.
Aujourd'hui le ministère de la santé vous apprend à vous laver les mains, les salles de cinéma tournent des clips pour vous apprendre des règles élémentaires de politesse et de nouvelles normes internationales (Solvabilité II et Bâle II) prévoient que les banquiers et les assureurs mettent en place des fonctions pour prouver qu'ils se préoccupent de respecter les lois.

Photo d'époque

Dans les marges de la lecture de ''L'Amour l'Automne'' (cf.p.38):

— La Dyane, c'était mieux que la deux-chevaux, non?
— Oui, c'était la frange supérieure de la classe moyenne inférieure.
— Tu as raison. Je me souviens que mes copines étudiantes avaient une deux-chevaux, puis quand elles devenaient institutrices elles avaient une Dyane.




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(Je précise six ans plus (22 février 2015) : premier cruchons hors de chez Rémi, au Bouillon Racine (bien entendu, il n'est pas venu, il attendait sa femme de ménage). La conversation ci-dessus avait pour protagonistes Patrick et Pascal.)


(Mais comment sommes-nous parvenus à l'insulte: «hétéro-trotskyste ! » ? )

Voiliers

Comme dirait Louis XVI, "rien".
Du vélo, des vélos, il fait froid. Beaujolais nouveau, pas trop mauvais, réchauffant.

Pascal Perrineau analyse l'opinion des Français face à "l'ouverture" (mais le mot ne sera jamais défini. Par recoupement, on déduira qu'il s'agit du contraire du protectionnisme ou du conservatisme): rien de transcendant, même pas de quoi remplir un billet, mais il est drôle. Le grand clivage entre les Français aujourd'hui n'est plus la classe sociale ni l'opinion politique, mais la réponse donnée à la question «A votre avis, la mondialisation est-elle plutôt une chance pour la France?» 51% des Français répondent non, 48% oui.

L'eurobaromètre permet de poser les mêmes questions dans tous les pays de l'Union européenne. Les Français font souvent partie des plus pessimistes. Nous sommes les premiers consommateurs d'antidépresseurs au monde.

En passant devant l'hotel Lutetia, je remarque un tourbillon derrière une vitre:


Il s'agit de minuscules bateaux en papier.


Je n'ai pas retenu le nom de l'artiste, ce n'était d'ailleurs pas très clair. Ricardo quelque chose, sans doute.

Supporters dans l'Antiquité

Lors des courses de chars organisées à Constantinople sous l’Empire romain, les tribunes étaient occupées par des spectateurs, qui prenaient déjà activement part au spectacle. Ils avaient constitué deux camps, les Bleus et les Verts, véritables groupes de supporters des deux principales équipes de chars. Pline le Jeune s’étonnait que la principale préoccupation des spectateurs soit non pas tant les capacités des conducteurs de chars ou des chevaux que la couleur de l’équipe gagnante ! Procope partage cette incompréhension dont il fait état dans son «Bellum Persicum»: «de longue date le peuple était divisé dans les villes [byzantines] en Bleus et Verts, mais il n’y a pas longtemps que, pour ces dénominations et pour les gradins qu’ils occupent pendant le spectacle, les gens dilapident leur argent, s’exposent aux pires violences physiques et n’hésitent pas à affronter la mort la plus honteuse. Ils luttent contre ceux qui sont assis du côté opposé (…). Est donc née entre eux une haine qui n’a pas de sens, mais qui reste pour toujours inexpiable». L’armée était ainsi régulièrement appelée à la rescousse afin de mettre fin aux désordres liés à la violence des supporters, et son intervention aurait sauvé de justesse le règne de Justinien en 532.

extrait d'un rapport du Sénat, Faut-il avoir peur des supporters?

Pourquoi les pdblogs ?

Ce fut la question de Gvgvsse, me regardant dans les yeux, attendant visiblement une "vraie réponse", quand je le rencontrai en mai 2005.

Evidemment, la réponse qui vient est "Pourquoi pas?"
L'autre est "Quelle question bizarre, pd n'a jamais été un critère, je ne choisis pas selon ce critère".
La vraie réponse est «Je ne sais pas».
L'autre réponse est «Je ne l'ai pas fait exprès» ou «c'est un hasard» (une recherche sur versatile qui m'a fait tomber sur un billet de Matoo).
La dernière réponse possible est «c'était peut-être inévitable pour une lectrice de Renaud Camus». (Absurde: j'ai commencé par Du sens et Répertoire des délicatesses du français contemporains, qui sont très neutres de ce point de vue: je le répète, l'homosexualité n'est pas un critère de choix).

Quoi qu'il en soit, la question de Gvgvsse a continué de me turlupiner: est-ce que c'était bizarre, de ne lire que des blogs pd? Evidemment, la raison principale du phénomène, c'est qu'ayant commencé par lire Matoo, puis ayant circulé dans ses favoris, I was trapped. Finalement, celui qui m'a permis de sortir de cet enfermement, c'est Philippe[s] (trouvé, lui, par une recherche Google avec "Renaud Camus" en mots-clé), car ses favoris sont d'une autre nature (qui détermine un monde tout aussi clos).

Mais la question reste, ou plutôt est ré-avivée, quand un ou deux de "mes" lecteurs masculins hétéros m'avouent ne pas accrocher avec mes blogueurs favoris. «Tant pis», pensé-je avec philosophie, ou «ça ne m'étonne pas», si je suis d'humeur sardonique.
Je me souviens de la surprise de Matoo, et aussi de quelque chose qui ressemblait à du soulagement, quand papotant pour la première fois ensemble, il s'exclama «mais t'es pas une fille à pd, alors», me laissant interloquée (mais qu'est-ce que c'est et pourquoi préfère-t-il que je ne le sois pas?). Plus tard, au cours d'une soirée, un certain Yann me peignit un tableau moqueur de la FAP: «Ça commence à l'adolescence, elles sont grosses, moches,…» C'était méchant et moqueur, et j'ai plaint ces filles dont j'ai soupçonné le besoin de chaleur humaine et d'amitiés gratuites (mais après tout je n'en sais rien, ces mondes-là me sont à peu près inconnus). Mais bon, Yann, c'est spécial (pas du tout mon genre, mais ça me ferait bigrement plaisir de le revoir parce que par une de ces alchimies inexplicables, on s'amuse bien (les mêmes dispositions naturelles à la langue de vipère, je suppose).)

Récemment, j'ai lu une phrase de Kozlika qui m'a arrêtée: «Ah tiens, c'est bien la première fois que je me sens d'emblée si à l'aise avec un hétéro.»
Je ne dirais pas ça mais je comprends parfaitement ce qu'elle veut dire. Ce qui m'ennuie, c'est que je suis incapable de l'expliquer.
Pourquoi ne serait-on pas spontanément à l'aise avec un hétéro? «Méfiance, méfiance, mais qu'est-ce qu'il me veut?»
Pourquoi serait-on spontanément à l'aise avec des homos? (ce qui n'est pas mon cas, d'une part parce que je n'ai pas de "gaydar", je suis même totalement nulle (ce genre de catégorisation ne m'a jamais intéressée), d'autre part parce qu'il y a a des homos avec lesquels je suis très mal à l'aise…)
La distinction de Kozlika est inopérante dans mon cas. Mais cependant… Il existe un soulagement (qui doit paraître incompréhensible à beaucoup) à NE PAS être l'objet d'intérêt principal. Je me souviens de mon amusement à constater que mes hommes préférés étaient finalement les hommes amoureux (d'une autre), les hommes passionnés (d'un sujet), les prêtres (qui peuvent entrer dans la catégorie précédente), bref, ceux qui n'ont d'autre intérêt à parler avec moi que le désintéressement et leur propre passion.
Il est possible que je sois une exception, comment savoir, puisque je ne parle pratiquement qu'avec des garçons (comme dirait Kozlika) depuis toujours, sports et maths obligent.

Finalement, j'aurai passé mon temps à faire oublier que j'étais une fille jusqu'au moment où je me serai rendu compte que ce n'était pas réellement possible, et qu'une paire de talons et un peu de maquillage et un sourire pouvaient obtenir beaucoup de choses1, ce qui est, avouons-le, profondément décevant.

Enfin, j'ajoute que la phrase de Kozlika m'a rappelée les phrases de Nuruddin Farah: «Les femmes sont comme les fourmis, elles ont développé une sensibilité au danger, elles ont développé des antennes comme les fourmis pour interpréter un sourire, un cadeau… (un cadeau n'est jamais gratuit)». Nuruddin Farah m'a profondément étonnée, j'ai eu l'impression qu'il avait compris quelque chose : «il va falloir payer» est une arrière-pensée inconsciente, les femmes (ou juste moi?) ne croient pas beaucoup à la gratuité… Je me souviens de Marilyn Monroe, qui sortait draguer dans les bars pour s'assurer de sa séduction (oh ce doute des femmes), et qui disait toujours oui en posant pour seule condition «d'être gentil». Cette condition est si triste.

Parfois je me dis que je suis complétement folle, très très parano (j'ai au moins un ennemi pour le penser) et que c'est totalement ridicule. D'autre fois je me dis qu'un homme blanc hétéro dans la société occidentale, c'est-à-dire dans une société entièrement taillée à sa mesure depuis des siècles, ne peut pas voir la société dans laquelle il vit, comme un poisson ne peut avoir conscience de l'eau, et je le plains un peu.



Note
1 : reconnaissons la grande complicité avec certains (généralement la catégorie "amoureux d'une autre") qui vous voient faire, le savent, et s'offrent le plaisir de céder malgré tout (je parle de sujets professionnels) tandis que je sais qu'ils savent et qu'ils savent que je sais… Cette complicité-là est merveilleuse. (En plus simple, il y a tous les gestes de la galanterie ancestrale qu'une bonne féministe devrait refuser mais que je trouve si agréable en compagnie d'un homme intelligent.)

Jack Bauer

— Rendez-moi ma fille ! Où est ma fille ?!
— Je veux protéger ma famille !
— Passez-moi le Président.

C'est très agréable de vivre sans télévision : on découvre tout avec quatre ans de retard, toujours par hasard et via les séries préférées des uns et des autres. C'est ainsi que je n'ai jamais vu Les Guignols, mais qu'à la grande époque (il y a dix ans, quinze ans ? Putain?) j'avais un ami qui les imitait à la perfection (du moins je suppose, puisque je ne connais pas les modèles), qu'en 1996 j'avais un collègue passionné de la série Urgences, qu'il y a dix-huit mois j'ai trouvé chez Matoo et Ron des commentaires sur Six Feet under qui m'ont intriguée…

En mai dernier, à l'occasion d'un anniversaire, nous nous vîmes offrir les trois premières saisons de 24 heures chrono. J'ai donc passé cinquante-quatre heures de ma vie durant les six dernières semaines à regarder transpirer et s'époumoner Jack Bauer. Je suis fatiguée.

Avant écrire quelques lignes à propos de ce passionnant sujet, jiai fait un petit tour sur les blogs afin de ne pas répéter ce qui avait déjà été écrit. Cela m'a confortée dans mon impression d'être perpétuellement décalée, puisque Sébastien Benedict parlait de Jack Bauer dès octobre 2004, mais cela m'a également permis de constater qu'à la faveur de la saison 5, la série était d'actualité.

Alors doncque, pourquoi en faire un billet ?
Parce que je suis déçue.

Je crois toujours ce qu'on me promet, même quand je sais que je ne devrais pas.
Imaginez dès lors ma curiosité et mon impatience de voir une série qui promettait du temps réel, c'est-à-dire exactement ce qu'on nous apprend à l'école qu'il est impossible d'obtenir dans une fiction, ou plutôt, exactement ce qu'une fiction s'attache à ne pas reproduire : quel ennui si chacune de nos actions prenait leur temps réel au théâtre ou au cinéma.
Ce phénomène est clairement expliqué par Umberto Eco dans Six promenades dans les bois du roman:
Parfois on recherche la coïncidence des trois temps (de la fabula, du discours, de la lecture) à des fins très peu artistiques. La temporisation n'est pas toujours un signe de noblesse. Je me suis un jour demandé à quoi on reconnaît scientifiquement un film pornographique. Un moraliste répondrait qu'un film est porno s'il contient des représentations explicites et minutieuses d'actes sexuels. Pourtant, lors de nombreux procès pour pornographie, on a démontré que certaines œuvres d'art recourent à ce type de représentations par scrupule de réalisme, pour dépeindre la vie telle qu'elle est, pour des raisons éthiques (on représente la luxure afin de la condamner) et que de toute façon, la valeur esthétique de l'œuvre rachète sa nature obscène. Comme il est délicat de dire si une œuvre a vraiment des préoccupations de réalisme, si elle a de sincères intentions éthiques, et si elle atteint des résultats esthétiquement satisfaisants, j'ai établi (après avoir analysé maints hard-core movies) une règle infaillible.

Il faut savoir si, dans un film représentant des actes sexuels, lorsqu'un personnage prend une voiture ou un ascenceur, le temps du discours coïncide avec le temps de l'histoire. Flaubert met une ligne à nous dire que Frédéric a voyagé longtemps; dans les films normaux, quand un personnage monte en avion, on le voit débarquer au plan suivant. En revanche, dans un film porno, si quelqu'un […] ouvre un frigo et se verse une bière pour la siroter au creux d'un fauteuil, l'action prend autant de temps que cela vous prendrait chez vous pour faire la même chose.

La raison en est très simple. Le film porno est conçu pour satisfaire le public par la vision d'actes sexuels, mais il ne peut offrir une heure et demie d'accouplements ininterrompus, ce serait fatigant pour les acteurs et cela finirait par devenir assommant pour les spectateurs. Il faut donc distribuer l'acte sexuel au cours d'une histoire. Or, personne n'est disposé à dépenser de l'argent et des trésors d'imagination pour concevoir une histoire digne d'intérêt, dont le spectateur se ficherait parce qu'il veut du sexe. L'histoire se réduit donc à une série minimale d'événements quotidiens : aller quelque part, mettre un pardessus, boire un whisky, parler de chose sans importance… […]. C'est pourquoi tout ce qui n'est pas sexuel doit prendre autant de temps que dans la réalité alors que les actes sexuels doivent prendre plus de temps qu'ils n'en requièrent en général dans la réalité. Voici donc la règle : si dans un film, deux personnages, pour aller de A à B, mettent un temps égal à celui qu'il faut en réalité, nous avons la certitude de nous trouver face à film porno. Bien entendu, il doit y avoir aussi des actes sexuels sinon Im Lauf der Zeit de Wim Wenders, qui montre pendant presque quatre heures deux personnes voyageant en camion, serait un film pornographique, ce qu'il n'est pas.
J'ai donc commencé la vision de la saison un en me demandant si Jack Bauer allait faire mentir Umberto Eco.
La réponse est non, hélas.
Au début j'ai bien cru que 24 heures chrono tenait son pari et qu'il faudrait ajouter un chapitre à l'art de la narration. Bien sûr la multiplicité des personnages permettait de remplir les minutes du film sans qu'on suive jamais l'intégralité des actes d'un unique personnage (cf Sebastien Bénédict et sa "manière de linéarité biaisée"1), mais il me semblait que nos actions « vides », celles que l'on ne filme pas parce qu'elles sont sans intérêt — à moins d'y mêler du dialogue ou de l'action, — la longueur d'un déplacement ou d'un repas, par exemple, étaient réellement représentées dans leur épaisseur. Il m'a fallu un peu de temps pour me rendre compte que tous les trajets étaient vertigineusement raccourcis, les distances étaient abolies. Jamais les déplacements montrés à l'écran n'auraient pris si peu de temps. La vitesse se gagne non par l'accélération du temps, mais par la disparition des distances.

Il serait amusant de faire le compte des heures réellement nécessaires pour vivre les événements de la saison trois, par exemple : combien de temps pour aller au Mexique et en revenir, sachant qu'il faut commencer par aller à l'aéroport…?
Mais évidemment, ce genre de calcul serait idiot, ce serait accorder à cette série une prétention à la vraisemblance qu'elle n'a pas (du moins j'espère! Mon dieu, quel fatras et quelles incohérences! Je n'en reviens pas.)

Cette série m'a beaucoup amusée en ce qu'elle s'oppose quasi-systématiquement à toutes les règles d'un récit bien construit. Elle bafoue une règle d'or du théâtre classique: ne jamais donner un élément qui ne soit utile à la suite de l'action (c'est ainsi que l'on a reproché à Corneille d'avoir esquissé une idylle entre l'Infante et Le Cid : ce détail n'est pas utilisé dans la suite de la pièce, il peut être enlevé sans dommage, donc il était inutile de l'introduire dans la pièce).
Mais évidemment, une telle règle suppose une action rectiligne, une épure, une architecture anticipant dès le début sa fin : il y a dant tout récit classique une part d'inéluctable.
Rien de tel ici, chaque minute ne dépend que des quelques minutes qui l'ont précédée, elle n'est pas comme la pointe logique de tout ce qui s'est passé auparavant.
C'est un point qui m'a particulièrement impressionnée: cette série n'a pas de mémoire, elle est entièrement tournée vers l'avenir. Je crois que ce que je préfère dans 24 heures chrono, ce sont les résumés au début de chaque épisode. Il s'agit de l'aveu sans complexe que seuls comptent les deux ou trois épisodes précédents, voire uniquement le précédent. L'histoire, le récit, n'est pas conçu comme un tout, la quinzième heure a déjà oublié la dixième, seule compte la seizième. Chaque résumé doit permettre de comprendre ce qui va se passer, savoir ce qui s'est passé n'est absolument pas une préoccupation.
Chaque résumé est ainsi l'occasion de contempler en moi l'incrédulité provoquée par une telle méthode. Au début, naïvement, je complétais mentalement les résumés (l'attentat contre le boeing dans la série un ou l'assassinat de Chapelle, par exemple). Je ressentais en effet une sorte de révolte à voir ces résumés qui ne résument pas, qui contreviennent à tout ce qu'on m'a appris. Plus tard, j'essayais de composer à l'avance le résumé que j'allais voir dans quelques minutes : quels étaient les éléments indispensables à la compréhension de la suite, quelles pistes les scénaristes allaient-ils abandonner?

Et c'est étrange de se dire que ce manque de rigueur est sans doute l'une des forces de la série : c'est en cela, bien plus qu'en l'utopie d'un temps "réel", qu'elle ressemble à la vie. Tous les récits sont fictifs dans le sens où ils s'organisent en fonction de leur fin, c'est ce qui les différencie fondamentalement de la vie "réelle", où la fin est inconnue, où des pans entiers de notre passé sont inutiles pour comprendre notre situation actuelle (voilà une remarque très a-psychanalytique); la connaissance de quelques faits suffit à expliquer notre journée de demain.2
(Et cette idée n'est pas très agréable.)

Très vite, j'ajoute une dernière remarque, sociologique cette fois: j'ai été impressionnée (encore) par l'image de la torture donnée dans cette série. Elle est considérée comme normale, des hommes de la cellule anti-terroristes sont formés à cela, le président des Etats-Unis ordonne qu'on torture et assiste à une séance de tortures… sans qu'il y ait dilemme cornélien sur le respect de la personne humaine.
Guantanamo ne devrait pas tant surprendre quand on a regardé 24 heures chrono. D'autre part, la population américaine semble totalement sous surveillance : satellites qui surveillent les voitures, banques ADN qui permet de retrouver un inconnu… Fantasme ou réalité? Quoi qu'il en soi cela ne paraît pas choquer grand monde.


Notes
1 : "Joies enfantines de la vitesse dans la 1ère, qui lance son sprint dès le départ, engage l'Amérique avec elle, ni plus ni moins, et concentre, en une fois, tout ce qui fait la grandeur d'un cinéma à nul autre pareil : art de la vitesse, justement, manière de raconter une (des) histoire(s) et, ne sachant faire que ça, le faire mieux que personne ; en multiplier, au même moment, les différentes pistes, toutes données au spectateur (à peu près) en même temps. C'est dans cet "à peu près" que se joue d'abord l'originalité de la série. Une manière de linéarité biaisée, lors même que l'usage du montage parallèle, associé au split-screen, n'est qu'un leurre. Une simple mise à plat dans la distribution des plans, qui cependant se suivent chronologiquement, là-dessus, le titre ne ment pas." (http://intimedia.kaywa.com/p81.html, blog disparu)

2 : Je trouve un écho à cette remarque, qui elle-même est un écho au "présent" souligné par Sébastien Benedict, dans ces phrases de Victor Klemperer : «Mais autre chose agissait davantage sur nous — c'était la même chose chez Neumark et chez moi : l'impuissance de la mémoire à fixer tout cela dans le temps, toutes ces choses cruellement vécues. Quand ceci ou cela a-t-il eu lieu — pour autant que ce soit encore présent à nos esprits —, quand était-ce? Seuls quelques faits isolés restent gravés, les dates pas du tout. On est submergé par le présent, il n'y a pas d'hier, pas de demain, qu'une éternité. Là encore une raison pour laquelle on ne sait rien de l'histoire vécue: le sentiment du temps est annulé; on est à la fois trop apathique et trop excité, on est surchargé de présent.» in Je veux témoigner jusqu'au bout, p.544
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