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Vocation inattendue

Nous avons invité des amis voir le loft. Nous nous sommes vus pour la dernière fois le 27 mars 2017 — qui était aussi une première fois amicale, les précédentes étant des rencontres professionnelle. H. avait revu monsieur dans le cadre du boulot, mais nous n'avions jamais redîner ensemble

Ils ont adoré le loft et Moret — surtout elle, lui étant plus citadin, drogué à Manhattan où il passe la moitié de son temps.

Le long du Loing, elle me raconte ses difficultés: licenciée avant le Covid, elle a suivi une formation de décoratrice d'intérieur (« Pôle emploi m'a dit qu'à mon âge je ne pouvais rien me faire financer d'autre puisque c'était ma formation initiale»). Ils ont quitté Saint-Rémy-les-Chevreuses pour le 16e afin de se rapprocher du fils de OA («son fils ne veut pas venir en banlieue, il veut rester avec ses copains. — Il a quel âge? — A l'époque quatorze ou quinze ans. — Les enfants ne se rendent pas compte»), ils ont passé le confinement dans un trois pièces. «Dès que le confinement a été terminé, j'ai expédié OA à New York et je suis revenue à Gif-sur-Yvette. On n'en pouvait plus.»

— Ça n'a pas l'air de t'enchanter. Qu'est-ce que tu voudrais faire?
— De la théologie.


J'ai été prise par surprise.
Comme elle est protestante, elle a au moins la ressource de devenir pasteur.
A suivre.

Parce qu'il devait neiger

Parce qu'il devait neiger, j'ai abandonné l'idée d'aller ramer.

Je n'ai pas été difficile à convaince car j'avais une montagne de linge à repasser (rien repassé depuis le déménagement) et que l'objectif du week-end serait de terminer de déballer les cartons.
Combien en reste-t-il? Une trentaine sans doute. Ils me font peur. J'ai peur de ne pas avoir de place, je sais intimement que beaucoup de bricoles, en toute objectivité et en toute logique, devraient être jetées. Qu'est-ce que c'est que l'affectif, lié à la mémoire, quand chaque objet a une histoire qu'on est seul à connaître — objet donc condamné à ma disparition, lorsqu'il n'y aura plus personne qui connaîtra cette histoire.

Repassé en regardant Vivement dimanche. Je fais partie des admirateurs de Fanny Ardant, j'aime beaucoup sa voix. Influence d'Hitchcock, histoire à la Léo Malet, film un peu lent (est-ce le fait de ne pas être concentrée puisque je repasse, ou que soixante ans plus tard j'ai pris l'habitude de rythme beaucoup plus enlevé?) Quelques secondes amusantes sur les blondes: démarquage d'Hitchcock, justement?

Vidé les cartons de livres de théologie. Je suis soulagée, tout tient dans une seule étagère (les étagères en pin qui nous suivent depuis Talence, il y a trente ans. Il nous en reste deux, les autres sont réparties entre les enfants). Ce n'était pas évident, ce n'est pas le même meuble qui les contenait à Yerres (celui-ci est près d'H., rempli de policiers et de SF) et je disposais en plus d'une petite étagère, peu large (maintenant remplie de pâtes et de miel dans l'arrière-cuisine), qui contenait les poches et la Bible de Jérusalem en fascicule — et toutes mes versions de la Bible, écrits apocryphes de la Pléiade, traduction liturgique, volume en hébreu donné par Jean (apprendrai-je des rudiments d'hébreu un jour? C'est désormais très peu probable).
J'ai trié et donné l'équivalent d'une étagère (une planche d'étagère), j'ai déporté dans la table de nuit qui vient de ma grand-mère les livres sur la prière (il n'y en a pas beaucoup, mais vingt centmètres de rayonnage gagnés sont précieux) et ça tient.
Je suis très contente et soulagée.

J'ai retrouvé le livre dédicacé par Barthes et donné par Bladsurb. Je comprends mieux pourquoi je passe mon temps à en oublier le titre, c'est tellement inattendu: il s'agit de Prières de Charles Péguy.
Etait-ce ce qu'il convenait d'offrir à une jeune fille?

Et donc il a neigé.
Ça m'agace, cette façon de signaler très gravement qu'il va neiger ou qu'il fait moins treize à Metz: mais réjouissez-vous, nom d'un p'tit bonhomme, que croyez-vous qu'entraîne le réchauffement climatique? Si vous ne voulez pas 14°C de moyenne sur l'année, il faut qu'il fasse froid.
Et c'est indispensable dans la lutte des plantes contre les parasites.

La prière du Notre-Père, aperçus psychologiques et psychanalystes

Freud. Le père comme législateur (paternel) et protecteur (maternel).

— Les indigènes racontent aux jésuites avoir vu la Vierge, mais uniquement après que les jésuites leur en aient parlé. Avant, ils ne voyaient pas la Vierge. Je ne crois pas à une religion "naturelle".

Evidemment, vu comme ça, ça jette comme un doute (lol). La vidéo est ici.

Disparate

Moins j'écris moins j'écris. Forme de flemme, mais aussi mauvaise habitude d'écrire en regardant ou écoutant des vidéos ou des séries. Je me suis entichée de La fabuleuse Mrs Maisel que je regarde en boucle (Amazon prime) depuis trois semaines, pour les toilettes (mais que c'est joli, que c'est charmant), la musique, la folie douce, l'anglais très rapide, le féminisme et la politique américaine et internationale entre 1958 et 1960.
Enfin, en boucle; même pas : je lance un épisode, je regarde au hasard.

A Nanterre pour récupérer un téléphone pro tout neuf (tout est bloqué sur ce nouveau téléphone, je n'ai même pas accès à WhatsApp, ce qui pose quelques problèmes pour les groupes pro) et ramener à la maison l'ordinateur pro tout pourri qu'on m'a prêté en attendant une nouvelle bécane.

Ce soir, deuxième session sur le Notre Père, avec une intéressante réflexion sur la prière récitée (est-ce la disparition de la présence humaine au cœur du machinal ou la foi en quelque chose qui travaille?)
La première session est ici : le Notre Père, une prière chrétienne ? ).

Et puis, je ne résiste pas au plaisir de l'évoquer pour permettre à mon plus fidèle ennemi de m'insulter in petto avec force et sincérité, j'ai assisté par zoom à ma première assemblée territoriale EM!
Ce qui me frappe, c'est la représentativité en âges, en couleurs, en origines politiques et très souvent l'engagement de longue date dans des associations locale.

O. est retourné à Paris : sans doute un rhume, mais ni le médecin ni lui n'ont voulu prendre de risques : il faut protéger H.
Je soupçonne que ça arrangeait bien O.

Soutenance

— Vous écrivez bien, c'est agréable à lire… mais parfois le portrait à charge tourne à la caricature.
— Oui, je le reconnais. J'ai essayé de décrire ce que pensent ou voient certaines personnes de mon entourage.


L'un des professeurs m'a fait de la peine: tandis que j'expliquais l'ambiance dans les cercles athés ou anticléricaux, il a fait remarquer que lui rencontrait plutôt les conservateurs catho et que ce n'était pas toujours simple.
C'est un parfait dialogue de sourds : comme les plus pratiquants sont les plus conservateurs, leur adresser un message progressiste c'est aussitôt provoquer leur résistance passive.
Cathos de gauche unissez-vous, bougez-vous, et allez à la messe !

Avant la soutenance

Préparation le soir alors que j'aurais pu le faire depuis une semaine. C'est agaçant cette procratination. Je m'agace moi-même.

Conversation de comptoir dans la cuisine.
Moi: — La vie est trop confortable, les gens n'ont plus besoin de Dieu.
H. : — Surtout on a la science.
O. : — Ou plutôt les gens n'ont plus peur: qu'est-ce que je vais devenir s'il pleut, si je n'ai pas à manger…

L'argument de la science m'a prise par surprise. Je ne pense jamais que la religion remplaçait la science, tant je suis habituée à penser physique/métaphysique.

———————

Au bureau, un circuit permet d'entrer par un ascenseur et de sortir par un autre.
Dans l'ascenseur principal, nous devons entrer à deux et nous tenir dos à dos.
(Inutile, il n'y a toujours personne.)




J'ai fini

Enfin pas vraiment, il reste la soutenance. Mais j'ai fini les cinquante-huit pages (3 x 17 pages + intro + conclusion) ce matin vers dix heures après m'être levée à trois heures.
188 347 signes, page de garde inclue.

Je suis ivre de fatigue (cela fait deux ou trois jours que je travaille la nuit et fait des siestes éclair la journée). Je rame demain. Je m'étais d'abord inscrite pour hier (il faut réserver un créneau) mais je me suis dit que je n'aurais pas terminé à temps. J'avais raison.

J'aime beaucoup mon titre: Pour une pastorale de la pudeur. J'admets que cela ne veut pas dire grand chose. Ce que je veux dire, c'est: que l'Eglise arrête de s'occuper de Q!

J'ai découvert un beau texte des évêques de France paru avant les fous de la manif pour tous (lisez au moins la note de bas de page p.3). Ça ne donne pas raison au mariage pour tous, mais au moins ça reconnaît leur demande.


Si vous avez envie de participer anonyment à un jeu de rôle sur blog, c'est ici.

Ni pute ni soumise

Nec domina, nec ancilla, sed socia.
Isidore de Séville (VIIe siècle)
Ni maîtresse, ni servante, mais compagne.
Isidore de Séville, dernier Père de l'Église





132504 caractères au moment où j'écris cela.

Généalogie matthéenne

J'avance terriblement lentement.

Le soir a la douceur d'une soirée de juillet. Je ne suis pas sûre que ce soit bon signe.

Ahurie

Certains textes du Magistère sont lunaires. Extrait de Casti Conubii (1930):
Pour ce qui concerne les motifs allégués pour justifier le mauvais usage du mariage1, il n'est pas rare — pour taire ceux qui sont honteux — que ces motifs soient feints ou exagérés. Néanmoins, l'Eglise, cette pieuse Mère, comprend, en y compatissant, ce que l'on dit de la santé de la mère et du danger qui menace sa vie. Et qui ne pourrait y réfléchir sans s'émouvoir de pitié? qui ne concevrait la plus haute admiration pour la mère qui s'offre elle-même, avec un courage héroïque, à une mort presque certaine pour conserver la vie à l'enfant une fois conçu?
De la maternité comme martyre. D'une certaine façon ça ne me surprend pas, il me semblait bien que c'était la tendance Jean-Paul II. Mais je ne pensais pas que c'était écrit aussi franchement.
J'ai de plus en plus l'impression que l'Eglise catholique mène une guerre contre les femmes. (A ceux qui me diront que c'est évident depuis toujours, je répondrai que j'ai accumulé des lectures qui sont autre chose qu'une impression informée par l'anticléricalisme.) C'est sans doute pour cela qu'avec finesse mon directeur de mémoire m'a proposé en second lecteur une jeune religieuse.
De façon générale, le problème est le même que d'habitude: ceux qui ont le pouvoir veulent le garder, ceux qui sont loin du terrain ne comprennent pas grand chose à la réalité.

Au téléphone lors de notre dernier atelier je disais à un camarade de cours que si les femmes avaient deux sous de bon sens, elles déserteraient l'Eglise catholique pour devenir protestantes (je sais que cette phrase paraît incompréhensible aux personnes qui n'ont pas la foi: pourquoi ne pas jeter tout cela aux orties, tout simplement? Parce que).
Ça l'a beaucoup choqué: — Il ne faut pas dire ça.

Le même, soixante-dix ans, ayant toujours travaillé comme juriste des ressources humaines pour la direction de grands groupes, a choisi comme sujet de mémoire «les écarts de rémunération». Il m'a beaucoup fait rire en me déclarant: «Vous savez, Jésus n'a pas eu le temps de tout dire, il n'est pas resté assez longtemps. Il y a beaucoup de sujets qu'il n'a pas abordés».
Ce n'est pas la phrase en elle-même qui m'a fait rire mais le contexte: il était très vexé d'être mis dans le même sac que… les homosexuels.
En effet, la plus jeune d'entre nous fait son mémoire sur le genre. Elle a regroupé les catégories rejetées ou condamnées par l'Eglise, soit entre autres les divorcés et les homosexuels.
Or notre homme est divorcé.
Il était tout à fait indigné: — Mais tout de même, ce n'est pas pareil, on ne peut pas nous mettre ensemble.
C'était jouissif. Ainsi donc, quand c'est lui qui n'entre pas dans les cases, c'est carrément Jésus qu'il remet en cause. Prêt à trouver des justifications à toutes les injustices, mais si ça le concerne, il faudrait rajouter quelques lignes aux Evangiles.
Well well.



Note
1: je traduis car toutes ces périphrases ne sont pas évidentes : avoir des relations sexuelles sans intention de concevoir un enfant.

Priorités

— Oui, la remise des diplômes [de théologie] était prévue le 18, mais ils ont annulé à cause des grèves.
— …
— D'toute façon j'y s'rais pas allé, ce jour-là c'est la sortie du dernier Star Wars.

A chacun son dirty secret

Série Netflix, Dogs of Berlin. VO en allemand (j'ai essayé le sous-titrage allemand, mais je ne tiens pas longtemps). Très violent et très noir, avec une dilection pour les gros plans sur les blessures gore (mais l'image ne dure qu'une à deux secondes).
L'équivalent du quai des Orfèvres est très inattendu, un côté soucoupe volante graffittée.

Entretien d'embauche :
— Dites-moi un secret qu'on ne dit pas normalement en entretien d'embauche.
— Je suis hôtesse pour téléphone rose. Ça me permet de travailler à domicile.

Et je me dis que mon secret serait «j'étudie la théologie» ou «je suis (ou j'ai été) spécialiste du RC littéraire».

Journée vide

A ne pas pouvoir bouger, ou pas longtemps (je peux marcher sur le talon, c'est difficile de rester debout), à ne pas devoir m'assoir à un bureau (le pied doit rester en hauteur pour ne pas gonfler), les journées deviennent vite moroses.

Réveillée et levée tôt (6h30), comme d'habitude, rendormie de 8h30 à 11h : je déconseille, ça déboussole. Passage de l'infirmer pour la piqûre quotidienne d'anticoagulant (j'avais envisagé de la faire moi-même mais j'ai reculé), repas, déclaration d'impôts (première déclaration de l'appartement acheté en loi Pinel: je suis impressionnée, l'impôt est divisé par deux). Quelques lectures mais pas grand chose (cette impression que l'Eglise catholique est davantage préoccupée d'elle-même que du message chrétien: comment écrire un mémoire dans le cadre ecclésial dans ces conditions? Je n'y arrive pas. Mais il y a aussi la peur de ne pas y arriver, et je ne sais plus ce qui sert d'excuse à l'autre).

Divers: commandé Langelot et le commando perdu (jamais lu) et ce que j'espère être la première édition de Langelot et le plan Rubis (les couvertures changent dans les éditions suivantes).
Tard le soir, premier épisode de la saison 7 de Homeland (S0701), en espérant que cela n'entraînera pas de dérive.
Plus tard encore, flash: vingt-neuf ans de mariage aujourd'hui (nous ne sommes pas très doués pour ce genre de choses. Je m'interroge sur la possibilité et le désir d'organiser quelque chose l'année prochaine).

Colloque œcuménique

Ce colloque célèbre la signature en 1999 de la Déclaration commune sur la justification entre les catholiques et les Luthériens, déclaration adoptée peu à peu par d'autres Eglises protestantes
Pour mes lecteurs non concernés, il s'agit en quelque sorte de la fin officielle des guerres de religion catholiques contre protestants: il s'agit de la reconnaissance par écrit que les objets de discorde n'en sont plus, parce qu'on ne pense plus exactement comme à l'époque, parce qu'on a pris le temps de s'écouter, parce que, surtout, on accepte de ne pas être d'accord sur tout tant que l'essentiel est préservé. C'est un processus fascinant
.

De l'importance de la narrativité.

« On ne peut pas changer l'histoire. Mais on peut changer la façon dont on en parle. »
«L'unité n'est pas quelque chose que nous produisons, mais quelque chose que nous recevons. Deux fois déjà j'ai dû bouleverser mon calendrier….»
Olivier Brès, ancien secrétaire général de la Fédération de l'Entraide Protestante

Parler ce ce qui rapproche plutôt que de ce qui sépare.

Romains 7

En allemand, coup de théâtre: Romains 7 (comprendre L'épître aux Romains), «je fais le mal que je ne veux pas et je ne fais pas le bien que je veux» serait une prosopopée dans le style des dialogues platoniciens. Cela expliquerait pourquoi la thèse soutenue est différente de ce que dit habituellement Paul (puisque Romains 7 est une défense de la Loi tandis que Paul est généralement pour un dépassement de la Loi.)

Quelques recherches plus tard, je trouve ces pages d'Alain Gignac.


Puis un coup de Vélib (ouaaaiiiihhh, y en a!!!) jusque chez Olivier, un whisky, une petite fille impertinente et un petit garçon têtu, une côte de bœuf maturée cent jours (je ne savais même pas que ça existait) à deux (1,8 kg) au Trassoudaine (chaudement recommandé).


Je rate le dernier RER et rentre en car.

En retard

Je devais rendre un plan pour la dissert. J'ai écrit quelque chose rendu au dernier moment (alors que j'aurais dû le rendre jeudi), mais que c'est puéril. J'ai un style plus pastoral que théologique: toujours la même réticence en moi à écrire dans un style académique (que je ressens pompeux). La simplicité me paraît une politesse, mais je sais qu'elle paraît niaise. Ne pas trop y réfléchir pour ne pas déprimer. (Il va falloir me plier à l'académisme, ce sera mon effort pour cet exercice.)

L'atmosphère de l'"atelier" (groupe de travail) est étrange: un moine, un prêtre, une sœur et trois laïcs. Nous ne sommes que trois de l'année dernière, les autres viennent de circuits parallèles. Il y a des débats que je ne comprends même pas, sur l'héroïcité des vertus (mais de quoi parlent-ils? je n'ose pas dire que je ne comprends rien. J'ai l'impression que le débat porte sur les raisons pour lesquelles "faire le bien": pour soi-même (avoir une bonne image de soi-même, obéir aux injonctions extérieures, "gagner son paradis") ou pour les autres. C'est le genre de débat que je trouve stupide: la personne aidée est aidée, quelles que soient les raisons qui animent l'aidant, raisons indémêlables la plupart du temps. Surtout, je trouverais dommageable d'arrêter d'aider sous prétexte qu'on le fait pour de mauvaises raisons!
Mais ce n'est peut-être pas ça. Je ne comprends pas).

Allemand II

Deuxième cours d'allemand (pour moi : cinquième au total, peut-être), sans Marc Boss. Nous allons beaucoup plus vite car il nous manque les commentaires théologiques. Ce sera pour la prochaine fois.

Rentrée tôt (enfin, 19 h). Je tâche de mettre un peu d'ordre, de noter quelques remarques sur le livre que je viens de finir afin de me réentraîner à écrire. J'écris tellement moins qu'à l'époque de la SLRC ou de VS. C'est vertigineux. (J'ai fini un livre! J'ai dû en lire cinq —de couverture à couverture— cette année, c'est la cata.) Je mets quelques temps à me repérer dans mon blog Wordpress, tout a changé; on dirait l'intérieur d'un site.

Coming out

Je continue mes lectures, ma recherche de bibliographie. L'idée est de trouver des livres qui permettent "d'entrer en dialogue" (formule consacrée). Le problème, c'est qu'on découvre des textes qui ont si bien traité les questions qu'on voulait aborder qu'il n'y a plus grand chose à dire (déjà que…)

J'en profite pour partager ce passage qui m'a fait sourire.
L'investissement personnel, nécessire à la formation théologique universitaire que propose le Cycle C est d'une telle ampleur qu'il implique des décisions assez radicales en termes de priorité et d'organisation aussi bien sur le plan du travail personnel que sur le plan de la vie familiale. Pour autant, l'étudiant reste souvent très discret sur son engagement dans ces études. On perçoit une réelle réticence à dire et partager les études entreprises; plusieurs étudiants évitent de faire ce que l'on pourrait appeler leur «coming out» […]

[…] L'idée même de retourner «en classe», de suivre des cours après une journée professionnelle souvent chargée, de lire des livres, de passer des examens et de rendre des devoirs, sucite étonnement, voire admiration. A l'intérieur d'une vie déjà prise par une famille et un métier, choisir de consacrer du temps — et d'engager des frais — pour continuer des études paraît déjà considérable. Mais quand le contenu des études est révélé, l'étonnement croît encore, et vire parfois à l'inquiétude: «Mais, à quoi ça sert?»

"Les engagement ecclésiaux des laïcs formés en théologie", par Christelle Javary et Luc Forestier, dans Des laïcs en théologie: pourquoi? pour qui?, direction Brigitte Cholvy, Bayard 2010, p.122-123
Je me souviens il y a sept ans avoir hésité à avouer mes études ici, puis avoir décidé de vous faire confiance, ô vous lecteurs habituels ou de passage.
Pourquoi ce mot de confiance? parce que théologie appelle religion, et religion évoque obscurantisme (et pire désormais avec les scandales pédophiles).

Comment rendre compte des trésors d'intelligence, de réflexion et d'équilibre rencontrés en théologie, quel sens peuvent-ils avoir en dehors de la foi?
Et s'ils n'en n'ont pas, quel gaspillage de force, quel dommage, et à quoi bon?

Toujours pas

Reprise.
Entretien au siège à 17 heures.
Un pot à 18h45. JM est en train de faire le choix définitif de la théologie : il a démissionné d'un poste haut placé à la BNP pour son année de maîtrise. Il me cite la torah: «quand un homme a élevé ses enfants et a un toit, il a le droit de se consacrer à l'étude». (citation exacte à retrouver, me dit-il).
Concernant la dissertation de baccalauréat canonique (que lui a soutenue l'année dernière), je lui avoue que j'oscille entre des sujets qui me donnent l'impression d'être réglés en deux coups de cuillère à pot et des sujets qui exigeraient de lire tout Saussure, tout Benveniste, tout… (Nous parlons de Gunkel. Il ne connaît pas les formalistes russes. Je suis surprise.)
Il rit: «A priori c'est l'état normal des personnes normalement névrosées. Quand il te restera quatre mois, tu abonneras l'idée de faire le travail du siècle, tu prendras n'importe quoi et tu t'y mettras.»
Certes, réponds-je, mais paniquer doit faire partie du processus. Je crains que sans cela le mûrissement n'ait pas lieu.

Atelier. Je n'ai toujours pas de sujet. Je me sens très bête. A ma question ressassée "pourquoi faire de la théologie", une participante répond qu'elle ne comprend pas mon problème : c'est forcément pour parler de foi à des personnes croyantes.
Mais quel est l'intérêt de parler entre nous en étant tous d'accord ?

Convenir

— Je vais attendre d'avoir changé de boulot puis j'ajouterai ma licence de théologie sur Linkedin.
— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
— Pourquoi? Ça plaira à qui ça plaît.
— Je ne suis pas sûr que tu es envie de plaire à qui ça plaît.


Sur le coup ça m'a fait rire et paru plutôt vrai.
Mais finalement non: ce qui savent ce qu'est la théologie ne sont pas à redouter.

Vendée romane

Pas de musique aujourd'hui, les connexions internautiques difficiles n'ont pas permis de prendre de billet.
Qu'à cela ne tienne, armé de Vendée romane, nous partons à la recherche des quelques édifices non encore visités par mes compagnons. (Je n'en ai visité aucun. J'oscille entre l'amusement devant un tel souci d'exhaustivité et la gratitude de m'entraîner dans des lieux que je ne verrai jamais sans eux (futur et non conditionnel: il m'est de plus en plus difficile de visiter des lieux religieux y compris désaffectés avec H. qui ne veut plus en entendre parler.)

Nous sommes dans la deuxième voiture, nous suivons aveuglément.
Château de la Citardière, annoncé par maints panneaux : mais on ne rentre pas, propriété interdite (château magnifique se mirant dans une douve large comme un étang). Nous tournons autour de Chantonnay, j'apprends des nouvelles d'une célébrité FB qui réside ici.

Eglise de Foussais-Payré pour P. qui voulait en revoir le portail. Etonnante façade avec danseurs, acrobate et joueur de flûte et un mélange d'ornements païens et bibliques, comme si l'on avait donné quelques indications au tailleur de pierre qui les aurait suivies tant bien que mal en fonction des trois récits qu'il connaissait avant de se rabattre sur des sujets qui lui étaient plus familiers. Le plafond de l'église a été recouvert de bois. Le tout est très clair. Exposition sur les chrétiens d'Orient. Je suis très surprise de la démographie : vingt-six millions de chrétiens dans vingt-et-un pays. Je ne pensais pas qu'il y en avait tant.

La commune est célèbre pour ses concours de sculptures à la tronçonneuse (pauvres arbres) et des œuvres encombrent les abords. Question-surprise d'A: que s'est-il passé au concile de Chalcédoine? Euh… (panique à bord, je songe à Jean-Paul qui donnerait de si belles et si précises réponses): «c'était un concile christologique, comme les précédents, qui débattait des deux natures du Christ… c'est un peu la différence entre la vinaigrette et le café au lait : de quelle façon ces natures s'unissent-elles, cohabitent-elles?» Je songe à ce TG lointain, un samedi, aux échauffements autour de la traduction "d'hypostase". Je me rabats sur quelque chose de plus tangible, la géopolitique: «C'est aussi le moment où sont définis les grandes Eglises de l'orthodoxie (le mot "patriarcat" m'échappe). Le problème aujourd'hui pour les orthodoxes, c'est que l'argent est en Amérique, et comme l'Amérique n'existait pas au moment de Chalcédoine, ce sont des barbares… Comment accepter leur argent sans reconnaître leur Eglise? Il faut des observateurs extérieurs quand les orthodoxes se réunissent, pour leur éviter de se disputer trop violemment.»

St-Hilaire-des-Loges, deux monuments aux morts, le premier, soldat accroupi, hommage à la guerre de 1870. De l'église, je me souviens surtout des immenses photos détaillant les sculptures d'autres églises… et un Vendée romane en "lecture sur place", belle preuve de confiance envers les visiteurs.

Nieul-sur-l'Autise (l'Autise, quel joli nom. Bizarrerie d'avoir conservé l'article). Ici serait née Aliénor d'Aquitaine, ce qui n'est pas si loin de son tombeau, Fontevraud. L'église présente un curieux motif de dallage sur la façade. A l'intérieur, les piliers penchent (mais pas de fissure). BD sur la vie de Charles de Foucauld. A l'accueil de l'abbaye, je fais une razzia de confitures et de tisanes. Le caissier est très gentil. Ici (dans toute la région) se ressent profondément à quel point le tourisme fait vivre la France: comment attirer les gens, comment les retenir, comment intéresser les enfants, comment avoir un bon bouche-à-oreilles… billet donnant droit à une réduction à Maillezais. J'ai toujours le cœur serré à constater cette escalade dans la séduction (dans le marketing), dans la tentative de séduction qui nous correspond si peu, nous qui ne souhaitons que des lieux déserts dans lesquels rêver et reconstituer à loisir… Mais pour les gens du cru, l'affluence est une question vitale.
L'étage sous les toits a été curieusement agencé, le plancher est coloré et représente des tableaux ou tapisseries médiévaux (du moins il me semble). Il est possible de cliquer sur différents écrans et les explications sont intéressantes, St Augustin, St Norbert (j'ai oublié les deux autres). Reconstitution également de pièces dont les arcades ont été supprimées.
Après ces déambulations dans la lumière artificielle, le cloître au soleil vient comme un choc. Il est de parfaite proportion pataude avec ses gros piliers et son jardin central. A lui seul il mérite la visite.
Dernier lieu, une maison dite "maison natale d'Aliénor" (Est-ce cela? Ai-je mal compris? Car il est bien évident qu'en aucun cas, vu sa construction récente, Aliénor n'a pu naître là: «— C'est utile, cette visite? — Aah, au moins pour se moquer». Bon.) Tour rapide. Je n'ai jamais vu d'aussi beaux canapés en cuir dans un musée (pour regarder une vidéo).

Cartes postales. Café (qui allait fermer). Bières et diabolo menthe. Discussion sur le régulateur de vitesse. «— Evidemment, il faut lire le manuel. — Mais personne ne fait ça! — Si, mes enfants. Je ne sais plus ce que je voulais faire, ils m'ont dit: "RTFM", Read the fucking manuel.»
Et c'est ainsi que je me suis retrouvée au volant, d'une part parce que j'avais pris un diabolo menthe, d'autre part pour que Patrick lise le fucking manuel. Le régulateur de vitesse a livré tous ses secrets (car l'autre sujet de conversation, c'est aussi le 80km/h: bien plus facile avec un régulateur réglé sur 83 ou 84).

Eglise de Benet, que les moulages de Nieul et les photos de St Hilaire ont rendu incontournables.
Puis Maillezais. C'est plus connu, c'est plus touristique. C'est à la fois plus spectaculaire, un peu trop léché (comment rendre sûres des ruines autrement qu'en collant les pierres à la colle forte ? (je me comprends)) et très émouvant. Là encore, tout dépend de la capacité à rêver. Il faut amener ses propres food for thoughts. Assise sur un banc avec Patrick, je l'écoute raconter Agrippa d'Aubigné, Rabelais, reconstituer la liste des sept poètes de la Pléiade… (j'ai déjà oublié: Rabelais fut le secrétaire de l'abbé, est-ce cela, pendant dix ou quinze ans? J'ai déjà oublié. Agrippa, protestant, touchant les revenus d'une abbaye (chocking, enfin, chocking pour moi, cela n'a pas l'air de surprendre mes compagnons (Laurent s'est ajouté un instant)), père d'un fils qui renie le protestantisme, tue sa femme (pas de rapport de cause à conséquence), en épouse une autre qui donnera naissance à Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon… Je suppose que tout le monde sait cela, mais pas moi. J'aime qu'on me raconte. J'oublie, je confonds, je réordonne; je croyais, à cause d'une intervention de Lestringant chez Compagnon, qu'Agrippa était mort enterré vif… mais non, c'est le sort d'une héroïne des Tragiques. Je devrais avoir honte, mais tant pis, tant pis, pas le temps, il faudrait tant de temps.)
Nous reprenons la promenade. Les piliers, le chœur, la nef, sont matérialisés au sol. Dépouillement formidable. Un mur, des ouvertures. Un autre banc, de l'autre côté. Histoire du châtelain qui possédait un château où Celan résida deux ans. Un jour un Japonais vint pour voir le château; le frère du châtelain, qui ignorait l'anecdote, l'éconduisit. (Tristesse). Cette journée se vit aussi au rythme du journal de Matthieu Galey. Anecdotes sur Beckett, Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute.

L'heure avance, il faut partir, le train de Laurent (s'il est à l'heure), n'attendra pas. (C'est toute l'injustice des trains, nous faire attendre mais ne jamais nous attendre.)

Dîner joyeux au Clem.
Ombre d'une dispute, les yaka à propos des enfants… mon rejet de ces certitudes n'est-il que la conscience de nos "échecs"? Je mets "échecs" entre guillemets parce que cela n'en est que par rapport à ce que nous avions imaginé ou ce que la société valorise, pas par rapport à ce qu'ils sont, ou sont devenus. Je n'échangerais pour rien au monde nos fous rire, notre capacité à nous entraider, à faire face ensemble; ni leur attention aux autres. Mais ce ne sont pas des "réussites" valorisées socialement… et cela ne résoud pas le problème de calmer un enfant insupportable dans un train (la question était: n'est-ce toujours qu'une question d'éducation, est-ce toujours évitable; en d'autres termes, est-ce toujours la faute des parents? J'ai un peu de mal à me voir accuser (sachant que c'est totalement théorique, personne ne m'accuse, ce n'est que ma pensée qui tourne…) Nous avions résolu le problème en emmenant les enfants nulle part… Aurait-il fallu faire autrement? Mais il n'y aura jamais de réponses, et c'est sans doute cela qui est insupportable: nous ne saurons pas, il n'y a pas de réponse.)

En rentrant à l'hôtel, j'allume la télé; chic il y a U.N.C.L.E, juste à mon moment préféré, le bateau dans le port fermé et le panier-repas dans le camion (j'aime le bateau en flammes dans le rétroviseur). Je me fais une tisane avec du miel, j'ai tout ce qu'il faut depuis notre passage à Nieul.

L'année prochaine

Rendez-vous à l'ICP pour préparer le mémoire à rendre l'année prochaine. Les trois professeurs présents sont surpris de nous voir si nombreux — alors que nous sommes surpris de voir qui manque.

L'idée est que nous donnions notre sujet, notre ébauche de sujet, pour que les professeurs puissent orienter nos lectures de l'été (je rêve du moment où je pourrais me remettre enfin à lire des romans).
Les sujets sont variés, parfois surprenants: le Christ priant (dans les Evangiles), qu'elle était véritablement la maladie appelée lèpre dans l'Ancien Testament, l'utilisation d'Amos dans les doctrines politique et sociale aujourd'hui, Sylvie Germain au prisme de la Bible,…
J'évoque l'idée de travailler autour du concept du repos à partir de la règle des diaconnesses de Reuilly: «le contraire de la contemplation n'est pas l'action, mais le souci».
J'écope de Saint Augustin : «mon cœur repose en toi» (citation très à peu près, je m'en rends compte an faisant cette recherche de lien Google).


Avant de partir, on nous propose des affiches pour le cycle C à déposer dans des endroits choisis. Je murmure à ma voisine:
— Franchement, à qui pourrait-on conseiller de faire quelque chose d'aussi difficile, d'aussi long, d'aussi pénible?
— Mais arrête, tu n'as jamais été aussi heureuse qu'ici! Tu as assisté à plein de cours, tu as lu des livres, tu as rencontré du monde… C'est juste que la dissert t'emm**, c'est difficile d'être au pied du mur.
Je l'aurais volontiers embrassée. «Jamais aussi heureuse» est peut-être exagéré, mais pour le reste, elle n'a pas tort. C'était bien. C'est bien. J'ai compris beaucoup de choses dans ma relation au monde, aux autres. J'en bave, j'en ai bavé, mais je me suis bien amusée. Peut-être qu'il n'est pas possible d'avoir l'un sans l'autre, dans ma structure d'esprit tout au moins.


Repas rapide en brasserie avec H. qui est passé me chercher. Il est si préoccupé par sa prochaine livraison (mise à jour de progiciel) qu'il dessert à peine les dents. Nous aurions fait aussi bien de rentrer manger des pâtes à la maison.

Dîner avec Jean-Marc

— Non mais, si tous ceux rejetés par l'Eglise, les femmes, les homos, etc, quittent l'Eglise, cela va finir par se voir que c'est un club de mecs qui aiment s'habiller bizarrement.

Agamben et Bartok

TG sur Saint Paul vu par Agamben. Le temps qui presse. Cela ressemble tant à Jacob Taubes. Constaté avec surprise que cela désarçonnait profondément mes compagnons de cours (au point que dans un autre TG les élèves ont refusé d'étudier le texte et ont parlé d'autre chose!) alors que cela m'est si familier. Je regrette d'avoir perdu ce début d'expertise, j'aimais lire cela.


Le soir, Le château de Barbe-Bleue à l'opéra Garnier : depuis que je l'avais entendu il y a quelques années au théâtre des Champs-Elysées, je voulais y emmener H.
Ce fut très différent dans la mise en scène, avec utilisation de la vidéo omniprésente jusqu'à en devenir gênante (c'est souvent le cas désormais). Beaux jeux de couleurs.
Je dois avouer que c'est surtout la deuxième œuvre qui m'a fascinée : la Voix humaine de Poulenc, une demi-conversation téléphonique, à laquelle je ne m'attendais pas, que je n'avais pas remarquée sur le programme. Epoustouflant.

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Le château de Barbe-Bleue :
le duc Barbe-Bleue : John Relyea Judith : Ekaterina Gubanova

la Voix humaine :
Elle : Barbara Hannigan

direction musicale : Ingo Metzmacher
mise en scène : Krysztof Warlikowski
décors et costumes : Malgorzata Szczesniak
lumières : Felice Ross
video : Denis Guéguin
chorégraphie : Claude Bardouil
dramarturgie : Christian Longchamp

Finance et théologie

Les deux notes de ma journée.

Comité d'audit annuel puis une conférence très technique de Vincent Hozler sur la foi trinitaire. (Elle sera sans doute en ligne dans peu de temps).

Citations patristiques (Irénée, Augustin), scolastiques (Anselme, Thomas), contemporaines (Barth, Urs von Baltasar, Rahner). Elaboration intellectuelle de haut vol autour du caractère testimonial et dialectique de la foi trinitaire.

Je retiendrai simplement : se méfier de la voie courte de l'analogie. «Je préfère la voie longue de la dialectique, plus longue et plus périlleuse.»

Je sais que c'est très vrai dans mon cas : il y a une paresse à se débarrasser d'un problème par une image, un parallèle, une analogie, plutôt que passer par le long détour de l'observation et du commentaire. Lire et mûrir.

N'empêche que tout cela est très complexe. Est-il vraiment utile de se tordre ainsi les méninges sur des sujets où quoi qu'il en soit nous ne pourrons pas mener d'expériences pour valider ou invalider nos thèses?
J'en discute avec Jean-Marc en sortant. Il en ressort deux axes : d'une part cela permet tout de même de clarifier ce qui n'est pas vrai, ce qui ne peut être soutenu. Ce n'est pas parce que ce n'est pas vérifiable en élaborant les conditions d'une expérience que ce n'est pas vérifié dans l'existence (dans l'expérience vécue, celle qui survient). Tout n'est pas vrai, certaines propositions peuvent être résolument écartées, avec certitude : lire et réfléchir permet de savoir lesquelles avec décision. D'autre part cela dépend des personnes avec qui l'on discute. Mon entourage est généralement curieux, bienveillant, il lui convient mieux de faire appel aux récits et à l'affect. Avec d'autres qui tendent à vous prendre de haut sur le thème «je ne crois pas à ces racontars de bonne femme», il est bon de prouver qu'il y a derrière tout cela une solide et très fine réflexion philosophique et anthropologique.

Le comité d'audit s'est terminé si tard que je n'ai pas eu le temps de dîner avant la conférence. En sortant je vais prendre un mojito et manger des cacahuètes.

Marie

Journée de session (nous en avons trois par an). Impossible d'ouvrir les portières des voitures prises par le gel. Je pars à pied pour la gare. J'ai une heure de retard.

Dossier sur Marie, avec une large dimension œcuménique. Je pense à Elisabeth née dans un foyer mixte catholique/protestant, nous racontant sa mère en larmes le jour de son mariage parce qu'on l'a obligée à déposer son bouquet de mariée dans la chapelle de la Vierge, ô idolâtrie.

Arriverai-je à synthétiser l'essentiel ?
Ce qui ne pose pas problème, qui n'a jamais été mis en cause par les Pères et la Tradition, c'est la virginité de la mère de Dieu, Marie theotokos.

Deux dogmes ont été proclamés, l'Assomption et l'Immaculée Conception, tardivement (XIXe et XXe), peut-être par un besoin de l'Eglise de se réconforter après la Révolution française et le début de l'athéisme. Ils posent de vrais problèmes au dialogue œcuménique.
Je découvre au passage l'importance fondamental du péché originel pour les luthériens : impossible que la vierge soit sans péché, car alors elle ne serait pas sauvée, or Jésus est venu pour le salut de tous.

Par ailleurs, les protestants refusent que l'on prie Marie ou les saints : on ne prie que Dieu, seul Dieu est saint. Ils craignent que les catholiques fassent de Marie une idole, une déesse. (Quant on voit les excès de la mariologie, difficile de leur donner tort).


J'ai oublié mon écharpe Margaret Hamilton dans le RER. Ça me fait de la peine.

Le frigo sent le métal chauffé à blanc. J'ai d'abord cru qu'H. avait fait de la soudure pour réparer le robinet extérieur qui a explosé avec le gel.
Non, le frigo est en train de mourir. Nous l'avons acheté en juin 1999.

Eschatologie

Des eschatas (doctrine des fins dernières, plutôt 19e siècle, qui concerne son propre salut) à l'eschatologie (qui concerne le salut plus généralement, le salut d tous. Préoccupation du 20e siècle.)

Difficile exercice pour la professeur que de faire un cours sur la mort tandis que la femme d'un des élèves est en train de mourir d'un cancer.

Je n'ai pas été très attentive parce que le sujet était délicat, nuancé, difficile — ce qui est un tort, car le sujet était délicat, nuancé, difficile.

Deux livres :
Ratzinger, Les principes de la théologie catholique. Esquisse et matériaux
Jean-Baptiste Metz, Pour une théologie du monde
Karl Rahner, Traité fondamental de la foi

Je découvre (j'avais commencé à le découvrir à l'avant-dernier TG) que les théologiens sont extrêmement réticents à utiliser le mot âme et surtout l'idée d'une âme dans un corps (inculturation grecque), mais sans trop oser l'exprimer (le dire au grand public) car les habitudes sont profondément ancrées parmi les fidèles. Il s'avère que "elle est montée au ciel" ou "il te regarde de là-haut" que nous disons aux enfants pour tenter de les rassurer ou les consoler (mais qui cherchons-nous à rassurer ou consoler si ce n'est nous-mêmes) n'ont aucune légitimité au regard de la doctrine de la foi.

Pour ceux que cela intéresse, voici un texte de la commission théologique internationale sur l'eschatologie.

Extrait (après avoir dépassé les premiers paragraphes très "catholiques" (je veux dire destinés à des lecteurs ayant une sensibilité catholique — culture ou foi)) :
Le phénomène du sécularisme s’accompagne immédiatement de la conviction largement répandue (et cela, certainement, non sans l’influence des mass media) que l’homme, comme toutes les autres choses qui existent dans l’espace et le temps, n’est rien d’autre que de la matière et qu’il disparaîtra totalement avec la mort. De plus, la culture actuelle qui se développe dans ce contexte historique s’efforce par tous les moyens de faire oublier la mort et les questions qui l’accompagnent inévitablement. Par ailleurs, l’espérance est ébranlée par un pessimisme quant à la bonté même de la nature humaine ; ce pessimisme est la source d’un accroissement des angoisses et des afflictions. Après l’immense cruauté que les hommes de notre siècle ont montrée au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’espoir diffus s’était répandu que, instruits par cette dure expérience, ils instaureraient un ordre meilleur de liberté et de justice. Malgré cela, très rapidement, une amère désillusion est survenue : « Aujourd’hui en effet, de tous côtés dans le monde nous assistons à une montée en flèche de la faim, de l’oppression, de l’injustice et de la guerre, de la torture, du terrorisme et des autres formes de violence de tout genre. » Dans les pays riches, très nombreux sont ceux qui sont attirés « par l’idolâtrie des biens matériels (ladite société de consommation) » et qui ne se soucient pas de leur prochain. Il est facile de penser que l’homme contemporain est si asservi par ses instincts et la concupiscence, et si exclusivement assoiffé de biens terrestres qu’il n’est aucunement destiné à une fin supérieure.

Ainsi, beaucoup d’hommes sont dans le doute : la mort mène-t-elle au néant ou à une vie nouvelle ?
Que pensons-nous de la mort, que croyons-nous vraiment, que nous ne confions à personne ?

Dimanche

Marché, catéchisme, flemme.

Quizz au catéchisme, enfants de dix ans. Dernière question.
15. Dieu accorde son pardon :
A. A tout le monde sans exception.
B. Aux personnes qui le lui demandent et qui regrettent sincèrement le mal qu’elles ont pu faire.
C. Aux personnes qui ne sont pas capables de lui demander pardon.

Je suppose que la réponse attendue est la B, mais une enfant a soutenu que les trois étaient exactes (quoiqu'il en soit, accepter C entraîne A, me semble-t-il). J'étais en train de me demander si je lui expliquais que la liberté de l'homme requérait que celui-ci demande son pardon — que Dieu ne pouvait le lui imposer — quand je me suis souvenue de « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ».
J'ai abandonné.

Irons-nous tous au paradis ?

Titre faisant référence à ceci (pour ceux qui n'auraient pas reconnu).

TG sur l'eschatologie (ie, l'au-delà et les fins dernières).
Cette année, les TG présentent une ambiguïté déconcertante : comme d'habitude nous devons lire des textes et préparer nos réponses aux questions d'un dossier, mais la chargée de TG semble considérer qu'elle doit simplement s'assurer que nous avons bien compris les textes en question et que nous ne devons pas déborder sur d'autres aspects du sujet.

Aujourd'hui il s'agissait des positions de l'Eglise concernant l'au-delà, avec un curieux avertissement : si les théologiens ont la charge de s'interroger, il s'agit pourtant de ne pas désarçonner le peuple des fidèles peu habitué à ce type de recherche (un faux air de "ne pas désespérer Billancourt").

Les deux autres textes provenaient de Karl Rahner et Louis-Marie Chauvet. La position de fond est simple : tout homme peut être sauvé ainsi que le Christ l'a promis par sa mort et sa résurrection.

Les choses se sont compliquées (pour ne pas dire envenimées) lorsque j'ai fait remarquer qu'il fallait que la personne considérée accepte ce salut : qu'en était-il de l'homme ayant passé sa vie au service des autres et refusant Dieu avec colère sur le thème « si Dieu existe, j'espère qu'il a une excuse1 » ? Qu'en était-il de l'homme bon refusant au jour de sa mort ou du jugement dernier le salut proposé2 ?

Je n'ai pas réussi à faire comprendre ma question. Heureusement elle a été relayée et soutenue par d'autres élèves, mais la chargée de TD n'entendait clairement que la possibilité pour l'homme méchant de finir en enfer, ou du moins elle semblait tellement s'attendre à cet argument qu'elle n'entendait pas une question plus étrange : l'homme bon refusant le salut.
J'ai fini par résumer : « Mais enfin, on ne peut tout de même pas être sauvé contre sa volonté ?! »
A cela, pas de réponse. Ce cas ne paraît pas envisagé.

Et pourtant, il existe des gens admirables en colère contre Dieu (auquel ils ne croient pas, un élève a souligné le paradoxe, mais c'est toujours plus complexe que cela : d'une certaine façon ils sont en colère contre son silence). Seront-ils "consolés" contre leur volonté ? Ou leur volonté fondra-t-elle comme neige au soleil ? (Questions très théoriques, certes (smiley), mais puisque nous sommes là pour les prendre au sérieux…)
Et je pense à la préface de Lolita : il y a trois choses que les braves gens conformistes ne peuvent accepter : un noir vivant avec une blanche, un athée menant une vie bonne et heureuse, un adulte convoitant une enfant.


J'ai ensuite rejoint H. au congrès du Modem. Il y était depuis le matin. Il avait présumé de ses forces et nous sommes partis avant la fin, vers quatre heures. Le retour en voiture fut pour lui un calvaire.



Notes
1 : citation dans les premières pages de La Fée Carabine. Plus sérieusement, pensons à Nietzsche infirmier durant la guerre de 1870.

2 : par là je demandais quelle était la position officielle de l'Eglise puis que l'exercice consiste à connaître ces positions officielles et les (nombreux) débats en cours.

Liturgie de la semaine sainte

Quelques notes (discrètes, parce que c'est un cours payant) prises pendant le cours mensuel de liturgie.

On dit parfois qu'il n'y a pas de doctrine sacramentelle dans Vatican II. Mais il y a des présentations générales qui en tiennent lieu.

Abréviations de trois Présentations générales qui sont chacune un traité sacramentaire.
PGMR (présentation générale du missel romain) : un traité de l’eucharistie
PGLR (présentation générale du lectionnaire romain)
PGLH (présentation générale de la liturgie des heures)


Le cœur du cours est la liturgie de la Semaine sainte, du dimanche des Rameaux à la Pentecôte, et le professeur, le frère Patrick Prétot, y voit un mémorial des événements du salut. Il en fait une lecture extrêmement fine et évidente (j'appelle évidente la surprise de découvrir comme neuf quelque chose qui était sous nos yeux depuis toujours).
Je pense avec quelque honte à Léonardo et à son proverbe espagnol : « perdu comme un jésuite en semaine sainte ».

Trompettes

— Si vous entendez des trombones le jour du jugement dernier, c'est que Dieu est allemand.

Que font les théologiens ?

Je ne sais plus très bien comment rédiger ces billets : ne reprendre qu'un thème, une anecdote, courtement, ou en faire davantage un journal, des pierres de Petit Poucet pour se souvenir, ce qui complique le titre à donner au billet.

Ce matin, TG sur Gaudium et Spes. J'ai très peu travaillé, je l'ai très peu travaillé. Overdose de Vatican II, overdose d'émerveillement devant le miracle qu'a constitué ce concile. Je suis fatiguée de ce que je ressens comme de la propagande ecclésiologique alors que toute ma pente va à la christologie (en termes ordinaires : ma foi s'enracine dans les évangiles, pas dans les actes du magistère).

Il se passe quelque chose d'étrange avec la professeur. Il est évident que mon mode de pensée, mes interventions et mes interrogations la dérangent, à tort ou à raison1 — et elle recentre le débat. Soit. Ce qui est embarrassant, c'est qu'elle culpabilise et me demande ensuite si je boude ! (non je ne boude pas. Simplement je me demande in petto si l'on peut s'interroger librement (puisque nous sommes entre nous, croyants de bonne volonté) ou s'il faut s'autocensurer.)

Des exemples : l'une des questions porte sur l'Incarnation : sans la chute, le Christ aurait-il eu "besoin" de s'incarner, se serait-il incarné ? Dun Scott penche pour oui, Thomas d'Aquin pour non.
Une autre question porte sur le péché : pensons-nous (chacun de nous, dans la salle) le péché comme constitutif de l'homme, ou pensons-nous la création (Création) comme essentiellement bonne, et l'homme fondamentalement bon, ensuite seulement corrompu par le péché ?
Depuis Vatican II la deuxième position prime mais pendant longtemps l'Eglise adoptait plutôt la première. Sur les deux questions, les deux positions sont possibles, acceptées par l'Eglise, ce qui amène mon interrogation de fond : que font les théologiens ? (de quelle nature est leur réflexion ?) : s'enferment-ils dans leur chambre pour prier et ensuite écrire, dans une inspiration tels les prophètes, ou nous livrent-ils leur opinion (étayée par la prière et l'étude des textes et de la tradition, bien sûr) qui dépend en grande partie de leur personnalité plus ou moins optimiste ?
Cette question-là n'a pas plu.
Suis-je la seule à ressentir du malaise devant le travail des théologiens, devant cette façon de vouloir expliquer l'incompréhensible et de le réduire à dimension humaine ?
Mais y a-t-il moyen de faire autrement si l'on veut se servir de sa raison ?

En sortant, shopping. Ça fait quelques semaines que j'y songeais, j'ai froid et je n'ai rien qui me corresponde vraiment dans ma garde-robe pour les jours froids.
Deux robes grises en laine chez Max Mara. La vendeuse est charmante.


Note
1 : autrement dit, il est fort possible que je sois hors sujet

La maîtresse de Barth

Le professeur d'allemand, Pierre-Olivier Léchot, (également doyen de l'institut), rit : « Ce qui m'amuse, ce sont les réactions scandalisées des Américains à la lecture d'une traduction récente de la correspondance de Barth… Pour moi c'était évident, je l'ai toujours su, je ne me souviens même pas ne pas l'avoir su. »

Mais de quoi parle-t-il ? Je me concentre. Il est en train de raconter avec sa pointe d'accent inidentifiable que Barth avait une maîtresse, a eu une maîtresse toute sa vie ; il a vécu un ménage à trois en se cachant à peine — ou sans se cacher. Les Américains ne le savaient pas (les Français, catholiques ou protestants, le savent-ils ?) et sont choqués : « Evidemment cela jette une lumière particulière sur sa Dogmatique et ses positions sur le mariage. Charlotte von Kirschbaum était bien plus qu'une secrétaire ; d'ailleurs à partir du moment où elle a été hospitalisée, l'écriture de la Dogmatique s'est interrompue. »

(Remarque personnelle : ne pas en conclure trop vite que c'est elle qui en est l'auteur : Saint-Simon a interrompu plusieurs mois ses Mémoires après la mort de sa femme.)


Le soir je fais quelques recherches. A partir de ce billet, de liens en liens, on accède à une série d'articles (en anglais) sur le sujet.

Je traduis les deux citations qui apparaissent dans ce billet :
De cette façon, je n'ai jamais pu et ne peux toujours pas nié ni la réalité de mon mariage, ni la réalité de mon amour. Il est vrai que je suis marié, que je suis père et grand-père. Il est également vrai que j'aime. Et il est vrai que ces faits ne coïncident pas. C'est pourquoi nous avons décidé, après quelques hésitations au départ, de ne pas résoudre le problème par une séparation d'un côté ou de l'autre.

Karl Barth, Vorwort xxii n. 3, letter of 1947 cited by Christiane Tietz, Karl Barth and Charlotte von Kirschbaum, Theology Today 2017 Vol. 74(2), 109.
Et ceci qu'il écrivit il y a longtemps, en 1947, à un pasteur de sa connaissance :
C'est précisément ce qui constitue la plus grande bénédiction terrestre qui m'ait été accordée durant ma vie qui constitue en même temps la plus forte accusation contre ma vie terrestre. Je me tiens ainsi sous le regard de Dieu, incapable d'y échapper d'une manière ou d'une autre […] Il se pourrait que ce soit à partir de cela que l'on puisse trouver dans ma théologie un élément de mon expérience, ou pour mieux dire, un élément de vie vécue. Il m'a été interdit de façon très concrète de devenir le rigoriste que dans d'autres circonstances j'aurais pu devenir.

Karl Barth, BW. Kirschbaum I, Vorwort xxf. n. 1 cited by Christiane Tietz, Karl Barth and Charlotte von Kirschbaum, Theology Today 2017 Vol. 74(2), 111.
Par ailleurs, on trouvera ici une plaisanterie sur la Trinité (le blog dans son entier est à couper le souffle pour qui s'intéresse à l'exégèse ou la théologie).

Toujours à la recherche d'un sujet

Un moine parle :
« Pour venir de La Pierre-qui-Vire, je voyage par blabla car. C'est l'occasion d'une grande variété de rencontres. Cependant il y a trois points qui reviennent souvent dans les conversations :
- nous allons mourir ;
- dans le combat entre la vie et la mort, la mort paraît avoir le dernier mot ;
- seul l'amour permet de dépasser la mort. »

C'est exactement Harry Potter.
Et je me dis que si JY Lacoste a analysé Narnia, je pourrais proposer d'analyser Harry Potter, parce que ce répètent les sept livres jusqu'à plus soif, c'est la victoire de l'amour par-delà la mort : Harry Potter et le sacrifice, comme Narnia et le sacrifice d'Aslan.
Après tout, la citation sur la tombe des parents d'Harry : "le dernier ennemi, la mort" est une citation de St Paul.

Dernier TG

Journée sur l'autorité dont l'autorité dans la liturgie l'après-midi (cela paraît abscons, c'était passionnant).

Aperçus:
Vous connaissez la blague sur Karl Barth et Jean XXIII? On demande à Jean XXIII qui est le plus grand théologien du XXe siècle. «Karl Barth», répond Jean XXIII. Et Barth, l'apprenant: «Je sens que je suis de plus en plus convaincu par le dogme de l'infaillibilité pontificale».

«En France, on pense l'unité sous le mode de l'uniformité.»

Boutade de Michel Serres: «il y a vingt ans, quand je voulais intéresser mes étudiants, je leur parlais de politique, quand je voulais les faire rire je leur parlais de religion; aujourd'hui quand je veux les intéresser je leur parle de religion et quand je veux les faire rire je leur parle de politique.»
Cela rejoint mon expérience: j'ai découvert à ma grande surprise qu'avouer que l'on fait des études de théologie ne provoque pas hostilité ou moqueries, mais intérêt.

Je suis en vacances, youpi !! Sans devoir en retard !!


Le soir, spectacle de claquettes de l'école dont notre voisine est professeur.

Retours

RER bien trop tard parce que j'ai pris un agréable petit déjeuner dans le jardin.
Je dépile paresseusement des mails toute la journée.
Kiné. Assise sur un gros ballon, mouvement du bassin. Je suis nulle.
— Le problème c'est plutôt mon cerveau.
Il rit : — C'est souvent le cas.

Dans le cadre du futur déménagement nous sommes invités à jeter tous les documents inutiles: les documents qu'ils faut conserver doivent être envoyés dans un local d'archives à T***, les autres doivent être jetés. Dans les nouveaux locaux en open-space, il nous restera chacun une "crédence", une armoire d'un mètre de hauteur sur un mètre vingt de large, de quoi conserver trois rangs de dossiers suspendus. L'opération d'allègement est appelée "happy cleaning". Une amie a découvert que cela signifiait douche vaginale dans le langage de la rue. Je n'ai pas osé le répéter, je suis déjà identifiée comme forte tête… Peu à peu je ressens un malaise devant les bennes à papier en découvrant ce qui est jeté. Il me semble voir la colère des salariés qui jettent dans un mouvement d'après-moi-le-déluge, après tout, si-c-est-ce-que-vous-voulez.
Il aurait sans doute fallu prévoir un lieu où déposer les documents "précieux", anciens, vénérables, la mémoire de l'entreprise. Il aurait sans doute fallu prévoir une pièce pour constitué un musée, vingt mètre carrés, quelques documents à mettre sous verre ou sous vitrine.

Arrivée un peu en retard en cours. Diagnostic prénatal (pour éviter de transmettre des maladies génétiques, avec le risque d'un tri eugénique qui rendrait la population homogène génétiquement et donc vulnérable à une épidémie); banques de cordons ombilicaux; euthanasie ou suicide assisté, soins palliatifs: vaste panorama, questions sans réponses.
L'Art de mourir, défense et technique du suicide secondé date de 1919 (pour les gueules cassées, je suppose) suivi en 1923 par Euthanasie - das Recht des Arztes zur Tötung de Fritz Pelckmann dans une toute autre visée. Cet ouvrages va mettre un coup d'arrêt aux velléités de suicide assisté en France.

Document pour s'inscrire en septième année. Nous aurons de nouveau de l'exégèse qui est ma matière préférée.
En huitième année il y aura un mémoire dont le plus difficile est sans doute de trouver le sujet. Je songe à quelque chose sur l'œcuménisme.

Lundi

Se profile la première semaine entière de travail depuis longtemps (depuis la semaine du 20 mars, je pense).
Je continue à travailler lentement, une action après l'autre. Tout est très calme. Je n'ai aucun contact avec les administrateurs, les assurés n'appellent plus, personne ne s'inquiète des enveloppes T, du matériel de vote à envoyer. J'avance lentement, sans aucune pression.

A-C au téléphone. Nous parlons famille, enfants et mari. Ce qui ressort finalement, c'est à quel point l'irresponsabilité du conjoint finit par être insupportable. Ne pas pouvoir compter sur l'autre pour la protection du foyer et des enfants finit par dégoûter de la vie commune: à quoi bon? Soudain l'obsessionnel jusqu'au ridicule "il faut protéger ma famille" des films américains finit par trouver un sens.

Humanae Vitae. Dans ce qui suis je mélange réflexions personnelles et prise de notes. Je ne précise pas dans la mesure où le changement de style me paraît suffisant à marquer l'un et l'autre.
Ce texte est une invitation à la spiritualisation du désir.
Comment ne pas sourire ou soupirer ou avoir envie de pleurer en lisant ce texte qui imagine évident et partagé le désir de contrôle de soi et de soumission des instincts. Le problème (l'un des problèmes, mais je crois que c'est le principal) c'est que l'instinct génésique masculin est survalorisé, l'a sans doute toujours été, à la fois dans le temps et l'espace. Les maternités non désirées sont désignées comme mauvaises, non souhaitables, mais le manque d'appétit sexuel est toujours jugé une catastrophe. On lutte contre les maternités par une pilule, contre le défaut d'érection par une autre. Je n'ai jamais entendu personne insinuer que mis ensemble, ces deux "problèmes" n'en sont plus. La tendance du jour serait plutôt de toujours trouver de nouveaux moyens d'exciter et de satisfaire les instincts génésiques.

J'ai entendu un jour (dans le jardin de St-Serge, dans une allée, en passant) un prêtre orthodoxe parler de la gloutonnerie, englobant d'un même mouvement la luxure et la gourmandise en parlant des hommes ventripotents aux multiples enfants et de leur incapacité à contrôler leurs appétits — mais autant leur surpoids ne fait que punir le glouton, autant les multiples enfants punit la mère qui subit deux fois: l'insatiabilité de son mari et les enfants (grossesses et soins du ménage et éducation…) C'est cela qui provoque ce profond sentiment féministe d'injustice dans ces obligations: ce n'est pas celui qui est avide qui en subit les conséquences (eh oui: l'enfant comme malédiction et non bénédiction, c'est que l'Eglise est incapable d'imaginer.)

Ne pas écraser la vie spirituelle par le respect d'une loi extérieure.

L'idéal, le réel, le possible : triade posée par certains théologiens. Benoît XVI refusait de dissocier réalité et idéal, tandis que le pape François parle de l'attention à porter aux situations "non-pleines" (ie accepter les situations non parfaites (ce qui rejoint la loi de gradualité de Jean-Paul II)), dans l'espérance qu'elles sont une étape vers un amour plus grand.

De nombreux théologiens ont protesté (à l'époque de la parution d'Humanae Vitae, 1968), certains ont été interdits d'enseignement.

Se décider

Je retourne en cours d'allemand pour apprendre que c'est le dernier de l'année. Nous traduisons trois poèmes de Bonhoeffer.
C'était prévu dans le descriptif du cours, mais on peut dire que ça tombe à pic.

Explication pour ceux qui ne connaissent pas : Bonhoeffer, pasteur protestant, est l'une des grandes figures théologiennes qui s'est opposé au nazisme au sein de "l'Eglise confessante" alors que l'Eglise allemande hésitait et se ralliait en grande partie au nazisme. Il a fait partie d'un groupe qui préparait un attentat contre Hitler (qu'un chrétien s'engage sur le chemin du meurtre reste pour moi in-pensable) et a été pendu en avril 1945.

Quel rapport avec aujourd'hui? Voici quelques lignes d'une lettre de 1934 sur l'importance de prendre une décision, de prendre le risque de prendre une décision ("œcuménique" représente les différents courants protestants). Je pense ici autant aux hésitants en général qu'à l'Eglise catholique qui n'ose pas employer de mots fermes par peur de brusquer les anti-mariages gay (heureusement quelques évêques ont été clairs et sauvent l'honneur). :
J'aurais beaucoup aimé discuter de nouveau de la situation actuelle avec toi, puisque la lenteur de la risposte œcuménique commence à mes yeux à friser l'irresponsabilité. Il faudra bien prendre une décision à un moment, il n'est pas bon d'attendre indéfiniment un signe du ciel qui viendrait résoudre le problème sans aucun trouble. Le Mouvement Œcuménique doit lui aussi prendre position, quitte à se tromper, comme tout être humain. Mais que la peur de se tromper les pousse à tergiverser et à se dérober alors que d'autres, nos frères en Allemagne, sont obligés de prendre des décisions infiniment plus difficiles tous les jours, me semble aller à l'encontre de l'amour. Retarder une prise de décision ou ne pas en prendre est un plus grand péché que de prendre de mauvaises décisions guidées par la foi et l'amour. […] Dans le cas qui nous préoccupe, c'est maintenant ou jamais. "Trop tard" mènera à "jamais".

Eric Metaxas, Bonhoeffer : pasteur, martyr, prophète, espion, p.280, éd. Première Partie, Paris 2014
L'un des élèves nous apprend que passant à Weimar en juin 2014, il avait voulu aller à Buchenwald voir le mémorial de Bonhoeffer: impossible, il venait d'être vandalisé.

Le soir, retour en cours. J'en ai raté quatre. Troisième cours sur "Sexualité, éthique et théologie". Je suis extrêmement sur la réserve.
Pour l'instant tout va bien : Thomas (d'Aquin), faire mémoire, agapê…
Mémoire, intelligence, volonté : selon l'importance plus grande donnée à l'un ou à l'autre, on sera plutôt augustinien, bonaventurien ou scottiste…

Piste : Eric Fuchs, théologien protestant, a écrit un livre qui a eu beaucoup de succès autant auprès des catholiques que des protestants: Le désir et la tendresse.

Généalogie matthéenne : les transgressions des patriarches n'entravent pas le dessein de Dieu.

Il se fait tard, la nuit vient

Messe. Les pélerins d'Emmaüs (je l'ai traduit en cours, je corrige mentalement la version liturgique que j'entends (la version liturgique gomme les aspérités de l'original, elle est plus facile à entendre, à comprendre): les stades traduits en heures de marche, l'espace traduit en temps…).
Il n'y aura strictement aucune allusion à la situation actuelle, à l'entre-deux tours, mais au moment de l'envoi, le prêtre sud-américain conclura de façon très solemnelle par «je vous invite cette semaine à méditer cette parole de l'Evangile d'aujourd'hui: "reste avec nous Seigneur, car il se fait tard, la nuit vient"».


A trois heures je participe à la première manifestation de ma vie, devant la mairie, à Yerres. Dupont-Aignan, qui s'est allié à Marine Le Pen, a qualifié les Yerrois d'idiots utiles.



Orage

Ai-je trop dormi hier? Autant j'allais mieux, autant je pensais hier soir avoir passé le paroxysme et être sur la voie de la guérison, autant mon état avait empiré ce matin. J'ai mal même immobile, même dans mon sommeil, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici. Je n'en vois plus la fin.

Départ des "voisins" dans la matinée après une ultime discussion politique, moi m'enflammant quand "le voisin" chante les louanges de Ségala (Ségala et Jacques Attali, mes deux bêtes noires).

Orage dans l'après-midi. Candycrush et quelques textes de théologie morale dans le salon au coin du feu. Je n'ai toujours pas choisi mon sujet pour le 25 avril. Je m'interroge: est-ce que mon lumbago est lié à ma lassitude de la mutuelle et à la peur de cet oral? Après tout, l'année dernière à la même époque c'est mon genou qui m'avait immobilisée (mais sans arrêt de travail), me permettant d'écrire ma dissertation de fin d'année plus ma dissertation en retard…
Est-ce que je psychote trop et raconte n'importe quoi?
C'est long.

Vendredi

Chez le coiffeur. Remboursez ! : on me donne Art & Décoration — et mes potins, alors? Rien que quelques photos, très bleues, dans VSD, d'Obama en vacances près des îles Moustiques chez un ami milliardaire. Il est remarquablement musclé, il faut croire qu'il y a une salle de sport dans les sous-sols de la Maison blanche.

Plus de billet pour Chtchoukine, même de sept à neuf. Il faudra donc aller à St Pétersbourg et Moscou.

Je lis Paul Beauchamp et j'ai l'impression de lire Roland Barthes: la même façon de donner l'impression d'avoir fumé la moquette (de la bonne), la même capacité à poétiser en utilisant des mots techniques, à transformer la technique (théologique dans un cas, linguistique dans l'autre) en poésie.

Impressing the Czar

Je suis encore en vacances, c'est-à-dire que j'avais prévu de travailler aujourd'hui à mon TG de samedi, sachant que je n'aurais rien fait pendant les fêtes. Ayant emprunté Laudato si, je le lis. J'affectionne particulièrement ce paragraphe:
59. En même temps, une écologie superficielle ou apparente se développe, qui consolide un certain assoupissement et une joyeuse irresponsabilité. Comme cela arrive ordinairement aux époques de crises profondes, qui requièrent des décisions courageuses, nous sommes tentés de penser que ce qui est en train de se passer n’est pas certain. Si nous regardons les choses en surface, au-delà de quelques signes visibles de pollution et de dégradation, il semble qu’elles ne soient pas si graves et que la planète pourrait subsister longtemps dans les conditions actuelles. Ce comportement évasif nous permet de continuer à maintenir nos styles de vie, de production et de consommation. C’est la manière dont l’être humain s’arrange pour alimenter tous les vices autodestructifs : en essayant de ne pas les voir, en luttant pour ne pas les reconnaître, en retardant les décisions importantes, en agissant comme si de rien n’était.

Encyclique Laudato si, sur la sauvegarde de la maison commune, pape François, 24 mai 2015
«une joyeuse irresponsabilité», «décisions courageuses», «tentés de penser que ce qui est en train de se passer n’est pas certain»: tout me plaît.
Je n'aurai jamais terminé pour samedi.

Danse à nouveau ce soir au palais Garnier. Semperoper Ballett de Dresde pour Impressing the Czar de William Forsythe. Les quatre pièces donnent l'impression d'un chaos permanent et seul le fait qu'il se poursuive de longues minutes oblige à admettre le fait que c'est un chaos organisé et non en voie d'atomisation. C'est impressionnant.
La première partie m'a fait penser à un tableau de Jérôme Bosch (sans que rien objectivement ne soutienne cette association, ni les costumes, ni la musique. Sans doute l'impression de farce, de parodie. Par moments il semblait que l'on tournait le bouton d'un vieux poste de radio à la recherche d'une station, d'autres fois que l'on était dans un aéroport à cause d'annonces criées au micro, le tout dans des costumes de velours somptueux). La deuxième pièce, après l'entracte, est ma préférée, autant par la danse que la musique de Thom Willems. La troisième est cacophonique (peut-on dire d'une danse qu'elle est cacophonique? des corps discordants?), sorte de critique de la télévision commençant par une vente aux enchères d'objets dorés (ou de danseurs, comme l'explique cet article qui paraît avoir tout compris). Trop bizarre pour me retenir. La quatrième pièce se présente comme deux rondes échevelées et désynchronisées d'écolières japonaises, impressionnantes dans leur gestuelle.

Ce que je retiendrai de la soirée sera la découverte de Thom Willems.

Samedi

Journée : session "justice et miséricorde".
Un peu déçue de n'avoir abordé le sujet que d'un point de vue biblique et sacramentel, et très peu pratique.

Il y a quelques années, lors d'une préparation d'une journée à Chartres avec des cinquièmes, j'avais été frappée de la confusion qui régnait dans l'esprit de certains parents. Il venait de se produire un fait divers sordide, du genre un meurtre ou un viol par un récidiviste en liberté anticipée, ils étaient pleins de bonne volonté, voulaient être de bon chrétiens, se demandaient s'il "fallait pardonner", si c'était vraiment cela qui était attendu d'eux.
J'étais intervenue pour dire que jamais dans l'Evangile le pardon n'était donné à quelqu'un qui ne le demandait pas: de quel droit aller embarrasser quelqu'un d'un pardon qu'il n'a pas demandé?
La justice avant la charité: cette parole de Jean XXIII trouvée chez Arendt (Vies politiques) permet de remettre les choses dans l'ordre, de séparer l'humain du divin (si tant est que la justice puisse être humaine — mais nous avons l'obligation d'essayer).
Mais nous n'avons pas abordé ces points qui m'intéressent profondément.

Il fait très beau, repas en commun dans le jardin, c'est un grand plaisir de se retrouver ensemble. Je regrette ceux qui ne sont pas là, qui ont abandonné ou prennent une année de répit.

Vingt minutes de sieste, puis repas d'anniversaire pour les dix-huit ans d'Olivier: tous majeurs autour de la table, yeepee!!
Repas animé comme ils le sont toujours, cela me manquera.
O, le grand O, m'a ramené Bill, the Galactic Heroe, que j'ai lu il y a vingt-cinq ans et qui me paraît si bien correspondre à l'époque actuelle.
Livre givré apparemment : Le temps du twist de Joël Houssin, pour fans de Led Zep entre autres.

Théologie

Je lis Gibellini. Page 57 je trouve des définitions possibles de la théologie. Théologie : réflexion responsable sur la prédication, sur l’annonce chrétienne. La théologie historique a le devoir de réfléchir sur ce qui a été annoncé, la théologie dogmatique sur ce qu’on doit annoncer aujourd’hui. Ebeling : « sans proclamation, la théologie est vide. Sans théologie, la proclamation est aveugle. » Je comprends peu à peu pourquoi la théologie est si difficile, devient si difficile au fur à meusure que j'avance: la proclamation me fait peur. J'ai peur de me présenter comme chrétienne. Et encore, chrétienne, ça irait, mais comme catholique. Je ne suis ni fière ni rassurée de m'avancer comme catholique, et cela pour deux raisons majeure: la peur du ridicule (entre foi et superstition il n'y a pas de différence pour certains (c'est d'ailleurs le mot que Leo Strauss utilise pour la foi dans Cabale et philosophie (mais en notant qu'il faut être tenté par (et renoncer à) la foi pour être un philosophe valable)) et sans doute plus grave, la peur d'être à priori jugée intolérante (ce que je suis sans doute, mais je préférerais être jugée sur mes actes et mes paroles que sur mon appartenance à une catégorie).

Et pourtant, chaque fois, je suis surprise de voir combien les gens sont curieux, intéressés (et non pas moqueurs ou agressifs, ce que j'attends toujours), sur ce que l'on peut avoir à dire sur la foi: comme s'ils étaient heureux voire soulagés de pouvoir poser des questions sur cette idée, cette position, bizarre.

Vacances : au travail !

Je m’efforce de profiter des vacances jusqu’au dernier moment pour terminer mon travail.»
Cabale et philosophie, lettre de Scholem, le 4 septembre 1954
J'adore cette citation, elle est si vraie.

L'année étudiante finie, je peux enfin me mettre à travailler. J'entame donc de ce pas mon programme de bonnes résolutions.
1/ Gibellini, Panorama de la théologie au XXe siècle.
(Les bonnes résolutions, ça ne dure jamais longtemps, mais tant que ça dure, c'est toujours ça de pris.)

Ahurissement

Ce moment où tu t'aperçois que le premier livre de Hans Urs von Balthasar n'est pas traduit en français (et j'ose à peine le commander, de peur qu'il soit écrit en gothique — il est presque sûrement écrit en gothique): Apokalypse der deutschen Seele.


(Finalement non, sans doute pas : dernière édition en 1998)

Dimanche calme

Une heure sur Barth. Le travail effectué en allemand il y a deux ans m'est utile, je me félicite d'avoir acheté L'Encyclopédie du protestantisme (la prof Lucie Kaennel était l'un des auteurs).

Aviron. En regardant mes photos, je me dis que nous n'avons pas eu un jour de grand soleil de l'hiver. Courant, rafales de vent, douceur de la température.
Yolette, Philippe, Véronique, Stéphane, Magali (je me suis appliquée, je ne suis pas arrivée la dernière! Il faut que je parte de la maison à 9h15 (tout cela noté ici pour moi-même, cela n'a strictement aucun intérêt pour vous)). Peu de monde, c'est les vacances. La voiture indique une fois encore "défaillance freins" pendant que je roule en régulateur de vitesse et je dois appuyer à fond sur le frein pour le décoincer et ralentir. C'est flippant, faut avouer (cela m'était déjà arrivé en revenant de Blois en janvier). Je l'emmène à la révision demain, heureusement (et chaque fois je me dis que je dois me tromper dans l'usage d'amener/apporter/emmener, mais tant pis).



Buñuel, La mort en ce jardin. Aguire ou la colère de Dieu a-t-il un lien avec ce film? (les dernières paroles de Vanel, les dernières images… et tout le reste.)

Journée agréable à ne rien faire sans avoir rien d'urgent à faire (si ne rien faire est courant, la seconde partie de la phrase est beaucoup plus rare. Quelle surprise, quelle richesse, quelle tranquillité soudain).

Questions

Antoine me demande pourquoi j'ai entrepris ce cycle de théologie. La question lui a été posée ce week-end et visiblement il n'a pas réussi à convaincre son auditoire. Je parle de la nécessité de se former pour avoir une parole légitime dans un monde où la, les, religions ont pris une importance inattendue (inattendue il y a vingt ou quarante ans) et sans doute démesurée pour la tranquillité du globe.

Plus tard, Nicole, sans avoir connaissance de cette conversation et alors que je proteste contre les questions byzantines (au sens propre) concernant les deux natures du Christ, dit quelque chose comme «Tu n'as pas des questions, toi? on ne vient pas ici si ce n'est pas pour répondre à quelques questions» (heureusement Vincent se met à rire: «je découvre des questions que je n'aurais jamais songé à me poser», ce qui est un peu mon point de vue, à cela près que je ne me les pose pas davantage maintenant.)

Sans doute que je ne m'en pose pas assez. Mais les réponses me paraissent si ridicules, si humaines, si réduites à notre taille.

Quand j'avais six ou sept ans, au catéchisme, on nous a raconté l'histoire d'un enfant en train de creuser un trou dans le sable sur la plage. Un sage passe et lui demande ce qu'il fait: «je creuse un trou pour y mettre la mer», répond l'enfant. Le sage comprend alors que vouloir contenir Dieu dans son esprit est aussi ridicule que vouloir mettre la mer dans un trou creusé dans le sable.
(Des années plus tard (quand et comment?) je découvris que c'était un récit de Saint Augustin.)
Quoi qu'il en soit, la leçon a laissé des traces indélébiles. Il faut bien avouer que les réponses humaines me font sourire, mais la persistance à en chercher et à en trouver (trouver, inventer: synonymes, oui ou non?) m'intrigue: les théologiens sont des gens fins, intelligents et cultivés, et eux ne trouvent cela ni déplacés ni ridicules.
Donc donc donc… Donc quoi?

L'anniversaire de Marignan

Aucun rapport avec la suite, simplement j'ai entendu cela ce matin à la radio et je voudrais m'en souvenir.

Pour une raison mystérieuse, je m'étais mis en tête que les cours ne recommençaient qu'en octobre, heureusement qu'un mail d'une amie s'étonnant de mon absence lundi dernier m'a avertie de mon erreur (pas de regret, j'étais à Cerisy).

J'arrive pour six heures, pensant travailler deux heures en bibliothèque, mais celle-ci ferme, les horaires d'été s'appliquent encore (je n'ai que le temps de rendre trois livres, un lu à moitié (JH Newman), un acheté depuis (Auguste Diès), un non lu (Hermann Gunkel)) et je me retrouve au café.

Un coreligionnaire (j'aime avoir l'occasion d'employer ce mot à bon escient) me rejoint. J'espère ne pas l'avoir trop démoralisé. Il faut dire que je commence l'année avec difficulté. Pas d'enthousiasme, pas de goût, pas de désir — même pas celui d'abandonner. A lui qui essaie de me motiver en me disant que nous avons fait la moitié du parcours (quatre années sur huit), je réponds que dans l'escalade d'une montagne, la seconde moitié est la plus difficile — qu'en fait chaque pas est plus difficile que le précédent. Tout cela manque tant de chaleur, je voudrais un prof, un prêtre, n'importe qui de n'importe quel statut, qui vienne nous parler de foi et non de raison. Ras-la-casquette de la raison. Si j'étais raisonnable, je ne suivrais pas ces cours. Et la raison, c'est tellement banal. Un peu de folie, nom de Zeus.
C'est le moment de la traversée du désert, celui où il faut continuer sans plus croire à rien, en rien, même pas qu'il y a un autre côté du désert. Juste s'obstiner toujours dans la même direction. J'ai prouvé des aptitudes à cela par le passé. Mais ça ne m'empêche pas de râler.

Bonne nouvelle

Nous nous retrouvons au café avant le cours.
— Pfff, pas grand chose de réjouissant, en ce moment… Ah si, Nabilla n'ira pas au pénal.



S'en suivent quelques commentaires, à commencer par se demander comment il est possible qu'elle y échappe.


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J'ai un 11 mérité en théologie. Problème de méthode, pensée pas assez resserrée.
Surtout j'ai essayé de plaire, et j'ai honte d'avoir fait cela plutôt qu'avoir travaillé davantage sérieusement.

Week-end

- Vendredi soir : concert de fin d'année de l'école de musique

- Samedi : journée théologie. La place de l'épiscopat depuis Vatican II (cela fluctue et n'est ni très clair ni très arrêté. Quel rôle et quelle place pour les Eglises locales, voire régionales? Des pistes intéressantes pour l'avenir de l'Eglise. L'enjeu? A mon sens, avoir et faire confiance. Quand on voit comme c'est difficile alors qu'il s'agit des plus hautes instances (les évêques) nommées par une unique entité (le pape) garant d'une même foi, on se dit que finalement, qu'on puisse se faire confiance dans d'autres contextes moins unifiés est un miracle absolu.)

Le soir, spectacle de claquettes à Vincennes (notre voisine est professeur). Spectacle impressionnant par sa variété et le jeu des costumes.
J'ai la surprise de découvrir Danielle dans les danseuses. Elle était avec moi à la Vogalonga de 2011 (elle a arrêté l'aviron parce que porter les yolettes lui faisait mal au dos).

- Dimanche La flûte enchantée, pétillante et joyeuse. Enfin un décor qui n'est pas noir. Papageno remarquable. (Avouons que je ne comprends rien au livret. Les livrets d'opéra me paraissent toujours si schématiques que je devrais me forcer à ne pas en tenir compte, à simplement écouter et regarder sans chercher de sens.)

Ruminations scolaires

Tôt le matin je me remets à ma fiche de lecture. Toujours des problèmes de méthode (ce que je fais s'apparente plutôt à des notes de lecture et c'est beaucoup trop long, je n'ai pas le temps de faire cela, il faut que je m'y prenne autrement — mais comment? (je note ici ces questions scolaires car je n'en reviens pas de les avoir encore — en fait je ne les ai jamais résolues). Vers cinq heures du matin, je décide de tailler dans le vif, de reconstituer la démonstration du volume et de laisser tomber le reste (ça devient très court, soudain!) en notant à part les définitions et les citations bibliques.
En cherchant des conseils de méthode sur Google, je trouve un petit livre de Sertillanges, La Vie intellectuelle, inspiré de seize préceptes de Thomas d'Aquin. Mon Dieu, du self-help français en 1921! (Ne pas trop lire, ne pas trop se spécialiser : de quoi me redonner le moral).

Journée comme les journées depuis le début de l'année: tout va mal. Tout s'est terriblement dégradé depuis septembre, les gens et l'informatique ont l'air de ne plus tenir le coup. C'est infernal, on s'emmêle dans les mêmes demandes formulées trois fois à trois semaines d'intervalles à trois personnes différentes, les adhérents s'énervent et il y a de quoi (jeudi, j'écris un mail au délégataire intitulé "JE CRAQUE." Je réussis à attirer leur attention.)

Tutorat encore. Sueurs froides: en voulant imprimer le document envoyé à ma tutrice vendredi matin d'un Starbuck (document terminé en catastrophe sur les genoux — je dois être la seule à synthétiser quelques chapitres d'Initiation à la pratique de la théologie dans un Starbuck à huit heures du mat' avant d'aller à un colloque de langues anciennes — cela me fait rire, j'éprouve une certaine fierté devant cette excentricité, mais en même temps cela me désespère d'être toujours aussi à la bourre, de ne jamais être aussi sérieuse que je le souhaiterais — mais d'un autre côté la proscratination… si j'avais du temps, ferais-je mieux? pas sûr), en voulant imprimer le document, donc, je découvre que mon mail ne contient pas de document attaché.
Mais si ma tutrice ne m'a rien dit, c'est qu'elle a estimé que vendredi, c'était trop tard, que j'aurais dû envoyer le doc jeudi… Je suis à la limite des larmes, morte de honte… si j'avais son téléphone je décommanderais le rendez-vous. D'un autre côté c'est absurde, c'est elle qui aurait dû décommander si elle trouvait que j'avais fait montre de trop de désinvolture en lui envoyant mes notes trop tard, et en outre en oubliant le document attaché…
La mort dans l'âme, j'y vais quand même, et il se trouvera qu'elle a bien reçu mes notes — je ne comprends pas comment est paramétré mon mail, pourquoi je n'ai pas vu de document attaché. Enfin qu'importe, elle se déclare satisfaite: «J'ai été contente de lire cela, vous avez bien avancé». J'en suis heureuse et intérieurement un peu interloquée: je n'ai fait que reprendre la démonstration d'Hervé Legrand, je n'ai même pas pris la peine de changer l'ordre des parties, et elle le sait puisqu'elle a apporté le livre. Je ne m'habituerai jamais au fait qu'on attende de nous de la restitution tout en nous proclamant qu'il nous faut produire «un travail personnel». Je le sais, je le sais, je le sais, mais j'ai un tel sentiment d'imposture et de plagiat quand je travaille ainsi que je m'imagine toujours qu'on attend autre chose.

Il est probable — je n'y avais pas pensé — que je vais pouvoir écrire quelques lignes sur cette différence qui me paraît essentielle, le bon et le bien («Vous pouvez mener une vie parfaitement morale sans amour». Ah mais oui, et mes héros préférés sont les amoraux pleins de bonté (non, ça je ne le mettrai pas dans ma dissert)).

Etre / Naître / Devenir

«Paraphrasant Simone de Beauvoir qui paraphrasait Tertullien, on ne naît pas chrétien, on le devient. Imaginez un couple (un homme et une femme précise-t-il en souriant) baptisés tous les deux se mariant à l'église sans avoir consommé, tout dans les règles, eh bien, l'enfant qui naîtra sera païen… ce n'est pas vrai chez les juifs, le caractère juif s'acquiert par la filiation… quant aux musulmans, c'est encore autre chose: tout homme naît musulman par défaut, c'est la famille ou la société qui distordent cet ordre naturel.»

Il n'y a là rien que je ne savais déjà, mais isolément. Je n'avais jamais rapproché les trois modèles. Cela me laisse pensive.

Brume

Tellement de brouillard sur la Seine à Melun qu'on ne voyait pas les péniches qui passaient. Sorties interdites, pourtant un huit est parti dans le coton. Je songe à une nouvelle de Maupassant (mais laquelle?). Je regrette de ne pas avoir pris de photo: qu'aurait-on vu, qu'aurait-on compris?

Dormi tout l'après-midi. Je respire comme une bouilloire.



Je feuillette le Chenu acheté hier et trouve ces lignes de St Hilaire de Poitiers cité par Saint Thomas qui dépeignent à la fois mon impuissance et mon espoir croissants concernant mes études:
… C'est cette recherche qu'exalte Hilaire, dans son livre sur la Trinité: «Dans ta foi, entreprends, progresse, acharne-toi. Tu n'arriveras pas au terme, je le sais, mais le moindre progrès est déjà plein de grâce. Qui poursuit l'infini avec ferveur progresse, même s'il n'arrive pas à ses fins. Mais pour cela, garde-toi de prétendre percer le mystère, par cette immersion dans la vérité sans rivage; la première condition est de comprendre qu'elle passe toute compréhension.»
Somme contre les Gentils, Livre Ier, chap. 5 et 8.
Comm. sur le traité de la Trinité de Boèce, quest. 2, art. 3, rép. 5.

Marie-Dominique Chenu, St Thomas d'Aquin et la théologie, p.46

Premier TG d'ecclésiologie

Je prends le RER plutôt que la voiture, afin d'avoir le temps de terminer ma préparation de TG dans le train.
Du quai, je contemple les wagons arrêtés sur la voie en face (et qui de ce fait la condamnent pour la journée). Beaucoup de travaux prévus dans les semaines à venir.





La composition du groupe se spécialise: une religieuse, une ex-religieuse, une future religieuse. Deux médecins, une infirmière (un ingénieur, un imprimeur à qui je recommande Le cave se rebiffe).

Matinée sur Troeltsch. Finalement "l'Eglise-mystique" serait le ferment qui travaille l'Eglise (chrétienne) de l'intérieur.

Apéritif. J'entends tandis que je sirote un verre de kir devant St Joseph-des-Carmes:
— Nous fuyons ce qui nous est important.



Rentrer me prend des heures car je tente l'expérience, pour pallier le manque de trains s'arrêtant à Yerres, de prendre le bus B à Créteil-Pompadour. Las! je ne parviens à trouver l'arrêt de bus que bien après qu'il soit passé.
Je vais alors jusqu'à Villeneuve-Saint-Georges et en attendant mon train qui tarde, emm**, par pure malice, pour m'occuper, (le pauvre) un black petit qui fait des sondages sur notre satisfaction: nom de Zeus, il ne faut pas avoir honte!

En arrivant à Yerres, je photographie les travaux vus de l'autre quai. Il fait très beau.

Rentrée

Journée sur Evangelii Gaudium. Intéressant, mais je me rends compte que je n'ai pas assez travaillé.

— Qui l'avait lu avant de devoir le lire pour ce cours?
Personne.
La sœur qui anime le TG (une belle tête à la Philippe de Champaigne, admirable) sourit: «C'est merveilleux, l'ecclésiologie, mais c'est épuisant: chaque semaine il y a de nouveaux livres, entre la Curie et les théologiens, il y a toujours de la lecture… C'est une matière nouvelle, le corpus est moins fixé que pour la christologie.»

Pour le néophyte, c'est surtout angoissant. La principale question qui se pose devant un nouveau texte est : «Sur quels points diffère-t-il des textes précédents?», ce qui suppposent d'avoir lu ceux-ci et d'en avoir compris (vu, reconnu) les enjeux.

Repas pique-nique comme chaque fois. Je sors la porcelaine (je n'avais pas de gobelet en plastique) et les deux thermos de thé (je n'avais plus de café)

Trois jours

Trois jours à ouvrir le courrier, vider le répondeur téléphonique, trier les mails, activité classique des retours de vacances. Pour répondre à une demande du service de la RH groupe je mets de l'ordre dans les contrats (conditions générales (CG) et conditions particulières (CP) pour régime obligatoire (RO) et régime facultatif (RF) pour les sept à dix entreprises contractantes: je retrouve les originaux signés et jette la moitié du contenu des dossiers (les copies, les doubles non signés, les impressions de mails (WTF?), hop, à la poubelle).
(Ce genre de détails a-t-il vocation à être raconté? Mais que dire d'autre si c'est cela la chair des jours?)

Je pars le matin avec A., je rentre le soir avec elle. Je lui ai donné Salut mon pope mardi, elle finit Du brut pour les brutes aujourd'hui. Elle qui lit si littéralement apprécie cette écriture et ses délires (c'était quitte ou double).

Plus (quoi? pragmatiquement? (c'est pour la rentrée)), je lis Evangelii Gaudium. Le style est un peu plat mais certains passages sur le découragement, la culture (les cultures), la finance, sont étonnants. Le rappel de l'autre, de la communauté, contre une spiritualité individualiste et désincarnée est permanent. Je me demande si le fait que les portes de l'église de Yerres soient désormais grandes ouvertes a un rapport avec cette exhortation (je sais désormais que ce qui me paraissait "une idée du curé" est généralement la traduction pratique de textes du magistère). Il y a dans cette exhortation un appel à l'audace et à la prise de risque en général qui pourrait se traduire pour les églises de France par: mieux vaut être vandalisé que fermé.

Je termine le billet sur Delphes en me disant que je n'ai pas réussi à rendre la longueur des kilomètres due à notre faible vitesse, à l'étroitesse des routes et aux variations d'altitude.

Quelques lieux

Premier cours d'allemand théologique à l'institut protestant boulevard Arago. Deuxième cours, en réalité, mais hier O. avait concert de flûte et je voulais y assister.
Nous sommes quatre, la liste comporte huit noms. Deux hommes, deux femmes, deux catholiques, deux protestants, vingt, trente, quarante, cinquante ans, une jeune allemande très blonde aux yeux bleus. J'apprends que Tübingen est le grand lieu (actuel?) de la théologie en Allemagne.

Nous étudions un catéchisme contemporain. Je ne dis pratiquement rien. Je suis à peu près, c'est plutôt facile, mais de là à m'exprimer sur des points de vue théologiques… je n'en sais rien, même en français. J'ai l'impression qu'il faut apprendre les épîtres aux Corinthiens par cœur, tout ce trouve toujours dans les épîtres aux Corinthiens (ceci est ou n'est pas une plaisanterie, à votre guise).

Je prends un Vélib pour rejoindre H. à l'hôtel des grandes écoles au 75 de la rue du Cardinal Lemoine. Demain lui et une collègue de province ont un rendez-vous à Paris; il a pris lui aussi une chambre pour qu'elle ne se sente pas trop perdue. C'est un hôtel que j'avais repéré quand j'étais étudiante, pensionnaire chez les sœurs du couvent écossais au 63 (la toute petite fenêtre tout en haut à droite, c'était la mienne: la dernière chambre, celle que nous étions heureux d'avoir trouvée, Sciences-Po présentant le grand inconvénient (du moins à l'époque, aujourd'hui je ne sais pas) de donner la liste des reçus bien après la rentrée des autres écoles et universités: il fallait se loger dans ce qui restait).

Velib le long de la prison de la santé, j'ai étalonné la boussole pour savoir à peu près dans quelle direction aller, ça descend presque, les rues sont étroites et vides, il fait nuit, ça va vite. Rue des Feuillantines, la librairie "Le Chemin des philosophes" est placardée d'affiches, vitrines désolées. Trop tard, trop tard, pourquoi ne suis-je pas repassée il y a quelques semaines, quand son image m'obsédait?

Rue du cardinal Lemoine, 63, 71 ou 73, plaques à la mémoire de Larbaud et de Joyce. 75, hôtel, pension de famille en 1931, photos de clients sur le piano et les meubles, chambre petite, fleurie, sans télé, silencieuse. Par la fenêtre je contemple sans doute la pièce où fut fini Ulysses, mais laquelle?

Nous ressortons, nous avions envisagé de dîner à la Table russe: fermée pour congés, à la crêperie bretonne de la rue de l'école de médecine: définitivement fermée (zut, je ne l'aurai jamais testée), au Bouillon Racine: complet. Nous échouons à côté, le petit Bouillon dont j'ai oublié le nom.
Rarement nous nous serons autant cassés le nez à la recherche d'un restaurant.

Mercredi

Matinée à la bilbiothèque. J'ai trois heures pour préparer mon oral sur les synoptiques jeudi soir. Nous avons une listes de péricopes, j'ai choisi la triple tradition, et la plus courte, partant du principe que plus le texte est court, plus on est obligé de concentrerson exposé. J'ai donc choisi la parabole sur le sel. Pour rire (de vous ou de moi), je vous donne les trois passages (traduction BJ 1998):
Mt 5,13 «Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel vient à s'affadir, avec quoi le salera-t-on ? Il n'est plus bon à rien qu'à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens.

Mc 9,50 C'est une bonne chose que le sel; mais si le sel devient insipide, avec quoi l'assaisonnerez-vous ? Ayez du sel en vous-mêmes et vivez en paix les uns avec les autres.»

Lc, 14,34-35 «C'est une bonne chose que le sel. Mais si même le sel vient à s'affadir, avec quoi l'assaisonnera-t-on ? 35 Il n'est bon ni pour la terre ni pour le fumier : on le jette dehors. Celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende!»
En fait, c'est surtout le contexte qui fait varier la tonalité de ces versets. "S'affadir" est une gentillesse, le mot grec est "devenir fou": s'agit d'une erreur de traduction entre l'araméen et le grec, ou d'une façon de dire que le sel perd ses qualités de sel?

Déjeuner à l'Antre deux où le patron appelle "Général" un général, vieil habitué du lieu visiblement.

Puis colloque "Eschatologie de la liturgie": cela consiste essentiellement à en chercher la trace dans les textes et les pratiques. Depuis ce jour de 1995 où j'ai lu le commentaire de Rosenzweig par Stéphane Mosès, l'eschatologie est la grande question.
Je n'écoute pas très sérieusement, je griffonne pour mon oral, c'est plus fort que moi.

Vêpres.

Le soir, réunion pseudo-Cruchons ou néo-Cruchons. Au resto. Laurent malade est absent, Aline est montée de ses terres et Jérémy s'est libéré. Nous parlons de tous en évitant les sujets conflictuels. (Enfin non, le mot est mal choisi: il n'y a pas conflit, nous sommes tous d'accord, je crois, sur le fond sur la plupart des sujets (réserve de convention car je ne nous connais pas de désaccord idéologique profond), mais nous évitons de partir dans des débats stériles sur ce qu'il faut faire, aurait fallu faire, ce que nous aurions rêvé…)
Il ne reste que le meilleur: les projets et le gossip.

Projet : un dernier Cruchons à Chartres, avant la vente de la maison (et sa destruction par un promoteur. Cet effacement final de ce qui restait de son propriétaire dont les cendres sont dispersés dans le jardin me laisse en suspens, pleine d'attente: quelle vie romanesque, ce silence, ce vide, cette disparition. Charles, roman.)

Gossips (au pluriel):
— Il t'a unfriendé? Qu'est-ce que t'as fait?
— C'est quoi cette histoire?
— Eh bien il a imprimé des autocollants et il les colle dans les toillettes des mairies.
— C'est pas possible !
— Il les distribue gratuitement, en informant qu'ils ont coûté treize centimes à la fabrication.
— Il faudrait acheter le stock.
— Inutile, il en ferait d'autres…

— Et vous savez quoi? Il se murmure que si Trierweiller est à l'hôpital, c'est qu'elle a fait une scène de ménage, elle a tout cassé y compris ce qui ne lui appartenait pas, qu'il y en a eu pour une fortune… Ils ont été obligés de la shooter, elle ne tenait plus debout, c'est pour cela qu'elle s'est retrouvée à l'hôpital.
— Mais comment tu sais ça?
— Ç'a été démenti.
(Mais qu'est-ce qui rend plus crédible une rumeur qu'un démenti?)

— Et ça va comment à La Réunion, après le cyclone?
— Oh, ce n'était rien du tout. Ma mère m'a dit, de quoi on a l'air? Franchement, cette femme, elle aurait pu mourir d'une minute à l'autre. Et puis quelle idée de monter sur son toit au moment d'un cyclone!

Retour sur un ancien chemin

Retour sur au club littéraires des anciens Sciences-Po, ce club qui réunit des anciens au restaurant une fois par mois pour présenter un livre sur un thème imposé et repartir avec le livre d'un des participants (bookcrossing).

C'est ici que j'avais rencontré Paul Rivière, il y a bien longtemps (septembre 2000. J'avais présenté Le Voleur de Bible. Par coïncidence, la dernière soirée à laquelle j'avais participé de façon régulière avait eu lieu le 11 septembre 2001 — marche dans Paris silencieux, sous le choc, pour rejoindre le restaurant. (Ce soir-là, Madame Bleu de Chine (comprendre l'éditrice de Bleu de Chine) intervenait).

Ensuite, je n'y étais plus allée que sporadiquement, prise d'abord par mon Deug de philo, puis par la découverte de RC et le forum de la société des lecteurs.
Cependant ce club est resté au long des années le prétexte des rencontres hebdomadaire avec Paul: il venait avec le thème de la prochaine rencontre, je proposais des auteurs, nous discutions. Les livres s'entassaient sur la table de restaurant en pile aussi haute que la bouteille.

Je n'arrive pas à me souvenir exactement de ma dernière participation; avant la mort de Paul en avril 2010. Sans doute en mai ou juin 2009. Je sais que les derniers livres que j'ai présentés étaient Vies politiques d'Arendt (quel thème? l'actualité, la culture? je ne sais plus) et Les gommes (thème: la ville).

Je reçois régulièrement les annonces des prochaines rencontres, et cette fois-ci, un peu par curiosité, un peu par ce que je me sens moins fatiguée que l'année dernière, je me suis inscrite. (Thème: "vos lectures non littéraires". J'ai présenté Souvenirs de Hans Jonas, m'apercevant en le feuilletant que beaucoup de noms inconnus en 2005 lors de ma première lecture (Bultmann, Löwith, von Harnack,…) me sont devenus familiers.)

Le hasard fidèle à lui-même m'a placée en face d'une dame revenant de plusieurs années au Etats-Unis qui enseigne quelques heures à la catho. La conversation a glissé sur le cycle C et a amené la fameuse question: pourquoi la théologie?
— La foi, sans doute. La montée de l'islam et la nécessité de "se connaître soi-même" pour répondre de soi et répondre aux autres. Et fondamentalement, c'est sans doute ce que j'aurais dû faire depuis toujours.

Pourquoi la théologie? Avouons que je ne sais toujours pas ce que c'est: de quoi parle-t-on? C'était un moyen d'échapper à la littérature, qui me paraît artificielle et affectée dès que je m'y penche, et à la philosophie, qui d'une part me dépasse souvent et d'autre part me met en colère, tant il me semble qu'elle joue à l'apprenti-sorcier, diffusant des idées (que l'on pense des conclusions mais qui sont des hypothèses) mises ensuite en pratique dans les cent ou deux cents ans suivants, causant des milliers de morts. (Evidemment, on peut répondre que la religion ne fait guère mieux. La théologie est-elle la religion? Il y a une phrase de Schmitt comme quoi un théologien souhaite la mort de ses ennemis. Bref, à suivre dans les prochaines années).

Un chose est sûre, c'est que cela me dirige où je voulais aller. C'est le chemin qui s'enfonce au cœur de mon obsession, s'il faut appeler ainsi une idée jamais absente, toujours présente: la destruction des juifs d'Europe. La question de Taubes demeure, «Que s'est-il passé?»

Je quitte la soirée avec deux livres, un policier et une sorte de catalogue d'exposition (Le Coup de filet de Camilleri et Moi, Eugénie Grandet de Louise Bourgeois). Le problème avec ces soirées, c'est que vous vous retrouvez avec des livres qui n'entrent absolument pas dans votre programme de lecture (par politesse, vous les prenez: c'est atroce de présenter un livre que personne ne choisit ensuite).

Opération

L'orthodentiste avait recommandé depuis longtemps que les dents de A. soient arrachées. Cette volonté de perfection et de norme m'agaçait un peu; d'un autre côté, je me souvenais bien des douleurs des dents de sagesse («il faut le faire pendant que tu n'as pas mal, je t'assure. Je te garantis qu'on a toujours mal un week-end ou un jour férié, bref, un jour où les dentistes sont fermés»).
Nous avions décidé d'attendre le bac, puis de retards en rendez-vous, la date avait été fixée aujourd'hui.

En cas d'anesthésie locale, un solide petit déjeuner est recommandé, j'ai prévu d'arriver tôt à Paris pour éviter les bouchons, nous allons aux Editeurs dont j'ai repéré la carte. A. prend ses médicaments (le dentiste a forcé la dose car elle a avoué son anxiété: elle plane un peu) et nous nous rendons au cabinet.

Le dentiste a du retard, nous attendons. En feuilletant un très beau livre sur l'art grec, A. a tout naturellement l'une des réflexions les plus païennes que j'ai entendues: «et dire qu'un jour, toutes nos cathédrales et tous nos tableaux auront aussi peu de sens que ces temples grecs…»
J'en n'ai le souffle coupé parce que je peux parfaitement adopter son point de vue. Après tout, pourquoi pas; après tout, c'est déjà le cas pour tant de gens; après tout, je suis capable de prendre la distance nécessaire à ressentir comme vrai ce qu'elle vient de dire.
Alors pourquoi m'accroché-je à l'idée que «cela ne sera pas»? Par peur, besoin de réconfort? Par conviction, entêtement?
Non, à cause de cette présence du Christ que je peux ressentir au quotidien à tout instant. N'est-ce qu'un fantasme? (mais à cette question il n'y a d'autre réponse que notre décision de répondre oui ou non, je le sais. Mais d'où vient cette décision, qu'est-ce qui la fait pencher dans un sens ou un autre?)

Je vais à la bibliothèque pendant l'opération. A mon retour, A. est un peu gonflée. Le dentiste souligne son courage: «cela a été très difficile, deux dents étaient coincées, il a fallu aller les chercher.»

Sur le chemin du retour, je m'arrête au Forum des Halles pour aller chercher un livre sur les Pokémon qu'elle a commandé. Je la laisse dans la voiture (les anti-douleurs la rendent flageolante et je ne tiens pas à ce qu'elle attrape un microbe dans la foule) et j'y vais: elle y tient tant; je suis persuadée qu'elle guérira mieux avec son livre qu'à se morfondre au fond de son lit en redoutant qu'il soit vendu parce qu'elle n'est pas allée le chercher assez vite.

Dimanche

7h50 - Gel sur la voiture au point que je pense ne pas pouvoir partir (silicone sur les joints).

9h - L'analogie, que peut-on dire de Dieu, (peut-on en dire quelque chose?), la théologie négative.

13h - Un anniversaire, un après-midi de tarot. (J'ai gagné, mais il faut dire que les autres avaient des réflexes de joueurs de belote. Chez moi, le tarot, c'est comme l'allemand, dès que je m'y remets, certains réflexes reviennent.)

20h40 - Casino royale. Je deviens sentimentale en vieillissant, je vais finir par aimer les films avec de jolies jeunes femmes sur les poitrines puissantes des hommes amoureux. (Ou alors c'est la lecture du Banquet qui m'influence.)
(Badinage. James Bond badine.)

A fronts renversés (une fois de plus)

Quand je suis entrée en hypokhâgne, je venais d'un bac C, d'une famille de matheux. Un ami de mes parents s'était exclamé spontanément en apprenant ce que j'allais faire l'année suivante: «Quelle déchéance!».
Quelques semaines plus tard, je regardais muette une de mes camarades de classe (l'une des plus sottes (ce qui est peut-être une explication, je m'en avise)) dire gravement: «N'oublions pas que nous sommes l'élite de la France».

J'ai l'impression de revivre la même situation. Entourée en temps normal de philosophes m'assurant que seule la philosophie conduit à la vérité et qu'entre foi et superstition l'écart n'existe pas (cf. Leo Strauss), je me retrouve dans une salle où chacun semble persuadé que le théologien est "mieux" que le philosophe.

Bon.

(Jean-Luc Marion parle de: urgence kérygmatique // délai herméneutique. Ça me plaît.)



(Front renversé encore: débat entre un théologien et un philosophe, c'est le philosophe qui est prêtre).

Réunion d'AH

— A votre avis, pourquoi vous êtes là? Parce que certains d’entre vous deviendront des théologiens. Pas tous, mais quelques-uns. En France, les théologiens seront des laïcs, c’est un enjeu théologique et ecclésial. Qui fait de la théologie en France? Pas les prêtres diocésains, ils sont débordés, et les religieux, ils ne sont jamais là. Hop à Haïti (elle fait des grands gestes des mains), hop à Singapour. C’est pour cela que vous êtes formés.

Acheté en novembre à Nantes

A Nantes se tient une kermesse de la paroisse dans laquelle sont dispersés les bibliothèques des prêtres décédés au cours de l'année. C'est assez mélancolique.

Un ami nantais m'avait choisi des livres un peu à l'aveugle, puisque je n'ai pas grande idée de mes besoins. Ils sont parfaits, ce sont des livres de fond de bibliothèque.

Code de droit canonique (latin-français)
Nouveau testament (en grec)
Concile Vatican II, constitutions, décrets, déclarations (français et latin)
— Congar: Jalons pour une théologie du laïcat
— Congar: Vraie et fausse réforme dans l’Église
— Congar: je crois en l’Esprit saint
— Saint Augustin: Commentaire de la première épître de saint Jean (bilingue)
— Auguste Valensin: Textes et documents inédits



Par ailleurs, reçu Témoins de la Parole de la Grâce de Philippe Bossuyrt et Jean Radermakers.

Exégèse

Matinée en TG, à travailler sur la conversion de l'eunuque dans les Actes des apôtres. Il est sans doute temps de dire que je me suis inscrite en licence de théologie: plusieurs années à la catho, des cours le lundi soir et huit ou neuf demi-journées le samedi.
Depuis le temps a pris une autre dimension. Il est plein. Il ne déborde pas, mais il est plein. Soudain j'ai juste le temps de faire ce que je souhaite faire. J'ai assez de temps — à condition de ne pas me disperser, à condition de concentrer mes forces, à condition de faire des choix. Le temps a ralenti et devient solide.
Après un trimestre je me dis que c'est de la folie, comment réussir à lire vraiment ce qu'il y a à lire, j'aimerais tant pour une fois fournir un travail dont je puisse être satisfaite, qui ne soit ni de l'esbrouffe, ni une imposture.
On verra, on verra.
Je lis ce que je peux. Ce qui est désespérant, c'est qu'un livre en cours doit être abandonné quand le prochain sujet devient brûlant. On se dit qu'on le terminera pendant les (grandes) vacances, mais rien n'est moins sûr (j'ai déjà prévu Libera, la biographie d'Henry James et Gordon Wood sur la création des Etats-Unis).


En revenant de Chartrette, nous écoutons une belle émission sur Colette.

Bibliographie (devoirs de vacances)

J'ai perdu le 18 juin la bibliographie donnée pour préparer l'année de théologie, mais ce soir je retrouve des notes prises de mémoire à la fin d'un numéro de Communio dès que je m'en suis rendue compte:

- Jean Delumeau et Monique Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire
- Jésus collection Que sais-je?
- Daniel Marguerat: Le Dieu des premiers chrétiens
- Bernard Sesbouë, Christ, seigneur et fils de Dieu
- François-Xavier Durrwell, Jésus fils de Dieu dans l'Esprit saint

Inconscience

«Qu'est-ce que la théologie?» Ce matin dans le métro, j'ai été assez embarrassée de me souvenir que j'avais posé cette question (qui me travaillait depuis longtemps) tout à trac en mars 1997 au dominicain Hervé Legrand au cours d'un déjeuner durant un séminaire au centre jésuite des Fontaines.
Mon Dieu… (Et encore plus embarrassée, maintenant que je viens de faire une recherche google sur son nom. Heureux les simples d'esprit…)

(Il a répondu par une boutade et nous sommes passés à autre chose.)



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J'ai rencontré Taubes sur le mur FB de Jean-Yves P., en novembre 2009, à l'occasion de la parution en français d'Escatologie occidentale je suppose. J'ai aussitôt su que c'était un homme pour moi (pourquoi? sans doute à cause des quelques mots d'accompagnement de Jean-Yves), de même qu'entre Benjamin, Strauss, Scholem, il m'a suffi de quelques lignes pour savoir que c'était Scholem qui serait le mien.

Je lis En divergent accord et une fois de plus je suis surprise de me rendre compte que tout aurait pu avoir lieu beaucoup plus tôt: Nolte ou Kosselleck, la querelle des historiens allemands, j'en avais eu connaissance en 1995, mais je n'avais pas compris que c'était là qu'il fallait creuser, que c'était le chemin que je cherchais. Je ne l'avais pas reconnu.
1996, inscription à une série de cours de Paul Corset sur Maïmonide, cours que je n'ai pas pu suivre, raisons familiales. J'aurais rencontré Brague, forcément, dans le parcours. (Il faudrait que je ressorte ce cours: le professeur me l'avait très gentiment envoyé quand je lui avais expliqué pourquoi je ne pouvais pas être présente. Je ne l'ai jamais lu.)

(Comme Hervé Legrand était drôle. J'aurais pu l'écouter des heures, il fait partie de ces gens qui vous emmènent en promenade quand ils parlent et vous font découvrir des paysages ou des contrées. Comme je lui avais fait une remarque quelconque sur son humour, il m'avait répondu que ce n'était pas toujours très bien compris autour de lui, qu'on le prenait parfois trop au sérieux, ce qui m'avait laissé interloquée.)
Je me souviens qu'au cours du même repas avaient été évoqués les problèmes posés par un jeune prêtre présent au colloque, et visiblement assez mal dans sa peau. «Manque de formation», avait diagnostiqué Hervé Legrand (ce prêtre avait interrompu des études). Cela rejoignait le jugement du prêtre sur le fils dans Mamma Roma, film que j'avais vu peu auparavant, et la coïncidence des opinions m'avait impressionnée: il n'y a pas de raccourci, tout le chemin est à parcourir (mais il est élastique ou en accordéon: parfois il s'allonge ou rétrécit brusquement. Cependant le phénomène est totalement imprévisible).

Quinze ans pour trouver une entrée possible du labyrinthe. Combien de temps me reste-t-il pour m'y perdre et cependant ne pas errer?

La lecture de ce tout petit livre me donne envie de rire et pleurer, parce qu'il rallume l'espoir.
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