Alice du fromage

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Billets pour la catégorie CE1 :

mardi 20 août 1974

Opération

Date retrouvée dans mon carnet de santé. Ablation des végétations à Bourges, pendant que nous sommes en France pour les vacances d'été. J'ai sept ans.
Je suis dans mon lit d'hôpital, on m'a offert Fantômette et le géant et Fantômette et la maison hantée (deux dessinateurs différents, le second utilisant des formes plus rondes, plus vagues).
Je lis. A côté de moi, une poupée également offerte, un baigneur, chauve (cheveux moulés), une robe vichy rouge.

Pendant l'opération je me réveille. Je suis assise, un peu penchée en arrière. On me rendort au masque. J'aime l'odeur du chloroforme.

Plus tard ma tante dira: «quand je suis arrivée dans sa chambre, elle était en train de lire, j'ai cru qu'on ne l'avait pas encore opérée. Mais si, c'était fini, et elle était exactement dans la même position que quand je l'avais quittée.»

J'ai lu trop vite les deux Fantômette. Pendant les jours suivants j'ai été gavée de glace.

Ce jour-là, ma mère a acheté pour mon père un porte-clé St-Christophe dont je voudrais "hériter" (c'est une semi-plaisanterie, c'est l'attachement aux objets toujours connus, en particulier ceux qui ont fait "la campagne du Maroc"). Aujourd'hui (janvier 2016) il est fondu à la manière dont le pied de St Pierre à Rome est fondu.

samedi 20 avril 1974

Hacienda

J'ai appris à nager dans cette piscine, mais je ne sais pas quand. J'ai aussi appris à monter à cheval, mais je ne sais pas non plus à quel âge: six ans, sept ans? Je cassais les pieds à mes parents depuis longtemps, mais il n'y avait pas de poney, j'ai commencé directement sur des étalons (les chevaux n'étaient pas castrés, il n'y avait pas de jument, si l'on tombait il ne fallait pas lâcher les rênes pour éviter que les chevaux aillent se battre avec les autres).

mercredi 17 octobre 1973

Ingeborg Bachmann est morte

J'écris cela tandis que je lis Une visite à Klagenfurt d'Uwe Johnson.

1973. J'avais six ans. Je ne sais pas en quelle classe j'étais, je suis toujours obligée de repartir de mon bac : 1984.
sept 83 : terminale
sept 82 : première
sept 81 : seconde. Lycée (fin des horribles années de collège)
sept 80 : troisième.
sept 79 : quatrième
sept 78 : cinquième
sept 77 : sixième
sept 76 : CM2
sept 75 : CM1. Rentrée en France
sept 74 : CE2
sept 73 : CE1
sept 72 : deuxième CP école Paul Gauguin
sept 71 : premier CP école juive
sept 70 : entrée à l'école, première année de maternelle.

Ingeborg Bachmann est morte alors que je venais d'entrer en CE1, l'un de mes très bons souvenirs d'école. Nous faisions des "auto-dictées", «Si j'avais quatre dromadaires», «à l'enterrement d'une feuille morte».

Question :«l'avion se promène dans le ciel… : pourquoi le poète dit ça alors que nous savons que l'avion va très vite?
— Parce qu'il est très loin?
— Oui, bravo, c'est ça.»
Et j'étais heureuse, si heureuse que je m'en souviens encore.


Mon livre de lecture racontait des histoires. La première était celle d'une petite fille malade, Claire, que ses parents ne pouvaient envoyer au soleil par manque d'argent. Alors les hirondelles ne partaient pas, les arbres retenaient leur souffle pour ne pas perdre leurs feuilles, le soleil brillait plus fort pour que l'hiver ne vienne pas et que Claire guérisse.
Il y avait l'histoire d'un oisillon coucou prisonnier de son nid en grandissant et qui me faisait pleurer, l'histoire du sucre d'orge inventé à partir d'une stalactite…

Des années plus tard j'ai essayé de retrouver ce livre en écrivant à mon instituteur rentré en France mais il ne souvenait pas du titre. Si j'avais une piste je pourrais sans doute le retrouver sur Abebooks ou priceminister.

Cette année-là nous avons lu Le Petit Prince. La rose, le baobab, le jardin, le mouton, le serpent, tout cela date de cette année-là.
Je me souviens que je n'avais pas compris la fin: comment avait-il pu rejoindre le ciel en étant mordu par un serpent? Je ne comprenais pas. J'avais le soupçon que cela voulait peut-être dire qu'il était mort mais ça n'avait pas de sens parce que d'abord il n'y a pas de mort dans les livres qu'on donne aux enfants (je ne l'exprimais pas aussi consciemment, mais je le ressentais instinctivement) et qu'ensuite, quand on mourait, on ne rejoignait pas "sa" planète précisément. Les risques d'erreur de planètes étaient trop grands. Etre mordu par un serpent me paraissait un moyen de transport trop alléatoire.
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