Par Alice,
mercredi 9 avril 2014 à 23:09 :: 2014
Les journées passent trop vite. J'ai passé la voiture entre les rouleaux du lavage automatique et la peinture du coffre est partie. Vingt-et-un ans et trois cent mille kilomètres. Il va falloir se résoudre un jour à lui dire adieu.
Vu Apprenti gigolo, tout en finesse même lorsqu'il exagère. Ce film tresse plusieurs sujets, la vulnérabilité, la moralité, le fanatisme, la jalousie, l'appartenance («Je n'ai jamais vu cette femme sourire comme ça. Ce n'est pas bien ce que vous faites.») Un sentiment d'inachevé en sortant, mais aussi des pistes de réflexion ouvertes.
Sinon, Sharon Stone vieillit comme Deneuve (je veux dire que les visages vieillissent par famille, et qu'elles sont de la même). Et Woody Allen présente toujours le même amour de New York.
Allemand. Nous évoquons Heidegger un instant (à propos de Dasein, que certains traduisent par "être-le-là ", que j'entends musicalement "être le la" (notre prof est contre)). En Allemagne il a été très vite reconnu qu'Heidegger avait réellement adhéré à toutes les dimensions du nazisme, alors qu'en France, un groupe s'oppose à cette reconnaissance en remarquant qu'Heidegger n'a jamais tenu de propos antisémites (cf le récent dictionnaire Heidegger de Fédier). Comme cela correspond à ce qu'écrit son élève juif Löwith qui n'a pourtant aucune raison de le ménager (il était un ami de la famille jusqu'en 1933 pour être ensuite ignoré), je demande ce qu'il en est: en fait, Heidegger n'a jamais tenu de propos vulgairement insultants envers les juifs. C'était plus subtil: il soutenait que c'est le Dasein qui fait l'homme, et que le juif n'a pas de Dasein.
Je rentre en voiture en écoutant les chants écossais de Beethoven. L'émission parle de William Blake et évoque l'un de ses poèmes sur les ramoneurs (des garçons petits qui restaient parfois coincés dans les conduits des cheminées). C'est drôle, je pensais à ce poème justement cet après-midi (un ramoneur sur le quai du RER B). Impossible de me souvenir où je l'ai lu commenté il y a peu.
Par Alice,
vendredi 27 mai 2011 à 21:42 :: 2011
Trois de ces films ont été choisis sur un critère exogène: proximité de la salle et heure de la séance.
- Le complexe du castor : parfaitement dispensable, un navet, je crois. American Beauty sans la dimension Lolita (je ne suis pas en train de dire que c'est la dimension Lolita qui rendait American Beauty intéressant, mais que voir Le complexe du castor est inutile: on l'a déjà vu).
Un moment j'ai cru (presque espéré) que nous allions glisser vers du Foerster, mais même pas.
Seul plaisir: Kung Fu. Je pensais que Petit Scarabée était oublié aux Etats-Unis. (Jodie Foster a tourné dans l'un des épisodes quand elle avait cinq ou huit ans.)
- Minuit à Paris : encore un film sur un écrivain. Je vois ce film comme la suite ou le pendant de Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. Woody Allen essaie de nous apprendre à vieillir — ou d'apprendre à vieillir.
Comment ne pas se perdre dans le passé, que ce soit le sien (tentation du vieil homme dans le film précédent) ou celui d'une génération (Minuit à Paris)? Le thème me touche peu, ayant plutôt tendance à ramener le passé au présent que faire basculer le présent dans le passé, mais tenter de mettre en scène cette difficulté à accepter le temps, à accepter de vivre dans le flux, est courageux et difficile. Pour quelque chose de si difficile, ce n'est pas si raté.
Bluffée par la beauté des acteurs, avec une mention toute particulière pour Hemingway et Zelda (Alison Pill).
Et sans connaissance technique particulière, j'ai été sensible à la pellicule utilisée, différente, comme fumée: une façon de faire du sépia en couleur.
- Mon père est femme de ménage : Une bonne surprise. Sans doute un mauvais film d'un point de vue du cinéma (je veux dire un film qui aurait pu être un téléfilm), mais un très bon témoignage sur la société: la France, une certaine France, de 2011, est représentée dans ce film. C'est peut-être La Boum d'aujourd'hui (pas de slow, rien pour rêver).
C'est un film sans méchant, c'est un film à base de scènes, comme autant de sketches, avec de bons dialogues. Il est construit autour d'une famille, et plus particulièrement d'un garçon, de son brevet des collèges à son bac. Cela ne se passe pas en Seine-Saint-Denis, mais dans le Val-de-Marne, les quatre amis sont blanc, juif, arabe, noir, et ce que montre bien le film, c'est la façon dont la violence, la bagarre, peut éclater à tout moment, sous n'importe quel prétexte, et qu'elle paraît absolument normale aux enfants: ce n'est pas une anomalie. Il me semble aussi que seul un réalisateur s'appelant Saphia Azzedine pouvait se permettre des blagues aussi racistes.
C'est sans doute un film sur les classes sociales: la barrière, c'est l'argent, ce n'est ni la couleur, ni la religion. (La jeune fille, avec ses tâches de rousseur, est très jolie.)
Le père croit encore que bien travailler en classe permet d'avoir un meilleur métier, une vie meilleure, il se bat pour ça, et cela m'a émue, de retrouver cette foi qui animait mes parents et qui me paraît avoir totalement disparue. (J'ai sans doute tort, si ce film dit vrai).
Mention spéciale pour la sœur, stupéfiante de bêtise, plus vraie que nature. Ça c'est une actrice!
- Je n'ai rien oublié. Je l'ai sans doute choisi pour Depardieu. J'ai beau lui en vouloir de devenir obèse sans retour, j'aime sa façon de jouer. Le film est bon, une bonne intrigue, de beaux décors, un peu violent, un peu mélancolique et un peu incohérent. Ce genre de film qui ne prétend pas démontrer quoi que ce soit sur l'art de faire des films me réconcilierait presque avec le cinéma français.
Par Alice,
lundi 8 novembre 2010 à 22:20 :: 2010
J'avais un peu hésité à y aller, E. ayant dit que cela lui avait donné le cafard.
Je n'ai pas compris pourquoi.
J'ai l'impression que c'est un film riche en fausses pistes.
L'exergue shakespearien «Life is a tale told by an idiot, full of sound and fury, signifying nothing» me faisait attendre une histoire absurde et injuste; en fait il s'agit d'une histoire logique et morale, respectant parfaitement l'enchaînement des causes et des conséquences: chaque personnage récolte ce qu'il a semé. Seules les deux femmes, mère et fille, ne commettent aucun méfait moral. Elles pourraient apparaître comme les victimes du récit, mais en fin de compte ce sont elles qui sont sauvées: la mère retrouve un compagnon, la fille se débarrasse d'un looser et a l'opportunité d'ouvrir sa galerie (non, pas dans le cadre du film. Mais elle va y arriver ;-). Tout se passe comme si une certaine passivité (ne pas décider de lutter contre le vieillissement ou d'avoir un fils (le père), ne pas décider d'abandonner son métier ou de voler un manuscrit (le gendre), ne pas décider de rompre ses fiançailles (la fille en rouge)), une façon de ne pas s'opposer au cours des choses ou de ne pas le forcer était finalement payante.
Je ne peux m'empêcher de voir une certaine malice dans ce film. Comment ne pas penser à la vie de Woody Allen lui-même devant ce père qui abandonne son épouse d'une vie pour épouser une bimbo un peu pute? A-t-il voulu se moquer de lui-même, afficher son propre ridicule, ou a-t-il voulu se moquer de son entourage, lui signifier qu'il savait parfaitement ce qu'il pensait? Ou les deux?
Autre fausse piste, le titre. Parce que bon, comme bel et sombre inconnu, on fait mieux.