Billets qui ont 'Barth, Karl' comme nom propre.

La maîtresse de Barth

Le professeur d'allemand, Pierre-Olivier Léchot, (également doyen de l'institut), rit : « Ce qui m'amuse, ce sont les réactions scandalisées des Américains à la lecture d'une traduction récente de la correspondance de Barth… Pour moi c'était évident, je l'ai toujours su, je ne me souviens même pas ne pas l'avoir su. »

Mais de quoi parle-t-il ? Je me concentre. Il est en train de raconter avec sa pointe d'accent inidentifiable que Barth avait une maîtresse, a eu une maîtresse toute sa vie ; il a vécu un ménage à trois en se cachant à peine — ou sans se cacher. Les Américains ne le savaient pas (les Français, catholiques ou protestants, le savent-ils ?) et sont choqués : « Evidemment cela jette une lumière particulière sur sa Dogmatique et ses positions sur le mariage. Charlotte von Kirschbaum était bien plus qu'une secrétaire ; d'ailleurs à partir du moment où elle a été hospitalisée, l'écriture de la Dogmatique s'est interrompue. »

(Remarque personnelle : ne pas en conclure trop vite que c'est elle qui en est l'auteur : Saint-Simon a interrompu plusieurs mois ses Mémoires après la mort de sa femme.)


Le soir je fais quelques recherches. A partir de ce billet, de liens en liens, on accède à une série d'articles (en anglais) sur le sujet.

Je traduis les deux citations qui apparaissent dans ce billet :
De cette façon, je n'ai jamais pu et ne peux toujours pas nié ni la réalité de mon mariage, ni la réalité de mon amour. Il est vrai que je suis marié, que je suis père et grand-père. Il est également vrai que j'aime. Et il est vrai que ces faits ne coïncident pas. C'est pourquoi nous avons décidé, après quelques hésitations au départ, de ne pas résoudre le problème par une séparation d'un côté ou de l'autre.

Karl Barth, Vorwort xxii n. 3, letter of 1947 cited by Christiane Tietz, Karl Barth and Charlotte von Kirschbaum, Theology Today 2017 Vol. 74(2), 109.
Et ceci qu'il écrivit il y a longtemps, en 1947, à un pasteur de sa connaissance :
C'est précisément ce qui constitue la plus grande bénédiction terrestre qui m'ait été accordée durant ma vie qui constitue en même temps la plus forte accusation contre ma vie terrestre. Je me tiens ainsi sous le regard de Dieu, incapable d'y échapper d'une manière ou d'une autre […] Il se pourrait que ce soit à partir de cela que l'on puisse trouver dans ma théologie un élément de mon expérience, ou pour mieux dire, un élément de vie vécue. Il m'a été interdit de façon très concrète de devenir le rigoriste que dans d'autres circonstances j'aurais pu devenir.

Karl Barth, BW. Kirschbaum I, Vorwort xxf. n. 1 cited by Christiane Tietz, Karl Barth and Charlotte von Kirschbaum, Theology Today 2017 Vol. 74(2), 111.
Par ailleurs, on trouvera ici une plaisanterie sur la Trinité (le blog dans son entier est à couper le souffle pour qui s'intéresse à l'exégèse ou la théologie).

Dimanche calme

Une heure sur Barth. Le travail effectué en allemand il y a deux ans m'est utile, je me félicite d'avoir acheté L'Encyclopédie du protestantisme (la prof Lucie Kaennel était l'un des auteurs).

Aviron. En regardant mes photos, je me dis que nous n'avons pas eu un jour de grand soleil de l'hiver. Courant, rafales de vent, douceur de la température.
Yolette, Philippe, Véronique, Stéphane, Magali (je me suis appliquée, je ne suis pas arrivée la dernière! Il faut que je parte de la maison à 9h15 (tout cela noté ici pour moi-même, cela n'a strictement aucun intérêt pour vous)). Peu de monde, c'est les vacances. La voiture indique une fois encore "défaillance freins" pendant que je roule en régulateur de vitesse et je dois appuyer à fond sur le frein pour le décoincer et ralentir. C'est flippant, faut avouer (cela m'était déjà arrivé en revenant de Blois en janvier). Je l'emmène à la révision demain, heureusement (et chaque fois je me dis que je dois me tromper dans l'usage d'amener/apporter/emmener, mais tant pis).



Buñuel, La mort en ce jardin. Aguire ou la colère de Dieu a-t-il un lien avec ce film? (les dernières paroles de Vanel, les dernières images… et tout le reste.)

Journée agréable à ne rien faire sans avoir rien d'urgent à faire (si ne rien faire est courant, la seconde partie de la phrase est beaucoup plus rare. Quelle surprise, quelle richesse, quelle tranquillité soudain).

Ave

Et soudain, en lisant « "Message de salut" (Heilsbotschaft) » dans la "note liminaire du traducteur" de Pierre Jundt, traducteur de l'Épître aux Romains de Karl Barth, je comprends pourquoi Bonhoeffer refusait le Heil nazi qu'il disait être réservé au Christ : je n'avais jamais pris conscience que "salut", en allemand comme en français (mais pas en latin — ou bien si?), relevait tout aussi bien de salvation que de salutation.

Emotions contradictoires

Appris un suicide, une mort, et une future naissance. Ai pu recommander (pour le suicide en entreprise) psya dont on m'avait expliqué l'intérêt le matin même (prendre en charge les équipes secouées par la nouvelle).

(Comment le dire sans que cela sonne cyniquement: la naissance concerne des amis proches, tandis que je ne connais pas les morts directement, ce sont des amis ou des connaissances d'amis (je le note ainsi pour que les lecteurs qui me connaissent IRL ne s'inquiètent pas).)

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Agenda
J'ai demandé la différence entre les protestants orthodoxes et les protestants libéraux. La scission date du XVIIe ou XVIIIe siècle à peu près. Les premiers lisent la Bible à travers Calvin et Luther, les deuxièmes accordent davantage de place à la modernité, à la culture, à la politique. Les premiers sont appelés en Allemagne "alte reformierte kirche", en France protestants évangéliques (traduction d'"evangelischen Kirche", à ne pas confondre avec "evangelikaner Kirche" (et je me demande si les traductions des journaux font toujours la différence)) et les seconds protestants libéraux.
Karl Barth était un "néo orthodoxe", un libéral ayant redonné toute sa place à l'Ecriture, en récusant le politique et le culturel.

A. est rentrée d'Angleterre. Pluie dans les rues de Brighton mais pas d'inondation. Ferry retardé deux jours pour cause de tempête.

Dans mon sac:
- Fantômette et le trésor du pharaon que je lis machinalement en rentrant pour me détendre
- Langelot et l'avion détourné
- La terrasse de Malagar
, de Claude Mauriac, que j'aurais dû terminé dans la journée
- The Importance of Being Earnest and others plays de Wilde
- Discours de la méthode que je pensais entreprendre à la fin de la Terrasse
- L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète de Christian Delorme, qu'on m'a rendu.

œcuménisme

En attendant l'heure d'aller à l'anniversaire de Matoo[1], je mangeais une omelette en lisant le numéro de Communio sur Barth et Balthasar. Je faillis m'étrangler en lisant ces quelques mots, que je relus plusieurs fois:

Et, l'index dressé, il [H.U. v. Baltasar] ajoute cet avertissement: «Que l'on n'espère pas régler en un tournemain les questions soulevées… Le fait d'avoir, à l'époque de la Réforme, pratiqué la théologie à coups de marteau n'a fait que rendre définitif le schisme. Travailler à sa résorption est un rude labeur, exige une prudence redoublée, de la douceur et beaucoup de patience[2].»

Manfred Lochbrunner, "L'incroyable histoire de la genèse du livre de H. U. v. Baltasar", in Communio XXXVI, p.25

Travailler à sa résorption? Certains envisageaient, envisagent, sérieusement de réunir catholiques et protestants, de les fondre de nouveau en une seule Eglise? Je n'étais pas plus surprise que si l'on avait voulu me démontrer que des jumeaux étaient en réalité une seule personne.
Je sais que cela sera incompréhensible pour la plupart d'entre vous, mais en cette seconde, le monde changea subtilement de couleur: je venais d'envisager la réconciliation de deux visions du monde qui me paraissaient absolument irréconciliables. Ainsi donc, il devenait probable que rien n'était irréconciliable? Et cette réconciliation supposait de résoudre une infinité de détails, et le plus extraordinaire était de découvrir que certains étaient prêts à s'atteler à cette tâche (s'y étaient déjà attelés) sans peur, sans céder au découragement, sans même envisager d'être découragés.

Ce soir dans le bus, je rencontre la même idée, moins impressionnante car sur le mode du regret et non du possible. Des années de guerre, des milliers de morts, parce qu'un concile a eu du retard, deux ou trois papes ont manqué de courage:

Si un parlement de la Chrétienté catholique s'était réuni avant la condamnation des thèses de Luther (1520) et l'excommunication de celui-ci (1521), ou même peu après ces graves décisions, il est probable qu'on aurait pu faire l'économie du schisme. Rome refusa de prendre l'initiative salvatrice. Aussi bien déclarait-on dans l'entourage de Léon X et de Clément VII qu'aucun concile ne pourrait revenir sur une solennelle condamnation doctrinale. Mais une prise de position théologique par une assemblée œcuménique aurait été capable d'éclairer les indécis et de fortifier les hésitants. Le refus du concile permit au Luthérianisme de se répandre, au nouveau culte de s'organiser, aux frontières religieuses de se préciser et au fossé de s'élargir entre confessions chrétiennes rivales. […]
Réuni vingt-cinq ans trop tard, le concile manqua l'objectif majeur qui aurait dû être le sien: la réunion des Chrétiens.

Jean Delumeau et Monique Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, pp.68-69

Notes

[1] En juin, ça date.

[2] H.U. v. Baltasar, Karl Barth, p.9

L'anniversaire de Matoo

Marina Tsvetaeva (1892-1941) : La maison de Vanves, poèmes inédits
Lettres atlantiques : Saint-John Perse, T.S. Eliot, Allen Tate, 1926-1970
Döblin, Voyage en Pologne
Thomas Clerc, Sachs

Film The Tree of Life. Il n'y a que deux manières de faire son deuil, dans la nature ou en Dieu, par la nature ou la grâce.

Bibliothèque de Beaubourg. J'y oublie la bibliographie que j'avais reçue à l'ICP quelques jours plus tôt.
Dans les rayons je feuillette un livre de dialogues Karl Barth / Urs von Baltasar : la théologie et la joie. Voilà qui est de bon augure.

Je feuillette Communio sur l'œcuménisme en attendant l'heure d'aller à l'anniversaire (dans un bar corse).

Bar. Rencontre de vieux blogueurs, des noeuds dans l'éther. Lady Gaga. Je pars au moment où je devrais rester.
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