Billets qui ont 'Coen, Joël et Etan' comme nom propre.

True Grit

Diptyque avec ''No country for old men'' (le récit de la fin, du vieil homme saigné à mort par les Indiens). ''No country'' était noir et consacré au mal, ''True Grit'' en est le négatif.

J'aime l'amour des frères Coen pour l'Amérique et leur façon de vouloir rendre l'épaisseur de l'Histoire, la mettre en forme dans la géographie, lui faire occuper l'espace. A chaque film j'ai l'impression d'une leçon de patriotisme: «Fils, voici un morceau de l'histoire des Etats-Unis, médite et comprend ce que nous fûmes et ce que nous sommes.
La fin me fait penser à Flaubert («ils voyagèrent»): «un quart de siècle est une longue période», puis sans transition «j'ai quatre-vingts ans maintenant».
Et ''Lettres à sa fille'' de Calamity Jane.

Sinon il ne se passe rien. Ça bavarde. Ce serait presque le sujet du film: l'attente du moment où les rodomontades seront confirmées ou infirmées par les faits. Il faut aimer les chevaux.


(Mais la fin, la "première" fin, comment ne pas penser au Roi des Aulnes?)

A serious man

Finalement je comprends pourquoi j'aime les Coen. Ils ne font pas dans l'absurde (il n'y a pas de sens), mais dans l'incompréhensible (il y a trop de sens, nous ne savons pas lequel choisir, ni surtout qu'en faire et quelles conséquences en tirer si nous choisissons une interprétation).

Oui, si nous choisissons un sens, il nous faut agir. Tant que nous ne choisissons pas…

Burn after reading, des frères Coen

Attention, spoiler.

Les frères Coen traitent toujours l'un des deux sujets suivants: la bêtise ou le mal, les deux se rejoignant parfois. (On peut noter un cas où ils ont plutôt traité de l'intelligence: dans Intolérable Cruauté et peut-être dans Miller's Crossing (sans doute leur film le plus indécidable).)

Le dernier n'échappe pas à la règle: il s'agit d'une sorte de remake de Fargo plus absurde encore (car faisant bien plus de morts pour une raison bien plus futile (mais quelle raison? même cela est difficile à définir)).
C'est un film dont l'avancée totalement cahoteuse (difficile d'imaginer moins rigoureusement tragique) n'a pas grande importance. Tout est tellement sous-déterminé, déterminé à la seconde qui passe et non par un mécanisme implacable remonté dès le début du film, qu'on s'intéresse à peine à la trajectoire du film.
L'intérêt n'est pas là, il est dans ses dimensions horizontales. Chaque image ou presque renvoie vers des références. C'est un pastiche précis des films d'espionnage américains contemporains (The Good Sheperd: les chefs, les réunions d'anciens, le père, la voix du maître-chanteur au téléphone qui imite les films qu'il a vus (imitation de fictions dans la fiction, stéréotype reconnaissable en ce que nous, spectacteurs, partageons les mêmes références que le personnage), etc) tant et si bien que je doute qu'aucun réalisateur sérieux n'ose en tourner un dans la même veine désormais. C'est également le catalogue habituel des références aux propres films des frère Coen, les portes, les murs, les enfilades de couloirs, la vision à claire-voie dans le placard, les têtes en gros plan, les boucles d'oreille qu'on rajuste, les mêmes phrases, les mêmes gestes, les jeux de miroirs. Tout le monde ment.
C'est un film totalement immoral : les hommes, bons ou méchants, meurent, les femmes, menteuses ou avides, survivent, il n'y a aucune raison à cela.

J'aime beaucoup la fin, le fatalisme du ponte de la CIA, qui n'y est pour rien, qui n'a rien décidé, n'est pas intervenu, a juste demandé d'être tenu au courant "quand tout cela prendrait sens", qui constate les dégâts, les éponge, les oublie, et demande:
— Qu'avons-nous appris?
— Rien.

C'est si proche des conclusions tellement plus ampoulées de Bodie of lies ou The Good Sheperd.


edit

A la réflexion, cela me rappelle mon père quand j'avais huit ans:
Papa, pourquoi il y a des guerres?
Pourquoi te disputes-tu avec ta sœur?

Les frères Coen ont décidé d'illustrer la dispute avec la sœur plutôt que la guerre.


edit bis

Un blog (trouvant le film mauvais) à explorer.

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