Matin
Liturgie des Rameaux : depuis combien de temps n'avais-je pas assisté à cette messe ? Longtemps sans doute, car je découvre (comment est-il possible que je ne le découvre que maintenant? Sans doute suis-je devenue très sensible à la forme de la liturgie) qu'il se lit ce jour-là deux évangiles, le récit de l'entrée victorieuse à Jérusalem (les Rameaux) et le récit de l'arrestation, du jugement, des brimades, de la crucifiction et de la mort.
Trente-cinq minutes suffisent à illustrer la versalité de la foule, des acclamations enthousiastes à la mise à la mort. Quel raccourci.


Catéchisme. (Je ne peux m'empêcher de commenter les lectures, de m'assurer qu'ils ont compris ce qui s'est passé: vade mecum de la protestation minimale. Ne pas hurler avec les loups («si vous n'êtes pas d'accord, partez. Il ne faut pas forcément dire quelque chose, ça ne sert à rien de se faire tabasser. Mais si vous n'êtes pas d'accord, partez. Ne soyez pas complices.»)
Le thème du jour est le juste (six illustrations : Blandine et les lions, Chambon-sur-Lignon, Martin Luther King, les moines de Tibririne, le père Popielusko et Albeiro Vargas que je découvre). Triste coïncidence, j'évoque Arnaud Beltrame.


Après-midi.
Trente ans de la Fondation Gan pour le cinéma. Il y avait des places à gagner. Pour multiplier mes chances je me suis inscrite à plusieurs séances. Je me retrouve donc avec deux fois deux places, et comme hier, je suis seule.

L'année suivante d'Isabelle Czajka. Anti-film, sans événement, pendulation dans la banlieue sur fond de magasins entrepôts.
Le spectateur attend. Il attend qu'il se passe quelque chose. Le professeur de français, le moniteur de tennis, l'agent immobilier : un premier amour? Et puis non. La pièce de théâtre, un succès, quelque chose? non plus. Une amie qui part pour l'été. La perte du sac avec les affaires du lycée, un déménagement. Et puis l'âge adulte, sans emphase.
Film très impressionnant par sa maîtrise de la temporalité qui passe par les paysages, la disparition du paysage absorbé par les magasins entrepôts. Le temps vu à travers les saisons et les vêtements.

Anaïs Desmoutier et Ariane Ascaride après la séance soulignent le parti pris délibérément anti-hystérie du film. La banlieue est le lieu où l'on devient invisible, où il ne se passe rien. Absence de centre, absence de relation. Solitude monstrueuse elle aussi avalée par l'environnement.
Film très surprenant.

Le deuxième film est très différent. La loi de la jungle est un film déjanté, un hommage à la Guyane, une critique des bureaucrates et des financiers qui nivellent le réel sous des chiffres et des normes. C'est une dénonciation beaucoup plus radicale qu'il n'y paraît de la société, de sa folie et de sa cupidité.
— Je ne suis pas comme toi, moi, je ne suis pas payé au physique.
— Tant mieux pour toi car tu ne gagnerais pas lourd.
Antonin Peretjatko et Vincent Macaigne interviennent à la fin de la séance. Ils ont eu beaucoup de chance : tous les animaux, les chenilles, les araignées, les insectes, sont vrais, survenus au bon moment (la luciole aux yeux verts). Le film a été tourné à la limite de la saison des pluies car la forêt est plus belle, verte, luisante (et non poussiéreuse), Peretjatko a choisi de tourner chaque fois qu'il voulait tourner, sans attendre qu'il pleuve ou fasse soleil.
Il dénonce la tendance des entreprises à remplacer des salariés par des stagiaires, paupérisant toute une génération.
Vincent Macaire intervient à plusieurs reprises, très nature. Comme pour Anaïs Demoustier, je suis surprise par le volume de son corps, plus menu en réalité qu'à l'écran.

Au total, de belles découvertes. J'avoue que j'avais très peur de tomber sur des films dickensiens du type Y aura-t-il de la neige à Noël? (une autre fondation Gan) qui m'ennuient (bref, pas mon genre).
Pas du tout et tant mieux.