Auto-analyse face au récit
Par Alice, jeudi 23 octobre 2014 à 12:23 :: 2014
M'intéresse la réaction du héros face au destin, plus prosaïquement aux tuiles qui lui tombent sur la tête, sa façon de naviguer à vue parmi les embûches de la vie (résoudre les problèmes, survivre, ma grande passion (pas très romantique, désolée (mais pourquoi le romantisme a-t-il tant la cote?))).
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Pour revenir à Gone Girl (attention, ne pas lire la suite si vous avez l'intention d'aller voir le film, ce serait vraiment dommage d'avoir un aperçu de la fin ailleurs que devant l'écran), il souffre à mon avis de deux défauts de construction (ce qui ne l'empêche pas de présenter un suspense haletant porté en particulier par une actrice excellente):
Il m'embarrasse un peu d'exprimer le premier, car j'en tiens pour "la suspension d'incrédulité", et donc je n'avance qu'avec prudence le reproche de manque de rigueur. Mais alors que la première moitié ou les deux tiers du film sont construits mathématiquement, implacablement, un peu à la façon de L'Invraissemblable Vérité ou Le Crime était presque parfait, la fin nous montre un incompréhensible relâchement des enquêteurs: quid du voisin qui appelle Nick au début du film (s'il a appelé parce que le chat était dehors, détail infime, n'aurait-il pas remarqué la voiture d'un kidnappeur, détail autrement intrigant?), quid de l'emploi du temps du kidnappeur, n'était-il pas au bureau à l'heure du crime? Et surtout, quid de la phrase d'Amy (de mémoire, très à peu près): «j'ai besoin de trois choses: que tu confirmes les achats par carte bleue, que tu dises que tu t'es servi du bûcher pour stocker les affaires et… (j'ai oublié)»: si Nick avait réellement l'intention de trouver une faille, ne se serait-il pas emparé de cet aveu de faiblesse, de cette liste de points faibles, pour les étudier ou les rapporter à l'inspecteur?
Ce qui m'amène au deuxième défaut, à mon avis plus gênant: si l'on considère (hypothèse) que Nick reséduit Amy en lui déclarant "je t'aime" via les écrans de télévision, si l'on considère que l'idéal d'Amy est un homme qui lui ment (après son retour, dans leur maison, elle lui déclare qu'elle aime ce qu'il est redevenu pendant sa disparition, c'est-à -dire menteur, ou plutôt homme mettant sa vie en scène à la façon d'une pièce de théâtre, véritable pièce du fait de la présence des caméras donc de spectateurs), alors ce "re"-devenu implique qu'il lui a (beaucoup?) menti en début au début de leur relation, qu'il s'est beaucoup mis en scène derrière sa déclaration "no bullshit", deux doigts sur le menton.
Or cela, on ne le voit pas. La seule image du début de leur relation vient du journal d'Amy, et elle décrit un début idyllique, sans que nous sachions si c'est une construction à l'intention des lecteurs du journal (et à ce moment-là , à l'intention des candides spectateurs du film). Comment était le Nick du début de leur relation, qu'en a-t-elle pensé, s'est-il mis en scène et le savait-elle? Amy est-elle juste folle à lier, psychopathe, comme semblent le montrer ses aventures précédentes, ou a-t-elle souffert de la décomposition d'un homme qui en redevenant vrai (retour au pays et à la mère) la décevait profondément, elle qui ne vivait que par le mensonge et la mise en scène de sa vie depuis l'enfance (Amazing Amy)?
Peut-on considérer qu'alors qu'elle avait pour but de punir son mari, elle s'aperçoit avec surprise au cours du processus qu'elle a réussi à le rendre de nouveau conforme à ce qu'elle aimait en lui? Une Pygmalion monstrueuse ayant pour but de modeler une statue à son image? («C'est ce que fait le mariage» : créer des monstres? ou low key plus simplement donner naissance à des acteurs?)
(Si l'on voulait une morale positive excessivement tirée par les cheveux vu la tonalité du film, ce serait «le mariage est une séduction à réinventer en permanence» (ce tour de passe-passe en clin d'œil amical à PZ). (Et si l'on veut revenir au film, il faut continuer par: «N'échouez pas, sinon, gare!»))
Il manque un point de vue extérieur sur le début de leur histoire pour consolider l'ensemble de l'intrigue, un parallélisme qui mette la fin et le début en regard.