L'étoile jaune
Par Alice, mercredi 28 janvier 2015 à 10:40 :: 2015
En août dernier, quand "l'affaire" du polo Zara a éclaté, prise d'un doute et voulant évaluer la bonne foi du styliste zaraien, j'ai demandé à O., quinze ans, alors entre la seconde et la première: «sais-tu ce qu'est l'étoile jaune?»
Non, il ne le savait pas. Sans doute (ai-je pensé) cela était-il si évident pour les professeurs et les adultes autour de lui que personne n'avait jamais réellement explicité ce "détail". Questionné plus à fond, il reconnut avoir aperçu, maintenant qu'il y réfléchissait, des étoiles dans des films, mais sans y accorder d'importance particulière (remarquons que sur les documents d'époque, en noir et blanc, il s'agit de gris sur gris).
J'en ai été à peine surprise: après tout, on m'avait fait lire à onze ans Un sac de billes sans que je n'eus aucune idée de ce que c'était que la ligne de démarcation (ce n'est qu'au lycée qu'est arrivé jusqu'à ma conscience que nous, la France, avions perdu des guerres et des batailles: depuis Jeanne d'Arc, il me paraissait évident que nous ne pouvions que gagner — il est difficile de mesurer l'univers de naïveté qui m'entourait — et sans doute m'entoure encore, mais maintenant je le sais) ni la circoncision des juifs (ce passage du livre où un adulte fait baisser son pantalon au jeune héros pour vérifier s'il ment: incompréhensible, c'est pour cela que je m'en souviens).
O. avait lu Primo Levi, Si c'est un homme (les trois enfants l'ont lu, lecture obligatoire, mais l'étoile jaune est alors depuis longtemps dépassée), et peut-être Anne Franck (parle-t-on d'étoile jaune dans son Journal? Il faudrait que je le relise).
Je décidai qu'il était temps qu'il lise quelques livres et après avoir hésité (non, ni le Hilberg (!) ni les deux tomes du journal de Victor Klemperer (re-!), ni même Vivre avec une étoile que j'aime tant mais qui demande de savoir déjà un certain nombre de choses), lui tendis Rien pour poser sa tête et Histoire d'un Allemand.
Mais après chaque livre, la même conclusion: non, on n'y parlait pas d'étoile jaune.
Ce n'est qu'en décembre, avec Dora Bruder, que je trouvai le livre adéquat à son édification.
Non, il ne le savait pas. Sans doute (ai-je pensé) cela était-il si évident pour les professeurs et les adultes autour de lui que personne n'avait jamais réellement explicité ce "détail". Questionné plus à fond, il reconnut avoir aperçu, maintenant qu'il y réfléchissait, des étoiles dans des films, mais sans y accorder d'importance particulière (remarquons que sur les documents d'époque, en noir et blanc, il s'agit de gris sur gris).
J'en ai été à peine surprise: après tout, on m'avait fait lire à onze ans Un sac de billes sans que je n'eus aucune idée de ce que c'était que la ligne de démarcation (ce n'est qu'au lycée qu'est arrivé jusqu'à ma conscience que nous, la France, avions perdu des guerres et des batailles: depuis Jeanne d'Arc, il me paraissait évident que nous ne pouvions que gagner — il est difficile de mesurer l'univers de naïveté qui m'entourait — et sans doute m'entoure encore, mais maintenant je le sais) ni la circoncision des juifs (ce passage du livre où un adulte fait baisser son pantalon au jeune héros pour vérifier s'il ment: incompréhensible, c'est pour cela que je m'en souviens).
O. avait lu Primo Levi, Si c'est un homme (les trois enfants l'ont lu, lecture obligatoire, mais l'étoile jaune est alors depuis longtemps dépassée), et peut-être Anne Franck (parle-t-on d'étoile jaune dans son Journal? Il faudrait que je le relise).
Je décidai qu'il était temps qu'il lise quelques livres et après avoir hésité (non, ni le Hilberg (!) ni les deux tomes du journal de Victor Klemperer (re-!), ni même Vivre avec une étoile que j'aime tant mais qui demande de savoir déjà un certain nombre de choses), lui tendis Rien pour poser sa tête et Histoire d'un Allemand.
Mais après chaque livre, la même conclusion: non, on n'y parlait pas d'étoile jaune.
Ce n'est qu'en décembre, avec Dora Bruder, que je trouvai le livre adéquat à son édification.