Billets qui ont 'Heidegger, Martin' comme nom propre.

Principe de raison

Attrapé le train de 8h05 de justesse après trois heures de sommeil.
Derrière mon siège, le passager lisait Heidegger. Je l'ai photographié rapidement avant de m'assoir.



Envoi de l'appel d'offres une demi-heure avant l'heure limite.



Le soir, apéro avec TD à la maison.

Heidegger, le quotidien, le temps (les blogs ?)

Je rentre, je dîne, je lis les pages d'Être et Temps et le commentaire de Jean Greisch. Et soudain j'ai l'impression qu'il parle des blogs.
La « quotidienneté du quotidien » est un « phénomène hautement complexe » (GA, 209) qu'on ne peut pas se contenter d'aborder par une approche purement narrative. Ce n'est pas en racontant dans le menu détail ma vie quotidienne, heure par heure ou jour par jour, que j'arrive à cerner la structure existentiale de la quotidienneté ! La « négligence » de ce phénomène s'explique par le fait, lui aussi déjà évoqué (SZ §5, 16) que « ce qui est ontiquement le plus proche et le mieux connu est ontologiquement le plus lointain, le non-reconnu (SZ 43, trad. mod.). Heidegger illustre cette difficulté par le beau passage des Confessions de Saint Augustin, où celui-ci décrit ce qui est le plus proche, à savoir le moi, comme étant en même temps ce qu'il y a de plus difficile à comprendre.
La médiocrité quotidienne n'est pas une simple « alénation » qui rendrait impossible toute compréhension de soi. Elle correspond à une manière particulière du Dasein d'être concerné par lui même (SZ 44). L'analytique ne peut pas se contenter d'évocations vagues de cette structure, elle doit au contraire viser le même degré de précision que la description de l'être authentique ! Il apparaîtra alors que la quotidienneté nous met en présence d'un « concept spécifique du temps » (GA 20, 209).

Jean Greisch, Ontologie et temporalité. Esquisse d'une interprétation de Sein und Zeit, p.115
Avertissement : ce billet est à lire avec le niveau de sérieux que vous déciderez.

308/365 Un aller sans retour

RER de 7h58. (Assis). J'ai oublié mon téléphone. Je lis Heidegger, étonnamment lisible (Qu'appelle-t-on penser ?)

18h45 Je quitte Barry Seal en milieu de séance à l'UGC George V (c'était prévu: j'ai déjà vu le film et je voulais juste passer le temps agréablement) pour ne pas être en retard et prends le A puis le B pour aller chez Léna et Mimile rue Tournefort. J'arrive à 19h35, la dernière.

Retour en voiture après avoir fêté l'anniversaire d'O.

Heidegger for ever

— Tous les grands philosophes ont été élèves de Heidegger : Jonas, Hannah Arendt, Günther Anders, le premier mari d'Hannah Arendt, qu'on a beaucoup traduit depuis dix ans, Gadamer, Marcuse sur un autre plan… En 1960 paraissent Vérité et méthode de Gadamer et Le Volontaire et l'involontaire de Ricœur : deux grand textes phénoménologiques dans des genres très différents.
J'ai l'impression de me retrouver à Cerisy il y a deux ans1.

Qu'est-ce qu'un homme. Lecture suivie de Expérience et Absolu (nous avons dû atteindre la page 15 du liminaire), lecture commentée, commentaires, promenade. J'aime beaucoup. Je pense à Löwith (encore un élève de Heidegger, un ami, même, puisqu'il me semble qu'il a été baby-sitter des enfants avant d'être totalement repoussé), je pense à Lucie Kaennel qui nous a résumé en deux mots l'antisémitisme du "petit Martin", comme dirait Jérôme de Gramont : un juif n'était pas un homme puisqu'il n'avait pas de Dasein.

Quel sujet pour mon mémoire l'année prochaine ? Qu'est-ce qu'un homme ? Ecce homo, Jésus était juif.
Faut-il théologiser par concept ? Le concept est-il la bonne façon d'approcher la foi ? Parler de Dieu, parler sur Dieu, ne concernerait pas la foi ? Jésus enseignait en paraboles et la Bible raconte des histoires. Ricœur, article "Mythe" dans l'Encyclopedie Universalis : le mythe nous dit-il quelque chose de la vérité que la science n'atteint pas ?


Note
1 : impression confortée par le fait que je découvre que notre professeur a soutenu sa thèse avec Jean Greisch.

Faute de genre

Dans la voiture j’écoute le dernier « coup de gueule » d’une journaliste sur France Musique : tollé aux Pays-Bas parce que le Concertgebow a illustré une campagne de pub par un appareil à souffler les feuilles soulevant la jupe d’une femme, découvrant ainsi un string (jeu de mots en anglais sur un titre de Bach : air on string, mélodie sur une corde ou souffle sur une ficelle (le string)).
Et je me dis qu’ils sont bêtes, ils ont oublié qu’il fallait maintenant décaler ce genre d’allusions : ils auraient fait cela avec un homme en kilt, tout le monde aurait ri.

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Agenda
Aviron. Clémentine me vouvoie et me dit «Merci Madame». Je ne lui demande pas de me tutoyer. Il sera toujours temps si elle devient une fidèle du club.

C’est la rentrée. Encore deux ans.
Les travaux de l’ICP sont terminés. La cour ne me plaît pas, elle est entièrement cimentée de blanc (mais non plate, ce qui permettra à la pluie de ruisseler), percée de minuscules lampes qui sont comme des étoiles venues du sol dans la nuit. J'aurais préféré des arbres, des fleurs, de la terre. Evidemment il aurait fallu des chemins, c'est sans doute moins adapté à la circulation de beaucoup de gens.
Les salles (toutes les salles, ou seulement celles du bâtiment S) sont pimpantes et le mobilier neuf. Il était temps : le précédent semblait rassemblé de bric et de broc, avec des tables trop hautes, trop étroites, des chaises très inconfortables (celles-ci ô merveille sont rembourrées : combien de temps pour que des élèves inconscients de leur chance ne les tailladent ?)

Cours sur Heidegger, ou plutôt la phénoménologie (mais pas celle d'Husserl, donc celle de Heidegger) à partir de Jean-Yves Lacoste. « Il ne faut pas confondre la théologie philosophique (Voltaire, théodicée de Leibniz), la philosophie de la religion (Kierkegaard, les Russes, etc) et la philosophie des religions (étude des religions existantes).»
Je me prends à regretter que notre cours de sociologie soit si loin. J'ai l'impression que nous nous inscrivons dans la ligne directe de Durkheim and co.

Mercredi

Les journées passent trop vite. J'ai passé la voiture entre les rouleaux du lavage automatique et la peinture du coffre est partie. Vingt-et-un ans et trois cent mille kilomètres. Il va falloir se résoudre un jour à lui dire adieu.

Vu Apprenti gigolo, tout en finesse même lorsqu'il exagère. Ce film tresse plusieurs sujets, la vulnérabilité, la moralité, le fanatisme, la jalousie, l'appartenance («Je n'ai jamais vu cette femme sourire comme ça. Ce n'est pas bien ce que vous faites.») Un sentiment d'inachevé en sortant, mais aussi des pistes de réflexion ouvertes.
Sinon, Sharon Stone vieillit comme Deneuve (je veux dire que les visages vieillissent par famille, et qu'elles sont de la même). Et Woody Allen présente toujours le même amour de New York.

Allemand. Nous évoquons Heidegger un instant (à propos de Dasein, que certains traduisent par "être-le-là", que j'entends musicalement "être le la" (notre prof est contre)). En Allemagne il a été très vite reconnu qu'Heidegger avait réellement adhéré à toutes les dimensions du nazisme, alors qu'en France, un groupe s'oppose à cette reconnaissance en remarquant qu'Heidegger n'a jamais tenu de propos antisémites (cf le récent dictionnaire Heidegger de Fédier). Comme cela correspond à ce qu'écrit son élève juif Löwith qui n'a pourtant aucune raison de le ménager (il était un ami de la famille jusqu'en 1933 pour être ensuite ignoré), je demande ce qu'il en est: en fait, Heidegger n'a jamais tenu de propos vulgairement insultants envers les juifs. C'était plus subtil: il soutenait que c'est le Dasein qui fait l'homme, et que le juif n'a pas de Dasein.

Je rentre en voiture en écoutant les chants écossais de Beethoven. L'émission parle de William Blake et évoque l'un de ses poèmes sur les ramoneurs (des garçons petits qui restaient parfois coincés dans les conduits des cheminées). C'est drôle, je pensais à ce poème justement cet après-midi (un ramoneur sur le quai du RER B). Impossible de me souvenir où je l'ai lu commenté il y a peu.
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