Billets qui ont 'Jobert, Marlène' comme nom propre.

Emilie perceuse

Pour aller au laboratoir d'analyses ce matin je passe par les rues secondaires du village. Une dame d'une cinquantaine d'année, blonde, habillée un peu trop court en blanc, est en train de jurer en s'approchant d'une porte la clé à la main («Fais chier putain»). Je remarque au niveau de la sonnette une plaque: «Emilie perceuse».
A-t-elle ouvert boutique pour faire des petits travaux? Pourquoi perceuse et pas chignole? Je me mets aussitôt à chercher une meilleure dénomination: «Emilie bricoleuse», «Emilie menuiserie»…
Il me faudra quelques secondes pour remarquer la devanture: Tatouage. C'est du piercing.


Au retour j'achète des croissants et Paris Match, pour Marlène Jobert en couverture (Rita des Canards sauvages reste une valeur sûre à la maison: «est-ce qu'on ne voudrait pas me piquer mes sous?»)
Je passe également récupérer L'esprit des terrasses au point Relay: je suis en train de me procurer les trois tomes de Journaux d'avant 2012 qui me manquent.

Rentrée (bis)

Rendez-vous chez le dentiste, pour moi et pour O. Je ne suis pas venue depuis au moins sept ans, date de l'informatisation du cabinet. Le dentiste sort des morceaux de tartre de mes gencives, j'ai l'impression d'être un vieux lavabo encrassé.

J'accompagne O. qui entre en seconde (mon dernier entre au lycée. Les années heureuses, le lycée, à venir). Nous déjeunons rituellement chez Wajda découvert il y a quelques années grâce à PZ. Je ne sais pas si c'est un effet de crise, mais c'est vide.

J'ai rendez-vous avec lui à la sortie des cours pour qu'il choisisse des lunettes et un chapeau. En attendant, je vais au cinéma, profiter du festival Lino Ventura au Despérado.

Et en attendant le début de la séance, j'explore l'étal du bouquiniste mitoyen.
- Kafka, Le procès
- Kafka, Le Château (il manque des pages à mon poche)
- John Cooper Powys, Autobiographie, parce que c'est un auteur favorie de Patrick
- Esprit, décembre 1962: mort de Louis Massignon, un article sur le mur de Berlin, un article d'Althusser, la crise de Cuba, la guerre d'Algérie, un article sur Char, un autre sur Godard
- Mercure de France, avril 1965, Michel Butor, Denis Roche, "le parti pris des mots" par Genette et et et… "Dix poèmes de Mao Tsö-tong"
- Petite Chronique d'Anna Magdalena Bach
- Albert Simonet, Touchez pas au grisbi (à cause des Tontons flingueurs)
- Limonov, Histoire de son serviteur, parce que cet auteur est étrange, mais pas désagréable.

Dernier domicile connu: Paris des années 70, rue des couronnes, Marlène Jobert qui court, qui volète, derrière Lino Ventura durant tout le film, le malaise d'une société toute entière face aux puissants (la police qui devrait protéger la société n'est elle-même pas à l'abri des puissants), la fin sans espoir, pas d'issue.

Petite digression à propos de la première mission de Marlène Jobert, appât à pervers dans les cinémas. La première fois que j'ai connu ça, c'était dans ces cinémas permanents des boulevards qui n'existent plus (1985?). C'était Il était une fois la Révolution. Je ne sais plus ce que j'ai fait, mais je sais que je n'ai jamais fui (quitté la salle) devant ce genre d'attitude.
Cela m'est arrivé à nouveau lors d'Essential Killing et deux films plus récents. Ça me fait rire, je n'ai plus l'âge, on voit bien que les salles sont obscures. C'est étrange, on comprend tout de suite que l'attitude de notre voisin n'est pas saine, mais cette compréhension est intuitive, instinctive, très difficile à étayer sur des faits matériels. Généralement c'est un homme qui s'assied dans le siège à côté de vous alors qu'il y a de la place ailleurs — en tout cas suffisamment pour laisser une place d'écart, comme il est coutume. Puis le coude prend trop de place. Mais est-ce qu'il prend vraiment trop de place, ou est-ce une illusion, de la paranoïa? Qu'est-ce qu'un coude normal? On ne se souvient plus, on n'a jamais fait attention.
Désormais je simplifie: soit je demande «Pourriez-vous me laisser un peu de place? votre coude me gêne», soit si mon sac le permet (sil est souple), je le mets sur l'accoudoir en tampon et je m'installe. L'homme met entre trente secondes et trois minutes à changer de place. Généralement il quitte la salle, me confortant dans mon diagnostic: je n'étais pas paranoïaque, le film ne l'intéressait pas.

Je récupère O.
Vélib. Choix de lunettes, d'un chapeau, de chaussures. Les deux premières emplettes prennent une heure chacune (confusion devant le choix), la dernière dix minutes (le magasin ferme).

Nous rentrons en restant sur la rive gauche de la Seine. Mon idée était de montrer à O les quartiers que j'aime tant, les friches industrielles que j'ai tant suivis durant les grèves de 2009 avec C. Mais tout s'est beaucoup construit. Pont du Port à l'anglais. Je dis à O: «Tu vois, il y a quelque part un idéal de vie qui consiste à habiter ces maisons [meulières minuscules] en allant prendre son café tous les matins au café», je songe à San-Antonio ou Auguste Pichenet, il répond «je comprends» et je sais que c'est vrai.

Dans les petites rues de Villeneuve-Saint-Georges je manque d'écraser un chat roux. Je pile, je cale. Un Arabe hilare me félicite pouce levé, un autre me dit «fallait l'écraser». A la maison, H est furieux, le camion est chargé, A n'avait pas préparé grand chose.
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