Zurich
Par Alice, lundi 1 août 2011 à 23:53 :: 2011
La première journée du colloque commence à neuf heures et demie. C'est le jour de la fête nationale suisse, tout est fermé; j'ai conseillé à H. d'emmener A. au zoo et sur le lac, je m'inquiète un peu de leur journée, j'espère qu'ils ne vont pas trop se disputer.
Mon anglais est une catastrophe. Les mots m'échappent, je veux dire des choses trop compliquées, j'accentue mal, je ne fais pas la différence entre les i "i" et les i "aï", ce qui change complètement l'aspect d'un mot. Ce n'est que bien plus tard dans la journée que je prendrai conscience que je suis la seule dans la salle à n'être ni de langue anglaise, ni professeur de littérature anglaise. La prochaine fois que je prends ce genre de risque, je prends des leçons intensives de conversation trois mois avant.
Fritz Senn présente l'atelier. Le récit de la journée est ici.
A l'heure du déjeuner, dans la cuisine, la conversation a roulé très naturellement sur le petit-fils, Stephen, grand empoisonneur de la vie des Joyciens, Fritz Senn suggérant que les jeunes femmes présentes le courtisent et l'épousent (ce qui suppose qu'il devienne d'abord veuf) afin d'en hériter: ainsi les droits nous seraient acquis (la grande question reste celle de l'accès aux manuscrits: la loi est beaucoup moins claire qu'en ce qui concerne les ?uvres imprimées).
«Stephen Joyce vit au mode génitif».
«Il a dit un jour à (? Gabler) qu'il était inutile d'espérer sa mort, car sa femme "was a well-trained bitch".»
***
Je quitte les participants le soir pour ne plus les revoir, avec un sentiment mêlé: tandis que je ne me sens pas déplacée dans les colloques ou à Cerisy, ici j'ai beaucoup trop de complexes pour me sentir à l'aise. Mon anglais est vraiment trop hésitant, et j'ai trop conscience (j'ai trop le souvenir de mes professeurs) de mes fautes que je ne sais pas identifier. J'ai l'impression de parler petit nègre, ce qui n'aurait pas grande importance dans un congrès d'affaires, mais me paraît absolument déplacé dans un colloque littéraire, comme si je me promenais en guenilles lors d'une soirée de gala. Dommage. Je sais qu'ici j'ai rencontré des gens avec qui j'aurais pu rêver, m'échapper dans des anneaux parallèles de réalité insoupçonnée des mortels (à quoi bon la science-fiction? Prenez n'importe quels passionnés et vous obtiendrez mieux).
Retour à l'hôtel. H. et A. sont là , plutôt fatigués par leur journée au zoo, H. prétendant qu'on y voit plus d'humains que d'animaux. Je réussis à les faire ressortir, je veux aller à l'endroit où se rencontrent la Sihl et la Limmat, place où venait rêver Joyce (et ''Finnegans Wake'', si plein de fleuves et de rivières). Le parc qu'il faut traverser pour y parvenir est magnifique, arbres séculaires, les bateaux mouches sont très plats, platissimes, afin de passer sous les ponts bas sur la Limmat. Le soir tombe, H. me regarde désespéré en découvrant que je ne l'ai traîné là que pour des raisons joyciennes.
Nous repartons. Nous avons décidé d'aller voir le feu d'artifice de la fête nationale sur le lac. Nous avons la longueur de la presqu'île à parcourir (en toute rigueur ce n'est pas une presqu'île, mais puisque c'est le terme utilisé à Lyon?), mes compagnons sont fatigués, nous parcourons la Münstergasse, aucun restaurant ne nous convient, tout est terriblement bruyant, c'est la fête.
Nous finirons par choisir, un peu à la tête des personnes en terrasse, un restaurant espagnol, la Bodega espanola, qui nous enchantera, tant par la jovialité du serveur que par la qualité de la cuisine. A. nous quitte, part en éclaireur, attirée par des feux d'artifice amateurs.
Il fait nuit. Nous avançons jusqu'au pont sur la Limmat à l'endroit où elle rejoint le lac. Il y a beaucoup de monde, mais moins qu'on ne nous l'avait annoncé. Nous attendons, contemplant les yatchs emplis de touristes, cherchant à déduire de leurs mouvements le lieu d'où va être tiré le feu d'artifice. Rien ne se passe, ils s'approchent, repartent. Nous interrogeons nos voisins, nos voisins nous interrogent, des informations contradictoires circulent, il paraît que cette année il n'y aura pas de feu d'artifice officiel, nous refusons d'y croire tout en sachant au fond de nous que c'est la seule explication valable à la faible densité de la foule, aussi mal renseignée que nous.
De guerre lasse, passé minuit, nous rentrons en tramway, épuisés.
Mon anglais est une catastrophe. Les mots m'échappent, je veux dire des choses trop compliquées, j'accentue mal, je ne fais pas la différence entre les i "i" et les i "aï", ce qui change complètement l'aspect d'un mot. Ce n'est que bien plus tard dans la journée que je prendrai conscience que je suis la seule dans la salle à n'être ni de langue anglaise, ni professeur de littérature anglaise. La prochaine fois que je prends ce genre de risque, je prends des leçons intensives de conversation trois mois avant.
Fritz Senn présente l'atelier. Le récit de la journée est ici.
A l'heure du déjeuner, dans la cuisine, la conversation a roulé très naturellement sur le petit-fils, Stephen, grand empoisonneur de la vie des Joyciens, Fritz Senn suggérant que les jeunes femmes présentes le courtisent et l'épousent (ce qui suppose qu'il devienne d'abord veuf) afin d'en hériter: ainsi les droits nous seraient acquis (la grande question reste celle de l'accès aux manuscrits: la loi est beaucoup moins claire qu'en ce qui concerne les ?uvres imprimées).
«Stephen Joyce vit au mode génitif».
«Il a dit un jour à (? Gabler) qu'il était inutile d'espérer sa mort, car sa femme "was a well-trained bitch".»
Je quitte les participants le soir pour ne plus les revoir, avec un sentiment mêlé: tandis que je ne me sens pas déplacée dans les colloques ou à Cerisy, ici j'ai beaucoup trop de complexes pour me sentir à l'aise. Mon anglais est vraiment trop hésitant, et j'ai trop conscience (j'ai trop le souvenir de mes professeurs) de mes fautes que je ne sais pas identifier. J'ai l'impression de parler petit nègre, ce qui n'aurait pas grande importance dans un congrès d'affaires, mais me paraît absolument déplacé dans un colloque littéraire, comme si je me promenais en guenilles lors d'une soirée de gala. Dommage. Je sais qu'ici j'ai rencontré des gens avec qui j'aurais pu rêver, m'échapper dans des anneaux parallèles de réalité insoupçonnée des mortels (à quoi bon la science-fiction? Prenez n'importe quels passionnés et vous obtiendrez mieux).
Retour à l'hôtel. H. et A. sont là , plutôt fatigués par leur journée au zoo, H. prétendant qu'on y voit plus d'humains que d'animaux. Je réussis à les faire ressortir, je veux aller à l'endroit où se rencontrent la Sihl et la Limmat, place où venait rêver Joyce (et ''Finnegans Wake'', si plein de fleuves et de rivières). Le parc qu'il faut traverser pour y parvenir est magnifique, arbres séculaires, les bateaux mouches sont très plats, platissimes, afin de passer sous les ponts bas sur la Limmat. Le soir tombe, H. me regarde désespéré en découvrant que je ne l'ai traîné là que pour des raisons joyciennes.
Nous repartons. Nous avons décidé d'aller voir le feu d'artifice de la fête nationale sur le lac. Nous avons la longueur de la presqu'île à parcourir (en toute rigueur ce n'est pas une presqu'île, mais puisque c'est le terme utilisé à Lyon?), mes compagnons sont fatigués, nous parcourons la Münstergasse, aucun restaurant ne nous convient, tout est terriblement bruyant, c'est la fête.
Nous finirons par choisir, un peu à la tête des personnes en terrasse, un restaurant espagnol, la Bodega espanola, qui nous enchantera, tant par la jovialité du serveur que par la qualité de la cuisine. A. nous quitte, part en éclaireur, attirée par des feux d'artifice amateurs.
Il fait nuit. Nous avançons jusqu'au pont sur la Limmat à l'endroit où elle rejoint le lac. Il y a beaucoup de monde, mais moins qu'on ne nous l'avait annoncé. Nous attendons, contemplant les yatchs emplis de touristes, cherchant à déduire de leurs mouvements le lieu d'où va être tiré le feu d'artifice. Rien ne se passe, ils s'approchent, repartent. Nous interrogeons nos voisins, nos voisins nous interrogent, des informations contradictoires circulent, il paraît que cette année il n'y aura pas de feu d'artifice officiel, nous refusons d'y croire tout en sachant au fond de nous que c'est la seule explication valable à la faible densité de la foule, aussi mal renseignée que nous.
De guerre lasse, passé minuit, nous rentrons en tramway, épuisés.