Billets qui ont 'Kapuscinski, Ryszard' comme nom propre.

Tatami

J'ai posé ma matinée pour aller voir ce film car j'avais peur qu'il cesse d'être diffusé d'un moment à l'autre.

C'est un film à la construction sobre et efficace, qui raconte une histoire uniquement avec des combats de judo et des appels téléphoniques.
C'est l'histoire d'une championne iranienne que le gouvernement veut obliger à abandonner pour éviter qu'elle combatte contre une Israëlienne. Ils font pression sur elle en menaçant ses enfants et ses parents.

Le couple iranien m'a rappelé celui que j'ai rencontré à JRS en juillet 2020, toujours main dans la main et décrivant l'Iran avec enthousiasme («tout est à deux heures, la montagne, la mer, la nature est magnifique, notre histoire est millénaire»).

Et puis bien sûr, Le Shah de Kapuściński, qui se mélange à mes souvenirs des photos du Shah dans Paris Match avant 1975. L'Iran pour moi est une mythologie littéraire.

Ce genre d'histoires fait remonter un autre souvenir d'enfance: le petit-cousin de papa en visite chez ma grand-mère à Vierzon avec sa fille — mais sans son épouse et sans son fils qui restaient en otage en Pologne. J'étais perplexe mais aussi effrayée: quel était donc ce pays qui prenait des otages pour obliger ses citoyens à revenir? Quelle était donc la vie qu'il leur proposait pour qu'ils aient envie de fuir à ce point-là?
C'était mystérieux mais la conclusion était sans appel: jamais ça. Eviter à tout prix à se retrouver dans ce genre de pays.

Je commenterais volontiers la dernière image du film mais je ne veux pas spoiler car j'espère que vous irez le voir.

Circonstances inattendues

Huit. Acacia planté au milieu du petit bras, comme tombé du ciel.
Caroline est devenue nauséeuse à la barre durant le dernier tour (migraine ophtalmique). Je propose de la ramener chez elle.
C'est ainsi que vers midi un cabriolet rouge décapoté s'est arrêté devant les militaires anti gilets-jaunes au centre de la place de l'Etoile. Un militaire s'est approché pour savoir ce que nous voulions: «elle est malade», ai-je expliqué tandis que Caroline ouvrait la portière pour vomir. Le militaire s'est retiré.

Nettoyage du canapé réinstallé sur la mezzanine et projection de Triple Frontière sur le mur.

Kapuściński (que je suis en train de lire) décrit exactement ce film (spoiler alert ?):
Mais l'avidité du tyran [Cyrus] va provoquer sa déroute, de même que l'insatiabilité causa naguère la déchéance de Crésus. De plus, le châtiment frappe toujours l'homme au moment où il croit être sur le point de réaliser son rêve, rendant son malheur encore plus cruel et destructeur. Désillusion, immense rancœur contre le sort vengeur, sentiment accablant de soumission et d'impuissance s'ajoutent alors à la lourdeur de la peine.

Ryszard Kapuściński, Mes voyages avec Hérodote, Pocket p.117


Fin de Daesh. Moins de cinq ans. Mais ce n'est pas fini. Que va devenir la Syrie? Et les hommes entraînés et dispersés?

Pologne

Vu le film de Wajda sur Walesa. Portrait qui ne cherche pas à le flatter, et qui sera à compléter du livre de sa femme, Rêves et secrets. J'entends le "Lekou" diminutif de Lech qui me rappelle le Stachkou, diminutif de Stanislas, que j'ai si souvent entendu crier à travers la cour.

Je sais si peu de choses sur la Pologne. La première fois que j'en ai vu les paysages, c'est dans Shoah, le film de Lanzmann. Ce film a été terrible pour d'autres raisons: certains visages polonais étaient exactement ceux de mon grand-père. Ce que je regardais, c'était un album de famille, et l'état des routes, les chevaux, me rappelaient ce qu'on nous racontait sur la ferme dans les années 50.

Puis Rudnicki, Les fenêtres d'or.

— Mais mémé n'aime pas les juifs !
— Oui, tu ne le savais pas ?

Kieslowsky, Tu ne seras pas luxurieux, et la phrase (lors d'un interview, pas dans ce film): «je pensais ne faire des documentaires qui ne pouvaient intéresser que les Polonais, et puis je me suis rendu compte qu'on était triste ou qu'on avait mal aux dents de la même façon partout dans le monde.»

Puis Wajda, l'un des plus beaux films que j'ai vus, Kanal, un film en noir et blanc dans les égoûts, un film où le noir devient lumière.
Et à la fin les touristes. Auschwitz, encore et toujours, mais cette fois-ci, à l'époque contemporaine.

Conrad. Souvenirs me ramène au silence de mon grand-père et à l'humour de la branche paternelle. L'introduction de Souvenirs, les guerres russo-polonaises, et cette cuillère que ma grand-mère m'a donnée en me disant que c'était le plus vieil objet de la maison, qu'elle appartenait au père ou au grand-père de mon grand-père qui l'avait avec lui quand «il avait fait la guerre contre les Russes». Mais quelle guerre? Il y en a eu tant. (Trop tard, je ne saurai jamais.)

Puis l'année dernière Szczygiel, Voyage en Pologne de Döblin et cette année Kapuscinski.

Je lui dis que pour nous, Polonais, cette attitude est inconcevable, car une tradition fondamentalement différente nous sépare. Loin d'être des sanguinaires, les rois polonais qui se sont succédé sont pour la plupart des hommes qui ont laissé derrière eux un bon souvenir. A son accession au trône, l'un d'eux a trouvé un pays avec des maisons en bois et l'a quitté avec des bâtisses en pierre, un autre a proclamé un décret sur la tolérance et a interdit d'allumer des bûchers, un autre encore nous a défendus contre une invasion barbare. Nous avons eu un roi qui récompensait les savants, un autre qui avait des amis poètes. D'ailleurs, les surnoms qui leur ont été donnés — le Généreux, le Juste, le Pieux — montrent qu'on pensait à eux avec reconnaissance et sympathie.

Ryszard Kapuscinski, Le Shah, p.70-71, Champs Flammarion 2010.
Est-ce savoir quelque chose de la Pologne? Sans doute pas. Mais je ne sais rien d'autre.
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