Psalmus Hungaricus
Par Alice, mardi 5 juin 2007 à 19:38 :: 2007
Je mets en ligne la page consacrée au Psalmus Hungaricus dans le programme du concert des Melo'men et Rainbow Symphony Orchestra associés.
« En 1867, le « Compromis austro-hongrois » donne enfin aux Hongrois un gouvernement royal autonome qui décrète à nouveau, en 1873, la fusion des trois villes. Elle sera cette fois définitive. Mais l'histoire hongroise, douloureuse, se poursuit. À l'issue de la Première guerre mondiale, le traité du Trianon du 4 juin 1920 scelle le démantèlement du pays. La Hongrie perd les deux tiers de son territoire et près de 3,3 millions de personnes se retrouvent alors en dehors des frontières de la « Grande Hongrie » d'avant-guerre, avec la nationalité roumaine, yougoslave ou tchécoslovaque.
C'est dans ce contexte qu'en 1923, le « Psalmus Hungaricus » est créé, en même temps que la « Suite de danses » de Béla Bartok. Le texte est une traduction libre du Psaume 55 par le poète hongrois Mihà ly Kecskemêti Vég (XVIe siècle). Il raconte l'histoire du roi David qui implore Yahvé de le délivrer de la persécution de ses ennemis comme de la trahison de ses amis. Le sujet avait déjà une résonance particulière pour les contemporains du poète, alors sous domination ottomane. Il est évident qu'il a aussi trouvé un puissant écho trois ans après la signature du traité du Trianon. L'œuvre est ressentie comme une sorte de protestation nationale, dépassant largement la simple célébration du jubilé de Budapest. Pour le compositeur, elle représente plus encore puisqu'il sort d'une épreuve difficile : il a été sanctionné pour avoir exercé des responsabilités lors d'un gouvernement communiste entre-temps déchu.
Un ténor solo tient le rôle de David tandis que le chœur commente. L'œuvre est en forme de rondo avec un thème vocal principal, Mikoron David nogy busultaban, qui revient continuellement, accentuant l'idée de complainte. La violence de l'introduction orchestrale traduit la douleur morale de David, en contraste avec le quasi silence du chœur qui expose le thème mélodique principal : le peuple assiste, muet, au drame de son souverain, puis pleure et gémit à ses côtés. Progressivement, l'espoir en Yahvé renaît, qui s'exprime dans une puissante explosion polyphonique, avant la conclusion apaisée, message de consolation.
Kodà ly est issu d'une famille de musiciens. Ses études musicales sont couronnées, à l'âge de 24 ans, par une thèse de doctorat en ethnomusicologie, consacrée au chant traditionnel hongrois. Il ne perdra jamais cet intérêt pour la musique populaire qui l'inspirera fréquemment. Pédagogue émérite, il a inventé une méthode d'enseignement de la musique, la « méthode Kodà ly ». Outre une œuvre chorale très importante, il a composé de la musique de chambre et des pièces symphoniques.
Psaume 55 Chœur
Le roi David, accablé de souffrances,
haï et persécuté par ses amis,
le cœur plein d'un amer chagrin,
abattu, s'adressa à Dieu :
Ténor
Père éternel, Seigneur, écoute ma prière,
porte sur moi ton saint regard,
toi mon Sauveur, mon Dieu, aie pitié de moi,
car la peine de mon cœur est trop lourde.
Jour et nuit je pleure et me lamente,
morne est mon âme, mes forces m'ont quitté,
mon cœur est lourd d'amères souffrances
et de colère envers mes ennemis perfides.
Si j'avais les ailes de la colombe,
je m'envolerais et fuirais ce lieu.
Si mon Dieu clément l'avait permis,
je me serais déjà enfui bien loin d'ici.
Je préférerais habiter les déserts,
errer à l'abandon dans les gouffres obscurs
plutôt que de vivre au milieu de ceux
qui n'ont jamais respecté le droit ni la vérité.
Chœur
Le roi David, accablé de souffrances, etc.
Ténor
Nuit et jour ils trament des projets impies,
sèment la discorde et les calomnies,
cherchent à m'attirer dans leurs pièges
afin de se réjouir de mes souffrances.
La ville n'est que haine et courroux,
querelles et violence habitent ces murs,
on pille l'or, c'est le triomphe de la cupidité,
la terre ne connaît rien de tel ailleurs.
Souvent les impies tiennent conseil
pour mieux tromper veuves et orphelins,
ils offensent Dieu dans leurs pensées
et dans leurs actes,
l'orgueil les fait blasphémer son nom.
Chœur
Le roi David, accablé de souffrances, etc.
Ténor
Il serait plus aisé de supporter ces tourments
si j'étais persécuté par des ennemis !
Contre des ennemis, je pourrais me défendre,
je n'aurais pas à boire
la coupe amère de la souffrance.
Mais mon ami, mon compagnon le plus fidèle,
celui en qui mon cœur avait toute confiance,
qui suivait jadis le même chemin que moi,
c'est lui qui s'est révélé mon pire ennemi !
Que la mort cruelle les punisse tous,
que le perfide succombe à la violence.
Maudits soient leurs sarcasmes vils et impies,
maudite leur meute vile et scélérate.
Ténor et Chœur
Entends mes plaintes, ô Dieu, je t'appelle,
je t'implore jour et nuit,
apporte-moi le salut, délivre-moi
de mes ennemis et du mal qu'ils m'infligent.
Ténor
Oh, mon cœur, réjouis-toi, ne tremble point.
Dieu est ton réconfort, ton soleil,
il délivre toutes les âmes de la détresse,
il est ta lumière dans la vie et dans la mort.
Chœur
Toi, notre juge pour l'éternité,
jamais tu ne toléreras
les impies couverts de sang,
jamais tu ne béniras leurs méfaits,
ils ne vivront pas longtemps sur cette terre.
Tu protèges le juste,
toi la forteresse éternelle du fidèle.
Tu relèves celui qui fut bassement humilié,
tu écrases les présomptueux.
Si, sur terre, tu le mets parfois
à l'épreuve du feu ardent,
tu l'élèves ensuite à la gloire éternelle.
La délivrance, l'allégresse,
la lumière sont sa récompense.
Tu lui accordes puissance et magnificence.
Ce sont les paroles de David dans la Bible
au cinquante-cinquième psaume.
Pour le réconfort de tous, un homme pieux,
au cœur triste, en a tiré ce chant.
»
« En 1867, le « Compromis austro-hongrois » donne enfin aux Hongrois un gouvernement royal autonome qui décrète à nouveau, en 1873, la fusion des trois villes. Elle sera cette fois définitive. Mais l'histoire hongroise, douloureuse, se poursuit. À l'issue de la Première guerre mondiale, le traité du Trianon du 4 juin 1920 scelle le démantèlement du pays. La Hongrie perd les deux tiers de son territoire et près de 3,3 millions de personnes se retrouvent alors en dehors des frontières de la « Grande Hongrie » d'avant-guerre, avec la nationalité roumaine, yougoslave ou tchécoslovaque.
C'est dans ce contexte qu'en 1923, le « Psalmus Hungaricus » est créé, en même temps que la « Suite de danses » de Béla Bartok. Le texte est une traduction libre du Psaume 55 par le poète hongrois Mihà ly Kecskemêti Vég (XVIe siècle). Il raconte l'histoire du roi David qui implore Yahvé de le délivrer de la persécution de ses ennemis comme de la trahison de ses amis. Le sujet avait déjà une résonance particulière pour les contemporains du poète, alors sous domination ottomane. Il est évident qu'il a aussi trouvé un puissant écho trois ans après la signature du traité du Trianon. L'œuvre est ressentie comme une sorte de protestation nationale, dépassant largement la simple célébration du jubilé de Budapest. Pour le compositeur, elle représente plus encore puisqu'il sort d'une épreuve difficile : il a été sanctionné pour avoir exercé des responsabilités lors d'un gouvernement communiste entre-temps déchu.
Un ténor solo tient le rôle de David tandis que le chœur commente. L'œuvre est en forme de rondo avec un thème vocal principal, Mikoron David nogy busultaban, qui revient continuellement, accentuant l'idée de complainte. La violence de l'introduction orchestrale traduit la douleur morale de David, en contraste avec le quasi silence du chœur qui expose le thème mélodique principal : le peuple assiste, muet, au drame de son souverain, puis pleure et gémit à ses côtés. Progressivement, l'espoir en Yahvé renaît, qui s'exprime dans une puissante explosion polyphonique, avant la conclusion apaisée, message de consolation.
Kodà ly est issu d'une famille de musiciens. Ses études musicales sont couronnées, à l'âge de 24 ans, par une thèse de doctorat en ethnomusicologie, consacrée au chant traditionnel hongrois. Il ne perdra jamais cet intérêt pour la musique populaire qui l'inspirera fréquemment. Pédagogue émérite, il a inventé une méthode d'enseignement de la musique, la « méthode Kodà ly ». Outre une œuvre chorale très importante, il a composé de la musique de chambre et des pièces symphoniques.
Psaume 55 Chœur
Le roi David, accablé de souffrances,
haï et persécuté par ses amis,
le cœur plein d'un amer chagrin,
abattu, s'adressa à Dieu :
Ténor
Père éternel, Seigneur, écoute ma prière,
porte sur moi ton saint regard,
toi mon Sauveur, mon Dieu, aie pitié de moi,
car la peine de mon cœur est trop lourde.
Jour et nuit je pleure et me lamente,
morne est mon âme, mes forces m'ont quitté,
mon cœur est lourd d'amères souffrances
et de colère envers mes ennemis perfides.
Si j'avais les ailes de la colombe,
je m'envolerais et fuirais ce lieu.
Si mon Dieu clément l'avait permis,
je me serais déjà enfui bien loin d'ici.
Je préférerais habiter les déserts,
errer à l'abandon dans les gouffres obscurs
plutôt que de vivre au milieu de ceux
qui n'ont jamais respecté le droit ni la vérité.
Chœur
Le roi David, accablé de souffrances, etc.
Ténor
Nuit et jour ils trament des projets impies,
sèment la discorde et les calomnies,
cherchent à m'attirer dans leurs pièges
afin de se réjouir de mes souffrances.
La ville n'est que haine et courroux,
querelles et violence habitent ces murs,
on pille l'or, c'est le triomphe de la cupidité,
la terre ne connaît rien de tel ailleurs.
Souvent les impies tiennent conseil
pour mieux tromper veuves et orphelins,
ils offensent Dieu dans leurs pensées
et dans leurs actes,
l'orgueil les fait blasphémer son nom.
Chœur
Le roi David, accablé de souffrances, etc.
Ténor
Il serait plus aisé de supporter ces tourments
si j'étais persécuté par des ennemis !
Contre des ennemis, je pourrais me défendre,
je n'aurais pas à boire
la coupe amère de la souffrance.
Mais mon ami, mon compagnon le plus fidèle,
celui en qui mon cœur avait toute confiance,
qui suivait jadis le même chemin que moi,
c'est lui qui s'est révélé mon pire ennemi !
Que la mort cruelle les punisse tous,
que le perfide succombe à la violence.
Maudits soient leurs sarcasmes vils et impies,
maudite leur meute vile et scélérate.
Ténor et Chœur
Entends mes plaintes, ô Dieu, je t'appelle,
je t'implore jour et nuit,
apporte-moi le salut, délivre-moi
de mes ennemis et du mal qu'ils m'infligent.
Ténor
Oh, mon cœur, réjouis-toi, ne tremble point.
Dieu est ton réconfort, ton soleil,
il délivre toutes les âmes de la détresse,
il est ta lumière dans la vie et dans la mort.
Chœur
Toi, notre juge pour l'éternité,
jamais tu ne toléreras
les impies couverts de sang,
jamais tu ne béniras leurs méfaits,
ils ne vivront pas longtemps sur cette terre.
Tu protèges le juste,
toi la forteresse éternelle du fidèle.
Tu relèves celui qui fut bassement humilié,
tu écrases les présomptueux.
Si, sur terre, tu le mets parfois
à l'épreuve du feu ardent,
tu l'élèves ensuite à la gloire éternelle.
La délivrance, l'allégresse,
la lumière sont sa récompense.
Tu lui accordes puissance et magnificence.
Ce sont les paroles de David dans la Bible
au cinquante-cinquième psaume.
Pour le réconfort de tous, un homme pieux,
au cœur triste, en a tiré ce chant.
»