Billets qui ont 'Louÿs, Pierre' comme nom propre.

Deux paires de mitaines

Il y a vingt ans, je tricotais une paire de mitaines bleu turquoise pour mon amie Jacqueline. Je peux dater ce moment parce que je me revoie dans la chambre d'hôtel à Strasbourg où j'ai passé trois mois en formation, envoyée là par mon entreprise (les vingt ans de la chute du mur du Berlin, mes vingt ans de salariat... mais mon point de repère (pour le salariat) est plutôt la proclamation de la république hongroise en octobre 1989... Tien Anmen avait été réprimé en juin, je n'en reviens pas de ces journalistes/analystes politiques qui viennent nous expliquer que la chute du mur était prévisible... nous songions à Tien Anmen. Je regardais la télé dans des chambres d'hôtel, en octobre ce n'était pas encore Strasbourg mais Périgueux...)

Il y a cinq ans, aujourd'hui ou le 16 ou le 17, je ne sais plus, j'apprenais la mort de Jacqueline.
J'avais tricoté une autre paire de mitaines, rouge, pour F., quelques temps auparavant. F., dont je n'ai plus de nouvelles.

Pierre Louÿs en tirerait la conclusion qu'il est dangereux de tricoter des mitaines pour ses amies.
Heureusement, je n'en ai jamais plus tricoté.

Rire

Rops propose un frontispice à Louÿs pour sa revue, Louÿs s'en ouvre à Gide qui répond :

Accepte, mon ami; il faut toujours accepter.
Mes préceptes sur cela sont évangéliques: quand on vous remplit une main, il faut tendre l'autre.

Correspondances à trois voix - Gide, Louÿs, Valéry, 3 juin 1891

Voilà longtemps que je suis instinctivement ce précepte. Un ami me disait l'autre jour, au bout d'une journée passée avec moi: «Tu es une femme qui coûte cher!»
(J'ai un peu honte, mais pas beaucoup.)

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