Billets qui ont 'Mitterrand, François' comme nom propre.

Gauche ou droite ?

A quelle séance des cruchons la majorité des présents (ou tous? il me semble que c'était tous) s'est déclaré de gauche?

Les lignes de Claude Mauriac que je lis ce matin font remonter en moi toutes les raisons pour lesquelles je ne me déclarerai jamais plus de gauche:

- mon dégoût de Mitterrand;

- mon écœurement devant toutes ces personnes de gauche qui ont des comportements de droite (école privée, voiture luxueuse, banlieue chic) mais qui s'autorisent à vous faire la morale sur ce qu'il est possible de dire ou ne pas dire (ceux qui vous interdisent de dire un mot contre les banlieues (ie, qu'il est inadmissible qu'on accepte des zones de non-droit) mais vous demandent s'ils peuvent garer leur voiture dans votre jardin, parce que c'est plus sûr que la rue une nuit de Saint Sylvestre);

- ma tristesse devant ces enfants abandonnés, cette (ces) génération sans recours, à laquelle on n'a rien appris, sous prétexte de ne pas la brusquer, de ne pas la traumatiser, (et à mon avis, aussi par manque de courage, car il en faut, du courage, pour être dur quand il est tellement plus facile de passer pour un bienfaiteur magnanime).

Et puis bon gré mal gré, il est probable que je me sente plus à l'aise du «mauvais côté», toujours, que ce soit en politique ou ailleurs, parce que lorsque je ne partage pas totalement les opinions du côté où je me range sans qu'il soit viscéralement le mien, je souffre moins que lorsque qu'il me faut assister aux bêtises de gens que j'aime profondément. Il est plus facile de pardonner à ses ennemis, le sentiment de déception ou de trahison est moins profond. (Et ceci, bien sûr, est un peu lâche, aussi: après tout il s'agit d'éviter de souffrir.)

Sortie en skiff

Sortie en skiff aujourd'hui, pour la première fois depuis... (1982?) Je pensais en riant intérieurement que le garçon qui m'aidait à descendre mon bateau ne devait pas être né quand j'ai ramé en skiff pour la dernière fois.

J'avais oublié combien ce bateau est léger. Une plume.

Mon bateau de prédilection était le double-scull, mais après une saison, René m'avait passée au skiff. Je me souviens qu'à Montsoreau, je me suis retournée quinze mètres après le départ de la course. J'avais visité le château avant la course. Ai-je lu Dumas avant ou après? Plutôt avant.

Nous ramions le long de la Loire, les week-ends se passaient en déplacement pour les compétitions, Montsoreau, Laval, Chatellerault, je connais les villes par leur bassin (ou plutôt je m'en souviens quand je les traverse en voiture) (et je me souviens que j'ai appris l'élection de Mitterrand assise sur un seau dans le hangar à bateaux où j'attendais mes parents un dimanche soir).

Nos bateaux avaient des noms de châteaux, Chenonceau et Chambord pour les deux yolettes, Cheverny, Ménars, Talcy, Château-Gonthier, combien de fois plus tard ai-je reconnu des noms en passant par hasard dans des villages de Sologne et de Beauce. Ô saisons, ô châteaux.

A Blois, les sorties les plus longues nous menaient devant le château de Ménars. Personne n'imagine la beauté de la Loire à l'automne dans le froid et le soleil couchant.

Coluche, l'histoire d'un mec

Les critiques sont mitigées, et je pense comprendre pourquoi: ceux qui vont voir ce film en pensant rire pendant deux heures devant des sketches doivent être très déçus. Ceux qui connaissent l'histoire de Coluche (et qui supportent le personnage, mais dans le cas contraire, pourquoi aller voir un tel film?) sont tristes. Ce film ne leur apprend rien mais leur rappelle beaucoup de choses.

Ce film est un déclencheur de nostalgie. Je ne sais pas ce que peuvent y comprendre les trentenaires, les vingtenaires. Je repense à l'époque qui s'annonçait en 1980, dix à quinze ans de Reagan/Thatcher/Mitterrand/Jean-Paul II. La compagnie créole chante «T'es OK, t'es bath», Georges Marchais donne des interviews (je n'avais jamais vu Marchais à la télévision... je l'ai vu pour la première fois ce soir. Je vivais dans une famille un peu bizarre, pas de sexe, pas de politique, pas de films en noir et blanc, pas de films sous-titrés, pas de westerns, du sport, «t'as fait tes devoirs?» (et la réponse était toujours oui même quand c'était faux), et c'était tout), les postes de radio sont énormes, les lunettes aussi. Je n'avais jamais écouté un sketch de Coluche à la maison (trop vulgaire (plus tard, quand il animerait une émission sur Europe 1, je l'entendrais en revanche chaque fois que je serais dans la cuisine: ma mère n'écoute qu'Europe 1 («parce qu'on écoutait obligatoirement RTL chez moi quand j'étais petite» (Moralité j'écoutais RTL, Les grosses têtes et Julien Lepers... tout cela est tellement prévisible)))), mais j'avais une copine qui les connaissait par cœur, Coluche, Renaud, Magdane, Balavoine, un peu Desproges, que le monde était étroit et l'horizon resserré. (Coluche sur Europe 1, c'était le plus souvent insupportable de vulgarité. Il s'est passé pour Coluche la même chose que pour les Guignols de l'info: j'ai eu la chance de ne pas l'écouter en direct, mais de n'en connaître que les moments les plus pertinents, les phrases les plus justes, sélectionnés par mes amis.)

Je me souviens de Jean-Louis disant dans les écuries, alors qu'on lui apprenait la grève de la faim de Coluche, «Coluche fait la grève de la faim? Mais non, il est au régime», je me souviens de la façon dont j'ai appris l'élection de Mitterrand, assise sur un seau dans le hangar à bateau après une régate, attendant que mes parents viennent me chercher, je me souviens de la mort de Coluche, de la rumeur qui a couru (était-ce vraiment un accident?) et du disque de Renaud. Souvent je me dis qu'il manque aujourd'hui un œil aussi vif, un esprit aussi prompt à saisir et saisir l'essence d'une situation. Je me demande ce qu'il l'aurait pensé des émeutes de 2005 ou d' Entre les murs, par exemple. Il ne faisait pas spécialement dans le politiquement correct. En tout cas, il se serait bien moqué des "cinq fruits et légumes par jour" sous la pub Coca zéro imitant James Bond, et ça m'aurait fait du bien. Personnellement, il me manque davantage que Philippe Muray.

En regardant le film, l'accueil que les petites gens dans les villes touchées par le chômage (1,5 million de chômeurs, c'était effrayant et ça fait rêver) réservait à Coluche, je me dis qu'il ne faut pas chercher loin ceux qui ont voté Le Pen en 2002: on ne peut pas éternellement désespérer et Billancourt, et Longwy, et Saint-Etienne, et...
Coluche, Le Pen, Bayrou : le système est à la recherche d'une possibilité de fonctionner autrement, mais il est trop bien verrouillé. Est-ce un bien, est-ce un mal?

Le film se termine sur une allusion aux Restos du cœur. Quelques minutes avant, je venais de dire à H.: «J'ai beau savoir que c'est injuste, pour moi Mitterrand, c'est l'apparition des SDF». (Ç'avait été l'un de mes étonnements de retour du Maroc à huit ans: il n'y avait pas de mendiants. Etaient-ils enfermés? Dix ans plus tard, j'avais ma réponse.)

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