Billets qui ont 'Scholem, Gershom' comme nom propre.

Pensée en vrille

Je partage si bien l'opinion de Scholem : «Je m’efforce de profiter des vacances jusqu’au dernier moment pour terminer mon travail» que je me suis surprise aujourd'hui à penser qu’il fallait que je prenne des vacances pour avoir du temps pour rattraper mon retard au boulot.

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Annonce d'un couvre-feu : plus personne dans les rues à partir de 21 heures en Ile-de-France et huit grandes villes.
Et zut.

Vacances : au travail !

Je m’efforce de profiter des vacances jusqu’au dernier moment pour terminer mon travail.»
Cabale et philosophie, lettre de Scholem, le 4 septembre 1954
J'adore cette citation, elle est si vraie.

L'année étudiante finie, je peux enfin me mettre à travailler. J'entame donc de ce pas mon programme de bonnes résolutions.
1/ Gibellini, Panorama de la théologie au XXe siècle.
(Les bonnes résolutions, ça ne dure jamais longtemps, mais tant que ça dure, c'est toujours ça de pris.)

Samedi en courant

Matinée sur le plus gros des tableaux (des onglets multiples qui nécessitent de remplir dix mille fois les mêmes chiffres. Aucune formule n'est prévue, j'en ajoute quelques-unes): si j'ai décidé de le remplir à la maison, c'est que j'y dispose d'un écran de trente pouces, pratique pour afficher en grand plusieurs tableaux.
Hélas, je n'ai pas terminé à midi. Il faudra que je continue à Venise sur mon écran onze pouces.

Un enfant à aller chercher gare du nord à deux heures, un autre à Roissy à trois heures, nous partons d'Orly à six heures et demie.

Je prépare ma valise. Je n'emporte pas de livre mais mes cours de grec: comme à Amsterdam, j'ai une version à rendre à la rentrée. Ce voyage à Venise intervient dans un contexte étrange: si j'avais eu le choix, j'aurais préféré une ville que je connais moins bien (Rome, Naples, la Toscane, Tarente), mais nous sommes invités par des amis auxquels nous allons plus ou moins servir de guides. Je pars en sachant que cela va être une semaine peu libre (je veux dire que je ne vais pas l'organiser comme je le ferais naturellement). J'espère en profiter pour réussir à travailler un peu, invisiblement tôt le matin comme c'est ma spécialité. «Je m'efforce de profiter des vacances jusqu'au dernier moment pour terminer mon travail»: je chéris cette phrase de Scholem qui me fait rire.

De Jacqueline de Romilly à Leo Strauss

A la mémoire de Jacqueline de Romilly.

C'est parce que j'étais en train de lire Jacqueline de Romilly que j'ai choisi Leo Strauss quand il s'est agi de soutenir les éditions de l'éclat. [1]
Et à cause de Gershom Scholem, bien sûr.

Donc jeudi soir, sous la neige, protégés par un sac en tissu de la librairie portugaise:

  • Gershom Scholem & Leo Strauss, Cabale et philosophie
  • Leo Strauss, Le discours socratique de Xénophon suivi de Le Socrate de Xénophon
  • Leo Strauss, Sur "le Banquet"
  • Leo Strauss, Socrate et Aristophane

Notes

[1] (La méthode pour commander n'est pas très claire. Voir ici les librairies amies ou utiliser Lekti-ecriture.)

Marais

A midi passée chercher mon billet pour Ginzburg au musée du judaïsme. Prétendre que lorsqu'on hésite à acheter un livre il faut l'acheter est criminel. Flâner à la fois vite (peu de temps, pause déjeuner) et longtemps dans la librairie, avec toujours les larmes qui montent dans l'accumulation de ce genre de livres. Pensées incorrectes, est-ce que tous les salariés sont juifs, le musée respecte-t-il les obligations légales de diversité? (Je deviens bizarre, c'est qu'on doit beaucoup m'embêter.)

Comme Emmanuel Régniez avait attiré mon attention sur les 70 ans de la mort de Walter Benjamin, comme j'avais relu le matin même mes quelques mots sur la correspondance Strauss/Scholem, je vérifiai les livres de Gershom Scholem. J'ai acheté tout ce qu'ils avaient, je crois.

  • Gershom Scholem, Fidélité et utopie (je suis contente, je crois qu'il est épuisé);
  • Gershom Scholem, Sur Jonas, la lamentation et le judaïsme (Jonas, celui qui reproche au Seigneur d'être trop indulgent);
  • Gershom Scholem, La kabbale (inévitable);
  • Gershom Scholem, Benjamin et son ange (quand même);
  • Gershom Scholem, Walter Benjamin, histoire d'une amitié (l'amitié entre les grands hommes me fascine, me console, me réconforte);

et un livre que j'avais en son temps hésité à acheter en grand format. Je l'ai pris en poche:

  • Avraham b. Yehoshua, Le Responsable des Ressources humaines. (J'ai commencé par celui-là, bien sûr, abandonnant Frédéric II pour quelques heures.)

Tourné un peu en songeant à ma tentation de tenter d'apprendre l'hébreu, [en songeant] qu'il faudrait qu'un jour je raconte "mon histoire juive", [en songeant] que je semblais condamnée à (ou incapable de ne pas) retourner sur mes traces pour explorer chaque chemin abandonné trop tôt, [condamnée à] tous les reprendre pour vérifier que c'est avec raison qu'ils avaient été abandonnés. Chemin après chemin, il n'en reste plus beaucoup, je crois. Va venir le moment où il faudra avancer sans se retourner, où il n'y aura plus rien sur quoi se retourner, tous les souvenirs présents, vivants.



Le soir, bibliothèque historique de la Ville de Paris. Daniel Ferrer et Jean-Jacques Labia, l'incroyable projet de Balzac et Stendhal, réécrire La Chartreuse de Parme à quatre mains. Comme d'habitude j'ai davantage appris en une heure qu'en vingt ans. C'est très étrange, la façon dont le creusement du détail permet de peindre des panoramas entiers. A regarder une seule ligne d'écriture, des pans tombent, Balzac était bibliophile, Stendhal non, qui pouvait prendre des notes sur un livre ou y rédiger un contrat. Détail sans intérêt littéraire, mais détail qui donnera un relief à certaines réactions des personnages. Cela minuscule détail parmi une foule de précisions plus directement dans le sujet, la bataille de Waterloo et celle de Wagram, «Waterloo fut la Berezina de Balzac», ses Scènes de la vie militaire restées au stade éternel de projet; reproches et compliments, compliments qui sont des reproches et inversement, qu'est-ce que le style... Mais enfin il semble qu'ils s'aimaient bien.

Que j'aime cette bibliothèque. C'est drôle de se dire qu'au même moment dans Paris doivent se tenir des dizaines de conférences identiques, professeurs invités par des associations des amis de Trucmuche, tout cela gratuit, gratuit, qu'ai-je fait de ma jeunesse, ils me font rire ceux qui regrettent leurs nuits blanches et leurs beuveries, s'ils savaient ce que je regrette, ils seraient horrifiés.



J'ai sommeil. Ménage dans la dropbox, mails, j'ai sommeil, je finis mon thé, le linge est étendu. Je ne vais même pas avoir le courage de lire.

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