Bookcrossing
Par Alice, mardi 9 décembre 2014 à 23:55 :: 2014
Le thème était "l'écrivain avec qui vous voudriez dîner", sur quoi j'ai fait remarquer que si je lisais un romancier, je n'avais certainement pas envie de le rencontrer.
J'ai présenté Logiques du brouillon. Trop théorique pour eux. Et pourtant Daniel Ferrer est le plus passionnant et le plus fin des convives. Je repars avec Trois femmes puissantes.
J'observe les défauts et les mauvaises manières de tout ce petit monde et je m'y sens de plus en plus à l'aise. Certes je sens bien que ce parti pris d'observation, par la distance qu'il instaure, me détache, mais ça n'a pas d'importance. Les livres mêmes que j'apporte m'isolent. Et cela m'amuse. Le vieux monsieur en face de moi feuillette mon livre et s'exclame comme si je n'avais rien compris: «Ah, mais ce sont ses livres sur Joyce qu'il faut lire!» (Euh oui. Mais si vous n'arrivez déja pas à lire celui-ci, ce n'est peut-être pas urgent d'essayer.) Il me demande: «Vous aimez les lectures difficiles?» A la table d'à côté un nouveau venu présente Le roi pâle de David Foster Wallace. En contemplant l'épaisseur du livre, je me dis qu'il n'a aucune chance [qu'on le lui emprunte] (mais n'est-ce pas tricher par rapport au thème, peut-on dîner avec un mort?) D'autres n'ont rien amené, arguant: «mais je croyais que nous parlerions d'un auteur». Oui, enfin, cela fait plus de quinze ans qu'il s'agit de bookcrossing, avant même que le terme existât: plus difficile de crosser quand il n'y a pas de book. Mais puisque plus personne ne crosse vraiment… Pourquoi sont-ils là ? Pour voir du monde? Pour un sentiment d'appartenance? (Et pourquoi suis-je là ? Ah oui, pour m'entraîner à la conversation (ou au silence), pour m'obliger à lire sous contrainte, pour découvrir des auteurs, pour changer de monde, après le boulot, l'aviron, la catho.)
En rentrant, je finis Le curé de Tours. Après Une tébreuse affaire, deuxième histoire de vengeance, deuxième récit exposant des rouages et des tactiques juridiques encore en vigueur aujourd'hui.
Je ne savais pas que Balzac avait fait dans le comique. Pauvre abbé, naïf, égoïste et gentil. (L'égoïsme a un statut étrange dans cette nouvelle, c'est quasi une qualité si je comprends bien les derniers paragraphes.)
J'ai présenté Logiques du brouillon. Trop théorique pour eux. Et pourtant Daniel Ferrer est le plus passionnant et le plus fin des convives. Je repars avec Trois femmes puissantes.
J'observe les défauts et les mauvaises manières de tout ce petit monde et je m'y sens de plus en plus à l'aise. Certes je sens bien que ce parti pris d'observation, par la distance qu'il instaure, me détache, mais ça n'a pas d'importance. Les livres mêmes que j'apporte m'isolent. Et cela m'amuse. Le vieux monsieur en face de moi feuillette mon livre et s'exclame comme si je n'avais rien compris: «Ah, mais ce sont ses livres sur Joyce qu'il faut lire!» (Euh oui. Mais si vous n'arrivez déja pas à lire celui-ci, ce n'est peut-être pas urgent d'essayer.) Il me demande: «Vous aimez les lectures difficiles?» A la table d'à côté un nouveau venu présente Le roi pâle de David Foster Wallace. En contemplant l'épaisseur du livre, je me dis qu'il n'a aucune chance [qu'on le lui emprunte] (mais n'est-ce pas tricher par rapport au thème, peut-on dîner avec un mort?) D'autres n'ont rien amené, arguant: «mais je croyais que nous parlerions d'un auteur». Oui, enfin, cela fait plus de quinze ans qu'il s'agit de bookcrossing, avant même que le terme existât: plus difficile de crosser quand il n'y a pas de book. Mais puisque plus personne ne crosse vraiment… Pourquoi sont-ils là ? Pour voir du monde? Pour un sentiment d'appartenance? (Et pourquoi suis-je là ? Ah oui, pour m'entraîner à la conversation (ou au silence), pour m'obliger à lire sous contrainte, pour découvrir des auteurs, pour changer de monde, après le boulot, l'aviron, la catho.)
En rentrant, je finis Le curé de Tours. Après Une tébreuse affaire, deuxième histoire de vengeance, deuxième récit exposant des rouages et des tactiques juridiques encore en vigueur aujourd'hui.
Je ne savais pas que Balzac avait fait dans le comique. Pauvre abbé, naïf, égoïste et gentil. (L'égoïsme a un statut étrange dans cette nouvelle, c'est quasi une qualité si je comprends bien les derniers paragraphes.)