Billets qui ont 'Zvezdo' comme nom propre.

Revu Zvezdo

Passage au dessus de la Seine à Melun à 7h16.

Seine vue du pont du RER de Melun à 7h16


Joie et bonheur, Zvezdo m'a invitée à passer chez lui à quatre heures. En général c'est toujours moi qui provoque les rendez-vous, ça fait plaisir que ça se passe dans l'autre sens (je sais que je suis parano, il faut que je fasse avec).

En faisant quelques recherches dans ce blog, je me rends compte que je mélange toutes les fois où nous nous sommes rencontrés. Lui a un souvenir plus net et est capable de me dire que la dernière fois que nous nous sommes vus, c'était pour L'enfance du Christ.

Bière et papotage, détails familiaux. Zvezdo me fait rire dans ses emportements, les pigeons, son voisin du dessus, la mauvaise organisation des pompes funèbres, le maire de Dun-sur-Meuse… Il y met beaucoup d'humour, même lorsque les circonstances sont tristes ou dramatiques.

Il me pose la question qui tue: «Alors, prête à travailler à jusqu'à 65 ans?»
Ça m'interloque. En fait je ne comprends pas pourquoi cela paraît être si inconcevable pour la plupart de mes contemporains alors que moi je n'y pense pas, je n'y pense jamais.
Est-ce parce que depuis que les enfants sont partis j'ai l'impression de sortir de mes études et d'avoir vingt-cinq ans? Est-ce parce que je suis en pleine forme, même si mes yeux déclinants prouvent que je suis sur la pente descendante? Est-ce parce que mon boulot m'a permis de comprendre à quel point le statut de retraité vous mettait à part de la vie, comme au rebut, et que je n'ai pas envie d'être au rebut? Ou est-ce parce que j'espère encore trouver un emploi dans lequel je serai utile alors que si je fais le compte de mes années actives, elles ont été inutiles et sans intérêt?

Je trouve ça triste que tant de gens attendent la retraite comme un refuge à atteindre à tout prix. Cela signifie-t-il que toute leur vie n'est qu'une parenthèse? Ne commencent-ils à vivre qu'à la retraite?

J'ai perdu la notion de l'heure. H. m'attend.
Passage au dessus de la Seine à Melun à 20h42.

Seine vue du pont du RER de Melun à 20h42


Un déjeuner

TG sur Origène, les trois niveaux de lecture. Je l'ai lu il y a un peu trop longtemps et je n'ai pas formalisé mon travail par écrit, ce qui fait que j'ai un peu de mal à suivre.
Et je ne suis pas à l'aise avec le schéma décrit par la chargée de TG, il me semble que l'arbre des lectures ne se déploie pas au bon niveau. Tant pis.

Comme la chargée de TG trouve le dossier "léger", elle nous libère une heure avant la fin et je passe une heure à la Procure. Je craque pour Les Pères grecs et les Les pères latins de Campenhausen et les tomes 1 et 2 de L'histoire des conciles œcuméniques respectivement d'Ortiz de Urbina et Camelot. (Toujours cette illusion que les livres vont résoudre les problèmes. A quoi bon si je ne les lis pas?) Je me donne bonne conscience en me disant que cela ne coûte rien puisque je paie avec les bons cadeau du CE pour Noël.

Déjeuner chez Zvezdo qui a malicieusement invité Thomas, un délégué syndical marseillais de ma boîte (et néanmoins ami!). Nous discutons boutique (j'espère que nous n'avons pas trop ennuyé nos hôtes) et potinons, Thomas est très drôle quand il parle de ses histoires de famille (corse), il nous raconte l'association entre lui et ses frères et sœurs avec les enfants du compagnon de sa mère («On se détestait mais on a fait alliance pour que nos parents se séparent. On a été infernaux». Brrr, en tant que parent, j'en ai froid dans le dos).

La position de Thomas sur le syndicalisme est proche de la mienne: plutôt que toujours se plaindre, agissons. C'est vrai, c'est tout à fait ce que je pense, mais ce qui me retient (de me syndiquer), c'est la perspective d'encore me disputer avec tout le monde et d'encore me faire détester. Je suis fatiguée de cela, je souhaite être tranquille. (Mais il a raison.)

Je vais ensuite voir Merci patron, sur les conseils de Françoise. J'en sors sonnée, avec une envie de rire et de hurler de colère.
Allez-y, mais surtout, ne lisez rien avant, allez-y sans aucune information, découvrez le film dans la salle (un bon film d'espionnage, un mauvais sitcom, une bonne ou une mauvaise farce. Je ne veux pas spoiler et pourtant, il y en aurait des commentaires à faire. Dégoût et rires.)


Plus tard dans la voiture en rentrant, la radio m'apprend que PUF a installé rue Monsieur le Prince une imprimante qui vous "cuit" votre livre en cinq minutes à condition qu'il fasse moins de huit cents pages. Le catalogue PUF et tous les livres libres de droit sont disponibles.
Qu'est-ce que ça va changer? Cela devrait tout changer. Par rapport à une librairie traditionnelle, cela suppose que l'on sache exactement le livre que l'on veut. Comment se faire connaître quand on sera nouvel écrivain?

Quatre jours


- Samedi soir : concert du RSO (et du LGSO). J'aime ces gens que les contraintes d'une vie d'adulte n'ont pas fait abandonner leur passion. Comme d'habitude, des compositeurs totalement inconnus de moi au programme (Gustav Holst, Hamish MacCunn, Coates), c'est l'un des charmes de ces concerts (je lis très consciencieusement le programme). Ces musiques du tournant du siècle m'évoquent de la musique de films ou de dessins animés.

- Lundi soir : Mensonges d'Etat. Un beau film, pas manichéen, composé par fragments. Je me demande si les intégristes musulmans regardent cela (de même que je me demande ce que les soviétiques (avertis) pensaient de Docteur Folamour).
Le héros se fait mordre par des chiens enragés : série de piqûres antirabiques. C'était arrivé à mon père quand j'avais six ans: douze, vingt piqûres dans le ventre, réputées très douloureuses. Toutes mes poupées avaient le ventre percé de coups d'épingle.

-Mardi soir: soirée de dédicace à la librairie Art et littérature. On boit, on rit, on chante sur fond de piano et de violon, Marc Lapprand et Nicole Bertolt rédigent des dédicaces dans leur livre Boris Vian, le swing et le verbe tandis que François Roulmann, le troisième auteur, avec sa cravatte Harry Potter, chante «Si j'avais un franc cinquante», on se dispute pour des esperluettes [1]. Jacinto est passé, Camille aussi, Roland (venu de Troyes!), toujours les mêmes, ça fait plaisir.
Dans la librairie trône la porte du Tabou, le cabaret où jouait Boris Vian. François Roulmann l'a récupérée alors qu'elle partait pour la déchetterie. En temps normal, on peut la voir 10 rue de la grande Chaumière, adresse de sa librairie, spécialisée dans la musique du XXe siècle.
Je rachète La Conjuration des imbéciles dans une version de Folio à couverture rigide. J'aime bien les expériences de Folio, les couvertures en fourrure ou en papier bonbon.
A minuit et demie dans notre lointaine banlieue, C. et moi nous demandons si nous allons réussir à ouvrir les portières de la voiture enneigée et gelée.

- Mercredi soir: je dois corriger de toute urgence un document écrit sur une vieille version de Word sous Mac, annoté sous une version récente de Word sous PC, rouvert sous Openoffice sous Mac. Voilà trois fois que le logiciel plante. J'abandonne. Je déteste l'informatique.


Notes

[1] merci à Kozlika

Avant Noël

Après-midi dans les gradins d'un dojo, à regarder des enfants passer leurs grades de karaté. J'ai mon Mac, mes Doc Martens, je suis plongée dans la reconstitution compliquée de certaines journées estivales.

Un petit garçon de sept ans environ se précipite hors d'haleine vers ses sœurs à côté de moi, adolescentes arabes au visage triste, patient, d'un ennui silencieux.
Le petit garçon suffoque, ravagé par l'information qu'il apporte:
— Y en a qui... y en a qui... y en a qui disent que le Père Noël n'existe pas!


Et je suis si triste de n'avoir rien à dire pour le consoler.


(Ce matin, O. m'a dit avec réalisme: «Il fallait lui dire qu'il passera quand même»).


Hier soir, Z. passant à côté d'un parc contenant des sapins à vendre, en face de Saint-Eustache :
— Ça sent le sapin !

Et je pense aux métaphores réanimées de RC (mais personne ne reconnaît jamais mes citations (d'autant plus que je ne me souviens plus de la citation)).

11/01/2009

Si voilà: «Je le remercie de "réinsuffler du sens dans les métaphores éculées"». Journal de Travers, p.634

Pourquoi je blogue

A l'origine par colère et frustration, aujourd'hui par entêtement.

C'est un peu court? Oui, peut-être. Mais c'est à peu près ça. Mon penchant naturel est davantage le commentaire, les marges, la mosaïque éclatée entre différents blogs, sans lieu fixe.
Quand j'ai claqué la porte du forum de la SLRC (le forum des lecteurs de Renaud Camus), j'espérais qu'H. développerait le site qu'il m'avait promis (disons que j'y croyais sans y croire, je connais le loustic), le cahier des charges était écrit; j'ai pensé que le blog était une solution temporaire pour ne pas cesser d'écrire, pour ne pas perdre l'habitude d'écrire (et pour ne pas faire à ce connard de FM le plaisir de me taire) en attendant l'outil que je rêvais. Et puis voilà.
J'ai eu souvent des poussées de dégoût qui me donnaient envie d'effacer tout et de quitter la scène, mais je savais que mon état d'esprit était temporaire, tandis qu'un retrait serait définitif: j'ai passé outre chaque fois.
Aujourd'hui je souffrirais davantage d'ennui, presque de désintérêt: tant des blogueurs que j'aimais lire n'écrivent plus ou presque. Je crois désormais qu'on arrête de bloguer quand on a rencontré suffisamment de blogueurs avec qui les relations ne nécessitent plus de blog comme prétexte.
Je continue de bloguer parce que je ne veux pas m'arrêter. Je voudrais atteindre le 12 décembre 2012. C'est loin. Cette année j'ai raté le 8 août.

J'ai fini par scinder mon blog en deux, par séparer le littéraire de tout le reste, d'une part par pitié envers ceux qui soupiraient de "mon blog chiant", d'autre part dans l'espoir de débarrasser véhesse de tout ce qui était personnel, que ceux qui venaient lire les compte-rendus des cours de Compagnon, par exemple, ne subissent pas mes états d'âme (idée qui me gênait beaucoup).
Véhesse n'est pas vraiment destiné à être lu au fur à mesure. C'est plutôt une grosse malle dans laquelle je stocke ce que je ne veux pas perdre, ou tout ce que je veux avoir sous la main à tout moment où que je sois, du moment que j'ai un ordinateur.

Alice est davantage le "vrai" blog, tel que je me suis fait une idée du bloguing en lisant Gvgvsse et Matoo. Il est pour moi les lettres manuscrites que l'on n'écrit plus, à cela près qu'il ne s'adresse pas à une personne mais à un groupe (assez homogène, comprenant peu d'inconnus: sans doute parce que blog a comporté tout de suite un grand nombre de liens, Google le référence très mal et ce blog est quasi invisible). Chaque billet est généralement écrit en songeant à un lecteur particulier (parfois à quelques-uns), chaque billet ou presque est destiné plus particulièrement à l'un d'entre vous (ne cherchez pas ce soir, c'est très logiquement Aymeric).


Contrainte, dit-il. Ma définition : ce sont des règles qui évitent de réfléchir les jours où l'on a pas envie de bloguer, les jours où l'on n'a rien à dire, les jours où l'on dort debout. (— Mais si tu n'as pas envie de bloguer, tu ne blogues pas, où est le problème? — Mais si je fais ça, je n'aurais jamais envie de m'y remettre. — Et alors? tant pis (tant mieux), quelle importance, puisque justement tu n'auras pas envie? — Je veux atteindre décembre 2012[1]; je ne veux pas céder, même à moi-même, et puis zut.)

La contrainte est simple: écrire tous les jours, chez Alice au moins les jours impairs, chez Véhesse au moins les jours pairs. Chez Véhesse ce n'est pas forcément écrire, ça peut être faire de la mise en forme dans les soutes. C'est d'ailleurs amusant, car je sais que cela doit se voir pour ceux qui me suivent par RSS (il est même possible que cela soit un peu agaçant) et que cela reste invisible pour les autres.


Faire passer la chaîne? Je m'en sens de moins en moins capable, les gens qui ne jouent pas le jeu me vexent (si, si), et j'ai l'impression de toujours mettre les mêmes à contribution. Je propose l'inverse: si vous poursuivez la chaîne à partir d'ici, je vous mettrai en lien en fin de ce billet.


edit le 8 octobre

Je linke Rémi, qui a répondu.
J'ajoute Zvezdo, qui me fait penser à quelque chose: je blogue pour impressionner mon fils (cela ne faisait pas partie des raisons initiales, mais il n'y a pas de petits profits).

Notes

[1] Cela n'est pas un engagement contractuel.

Un blog vous manque, et tout est dépeuplé

Par curiosité, je lance une recherche sur "G vgvsse" dans Google, et je tombe sur cet aphorisme : «Le bonheur est le premier ennemi du blog.»

Je crois que c'est très vrai, à condition de remplacer "bonheur" par "équilibre": il faut pencher un peu pour tenir un blog, que l'on considère qu'il faut manquer d'équilibre pour tenir un blog ou que le blog permette de trouver un équilibre (voilà qui me rappelle l'opium du peuple... je viens de passer une semaine trop catholique).

L'aphorisme est plus loin corrigé, ou amendé: le couple est un autre ennemi du blog (je ne sais déjà plus si c'est le deuxième ou un ennemi inclassé).
Sur ce point, je crois la relation beaucoup plus perverse. J'ai cru constater que lorsque qu'un blogueur était en couple, l'autre, non blogueur, ne lisait pas. Sauf de temps en temps, par accident, bien sûr. Et bien sûr, il tombait toujours sur les billets qu'il n'était pas censé lire.

Ariane et Barbe-bleue

Ce matin, j'ai lu par hasard dans les Echos la critique de Michel Parouty:

Une fois encore, une première à l'Opéra de Paris s'est achevée sous les huées. Gérard Mortier a beau dire et beau faire, le public parisien déteste cette esthétique qui lui est chère et qui a cours dans les théâtres allemands, celle d'Anna Viebrock, par exemple, qui signe mise en scène, décors et costumes de cet « Ariane et Barbe-Bleue Â».
Inutile de dire qu'elle n'a que faire du symbolisme dans lequel se noie le poème de Maurice Maeterlinck ; sa vision scénique ressemble fort à du recyclage de ses anciennes productions - on retrouve la ligne générale des bâtiments des « Noces de Figaro Â» ou de « Traviata Â» - et l'on est fatigué de ces robes tristounettes, de ces bureaux désaffectés et sinistres de la RDA des années 1950, qui brident l'imagination ou prêtent à rire, selon l'humeur, et gênent d'autant plus ici qu'on a souvent l'impression que leur disposition entrave les mouvements des comédiens. Seule pourrait être intéressante l'utilisation de la profondeur de champ, dont les effets sont relayés par la vidéo agissant comme un miroir grossissant et accentuant l'aspect carcéral des lieux ; mais elle tourne court, faute d'une vraie mise en scène.
La suite ici

J'ai ri en pensant à Gvgvsse qui attend la fin de l'ère Mortier.
Je n'aurais pas dû.
Ce soir, j'ai cru mourir d'ennui. Je suis désolée de n'être pas sensible aux charmes des lumières et autres, mais tout cela est bien trop statique à mon goût.

Le silence ou la forme

J'ai froid aux pieds.

Parmi tous les découpages possibles de la population blogueuse, il y a les blogueurs qui pensent qu'il vaut mieux se taire quand on n'a rien à dire (nous les nommerons "la mouvance Montherlant" par rapprochement très lâche avec une citation retrouvée par Zvezdo à partir d'une piste donnée par Gvgvsse) et ceux qui pensent qu'il faut écrire quoi qu'il arrive, qu'on trouve toujours quelque chose à dire (ceux-là se rapprochent de Paul Valéry, qui trouvait stupide de répondre qu'on n'écrivait pas "parce qu'on n'avait rien à dire" (citation à retrouver dans Pour une théorie du Nouveau Roman de Ricardou, que j'ai trop froid pour aller chercher)).[1]

Ce n'est pas que je n'ai rien à dire, c'est que je n'ai pas le courage de le mettre en forme.

Ce que j'aime bien quand je rencontre des blogueurs, c'est la petite curiosité des jours suivants: en parlera, en parlera pas, et en quels termes s'il en parle?
La première fois, j'étais plutôt inquiète.
Depuis, je savoure l'espèce d'étiquette qui règne, non écrite, qui fait que dans ce monde éminemment indiscret (sans compter les commères qui adorent les potins) chacun reste plutôt discret.
Je n'ai fait promettre qu'une seule fois à quelqu'un le silence sur ce dont nous allions discuter. C'était une erreur: il était suffisamment bien élevé pour que ce soit inutile; à ma décharge, je ne l'avais que très peu lu puisqu'il n'était pas blogueur mais intervenait sur un forum.

Tout cela me permet de rire quand j'entends les non-initiés faire des grands discours sur l'impudeur et l'exhibition des blogs: c'est un peu vrai et beaucoup faux. Cela ressemble plutôt à un jeu d'ombres et de lumière.
Le plus grand plaisir, c'est tout de même que les héros soient "vrais" et sortent de leurs textes. Et qu'à l'occasion ils puissent compléter des histoires.

Notes

[1] voir ici.

Conversation à deux blogs (canon)

Grâce à ce blog, j’avais repéré le «festival des jeunes talents» à l’hôtel Soubise. Le cadre semblait beau (j’aime les occasions d’entrer dans des endroits où je n’entrerais pas), le programme prometteur, je choisis naturellement un progamme chanté puisque c’est ce que je préfère et je proposai à Zvezdo de m’accompagner.

L’hôtel est très beau mais un peu vide, je regrette le meuble à consignes en mélaminé installé en bas de l’escalier monumental, il y aurait de quoi tailler plusieurs robes de bal dans les rideaux. Comme je discute avec Z., je ne détaille pas le public. Des couples âgées, des enfants, c’est varié et peu (pas) touristique.
La salle est au premier étage, grande, chaude (les fenêtres ne seront pas ouvertes, même le temps de l'entracte, dommage); au mur derrière l’estrade se trouve un grand tableau que j’essaierai de décrypter durant tout le concert: un navire empli de moines, de religieuses, de saints, est sur le point d’aborder le «port du salut», les occupants du navire remorquent deux barques et tentent d’aider à monter à bord par une échelle les passagers d’une troisième. Deux autres esquifs sont en train de couler, leurs passagers dévorés par des monstres marins, des cartouches indiquent les différentes hérésies auxquelles ils appartiennent. Les diables nautonniers ont de belles ailes vertes bordées de rouge. Le titre semble indiquer une typologie des religions : Tupus religionis.[1]

Henry Bonamy est blond, tout mince dans une veste qui lui arrive aux genoux, compromis étrange entre la queue-de-pie et la veste classique. Les deux musiciens doivent avoir terriblement chaud dans leur costume sombre. Thomas Dolié a les cheveux plus longs que sur la photo dénichée par Zvezdo, son visage m’évoque un peu David Fischer (de Six feet under). (Je fais ma sejan, là).
Bien entendu, je n’ai pas le recul que Zvezdo. Le chanteur me paraît agréable parce qu’il articule bien, et son agitation («il y met trop d’intentions», me dit Zvezdo (révolté par ce zhabité que je n’ai même pas entendu, me concentrant surtout sur les poèmes que je ne connaissais pas)) ne me déplaît pas : voilà un chanteur qui n’est pas loin du théâtre, pourquoi pas. Ce goût du mime semble mieux servir les textes légers, comiques ou satiriques, et Jules Renard lui convient mieux que Goethe.
J’attends avec curiosité une occasion de le voir à l’opéra.


Notes

[1] Une recherche permet d?obtenir une photo et quelques détails : ce tableau saisi dans la chapelle des jésuites de Billon a joué un rôle dans le procès des jésuites devant le Parlement en 1762.

Zvezdo en concert

Samedi soir, j'ai testé le Rainbow Symphony Orchestra.
L'auditoire était bien plus varié, en âge et en sexe, que ne me l'avait laissé entendre Zvezdo (Ah zut, j'ai oublié de lui demandé s'il y avait un rapport entre Zvezdoliki et Zvezda (qui veut dire étoile, ai-je appris grâce à Grossman)). L'orchestre est une surprise, il est en tenue multicolore, c'est très joli. Je cherche une logique, il me semble que les cuivres sont bleus, mais c'est peut-être un hasard. (C'est un hasard, me confirmera à l'entracte Zvezdo en chemise orange (modem oblige), fatigué de l'éternel tee-shirt vert pomme de son voisin tandis que nous déplorerons conjointement que la chemise ne soit pas obligatoire).

Pour le reste, je suis trop intimidée pour parler de musique. J'ai été enchantée d'avoir l'occasion d'entendre le Psalmus Hungaricus de Kodaly avec un excellent ténor (Laurent Doyen). Le programme m'a beaucoup plu, il n'y a guère que l'Adagio de Spartacus d'Aram Khatchaturian que j'ai trouvé sans intérêt (on attend que la musique se réveille, et elle ne se réveille pas. Moi qui m'attendais à quelque chose d'un peu guerrier…)

J'ai été présentée à Gast et son ami (les non-blogueurs vivent dans l'ombre de leurs blogueurs), et Zvezdo m'ayant demandé où l'on pouvait boire une Guinness, je lui ai étourdiment répondu, pensant que c'était un test, un clin d'œil. Nous nous sommes donc retrouvés au pied de Saint-Eustache dans un pub bruyant.
J'ai appris beaucoup de choses, en particulier que certains protestants français s'étaient réfugiés en Lettonie pour fuir les persécutions catholiques, que les offices protestants étaient interdits dans l'enceinte de Paris par l'Edit de Nantes (j'espère ne pas me tromper, j'étais si impressionnée de tant d'érudition sur un sujet si inattendu que je n'ai pas tout enregistré). Les trois hommes ont parlé politique (je n'ai pas suivi (Gast est "Vert")), puis nous avons changé de sujets (j'ai tout oublié à l'heure qu'il est (ah si, au moins cette question: quelle taille, quelle forme, quel fournisseur pour une bibliothèque (le meuble) idéale) (et encore une histoire de fenêtres (et une autre de plombier polonais (Zvezdo est très content du sien, avis aux gens dans le besoin))).
Nous avons également évoqué la façon dont la Russie avait choisi, parmi trois religions (la juive, la catholique, l'orthodoxe) la religion orthodoxe parce qu'elle était la plus flamboyante, et je ne sais lequel des trois a murmuré «Imaginez s'ils avaient choisi la religion juive»… J'ai eu l'impression d'un abîme, cela changeait tout, mais tandis que j'essayais de mesurer les conséquences d'une Russie juive, Gast est parti sur le sujet de l'uchronie.
Nous avons fini sur les livres de SF, enfin surtout Gast et moi, les deux autres un peu effrayés par la quantité de lectures culturellement incorrectes que nous avons ingurgitées au cours de notre vie.

Gast a fini en beauté en nous résumant les aventures de Philémon (via un passage par Valérian (je préfère Laureline mais je ne l'ai pas dit)).

Harcèlement sexuel

Je sors du métro, station Madeleine, rue Tronchet.
En arrivant en haut des escaliers, je remarque deux jeunes femmes qui s'insurgent, un certain émoi autour de moi, des yeux posés sur moi. Je m'informe:
— Que se passe-t-il?
— Vous n'avez pas vu? Un homme qui regardait sous votre jupe.
Je me retourne. Je vois un dos qui descend l'escalier.
— Celui-là? (Prête à redescendre pour le regarder dans les yeux, histoire de voir. Toujours curieuse de voir les gens en face, leur courage ou leur dérobade.)
— Non, un noir, il s'est presque couché sur les marches.
Je ne comprends pas vraiment, tout cela me paraît improbable (pourquoi moi? ce n'est pas moi que je choisirais pour ce genre de sport), trop bu, pensée lente. Je remarque:
— Il n'a pas dû voir grand chose avec la forme de ma robe.
Je m'éloigne.

C'est drôle, cela m'est indifférent (plus exactement, je m'en fous). Il y a quelques années, j'aurais été furieuse et je me serais sentie humiliée. Aujourd'hui, ce serait plutôt du mépris. Tout ce que j'arrive à faire, c'est à penser à Skot (vous bloguez trop quand…). D'après Zvezdo, c'est un honnête père de famille (Bon. Toutes choses égales par ailleurs, je suppose). Il serait bien attrapé si certains venaient à pratiquer ce qu'il prose voir le 19 juillet.

Et je me dis que cela fait un sujet de billet, rien ne se perd.

Une banane dans l'oreille

«A toute banane le malheur est bon», criait ma grand-mère en rasant mon grand-père avec une biscotte. Lui riait, se rappelait la tarte aux poils de sa jeunesse.

(Pour annoncer au monde la renaissance de Touraine sereine. Je passe le relais à Philippe[s], si cela amuse writ ou Tlön (leur genre/pas leur genre?), qu'ils n'hésitent pas.)

Billet bourrée

Ce matin, baguenaudant chez Zvedo, je lis ce billet qui voudrait que Gv ait traité de « pathétique » la tenue d'un blog. (Gv dément vigoureusement).

Rentrant de mon déjeuner hebdomadaire trop arrosé avec Paul Rivière (j'ai décidé finalement de lui donner un pseudo), j'écris cette note mélancolique qui vous fera comprendre
1/ que je ne tiens pas l'alcool
2/ pourquoi je ne voulais pas ouvrir de blog.

Tenir un blog est pathétique quand/si cela consiste à envoyer au monde entier une lettre qui ne devrait être destinée qu'à un seul, mais que ce « un seul », on ne l'a pas sous la main, ou plus triste encore, qu'on le connaît sans avoir jamais osé le lui avouer, ou encore plus triste, qu'on le connaît, mais qu'on doute (euphémisme pour : être sûr) que nos billets, ces lettres quotidiennes, pourraient faire autre chose que l'ennuyer: «notre âme à coté du papier»1 ne l'intéresse pas (laissons de côté le cas diabolique mais non moins douloureux où l'on en profite pour écrire à qui ne vous lirait pas autrement (la logique de l'épuisement des possibles sera ma perte)).
Alors on écrit un billet dans un blog, on envoie une bouteille à la mer, en se disant que peut-être, dans l'infini des possibles, une personne le lira et le comprendra, tant est longue notre solitude et non désespérable notre besoin de consolation2.

Entre pari de Pascal et nouvelle de Borges.

Je crée de ce pas une rubrique « Paul Rivière » et une rubrique « réflexions méta-bloguiennes », car il me semble que le blog, et internet en général, méritent bien que l'on s'arrête pour réfléchir au manque ou au besoin (et à l'apport) en jeu à cet endroit précis de la condition humaine.



1 : cf. Cyrano de Bergerac, cf Matoo.

2 : Stig Dagerman

Entrée en matière

Les parrains de ce blog sont (même s'ils ne le savent pas) :
  • Phillipe[s], qui me voulait blogueuse dès l'été dernier;
  • Zvezdo, qui m'en a réclamé un à grands cris en janvier;
  • Guillaume, qui me dit avant-hier quand je lui confirmai que j'en ouvrais un : «Eh bien, c'est pas trop tôt!»

Je dédis ce premier billet à Jules puisque «Citer est un vice dont je ne me lasse pas».
«Nous avons suivi l'ordre du hasard, celui de nos notes de lecture. Selon que j'avais eu en mains un livre, grec ou latin, ou que j'avais entendu un propos digne de mémoire, je notais ce qui me plaisait, de quelle sorte que ce fût, indistinctement et sans ordre, et je le mettais de côté pour soutenir ma mémoire, comme en provisions littéraires, afin que, le besoin se présentant d'un fait ou d'un mot que je me trouverais soudain avoir oublié, sans que les livres d'où je l'avais tiré fussent à ma disposition, je pusse facilement l'y trouver et l'y prendre.»
Aulu-Gelle, Les Nuits attiques, éd. Les Belles Lettres
Je crois que tout est dit : blog aide-mémoire ou pense-bête, et parce qu'on est curieux malgré tout de savoir s'il y a de l'écho.
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