Billets qui ont 'beau-papa' comme nom propre.

Toussaint

Voyage vers Châlons dans la brume. Temps de Toussaint. J'ai sommeil, je suis rentrée tard hier et j'ai encore regardé deux ou trois épisodes du Lincoln Lawyer avant de me coucher. Peut-être le changement d'heure.

H. avait dans l'idée d'emmener sa mère au cimetière dans la MX5, ce qui représentait une gageure vu que la voiture est petite, basse et que la jambe droite de madame est d'un seul tenant, raide, sans genou.
Au bout de plusieurs minutes, ils ont réussi à trouver à eux deux l'angle pour glisser la longue diagonale du pied à la hanche entre le siège et la portière. H. a conduit sa mère au cimetière puis est revenu me chercher puisque la voiture n'a que deux places.

Nous nous sommes trouvés un peu bêtes devant la tombe toujours sans plaque en nous rendant compte dans le cimetière fleuri que nous avions oublié de prendre des fleurs. Trois plaques (à mon frère, à mon oncle, à mon parrain) sur la terre brune. Trois personnes devant, les mains vides. Difficile de se reccueillir à plusieurs, quand on souhaiterait tenir une conversation seule à seul avec le mort.

Madame était ravie de son tour en voiture rouge, ce qui m'a fait penser qu'on oubliait trop souvent de le proposer.

Nous avons rencontré l'assistante de vie du soir, une jeune trentenaire qui nous a raconté de façon très naturelle des choses ahurissantes: deux jours plus tôt, elle a été empoisonnée par un homme dont elle s'occupe (je ne sais pas s'il faut dire client ou patient). Empoisonnée paraît un peu fort, mais elle nous a raconté que l'homme venait de détartrer sa cafetière avec un produit industriel, qu'il lui a dit en riant qu'il l'avait rincée et qu'elle pouvait se servir un café et que sa petite-fille lui a demandé «pourquoi tu ris, grand-père?»
Bref, elle a vomi une journée.

Le plus ahurissant est ce qu'elle nous a raconté ensuite: après la mère de H., elle passe chez une dame seule qui s'imagine entourée d'une foule. Alors elle prépare des cafés, en met sur la table, sort des assiettes. Elle vide le frigo et dispose les aliments dans la maison. Elle est étonnée que la jeune femme ne voit pas ses invités. Il lui est déjà arrivé de sortir nue dans la rue avec une simple culotte. Elle lui dit des choses du genre: «mon chien est malade, vous avez vu? Sa tête est séparée de son corps». Ledit chien n'est pas propre et pisse et défèque dans la maison.
La jeune femme nous raconte cela sur le ton de la conversation, comme si tout était normal dans un monde normal.
Quand j'y réfléchis, cela me fait peur: et si c'était elle qui avait raison? Si comme je le soupçonne je vivais dans un monde surprotégé?

Plus tôt je me suis endormie une vingtaine de minutes et je me sens étonnamment en forme. C'est moi qui conduis au retour, dans un brouillard moins épais que ce matin.

Succession

Retour à Châlons. Visite de deux personnes (assistante sociale? infirmière?) pour mettre en place le portage de repas: ce sera fait dès lundi. Je ne sais pas si tous les CCAS sont aussi efficaces, mais celui-ci est impressionnant.

H. pose également des questions concernant les places en résidence senior, car bien que peu sociable, sa mère est tentée, elle redoute la solitude.

J'écoute tout cela d'une oreille tout en récupérant en ligne les documents demandés par le notaire dans le cadre d'une succession.

Voici la liste (exhaustive, certaines pièces ne nous concernent pas):
Etat civil:
  • livrets de famille du défunt, des héritiers et des légataires (truc et astuce: s'il y a deux enfants, il faut également scanner la page du troisième, pour prouver qu'elle est vide)
  • carte de séjour
  • extrait de l'acte du défunt
  • contrat de mariage du défunt, des héritiers et des légataire
  • copie des jugements de séparation de corps ou de divorce concernant tant le défunt que les héritiers et les légataires
  • si incapable mineur ou majeur: ordonnance du juge de tutelle (tutelle ou curatelle)
Dispositions à cause de mort
  • donation entre époux
  • testament
Donations antérieures
  • donations consenties pa le défunt
Patrimoine
I - Actif
  • livrets et/ou relevé d'identité bancaire concernant chacune des banques et CCP où est ouvert un compte au nom du défunt et/ou son conjoint
  • Tous documents concernant chacune des retraites et pensions que le défunt ou le conjoint percevait ou dernier bulletin de salaire
  • cartes grises de tous les véhicules + kilométrage
  • photocopie de la carte vitale
Renseignements sur les biens immobiliers:
  • copie des titres de propriété
  • baux et renseignements sur les locations consenties
  • pour les appartements: nom et adresse du syndic

II - Passif
  • Tous renseignements concernant les dettes du défunt : toutes les factures acuittées ou non après le décès et pour une dépense antérieure au décès
  • Frais de dernière maladie
  • Frais funéraires
  • Emprunts et copie des asurances décès-invalidité, engagements de caution
  • Dernier avis d'imposition sur le revenu
  • dernière déclaration d'ISF (ou plutôt ce qui l'a remplacé: je suis en train de copier une liste qu'on nous a donnée)
  • Dernière taxe foncière
  • Dernières impositios au titre de la CSG et RDS
  • Tous renseignements sur les secours dont aurait pu bénéficier le défunt au titre de l'aide sociale, ou fonds national de solidarité.


Je télécharge ce qui est téléchargeable, H. s'occupe de scanner les documents disponibles. Je découvre que le compte ameli de mon beau-père est clôturé ainsi que les comptes de retraite (mais au lieu d'afficher «compte clôturé», ils affichent un message abscons du type «erreur de mot de passe» ce qui fait que je passe un temps fou à essayer de changer de mot de passe sans comprendre que le problème est ailleurs.

Conseil : créez-vous un compte sur mon espace santé et désignez un tiers de confiance. (La plupart des banques et administrations vous feront confiance sans ça, mais elles ne devraient pas.) Profitez-en pour renseigner quelques données médicales.
Bizarrement cet espace-là reste accessible. H. y découvre des comptes rendus sur la maladie de son père et décide de ne pas en parler pour le moment. Ce soir Madame est amère, triste, furieuse: «personne n'est venu le voir, on ne lui a pas expliqué ce qu'il l'avait, il a passé trois semaines à répéter «on m'a laissé tomber».

Nous nous taisons. Nous savons bien qu'un autre week-end, une infirmière serait peut-être entrée dans la chambre à temps et l'aurait peut-être fait réanimer. Mais cela n'a pas été et ne sera plus.

Nous rentrons à l'hôtel. Je songe à mon travail de l'après-midi: tous les documents ont été répertoriés et classés par mon beau-père, les sommes disponibles sur les comptes notées à la date du 26 février 2024.
Je suis impressionnée par ce travail d'archiviste. J'ai envie de pleurer: son dernier acte d'amour aura été de classer, ordonner, noter les mots de passe; pour nous, après lui.

Pression

Je fais le point sur les comptes, revoit le budget prévisionnel de l'association départementale.

H. commence à préparer un dossier administratif pour demander un portage de repas à domicile pour sa mère et panique devant les cases à cocher (pas très claires, avouons-le). Bref, il décide que nous devons être à Châlons demain à deux heures pour le passage de l'assistante sociale (au lieu de vendredi).

A midi nous allons à pied juqu'à St-Mammès pour manger à l'italien. C'est une bonne adresse au bord de la Seine, et même en semaine il y a du monde.

L'après-midi, nous sélectionnons des photos, encore. Cette fois-ci c'est pour rédiger une carte de remerciement. Nous préparons plusieurs modèles à présenter à ma belle-mère demain. Mon beau-père était décidément très souriant. C'est émouvant, nostalgique et cela brise le cœur. Comment se souvenait-on avant les photos? Elles permettent surtout d'avoir un témoignage de la période avant nos propres souvenirs.

Je n'avance pas beaucoup dans rien.

Une longue journée

Au petit déjeuner je me suicide au sucre et au gras: chocolat chaud et viennoiseries. Avec un peu de chance digérer occupera une partie de ma matinée. Robe et talons dès le matin car je n'ai pas envie de me changer plus tard.

Passage chez ma belle-mère, passage à l'église (rendez-vous à 10 heures) pour vérifier la diffusion de la play-list. L'église est belle, entourée d'un cimetière en surplomb de la rue. Il n'est plus utilisé (sauf par les familles qui y ont une concession) car les engins modernes ne peuvent y entrer.

préau de l'église de Sarry


Retour chez ma belle-mère. F, le frère de H., et sa famille viennent d'arriver. On ne les a pas vus depuis 2016, le petit dernier fait désormais un mètre quatre-vingt. Le petit-ami de la nièce d'H. est curieux et je lui présente la liste des cousins, du côté de mon beau-père et de ma belle-mère — même si peu devraient faire le déplacement.

Arrivée progressive de nos enfants, déjeuner d'un sandwich.

Nous partons vers 14 heures pour le funérarium. H. doit y accueillir ceux qui souhaitent se recueillir devant le corps; son frère y amènera leur mère dans une demi-heure. Elle doit être présente lors de la fermeture du cercueil (c'est légal: il faut deux proches à la fermeture du cercueil ou un proche et un policier).
Quelques tantes (sœurs) et cousines (nièces) nous attendent déjà. Cela fait chaud au cœur de voir ces visages amis unis dans un même chagrin. Nous échangeons des nouvelles, nous expliquons ce que nous savons du déroulement de la maladie — et ce que nous ne comprenons pas de la brutalité de son issue.

Fermeture du cercueil. C'est long.
Transport jusqu'à l'église. Accueil des présents, je revois des personnes que je n'ai pas vues depuis dix ou douze ans. Mes parents sont là également.
Eglise. Bénédiction. La chorale chante gentiment faux. Je ferme les yeux. Je ne m'habituerai jamais à ce qu'un cercueil soit si petit, étroit.

Cimetière. Le fauteuil roulant de ma belle-mère s'enfonce dans les graviers. Les agents funéraires ont dressé deux tonnelles. Tant mieux car il se met à pleuvoir. Il fait bleu tout autour et il pleut au-dessus du cimetière. Les agents restent stoïques sous la pluie. H., sa nièce, une cousine, lisent des textes qui parlent de voitures, de belotes, de blagues de carabin et de gentillesse. Cette pluie très localisée apparaît d'ailleurs comme une dernière plaisanterie.

Pétales de rose à jeter sur le cercueil. Je suis très étonnée par la profondeur de la tombe, deux hauteurs d'homme, le cercueil paraît très loin. Ainsi, c'est ainsi que cela se termine, enfermé dans une boîte loin sous terre? Je le sais, je le sais, je le savais, mais cela n'a pas de sens, mes yeux regardent, mon cerveau sait, et je ne comprends pas vraiment; aussi peu finalement qu'au moment d'accoucher il s'agit de comprendre que ce qui est expulsé est vivant et non pas un gigot, six livres de chair inanimée. Comment cela se fait-il?

Salle de réception. Litres de café. H. ne mentait pas quand il disait que sa famille buvait du café. Cafetière, thermos, cafetière, thermos… Je ne sais plus lequel des jeunes est surpris me voir manipuler avec autant de naturel la cafetière à douze tasses («vous avez lu le manuel ou vous avez fait ça comme ça?»): cela paraît avoir totalement disparu des pratiques. Je repère les personnes que je ne connais pas, je vais les voir, je m'enquiers de leur lien avec mon beau-père, je leur explique qui est qui, je parle un peu et je refais du café.

Dans le même temps je mange des cacahuètes, du saucisson sec et je bois une Affligem. Y. a amené un cake au citron et des crêpes. Le vin rouge n'a pas de succès, personne ne demande du thé.
Je discute un peu avec mes parents:
— Pour nous il y aura beaucoup moins de monde.
— Ça dépend, il suffit d'inviter ceux qui étaient présents aux cinquante ans (de leur mariage).
Mais il est vrai que notre famille est petite (un seul frère avec des enfants) et que l'inconvénient des amis, c'est qu'ils ont le même âge que vous.

Soulagement: les sept frères et sœurs sont venus (ce n'était pas certain) — et son beau-frère et sa belle-sœur — et les neveux et nièces qui le pouvaient. Ils ont covoituré, monté des trajets intelligents en fonction de leur âge et de leur santé.
A leur départ, je répartis ce qui reste: qui veut un saucisson? et une baguette? qui prend les bières?

A. raccompagne son frère et Ca à la gare puis elle revient manger avec nous chez belle-maman (sa grand-mère). J'ai mal aux pieds et je n'ai pas faim.

Dernière péripétie: O et Y, qui sont partis il y a une demi-heure, appellent: ils sont en panne, leur pot d'échappement vient de tomber.
F. et sa famille sont partis à l'hôtel; je laisse H. avec sa mère et pars avec A. au secours d'O et Y. «Facile, c'est en haut d'une côte en direction de Paris».

Nous roulons. C'est long. Le soleil se couche sur les collines. Toujours rien.

Nous finissons par les trouver, signalés par un triangle. Y. est totalement désolée de nous causer un tel souci en un tel moment. Nous ne parvenons pas à la convaincre que ce n'est que la poursuite d'une tradition familiale, celle qui amenait mon beau-père à secourir nos amis à cent kilomètres à la ronde quand nous avions vingt ans. Et elle s'inquiète pour la chatte de 19 ans si celle-ci doit attendre douze heures de plus.

En haut de la colline nous attendons le dépanneur. Des gens ralentissent pour proposer leur aide. Nous oscillons entre parler comme si de rien n'était ou tenter (en vain) de rassurer Y. L'air se refroidit, Y. accepte de rentrer dans la voiture un plaid sur les épaules.
Le dépanneur arrive, examine la voiture. Il est optimiste: avec un rafistolage de fortune, elle atteindra peut-être Paris. Il rattache le pot avec de la ficelle; O prend le volant. Nous le suivons dans la voiture de A. Nous babillons sur tous les sujets pour essayer de détourner l'attention de Y.
Garage de Vertus («les mots féminin en u prennent un e sauf bru, glu, tribu, vertu. J'adore le mot «bru», personne ne s'attend jamais à ce qu'on l'emploie»). Le garagiste remplace la ficelle par du fil de fer et O et Y repartent.

A. et moi rentrons dans la nuit. Nous discutons sérieusement d'affaires de famille.

Quand tard nous arrivons dans notre chambre, nous débouchons la demi-bouteille de champagne qui est dans le frigo.

Albums

J'essaie de travailler sur mon ordi, rattrapper du retard. En théorie, il y aurait trois sujets principaux: ce blog, un certain nombre de comptes à pointer (car je suis trésorière d'une association, vérificateur des comptes d'une autre et membre de la commission Finances de la FFVP) et le rangement du dernier étage, «mon» étage, condition sine qua non pour qu'H. mette en place le simulateur de vol qu'il m'a offert à Noël (c'est une question d'accès à l'écran télé).

Cependant, dans l'après-midi je suis dérangée à plusieurs reprises par H. qui doit sélectionner des photos de son père pour sa nièce (ou petite-fille, si vous suivez) qui a proposé de faire un diaporama. Je finis par rester à ses côtés.
H. a récupéré toutes les photos scannées par son père et il les regarde une à une. Elles sont en vrac, sans nom, et nous passons une partie de l'après-midi et de la soirée à les regarder, à nous émerveiller et à tenter d'identifier les individus sur les photos les plus anciennes. Le plus étonnant pour moi, c'est que certaines photos anciennes ressemblent aux propres photos de ma famille au point d'en être indiscernables. «Nous sommes du même milieu social», commente H.

Comme son père était souvent le photographe, il n'y a pas tant d'images de lui mais elles sont équilibrées entre sa famille et sa belle-famille puis H. et son frère — et les petits-enfants. (Je suis toujours obnubilée par les problématiques de jalousie, même si rien n'indique que la famille d'H. soit concernée par cette maladie.)

Je mets en ligne l'une de mes préférées, même si elle ne représente rien pour moi puisque je ne les ai jamais connus ainsi (fin des années 60, je pense).

Raymond et Rosa


Le titre du billet fait référence à ces quelques lignes de Laforgue:
Dans un album,
Mourait fossile
Un géranium
Cueilli aux ÃŽles.


Quant à moi, je veux bien qu'on cite à mon enterrement:
Les morts
C’est discret,
Ça dort
Trop au frais.

J'ai aimé Laforgue dès la première minute. Dans la liste des choses à faire avant de mourir, il y a l'Uruguay et Montevideo et l'incompréhensible trilogie du XIXe: Laforgue, Lautréamont, Supervielle.

De la farce aux larmes

Ça commence par du hard core, ça finit par du hard core, mais pas le même: davantage du Shakespeare que du Racine.

Nuit sous la tente, réveil vers 7h30. Une heure de blogage puis petit déjeuner: je toque à la caravane de Pat pour me préparer, comme l'année dernière, mon porridge et mon thé puis les manger au son d'AC/DC.
Je fais bouillir l'eau, ébouillante le sachet de thé, mets une mesure de céréales dans un bol, saisis la bouteille achetée la veille à une station service pour verser la même mesure de lait… Il est bizarre ce lait, il est jaune pâle, aurait-il tourné dans la voiture avec la chaleur et se serait-il décomposé?
Je renifle, ça sent l'urine, je regarde la bouteille posée sur le comptoir, l'étiquette en est froissée, abîmée: ce n'est pas ma bouteille de lait qui est au frigo.
Je ne dis rien, saisis la bouilloir, sors jeter ma mesure d'urine et ébouillante le contenant avec l'eau de la bouilloire.
Puis je rentre dans la caravane finir mon petit déjeuner.

Briefing, préparation des planeurs puis déjeuner au Pegasus.

Je pars la première avec Pat. Sortie calamiteuse: je suis mal installée; trop enfoncée dans la carlingue, j'ai l'horizon bloqué par le tableau de bord. Pour voir par-dessus, je pousse sur le manche, le planeur pique et donc accélère.
Par ailleurs il existe en planeur la notion de conjugaison: pour tourner, on incline les ailes (poussée sur le manche) et on oriente le nez dans la direction où on veut aller avec les palonniers (pédales aux pieds). Le dosage des deux est contrôlé par le fil de laine sur la verrière qui doit rester vertical.
Je ne maîtrise pas la conjugaison (c'est l'équivalent de débrayer en passant les vitesses), ce qui est un obstacle majeur à ma progression. En rentrant, Pat me fait faire des exercices, virages et contre-virages avec conjugaison («Surveille ton fil. Ta vitesse!»)

En descendant de planeur au milieu de l'après-midi (Adrien passe après moi) je lis deux sms de H., envoyés à 14h25.
Papa vient d'entrer en séjour court à l'hôpital car il a une nouvelle infection. Je l'ai eu au téléphone. Ça ne va pas bien du tout. J'espère que ça ira mieux demain. Ils on prévu de l'orienter vers un autre service après le traitement de l'infection. Pas sûr qu'il sorte de l'hôpital. Je ferai une version édulcorée sur WhatsApp ce soir.
Pour l'instant, ma mère m'a dit de maintenir ma venue mercredi. On verra comment ça avance.
Je le rappelle aussitôt, on papote, il me raconte comment il tente de gérer le défaitisme de son frère. Il coupe d'un «ma mère m'appelle, je te rappelle».
Une minute plus tard, ça sonne: «l'hôpital a appelé, papa est mort».

Dîner au gîte partagé entre les autres pilotes (j'ai choisi de rester en tente pour être tranquille, pour limiter les interactions sociales). Je bois du blanc, me bourre de chips. Je suis au téléphone par intermittence, nous sommes désorientés. Week-end de la Pentecôte, tous les trains sont complets. H. me dit que quoi qu'il en soit, il préfère aller voir sa mère à Châlons seul avec son frère. Bref, nous convenons que je remonte mardi prochain.

Triste purée

Aller retour chez les parents d'H. Son père est rentré de l'hôpital. Il est amaigri, mais en moins terrible état que la description que m'en avait fait H.

La première chose qu'il me dit, assis sur le canapé à côté de moi, c'est: «si je me penche pour ramasser quelque chose, je suis essoufflé. J'ai des métastases dans les poumons.»
Il attend un rendez-vous à l'hôpital, il attend un protocole de chimio.
Je ne dis rien. De la chimio à 82 ans? Est-ce possible? Est-ce souhaitable?

Journée calme. H. a amené des steacks hâchés, de la purée maison, de la salade de fruits maison également. Sa mère est contente car son père mange tout. Elle répète plusieurs fois: «il a tout mangé, c'est la première fois depuis qu'il est rentré de l'hôpital.»

Ils déclarent qu'ils vont faire la sieste après le repas, mais à ma grande honte, je crois bien que je suis la seule à m'être réellement endormie, sur le canapé. D'où me vient cette torpeur invincible?

Plus tard discussion générale, arte, google earth, les petits-enfants… Nous parlons beaucoup trop.

Départ vers sept heures, dîner au Mange-disques à Villenauxe-la-Grande (j'adore le nom de cette ville). Nous repartons dans le soleil couchant. Des orages violents se déclenchent au sud puis au nord, éclairs sans interruption.

Mauvaise nouvelle

Cette année, comme j'espère être lâchée solo (en fin de saison, peut-être en septembre), j'ai décidé de passer la visite médicale de "classe 2". Il a d'abord fallu trouver un médecin habilité qui soit sur Doctolib et qui ne coûte pas une fortune (en fait ça coûte une fortune car ce n'est pas pris en charge par la sécurité sociale: ce n'est pas une visite médicale mais une expertise, ai-je appris).

J'ai choisi un médecin à St Maur-des-Fossés. Rendez-vous à 17h30. Je pensais être large mais il m'a fallu quitter une réunion avant la fin.
Balade dans St-Maur. Il fait beau. Le médecin est sympa, très encourageant : «dans quelques mois, quand vous serez pilote de ligne…»
Il paraît sérieusement l'envisager.
— Vous savez, à mon âge, le temps de la formation… ça ne vaut pas la peine.
Il en convient. Lui-même, après avoir fait du planeur, est pilote: «les vélivoles sont mauvais à la radio mais ils ont le sens du pilotage». Avoir son propre avion n'a de sens que si l'on vole beaucoup: sinon, l'entretien prend trop de temps pour le plaisir qu'on en retire.

Bonne pour le service. Le cœur et les yeux, OK, l'oreille droite OK, une perte d'audition légère sur la gauche.

En rentrant je m'arrête prendre un cocktail à la pizzeria Gemma. C'est sans doute la dernière fois que je le fais: ils ont acheté une boutique en face qui sert de bistro pour grignoter vite fait et boire, la recette du coktail que j'aimais est définitivement perdue, la magie a disparu.


Melun 20h12


Tout cela m'a mise en retard et quand j'arrive, H. m'attend depuis longtemps. Il est bouleversé: son père est à l'hôpital depuis mercredi (et donc sa mère à peine autonome seule chez elle), pleurésie. Sans doute une suite du covid d'octobre.
Son père est très faible, il mange très peu. Les médecins ont prévu de le garder une dizaine de jours. Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est pour l'obliger à se reposer : il s'occupe beaucoup de sa femme et souffre de l'épuisement des aidants.

A Châlons

Départ à neuf heures trente, passage à St Germain-les-Corbeil pour récupérer les tourtereaux (mon benjamin et sa copine), direction Châlons pour fêter les 80 ans de mon beau-père.
Je comprends de mieux en mieux qu'on n'ait pas envie de fêter son anniversaire et je suis très contente d'avoir organisé ses 70 ans.

Restaurant le carillon gourmand. Je n'avais encore jamais de restaurant aussi clairement organisé pour des repas de famille avec des personnes qui se déplacent mal, en déambulateur ou en fauteuil roulant, tout en conservant une décoration très moderne, dont une sorte de tenture 3D en liège contre le mur qui a des propriétés acoustiques certaines.
Je ne sais plus de quoi nous avons parlé, je ne retiens plus rien. Au moins de Pokémon, puisque nous fêtions également l'anniversaire de A. et que je m'évertue à trouver les cartes plus ou moins rares qu'elle me liste (c'est assez flippant car je ne suis jamais sûre de ce que j'ai trouvé. Elle avait l'air contente).

Cy à O. en rentrant dans le salon de mes beaux-parents où la télé est allumée: «Ah tiens, ta mère est comme toi, si la télé est allumée, elle la regarde».
?? => chez ses parents, la télé est allumée en permanence, même quand sa mère est dans le jardin; personne ne la regarde. Toutes mes tentatives pour convaincre d'écouter la radio sont vouées à l'échec.

Je dors pendant le voyage du retour, j'ai sans doute trop bu.

Je termine la saison 2 de One of us is lying.

La blague du week-end

— Vous savez pourquoi les croque-morts s'appellent croque-morts? Ils mordaient l'orteil des morts pour vérifier s'ils étaient bien morts.
— Euh, oui.
— Eh bien un jour, on leur a amené un cul-de-jatte et depuis, ça s'appelle les pompes funèbres.




Fêté les soixante-dix ans de mon beau-père en grand comité. Je suis contente, j'y tenais, c'est un homme soupe-au-lait mais extrêmement disponible et serviable à qui l'on ne dit pas assez merci.

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