Cela faisait longtemps que je ne m'étais pas sentie autant en vacances, c'est-à-dire sans aucune obligation. Nous nous levons tard, passons un temps infini au petit déjeuner (ah tiens, on peut se préparer du gaspacho. Au petit déjeuner, c'est quand même difficile), décidons d'aller au musée du Prado à partir d'une heure et demie (heure conseillée pour éviter l'affluence — et effectivement nous ne ferons pas la queue) et remontons dans la chambre, H. programmer, moi surfer sur FB et jouer à Candy Cruch (heureusement, tous les trois échecs le programme s'arrête et me fait attendre vingt minutes dans l'espoir que le démon du jeu va me pousser à acheter des minutes — en fait ça me rend service et me permet de me mettre à autre chose.) Je devrais (je pourrais) télécharger le manuel en français de la voiture, préparer la visite du Prado, trouver un itinéraire pour les journées à venir, écrire le document que je vais devoir remettre puisque je n'ai pas assisté au TG samedi. Je ne fais rien de tout cela. Rien d'utile, rien de nécessaire, rien d'efficace. Ah ça fait du bien!

Prado de l'autre côté de l'hôtel (comme c'est agréable ces larges avenues, cet espace. Les deux sens de circulation de l'avenue sont séparés par un très large terre-plein qui les transforment en deux sens uniques, et sans doute parce que nous sommes dimanche, l'une des artères est neutralisée, interdite aux voitures et rendue aux piétions. Cela donne une intense sensation de vacances, vacance. Il y a du vent, il fait gris et bleu, un peu froid.

Prado. Ce musée a une particularité surprenante et un peu dérangeante: il sent les pieds, le vestiaire (est-ce constant ou sommes-nous tombés un jour où la ventilation ne fonctionnait pas? surprise aussi par la température, moi qui suis tant habituée à ce qu'il fasse un peu froid, conservation des œuvres oblige).

Maintenant que j'ai fait ma Française de base en rouscaillant, disons-le: nous avons eu une chance extraordinaire: exposition Georges de La Tour, trente-et-une œuvres sur les quarante connues à ce jour, et c'est magnifique.

Pour le reste, nous nous concentrons sur les Goya (de toute façon, comme tous les grands musées, il faut une "fréquentation", pas une visite isolée: inutile de jouer les stakhanovistes). Trois étages de Goya, une production prolifique. Ce qui surprend, c'est la diversité des genres. Ce qui se dégage au total, c'est l'impression d'une intense liberté: il peignait ce qui lui plaisait comme il lui plaisait, scènes de campagne colorées, cauchemars sombres, diable oriental sur fond de paysage à la Turner, grands de la cour, allégorie du commerce… Je me demande si une biographie confirmerait cette impression. Le troisième étage est consacré à de cartons de tapisserie, j'aimerais bien voir celles-ci car je peine à les imaginer. Nous sommes si loin des tapisseries des châteaux français, éternellement mythologiques ou cynégétiques.

Choc du Greco (ce blanc, quel blanc. Littéralement illuminé de l'intérieur, un blanc phosphorescent), les Velasquez, la Madeleine de Ribera. Je me surprends à des réflexes à la Swann, découvre des ressemblances entre tel portrait et telle personne de notre connaissance. A la fin de la visite, je m'aperçois que je n'ai pas vu les Dürer et tandis qu'H. déclare forfait, je me perds, plan à la main, pour aller contempler l'autoportrait.

Dîner dans un restaurant cubain à deux pas. Caïpirinha et bananes frites.


Écrit entre deux et sept heures du matin. Le café (très bon), la cuisine cubaine? Indigestion. Une telle envie de tout goûter, un estomac trop petit pour toutes ces envies. (Et pourtant, je n'avais pris qu'un thé le midi (déjeuner à quatre heures dans le musée, après un petit déjeuner paléo à dix heures) en prévision du dîner. Se souvenir de ne pas prendre de dessert! (mais j'ai entendu "lecche", je me suis dis que c'était peut-être de la confiture de lait, et je n'ai pas résisté. Je blogue (ça ne se voit pas, je mets de l'ordre dans les profondeurs des soutes) et je joue à Candy Crush.)