Billets qui ont 'araignée' comme mot-clé.

Une araignée au plafond

Elle y est restée toute la journée, sur le pli entre le mur et le plafond (l'arête inversée: comment cela s'appelle-t-il?)
Elle n'a pas bougé. Elle n'a pas fui la lumière, le bruit.


Elle doit être affamée, il n'y a rien à manger dans cette maison une fois que les fenêtres sont fermées.



******
***
******



Hier tandis que nous allions à la Philharmonie, je musais qu'il y avait sans doute un certain ridicule à continuer à vivre comme si de rien n'était, mais aussi une certaine dignité.
Je me souviens d'une anecdote lue au hasard dans un livre peut-être sur Londres, peut-être sur le Blitz, peut-être sur l'humour anglais: un journaliste prend un taxi pour traverser Londres durant un bombardement. Les bombes tombent autour de la voiture, poussière, sirènes, explosions. Arrivé à destination, le journaliste se tourne vers le chauffeur:
— Nous avons eu de la chance.
— Tout à fait, Sir. Tous les feux au vert, c'est rare.

Je pense souvent à cette histoire et à ceux qui pensent frivole de ne pas avoir l'air catastrophé et sérieux quand le monde se délite autour de nous.



Peut-être cette référence au Blitz paraît-elle étrange : c'est que le couvre-feu m'évoque Londres, sans doute à cause de lectures enfantines, Le Lion et la sorcière blanche et L'apprentie sorcière en bibliothèque rose, qui sont deux livres qui commencent avec des enfants évacués à la campagne pendant la guerre.

******
***
******



J'ai répondu à une annonce qui demandait de joindre au CV une vidéo de motivation d'une minute. Je me suis entraînée une semaine (une dizaine de vidéos), j'ai dû télécharger Chrome (ni Safari ni Firefox ne prenait en charge la vidéo) et finalement je me suis filmée, directement sur le site du recruteur comme requis.
J'ai eu la satisfaction inattendue de recevoir un mail le soir-même.

Plumeau

Sur le carrelage du restaurant, la grosse araignée noire avait de petits chaussons de poussière.

Bunker Palace Hotel

Dans la maison de P., il y a une pièce réservée aux bouteilles de whisky, un abri anti-atomique, et sous la terrasse, une longue pièce froide dans laquelle les araignées, saisies vives par les glaces, restent suspendues comme des étoiles blanches dans leur toile.

Dimanche

Plus personne n'écrit, solitude. Je ne sais même plus ce que j'ai fait hier. Je me souviens avoir fumé en lisant une très mince plaquette de Bonnefoy sur Celan.
Ce matin, déchiré une toile d'araignée en allant chercher la bêche, dérangé une autre araignée, bien différente, pendue à la bêche, une boule blanche d'œufs sous le ventre, utilisé la bêche pour déplacer une charogne d'oiseau grouillante avant l'arrivée d'amis. (Se souvenir de jeter les carcasses d'oiseau sans attendre).
Joué au whist, selon des règles qui me paraissent très fantaisistes. Beaucoup ri.
Mal à la tête.
Un peu déprimée par moi-même: voilà plus de dix jours que je me promets de terminer un travail. Je ne l'ai toujours pas commencé. Je ne sais pas comment commencer. Je sais que je ne le saurai qu'en commençant.
Procrastination.
Je vais finir par me mettre dans une situation impossible.
Feuilleté Whitman ce matin. (Je suis seule dans la cuisine, je prends un livre, le feuillette, le repose. De livre en livre au fur à mesure du désœuvrement. Des dizaines de livres feuilletés de jour en jour, de désirs éclos inassouvis. Je repose les livres sur les étagères, ils se fondent dans la masse. Il me reste des lambeaux de phrases.)

Je souffre de ne plus lire "en tranches épaisses". Je sais que c'est la seule façon d'entrer dans le rythme des phrases. Toutes les lectures en tranches minces ne s'attachent qu'au sens, et encore, au sens lié à des raisonnements courts. Il faut que je réussisse à lire en tranche épaisse, sans m'endormir.

Allons dormir, justement.

La faune et la flore

Je fais le ménage le moins souvent possible et je n'ai pas le temps de m'occuper du jardin (ce que je regrette davantage que le ménage, les plantes étant les êtres les moins ingrats que je connaisse).

Lorsque je veux m'occuper du jardin, je suis assez rapidement désarmée par la pugnacité des mauvaises herbes : je n'y peux rien, elles me font rire et me remplissent d'admiration. Quand la même plante, déracinée à deux ou trois reprises, repousse à un quatrième endroit, faisant même un coude pour aller chercher le soleil, j'ai envie de rire, et je ne me sens pas la force de lui refuser son bout de ciel si chèrement conquis.
Au fond de moi, l'obstination des plantes me rassure : quelle que soit la malfaisance humaine, elles sont là, poussent dans les gouttières, prennent racine dans les failles, font éclater le ciment, le goudron… Allons, tout n'est pas perdu. Mais je fais un bien piètre jardinier, surtout si l'on songe qu'une chenille poilue obtient toute mon indulgence, pour peu qu'elle soit suffisamment bizarre. Je ne peux pas la détruire, même si elle mange les rosiers : Dieu sait quel papillon en sortira.

En temps normal, l'agitation d'une maisonnée suffit à cantonner les araignées et les insectes dans les failles insoupçonnées de la maison, sans compter que de jeunes chats sont d'efficaces insectivores.
Mais après une semaine d'inoccupation, la maison devient le royaume des araignées. C'est fascinant. Les faucheux (ou la même famille, ces araignées toutes en pattes) tendent des fils poisseux au ras des plafonds et dans les angles lumineux. Quand les œufs éclosent, les centaines de petites araignées prises dans le nuage de toile ressemblent aux nébuleuses célestes (j'ai voulu les prendre en photo avant de les aspirer, mais H. a trouvé profondément choquant que je veuille photographier mes futures victimes; j'ai eu l'impression d'avoir bafoué la convention de Genève).
Il y a les grosses araignées noires, que j'appelle «araignées d'églises», parce qu?elles me paraissent avoir une prédilection pour les endroits sombres et anciens. À une époque, il y en avait une qui sortait chaque soir à l'endroit où je rangeais mes bottes. Je la tolérais, observant avec curiosité ses habitudes, jusqu'à ce qu'une seconde apparaisse : j'ai alors imaginé des grappes d'œufs, des dizaines d'araignées noires, et j'ai massacré tous les spécimens à ma portée. (Chaque fois que je tue un insecte ou une araignée, je me demande si c'est un mâle ou une femelle.)
Je ne fais pas de chasse systématique aux araignées, surtout l'été : elles protègent des moustiques. Un jour, j'en ai vu une piquer et emmailloter un insecte à l'allure de poisson-chat argenté, d'un centimètre environ : je déteste cette bestiole, tout animal m'en débarrassant est un allié naturel.
Mais les araignées les plus merveilleuses sont celles qui vivent dehors. Nous avons une espèce, grosse comme une pièce de un centime, cuivrée tigrée, qui tisse de magnifiques toiles entre des points incroyablement éloignés, trois à quatre mètres parfois (comment est-ce possible?). L'une d'entre elles est entrée par hasard dans la cuisine (elles n'essaient d'entrer qu'à l'automne en temps normal) et a tissé une toile entre l'évier et une chaise pendant la nuit. H. ne l'a pas vue et est passé à travers juste avant son départ.
Sans cela, je n'aurais pas eu le courage de détruire un si bel ouvrage. J'aurais laissé mon araignée tranquille toute une semaine. Là encore, je suis sans défense devant tant d'adresse et d'obstination.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.