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Catéchisme

Cette année, je n'ai pas été recontactée par la responsable de l'année dernière. Il faut dire que le courant passait mal entre nous. N'empêche, je suis un peu vexée, un peu déçue, un peu inquiète: est-ce que j'ai mal enseigné? Est-ce que les enfants étaient mécontents? Ou les parents? Ou n'est-ce que la responsable qui ne voulait plus de moi dans son équipe?

Dans le fond ça m'arrange, les enfants me font peur et je ne savais pas comment j'étais censée m'y prendre. Mais malgré tout, mi-vexée, mi-inquiète.

En juin, la responsable du bulletin de la paroisse avait demandé aux catéchistes leur témoignage. Voici ce que je lui avais donné (en sachant qu'elle couperait largement: je voulais lui laisser le choix des thèmes abordés, qu'elle puisse caviarder à l'aise en fonction de ce qu'auraient écrit les autres).
Pourquoi avoir accepté de « faire » du catéchisme? La réponse ressemble à une boutade: parce qu’on me l’a demandé. Cependant, n’est-ce pas tout ce que demande l’Évangile, à plusieurs reprises et sous des formes variées : répondre «oui» à un appel, même si l’on ne se sent ni très à la hauteur, ni très armé? (Mais comment je vais faire? Est-ce que je vais savoir faire?)
Par ailleurs, je suis convaincue de l’importance du catéchisme. Tout commence au catéchisme. C’est le premier lieu de la transmission. C’est le lieu qu’il faut tenir. C’est une question que je pose aux enfants quand je les vois me regarder lors de notre première rencontre, déconfits de s’être levés un dimanche pour une heure de quelque chose qui ressemble beaucoup à de l’école:
— A votre avis, pourquoi êtes-vous là? Pourquoi vos parents vous ont-ils inscrit au catéchisme?
— Pour qu’on connaisse Dieu et qu’on apprenne à l’aimer?
— Oui, bien sûr. Pour connaître et aimer Dieu. Mais pourquoi il est important que vous soyez ici, pourquoi vous, vous êtes importants? (Ils se regardent d’un air sceptique: eux sont importants?)
— Parce que vous êtes les suivants. Vous avez déjà fait de la course de relais ? Vous vous rappelez le nom du bâton, ça s’appelle un témoin. Vous êtes là pour qu’on vous passe le témoin. Les chrétiens ont besoin de vous, l’Église a besoin de vous pour qu’on continue à raconter l’histoire de Jésus et à croire en sa promesse. Vous êtes les suivants. Sans vous ça s’arrête.
(Entre nous, je ne sais pas si je les ai vraiment convaincus. Mais un ou deux deviennent attentifs. Et moi j’en suis convaincue : sans eux ça s’arrête. «Vous êtes la lumière du monde»: ils sont la lumière du monde et ils ne le savent pas. Nous devons tout faire pour faire naître et entretenir cette lumière.)

Qu’est-ce que cela m’apporte? Là encore je vais répondre par une boutade : beaucoup de panique. J’ai le bagage théorique nécessaire, mais je n’en ai aucun en pédagogie et je panique la veille, le matin: qu’est-ce que je vais raconter aux enfants? Et comment? Je n’ai pas d’aptitude en coloriage ou en découpage ou en chansons. Alors je révise les textes, j’essaie de trouver un axe intéressant, quelque chose à leur montrer, une carte de Méditerranée, une bible en hébreu... J’explique le contexte, la géographie, le vocabulaire («qu’est-ce que c’est, un scribe? Vous avez déjà vu du lin?») J’essaie de montrer combien les émotions et réactions des hommes et des foules d’hier et d’aujourd’hui se ressemblent, les peureux, les courageux, les enthousiastes, les indécis. J’attache beaucoup d’importance à ce qu’ils aient bien compris les textes. Ce que je préfère, c’est le dialogue avec les enfants, leurs questions et leurs réponses. Ils sont terriblement sérieux (je leur ai posé la question: à la place du père, eux n’auraient jamais donné l’héritage à l’enfant prodigue), mais aussi provocateurs: «la résurrection, c’est comme Mario Kart, on a plusieurs vies. — Sauf que dans Mario tu n’as que trois vies, alors qu’avec Jésus, c’est pour toujours»).

Cette année, j’ai eu le souffle coupé par la question d’un futur communiant, alors que je venais de raconter Jésus visitant les apôtres barricadés dans une maison après la crucifixion: «mais Madame, est-ce que tout ça c’est vrai?» Souffle coupé qu’il ait attendu si longtemps pour la poser, mais aussi qu’il ose la poser. Je m’applique toujours à répondre avec le plus d’exactitude possible. Pour moi il est fondamental que ma réponse corresponde à ce que les enfants voient et vivent au quotidien, qu’il n’y ait pas de divergence entre le discours de l’Église et leur expérience du quotidien: «Pour moi c’est vrai. Pour toutes les personnes que tu vois à l’Église, c’est vrai. Les évangélistes ont raconté la vie de Jésus, puis Paul et les premiers Chrétiens, et c’est venu jusqu’à nous. Nous attendons le retour de Jésus et nous croyons à la vie éternelle. Mais tout le monde n’y croit pas. Il y a des gens qui ne le croient pas.»
C’est ce que j’aime avec les enfants : d’une certaine manière c’est avec eux qu’il est plus facile de parler sur le fond, de parler de ce qui compte vraiment. Car à quel moment dans nos vies parlons-nous de notre foi, et avec qui ?
J'ai écrit cela, une partie a été publiée dans le bulletin paroissial en juillet, et en septembre je suis débarquée: pas de doute, je suis vexée, même si soulagée!

Aspirine 15 ans d'âge

caté : distribution du NT et discussion tous azimuths.

Moi — Ça veut dire quoi ressuscité ?
Un gosse — On a une autre vie comme dans Mario.
Moi — Mais dans Mario à la fin on meurt quand on n'a plus de vie (in petto je songe à Jumandji 2) alors que là Jésus nous promet la vie éternelle.

Ils me regardent effarés. Est-on en train de louper à ce point leur "éducation chrétienne" qu'ils en manquent le point essentiel?
— Il nous promet la vie éternelle à condition qu'on dise oui.
Un certain nombre qui suivent braillent : Ouuiii !

Pensée pour la prochaine fois : leur faire un résumé de l'évangile (des évangiles). C'est dramatique d'avoir raté le message à ce point là.


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Déplacé (replacé) des livres et pas du tout travaillé. Je commence à paniquer à me dire que si je ne peux plus marcher six semaines, je cours le risque que les livres soient rangés par d'autres que moi (Noooonnnn!!)


La pose du nouveau plancher a obligé à enlever les plinthes devant les meubles de la cuisine. C'est l'occasion de passer le balai sous les-dits meubles et de ramener des objets inattendus, dont un tube d'aspirine date de péremption 2004:


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Une recherche plus tard, nous apprenons que l'aspirine perd ses propriétés au cours des années et se transforme en je ne sais plus quelle molécule.

Kairos

Je suis allée chercher le sapin samedi : un petit (à cause des travaux) acheté auprès des compagnons scouts (ça leur permet de financer leur projet).
O. l'a décoré dans la semaine, ce qui fait que pour la première fois depuis très longtemps (première fois tout court?) le sapin est monté avant le 23 ou 24 au soir.


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A 15 heures, réunion à l'église de Montgeron avec tous les élèves de catéchisme du secteur autour du texte Luc 3, 10-18: «que devons-nous faire?»

Les réponses m'ont toujours frappée par leur bon sens: faire votre travail honnêtement, partager quand vous avez quelque chose en surplus. Il me semble que la comtesse de Ségur relaie le message, peut-être dans Les Vacances.
Les Actes aussi auront ce genre de réaction: mettre en place des équipes pour s'occuper des veuves, envoyer certains prêcher, donner des conseils de bon sens et de moralité… Les évangiles sont encadrés par de la norme humaine, des réponses que nous pourrions trouver seuls. Il n'y a que Jésus qui fait éclater le message et fait ou dit toujours autre chose que ce qu'on attend.

Un peu peste

Il y a deux ans j'avais commencé le catéchisme avec ce niveau, les CM1. Je m'occupais d'une douzaine d'enfants. Cette fois-ci ils sont au moins trente1 dans une salle trop petite et je les trouve terriblement petits et terriblement mignons. Ils me font rire. Est-ce que je deviendrais gâteuse avec l'âge? Est-ce que je suis déjà gâteuse ?

Les parents sont moins drôles. J'agace une mère qui geint parce que sa fille a du sport le dimanche et que «ça ne va pas être possible» en lui répondant que c'est une question de hiérarchie: il faudra choisir ce qui compte le plus (in petto je sais que le sport a gagné d'avance mais je ne le montre pas). Elle s'indigne: «mais non, il n'y a pas à choisir, les deux sont indispensables à son équilibre. — Je veux bien, n'empêche que vous ne pourrez pas être à deux endroits en même temps.»
A une autre qui veut savoir si sa fille pourra faire sa communion «même si elle est absente dix fois», je réponds que ce n'est pas de mon ressort, qu'il faut voir avec le prêtre, mais que «il n'y a pas d'obligation à faire sa communion cette année, ça peut attendre un an de plus. On peut faire sa communion à tout âge.»

Le nœud de l'affaire, c'est que l'année dernière il y avait deux groupes, un le samedi après-midi et un le dimanche matin. Les parents tenaient pour acquis qu'il en serait de même cette année mais les bénévoles se sont raréfiés. Les parents ne se sentent pas concernés, ils sont dans une pure logique de consommation. Je prends un malin plaisir à leur proposer, l'air très naïf, de monter eux-mêmes un groupe le samedi, en me déclarant prête (ce qui est vrai) à venir donner quelques explications sur les textes ou autres le vendredi soir s'ils ont besoin de support.

Bref, contrairement aux parents des deux années précédentes, pas sûr que ceux-ci vont beaucoup m'apprécier.




Note
1: tous les enfants de la ville de cet âge-là, tous les enfants allant à l'école publique. Trente enfants de neuf ans pour trente mille habitants. Dormez tranquilles, vous qui souhaitez l'athéisme et la déchristianisation.
(C'est alors que je me souviens d'Elvis Elangabeka: «vous êtes le sel de la terre: mais il ne faut pas beaucoup de sel.» Je n'ai jamais compris ce qu'il voulait dire exactement.)

Vacances

Dernier jour avant deux semaines de vacances.
J. me demande : — Alors, vous faites quoi ?
— Pour l'instant rien. Mais ce n'est pas grave, j'ai de quoi m'occuper à la maison.

(Cette année je n'ai pas organisé de vacances donc rien n'est prévu. C'est aussi une expérience: si je ne fais rien, que se passera-t-il, rien, ou quelque chose? Ma façon à moi de refuser absolument toute charge mentale depuis que les enfants sont grands (ils ont beaucoup soulagé cette charge pendant leur adolescence).)

Un comité financier dans l'après-midi, une réunion de caté le soir, cette fois-ci en présence des prêtres (toujours pas de dates. Ça va devenir compliqué avec les sorties prévues à l'aviron.) Le soir quand je rentre, H. a pris des billets d'avion pour Thessalonique. Il a choisi un hôtel le long de la plage à Platamonas. Il reste à le réserver, ainsi qu'une voiture, ce que nous faisons ensemble.
J'enverrai un sms à J. demain, pour la faire sourire.

C'est mal parti

Réunion préparatoire de catéchisme pour cette année. C'est la deuxième réunion après celle de juillet et je n'en sors pas plus avancée: nous n'avons toujours aucune date de rencontres avec les enfants.

«Il y a des parents qui n'étaient pas contents, mais moi je dis, Jésus n'était pas pressé. Il faut que chacun s'exprime, et c'est vous qui devez dire les horaires qui vous conviennent.»
J'essaie de faire intervenir un principe de réalité: «Certes, mais une fois qu'on a pris en compte le calendrier scolaire (les dates de vacances) et le calendrier liturgique (les grandes fêtes, Pâques, l'Ascencion, la Pentecôte) et les différents rituels (mariage, baptême, première communion, profession de foi), le calendrier se déduit de lui-même.»
Mais elle reste sur son idée.

Deux réunions, trois heures, et je n'ai toujours pas de dates — sauf celle d'une autre réunion, avec les prêtres cette fois. J'espère qu'ils auront davantage de sens pratique.

Je repars déprimée: tandis qu'une maman catéchiste émettait l'idée qu'«il fallait se mettre à la hauteur des enfants», j'ai fait l'erreur de répondre que je ne voyais pas les choses comme ça, que j'essayais à l'inverse d'élever les enfants, que j'expliquais beaucoup, que les enfants s'ennuyaient à la messe parce qu'ils ne comprenaient pas, qu'il leur manquait beaucoup de vocabulaire et que par exemple ils n'apprenaient plus le passé simple.
Qu'avais-je osé dire ? Je me suis vu rétorquer quasi avec fureur qu'on pouvait très bien comprendre en étant sénégalais ou italien (What? Quel rapport?), que les enfants ne s'ennuyaient pas et que nous n'étions pas des instituteurs. (Je me suis abstenue de répondre que j'essayais de donner plus qu'instituteur: j'essaie de faire des liens, de donner des pistes pour décrypter ce monde incompréhensible, mais aussi d'apporter de la culture gé, parce qu'être chrétien, ce n'est pas vivre dans un monde à part, mais vivre au milieu du monde.)

J'ai abandonné. Dans quel monde vivent-elles, quel est ce monde où les enfants ne s'ennuient pas à la messe? Certes, je ne m'ennuyais pas à la messe, mais moi, j'écoutais, et ça ne fait pas si longtemps (trois ans?) que je ne m'ennuie plus durant la prière eucharistique: depuis que j'en ai compris l'origine et la transmission, depuis que je suis fascinée par son enracinement dans une longue tradition et que j'ai l'impression d'être absorbée, de me réabsorber, dans une longue lignée de croyants avant et après moi, depuis que j'ai l'impression d'être un maillon insignifiant et indispensable dans un grand tout.

Je suis rentrée à la maison entre déprime et colère. (Pas très chrétien tout ça.)

Marcelle et Job

Matin en quatre de couple à 9 heures à Neuilly (Anne-Sophie, Isabel, Anne). Tour de l'île la Jatte pour profiter de la fraîcheur relative des arbres. Nous étions encore sur l'eau quand nous avons vu passer les avions pour le défilé. Je ne les avais jamais vus aussi bien — je ne les avais jamais vus IRL le jour J.
J'ai donc vu passer l'avion qui s'est trompé de fumigène (j'aime bien ce genre d'erreur, ça me permet de moins angoisser sur mes projets : rien n'est si grave).
Et aussitôt, bien entendu, c'est le côté sympathique des Français (si si), tous de rire et de s'emballer.

Plus tard j'ai pris le chemin des écoliers pour rentrer en utilisant l'application Michelin réglée sur "le plus court" (Waze ne fonctionne plus du tout. Sa seule obsession est de vous ramener sur les routes sans feu rouge pour aller le plus vite possible. Moi je cherche des rouges ombreuses pour me promener). J'ai donc vu passer les hélicoptères qui doivent venir du sud. Je suis passée devant la mairie de Thiais et dans des quartiers neufs sortis de terre. Travaux du tramway ligne 9. le Grand paris est en train de bouleverser la banlieue; je me demande s'il y a eu autant de chantiers autour de Paris depuis la construction des villes nouvelles dans les années 60.


La nouvelle chargée de catéchisme m'avait contactée début juillet, je lui avais dit ne pas pouvoir la rencontrer avant août (mais pourquoi la rencontrer? Je n'ai rien à lui dire), elle m'a rappelée il y a deux jours, de guerre lasse j'ai cédé, j'ai accepté de la voir aujourd'hui à quatre heures.
Sieste, voiture dans la chaleur écrasante, rencontre à l'oratoire de M***, frais. Il ne sort rien de cette rencontre bien entendu. Pourquoi ai-je une telle horreur des bons sentiments? Je n'aime pas les bons sentiments, je les redoute. Je ne veux que des actes, de l'organisation, de l'efficacité.
Une défense, sans doute.
Je ne supporte pas l'image du catho niaiseux.


C. arrive en fin d'après midi avec CS, que j'ai déjà rencontrée au concert Theo & the Hearts et qui entre-temps a acquis le statut de petite amie. Elle nous fait rire en prétendant appeler leurs futurs enfants Marcelle et Job, ce qui horrifie C. Je m'abstiens de faire remarquer que le seul Job que je connaisse est Job Getcha, archevêque des églises orthodoxes russes en Europe occidentale et me contente de commenter que ce sera plus facile à écrire en maternelle que Pierre-Emmanuel.

Nous passons une agréable soirée sur la terrasse, plus agréable que quinze jours avant où il avait vraiment fait trop chaud (j'avais eu peur que cela ne décourageât C. de revenir).
Je propose plutôt Marcellin et Félicien.
— Mes enfants ne porteront pas un nom de fromage!
— Fun fact : le St Félicien est produit à St Marcellin.
(ou le contraire, je ne suis plus très sûre).

CS possède un humour digne de celui de mon beau-père (les blagues pourries!)

Laïcité

Dernière séance de catéchisme. Les enfants sont peu nombreux, peut-être parce que nous avons changé la date de la séance en mai à cause de Bréhat.
Je ne sais plus bien comment, je me suis retrouvée à leur faire un cours sur la différende entre les laïcs dans l'Eglise, par opposition à la vie consacrée; et la République laïque qui dessine deux sphères privée et publique et qui est censée protéger ces deux sphères (dont le droit à vivre sa foi dans la paix). J'ai expliqué, très utopiste, qu'un synonyme de laïcité de la République serait, devrait être, neutralité, un arbitre qui surveille qu'on respecte son voisin et qu'on ne dérange personne.
J'ai pointé au passage la difficulté de rester ainsi discret et de "proclamer le message du Christ" comme nous y engage l'Eglise ou le pape François: «je vous conseille de ne rien dire. Ayez une petite image, une croix, sur vous. Si quelqu'un est curieux et vous pose des questions, répondez, mais ne vous mettez pas à parler comme les apôtres à la Pentecôte!»

— C'est encore vous l'année prochaine ?
— Ah non, moi je redouble, vous vous passez en aumônerie.
(Décidément je n'aimerais pas être prof. C'est triste de quitter les enfants.)


Apéro chez les voisins (les voisins) qui dégénère en dîner, comme très souvent. Tous leurs animaux ont été tués par une fouine. Je leur en veux un peu de ne pas être plus rigoureux et de ne pas les avoir enfermés chaque soir. Mais cela n'aurait sans doute rien changé.


Parmi mon surf de l'après-midi, la vocation du dernier des Hasbourg.

Les cercles de la fraternité

Je commente rapidement l'évangile du jour aux enfants (ils sont nombreux, moi qui comptais sur un petit nombre un week-end de pont…):

«Aimez-vous les uns les autres… Vous entendez souvent cela, mais on ne vous dit pas souvent comment vous y prendre. Evidemment, cela ne concerne pas vos amis et les gens que vous aimez bien, parce que ça, c'est facile. Après, il y a ceux qui vous sont indifférents, dont vous ne pensez rien et auxquels vous ne pensez jamais. Puis il y a ceux que vous n'aimez pas ou que vous détestez, avec ou sans raison. Il y a une dernière catégorie dont on ne parle pas souvent: ceux qui ne vous aiment pas, sans que vous sachiez pourquoi. Ceux-là, c'est bizarre. Je vous conseille de commencer par ceux auxquels vous ne pensez pas, ou pas souvent. Il faut commencer par faire attention: tenir une porte, porter un sac, sourire… Vous avez toute votre vie pour penser aux autres catégories, ce n'est pas si facile, il faut s'entraîner.»

Et je n'ajoute pas que concernant la catégorie de ceux qui ne vous aiment pas, l'urgent est de ne rien faire, surtout ne rien faire. Attendre et laisser venir.

Foulard et féminisme

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— Tu vas vraiment aller au catéchisme avec ce tee-shirt ?
— Je ne sais pas. Tu crois que je ne devrais pas? [Il est chef scout, il s'occupe des 11-14 ans, je considère qu'il en sait plus que moi.]
— Tu me demandes ça à moi? Tu as élevé des enfants, pas moi!
— Oui, m'enfin quand je vois le résultat, je ne suis pas une référence.
— Mais maman, JE SUIS le résultat, donc ne me demande pas conseil!

Et in petto, je pense «Mes enfants m'ont battu, mes enfant m'ont battu.1


Cathé. Je suis censée parler de la joie de la résurrection. Je ne sais pas trop comment faire cela. Je raconte la peur des disciples, je commente l'évangile du jour. Je parle de la Trinité. J'explique la différence entre catholiques et chrétiens, les grecs et les latins, l'éclatement de l'Empire romain.

Une chose en entraînant une autre, je me retrouve à faire un cours de féminisme : sur un dessin représentant Pierre arranguant la foule, les enfants remarquent le foulard des femmes. Question d'une petite fille: pourquoi ce voile ? Réponse: en signe d'obéissance.
Ils me regardent. Je souris :
— Vous savez, se couvrir la tête, c'est quelque chose de courant. Ça existe aussi chez les chrétiens, les coptes en Egypte, par exemple. Les coptes qui sont persécutés… mais aussi dans l'est de l'Europe. Ou même vos grands-mères… quand elles étaient petites elle n'entraient pas dans une église sans quelque chose sur la tête… ou si vous voyez des photos de femmes qui rencontrent le pape: elles ont un voile sur la tête.
— Mais pourquoi obéissance ?
Je prends ma respiration et je demande aux filles : «Pouvez-vous me donner la date de naissance de votre mère ?»
1974, 1975, 1983… J'écris au tableau.
— Je ne me souviens plus de la date, mais c'est à peu près depuis la naissance de vos mères [j'entoure 1974, 1975] que les femmes en France ont le droit de travailler sans demander l'autorisation de leur mari et d'avoir leur compte en banque. Ça n'a pas d'importance tant qu'on s'entend bien, mais avoir son argent à soi, c'est pouvoir partir si on le souhaite. Donc vous voyez, ça ne fait pas si longtemps.
Et je conclus en les regardant : c'est pour ça, les filles, que c'est un peu bizarre de vous voir en rose avec des paillettes. Battez-vous, il y a encore du travail !




Note
1 : Talmud de babylone : Bava Metzia 59b. […]
Rabbi Eliezer finit par faire appel à Dieu pour soutenir sa thèse, et une voix divine affirme qu’il a raison. Les Rabbins rétorquent « Ce n’est pas au ciel, » ce qui est interprété comme disant que puisque Dieu avait donné la Torah aux humains et puisque la Torah dit que nous devons toujours suivre l’avis de la majorité (Exode 23 :2), nous ne devons pas faire attention à la voix divine si elle va à l’encontre de la majorité ! La fin de cette extraordinaire histoire est qu’à ce moment Dieu a ri de joie, disant « Mes enfants m’ont battu, mes enfants m’ont battu. » (Talmud de babylone : Bava Metzia 59b).

Quel titre donner ?

Je me rends compte à onze heures vingt que j'avais caté à onze et quart. J'arrive à la demie en n'ayant rien préparé. Session sur le Carême. La salle est mal adaptée, les enfants trop éloignés les uns des autres, je n'arrive pas à engager un dialogue.
En lisant les textes, je leur découvre maintenant une structure invisible auparavant : ainsi Matthieu 6, 1-18 (lecture du mercredi des cendres) reprend les trois piliers de la piété juive : l'aumône, la prière, le jeûne.

Après-midi oisif, une heure avec A. pour écrire deux procédures "recherche de stage", "recherche de clients" (ça paraît ridicule, ça l'est peut-être, ça l'est sans doute : il s'agit de la rassurer en lui donnant des mots auxquels revenir, il s'agit de nous protéger en évitant sa mauvaise foi : « mais vous ne m'aviez jamais dit ça… »)

Le soir, repas de double anniversaire avec Christophe et Isabelle. Quand vous demandez une carte verte, le FBI fait une enquête.

Une demi-journée avec Mgr Pansard

Le nouvel évêque d'Evry, anciennement évêque de Chartres, rencontre les catéchèses.


— Il n'y a que trois mots pour la prière : merci, pardon, s'il te plaît.

— Que peut-on faire pour donner envie d'être chrétien ?
— Etre des chrétiens qui donnent envie.

Dimanche

Marché, catéchisme, flemme.

Quizz au catéchisme, enfants de dix ans. Dernière question.
15. Dieu accorde son pardon :
A. A tout le monde sans exception.
B. Aux personnes qui le lui demandent et qui regrettent sincèrement le mal qu’elles ont pu faire.
C. Aux personnes qui ne sont pas capables de lui demander pardon.

Je suppose que la réponse attendue est la B, mais une enfant a soutenu que les trois étaient exactes (quoiqu'il en soit, accepter C entraîne A, me semble-t-il). J'étais en train de me demander si je lui expliquais que la liberté de l'homme requérait que celui-ci demande son pardon — que Dieu ne pouvait le lui imposer — quand je me suis souvenue de « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ».
J'ai abandonné.

Jugement catégorique

Caté.
Sondage :
quatorze enfants sur quatorze étudiant un dessin qui montre trois enfants en train de pique-niquer ensemble et un à l'écart en train de manger seul un paquet de gâteaux interprètent que l'enfant isolé s'isole volontairement pour ne pas partager.

Zachée

C'est l'un de mes week-ends théologiques. Combien de week-end sans ramer, deux, trois ?

Catéchisme pour les enfants de CM2. Episode de Zachée. J'explique, j'explique, j'explique. Est-ce que je les ennuie ? Avoir tort et faire du tort, non, ce n'est pas la même chose ; non, salut ne veut pas dire (ici) bonjour ; la lèpre peut faire tomber le nez mais oui on peut respirer car on respire avec les trous ; ex-il et ex-ode ont le même préfixe ex- qui veut dire sortir (expirer, extérieur) ; exil à Babylone, puis les Perses puis les Grecs puis les Romains ; quel grand empereur grec connaissez-vous ? (je ne sais pas ce qu'ils savent, je n'ai aucune idée de ce qu'ils apprennent à l'école ou à la télé. Un ou deux ne semblaient pas connaître Noé).

Une fillette est persuadée que si Zachée est monté dans l'arbre, c'est parce que c'était dangereux et qu'il forcerait ainsi Jésus à lui dire de descendre. On a dû lui interdire de monter aux arbres, elle illustre parfaitement le biais biographique du lecteur qui se projette sur le récit.

« Fais appel au cerveau » m'a dit Jacques, mon camarade d'allemand protestant avec qui je comparais les méthodes pédagogiques de nos deux confessions (catastrophiques dans les deux cas).


H. a mal et jongle avec ses anti-douleurs : il ne faudrait pas attaquer son foie qui est fragile depuis l'hépatite A de 2000. Vers le soir il a de la fièvre, 39°. Que faire, urgences ou pas ?
Toujours nous nous référons à mon oncle vétérinaire : qui dit fièvre dit infection. Urgences.

Rien

Pas le courage d'aller ramer cette semaine. Un peu malade.
Le soir, O et moi avons rangé (débarrassé) avec une remarquable efficacité (une demi-heure) le salon des outils et autres. A. est repartie à Lisieux sans vider le lave-vaisselle, sans étendre le linge. C'est agaçant, elle n'a pourtant que ça à faire. Nous aurons droit la prochaine fois à une liste d'excuses et d'accusations (car elle mêle toujours les deux) insupportable. C'est agaçant, bis.
Soirée "information catéchisme" (oui, j'ai accepté de m'y coller encore une année). Déchristianisation à vitesse grand V, il n'y a plus que vingt enfants de CM2 inscrits dans une ville de trente mille habitants. Encore cinquante ans et il ne restera personne (il y a un verset au début des Actes des apôtres qui dit à peu près cela : « inutile de les combattre : si ce qu'ils prêchent est vrai nous ne gagnerons pas, si c'est faux, ils disparaîtront d'eux-mêmes), ou ne restera-t-il que « le petit reste », « le sel de la terre » ? Je ressens de la curiosité, pas de l'inquiétude. So be it.
H. revient de Tours. Prestation à son compte. Deuxième jour de sa nouvelle vie.
The Good Wife tard dans la nuit, quelque part vers la moitié de la saison 2. La gestion de la tension, l'évolution des thèmes qui font monter la tension, sont fascinantes.


Ah tiens, je vais donner mon avis sur la Catalogne (note pour plus tard : ce week-end s'est tenu le referendum interdit sur l'indépendance de la Catalogne, accompagné d'un certain nombre de violences policières) : puisque le referendum allait se tenir quoi qu'il arrive, le gouvernement aurait dû l'organiser lui-même, avec des listes électorales sûres, des bureaux de vote connus et rendre la participation au vote obligatoire sous peine d'amende.
Ça ne peut plus durer ces votes sécessionnistes où seuls ceux qui se sentent concernés se déplacent. Ça ne peut plus durer ces minorités agissantes qui imposent leur manière de voir.
Je crois même que cela devrait devenir une règle en Europe : la participation aux référendums, et surtout aux référendums d'indépendance, est obligatoire.

Pataquès

Premier entraînement ensemble. A ma grande confusion, je m'aperçois que dans mon obsession de "faire un bateau de filles", j'avais lu Stéphanie pour Stéphane.
Le bateau avance bien. Son point faible risque d'être son barreur, un rameur de peu d'expérience qui ne semble pas se rendre compte que son poste est extrêmement important, d'autant que nous aurons deux virages serrés à accomplir. Il y aura également des décisions à prendre, choisir le chemin le plus court sans gêner les autres bateaux ou les mettre en danger… Notre barreur, que je n'avais jamais vu, paraît inconscient de ses responsabilités. Nous ne sommes pas sûrs non plus qu'il ait compris qu'il ne ramerait pas le jour de la course… Tout cela est embarrassant.

Demain, ayant catéchisme, j'ai demandé à nous entraîner tôt, dès huit heures, de façon à être revenue à Yerres à onze heures. C'est un sacrifice pour Stéphane qui travaille en équipe très tôt le matin en semaine (quatre heures, cinq heures du matin). Le barreur ne pourra pas être là, je pense à O. et m'engage à amener un barreur.

Sur le chemin aller, retour, j'écoute des podcasts, «une vie, une œuvre». Quand je connais l'auteur (Boulgakov, Faulkner) je n'apprends pas grand chose mais les nombreux extraits lus sont agréables, quand je ne connais pas l'auteur cela devient un formidable attiseur de curiosité. Ce matin, Ingeboch Bachmann, dont le nom ne m'évoque que sa mort (brûlée vive) et Une visite à Klagenfurt, livre feuilleté maintes fois sans jamais avoir été vraiment lu. Il me semble me souvenir qu'elle détestait sa ville et ne voulait pas y revenir — et qu'on l'y a enterrée (à vérifier). Berhnard, Bachmann, quelle détestation de l'Autriche. Pourra-t-on passer à Klagenfurt et devant la maison de Berhnard cet été? Est-ce deux points éloignés, séparés par des montagnes difficiles? Je me pencherai sur cela en mai.

O. ne montre aucun enthousiasme à se lever à six heures et demie pour barrer et me suggère de téléphoner à C. qui à ma grande surprise accepte aussitôt (mais après tout c'est le plus sportif de la famille) — ce qui suppose qu'il vienne dormir à la maison pour être à l'heure demain — tout en ajoutant au moment de raccrocher: «dis à O. de m'appeler s'il a des remords». Il avait raison, O. a des remords, il barrera. C. viendra malgré tout demain, pour déjeuner.

Je fainéante toute l'après-midi (je fais avec les tâches et l'étendue de temps disponible devant moi ce que faisait Pierrette avec son pot au lait) et ce n'est que vers le soir que j'envoie les sms aux parents pour leur rappeler le catéchisme (il faut dire que je n'ai pas envie d'envoyer ce sms, je ne le fais qu'à la demande d'Anne, l'animatrice de l'équipe (qui se désole que ses mails et sms ne soient pas lus davantage): je considère que les parents sont adultes et responsables, c'est à eux de tenir leur agenda). C'est alors que patatras: je reçois le coup de fil inquiet d'un parent qui ne comprend plus: j'ai indiqué onze heures, Anne a indiqué neuf heures demain matin, quelle est heure du rendez-vous?
Aaarghh, que se passe-t-il? J'appelle Anne, c'est bien neuf heures, elle veut faire écrire une prière universelle aux enfants.
Aaarghh bis, je déteste cela deux fois, écrire une prière universelle et la faire écrire par des enfants, c'est toujours l'animateur qui s'y colle, c'est totalement artificiel.
Aaarghh ter, et mon aviron, mais ce n'est pas possible! j'ai obligé quatre personnes à se lever aux aurores pour rien: car si c'est à neuf heures, soit j'annulais le catéchisme, soit j'annulais l'entraînement, il était impossible de faire les deux.
Très remontée, j'appelle Anne, nous comptons les enfants, beaucoup d'absents, elle me dit qu'elle les prendra dans son groupe, qu'elle prendra à la fois ce qui viendront à neuf heures et ceux qui viendront à onze heures. Je me sens très mal, sentiment de trahison par rapport aux enfants, sentiment de tromperie par rapport à Stéphane, culpabilité par rapport à Anne qui va me remplacer — et deux fois. Je lui dis de m'appeler quand elle change quelque chose, que je n'étais pas au courant; je suis très vive à mon habitude, je sens ma vivacité, ma fébrilité, et j'ai honte face à sa douceur tandis que je parle. Comment puis-je ne pas être plus tranquille, de toute façon c'est trop tard — et inconciliable. (Hervé me dit: "mais c'est toi qui rends service, tu n'as pas à t'excuser", ce qui ne fait qu'accroître mon malaise: comment expliquer cette impression radicale de manquer à sa parole, ce que je me suis reproché si souvent que je ne le supporte plus?)
Pour mettre le comble à ma culpabilité, je m'aperçois vers minuit qu'elle m'a écrit le 8 mars, j'aurais dû être au courant — je n'avais pas regardé mes mails depuis le 7. Je dors très mal.

(C'est dommage, la dernière fois j'ai terminé en catastrophe, je voulais revoir la période du Carême, leur parler des trois piliers de la foi, l'aumône, le jeûne, la prière (qui nous vient directement des juifs et qui est repris tel quel par les musulmans): ne jamais séparer le jeûne (le Carême) de l'aumône, il ne s'agit pas de s'affamer pour être vertueux, il s'agit surtout de se solidariser avec les plus pauvres.)

Un homme en colère

Bon. Encore un. Encore un que j'énerve spontanément, sans me forcer.
— Tu devrais peut-être changer de poste s'il te met dans cet état. Chaque fois que je t'ai au téléphone tu es exténué ou en colère.
— Mon poste me va très bien. C'est toi qui m'énerves.

Evidemment, de mon point de vue, c'est plutôt moi qui devrais être en colère. Après tout, me dire «mais qu'est-ce que vous faites à la mutuelle?» sous-entendu «vous vous la coulez douce pendant que moi je trime» et «la mutuelle représente 2% de mes problèmes, tu le sais ça?».
Oui je le sais, ça fait cinq ans que tu me le répètes à chaque fois que je t'ai au téléphone. Décidément, c'est moi qui devrais être en colère. Mais il me fait rire.
Bon, mais qu'est-ce qui peut l'énerver comme ça? Je ne représente pourtant pas un grand risque pour lui (nous avons le même patron). Mes mails sont-ils trop bien écrits? Ou peut-être n'apprécie-t-il pas que j'ai commencé subrepticement à faire de la formation continue à ses équipes parce qu'il est incapable de leur transmettre une procédure claire et simple (autrement dit, je téléphone et j'explique directement (gniark gniark. A sa place je n'aimerais pas. Mais je ne suis même pas sûre qu'il s'en aperçoive tant il est loin de ses équipes.)).
Enfin bon.

Trois cartes de vœux (écrites), ce qui fait cinq. Je suis terriblement en retard.

Allemand (cours): J'ai posé la question des fiches de lecture à M. Boss. Ça l'a fait rire : «Laissez tomber. Considérez-les comme des exercices scolaires, académiques.»

Vietnamien (resto): Comme O. à la voiture, H. accepte de passer me chercher à la gare pour me déposer à Montgeron. Vous dînons ensemble et parlons de B., inévitablement. Celui-ci ne veut plus aller aux Etats-Unis. H. est désemparé, exaspéré, il voit tout ce pour quoi il travaille depuis décembre 2014 (avec le soutien sans faille de son patron) s'écrouler. Il pense à tous les engagements qu'il a pris envers des gens qu'il considère maintenant pour certains comme des amis.

Catéchisme: information/formation des parents avant la prochaine rencontre avec les enfants. C'est intéressant de voir les messages que fait passer le prêtre en une heure à des parents un peu déboussolés de tant de nouveautés sur l'œcuménisme, la responsabilité de l'Eglise dans les affaires de pédophilie, l'exégèse et l'ancien testament).

Dimanche

Messe d'abord, puis une heure de catéchisme après.
Messe "des familles" : un genre qui ne me correspond pas, du bruit en permanence, un fond de chuchotement et de papiers froissés. J'aime le silence et le recueillement. Tant pis.

Le plus gênant dans cette histoire de caté, ce sont les parents qui restent: non seulement je ne peux pas dire ce que je veux (enfin, dans la forme!) mais c'est agaçant cette mère qui reste auprès de sa fille pour lui souffler les réponses. Comme si le problème était d'avoir des réponses. Moi j'aime les questions, surtout avec les enfants : il arrive toujours qu'ils vous désarçonnent, qu'ils vous présentent un angle de vue inattendu.
Les enjeux: comment les marquer, comment leur donner quelques fondamentaux qui pourront leur servir pour vivre ? (Ou pour croire, mais je ne sépare pas véritablement les deux.) D'autre part, comment les détacher de cette obsession de la "bonne" réponse pour les pousser à réfléchir et dire ce qu'ils pensent, même si ce n'est pas "orthodoxe" ? : comment leur donner confiance dans ce qui se joue ici? Ce n'est pas l'école.

Notes pour la prochaine fois : mieux préparer le minutage, m'asseoir du côté du tableau, installer les tables en rectangle et non en carré et m'installer à un petit côté de façon à embrasser tout le monde d'un coup d'œil.

C'est petit, un CM1 (neuf ans). J'avais oublié.


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Agenda H. et O. passent deux heures à remettre le réseau d'équerre. Réadressage des différents appareils connectés.
Fou rire mémorable dans la cuisine quand nous faisons découvrir à H. la légendaire vidéo de Winnie l'Ourson.
Le soir, The OA 2 et 3.

Reprise

Je lis Beowulf.

Journée peu productive. Je n'ai pas eu le courage d'aller ramer. Formalisation de mon entretien annuel. Dans la perspective du départ à la retraite de mon interlocuteur et très-aimé patron, j'en fais une sorte d'héritage spirituel et d'exposé des problèmes de fond à résoudre dans les prochaines années.

Je rentre presque tôt (cela fait partie des bonnes résolutions) et travaille une heure à Laudato si.

L'animatrice du catéchisme passe à la maison (j'ai choisi un soir en l'absence de H.) pour me transmettre les éléments vus en réunion hier pendant que j'étais à l'opéra. Je ne comprends pas bien pourquoi elle a besoin de moi, les parents des enfants catéchisés ont l'air très impliqués.
Quand je pense que je vais faire du catéchisme à nouveau, moi qui étais si soulagée que cela s'arrête… Les enfants m'intimident.
— Tu n'étais pas obligée de dire oui, fait remarquer O.
— Un peu quand même : on ne suit pas ce genre d'études pour garder pour soi ce qu'on apprend.
Je ne lui dis pas que je vois un signe dans le fait que c'est l'année où nous étudions la sacramentaire qu'on me demande d'intervenir sur le déroulement de la messe.

Dimanche bleu et gris

Matin magnifique, à l'égal de la semaine dernière. Arbres plus flamboyants. Je suis arrivée tard, presque à dix heures, mais les habitués m'ont encouragée à sortir en skiff, sans ressentiment. Mes deux clubs sont vraiment différents, entre celui où le skiff est considéré comme une occasion à ne pas manquer et celui où il est considéré comme un risque à éviter.
Je rame. Je divague. Je convertis l'année en durée de vie: neuf ans pour un mois, en commençant par avril, printemps jusqu'à vingt-sept ans, été jusqu'à cinquante quatre, automne jusqu'à quatre-vint-un. Il faut bien s'occuper (c'est le feuillage des arbres qui m'intrigue, cette flamboyance qui met en relief leur personnalité vers la fin comme jamais auparavant).

Après-midi pluvieux.

Messe. Pas de haussement de sourcil mais une question:
— Mais tu crois vraiment en Dieu?
— Oui.
— Ça paraît tellement absurde...
— Je sais. Je comprends. Il est beaucoup plus facile de comprendre ta position que la mienne.

A la sortie de la messe, trois policiers nous font une haie d'honneur. Cela surprend. (Vraiment, à quoi serviraient-ils, que se passerait-il, si vraiment il se passait quelque chose? C'est curieux, de se poser cette question.)
Je me fais rattraper par l'histoire: longtemps j'ai dit pour embêter H. que lorsque je serai vieille je serai "dame du catéchisme". Il faisait semblant de grommeler pour ne pas me décevoir car il n'y croyait pas vraiment — et moi non plus, car cela transporte sa petite image vieillote qui m'amuse et me repousse tout à la fois.
… sauf qu'on vient de me demander d'aider des parents un peu dépassés, un groupe de dix familles.
Je n'ai pas osé l'avouer à H. Je l'ai dit à Olivier.
— Et tu as dit oui ?
— Bien sûr.
Il réfléchit, évalue la future guerre froide dans la paix familiale.
Bast, on verra bien.

Les enfants naissent dans les choux

Quatre garçons à la dérive dans le couloir :
— Qu'est-ce que vous faites là?
— Ils sont déjà trop alors ils nous ont virés.
— Bon allez venez.
— Mais y a que des filles!

Et effectivement, elles sont treize, quatre qui bricolent (travaillent), les autres qui papotent. Douze ou treize ans. Les garçons s'installent au bout de la table et commencent à cancaner à qui mieux mieux avec les pipelettes; j'écoute avec surprise, ce n'est que classement de beauté et question sur les tailles de soutien-gorge. Oui je suis surprise, car rien n'indique par ailleurs que la puberté ait commencé, ni leur physique poupin ni leur regard franc. Garçons et filles papotent, mais je ne comprends pas bien d'où leur vient leur intérêt, si ce n'est de par convention.

L'un d'entre eux fait une allusion lourde de sous-entendus, et sans même y penser je réponds avec un peu d'ironie. Antonin me regarde et dit, provocant et accusateur, pensant m'embarrasser:
— Mais Madame, vous en savez des choses!

Je suis debout, il est assis, contre-plongée, visage angélique boucles brunes dents baguées regard clair, il est adorable, gentil, souriant. Je réponds doucement:
— Tu sais, s'ils ont des enfants, c'est que les parents savent deux ou trois choses…
Il me regarde, ses yeux chavirent, pensifs, il bafouille sous le coup de la surprise:
— Je n'y avais jamais pensé…

Onze ans de catéchisme : c'est fini

Le catéchisme est organisé ainsi dans notre ville : les enfants d'une même école et du même âge constitue un groupe (six à douze enfants); leurs parents à tour de rôle le reçoivent, tous les quinze jours, pour "animer une réunion", eux-mêmes ayant été préparés à cette "animation" par une réunion le soir au presbytère.

Les enfants sont donc ballotés d'un foyer à l'autre, expérimentant des leçons de catéchisme aux styles différents, en fonction de la foi et de l'instruction religieuse des parents qui les reçoivent. Cela dure cinq ans (CE2 à 5e), nous finissons (nous, les parents) par connaître les enfants de notre groupe, par établir des relations un peu particulières car nous abordons des sujets souvents personnels en essayant de bloquer le moins possible la parole (sans compter les "temps forts" où tous les enfants du même âge se trouvent rassemblés, et les "pélerinages", que j'appellerais plutôt "sorties", à Chartres ou Longpont ou Evry…)

Je profite de ces réunions pour expliquer tout ce que je peux en fonction des textes que nous lisons (ah oui, très peu de coloriage ou de découpage avec moi, je suis mal à l'aise avec ça), de la culture générale, en somme. Je dois être épouvantablement pénible, mais j'aime bien cela (pas être pénible, mais raconter).

Aujourd'hui j'ai montré un torchon en lin, rugueux, épais, découpé dans les draps de ma grand-mère (origine de la discussion: le saint Suaire (—Vous savez ce que c'est que du lin? les petites fleurs bleues, les «habits de drap» («quand vous lirez Balzac et Zola»), la soie, la laine, le coton arrivé en Europe que très récemment)); j'ai raconté l'astuce de Pénélope (origine: l'explication du mot linceul); j'ai expliqué ce qu'était un bœuf et le sort des mâles en agriculture et l'agressivité des mammifères non castrés (origine — Vous savez qui était Marie-Madeleine? — Jésus était son client? me répond Jérémy avec un sourire qui montre qu'il sait qu'il est en train de dire une petite provocation. (Où a-t-il entendu cela? En tout cas, comme d'hab quand il s'agit de sujets abordant de près ou de loin le sexe, je joue franc jeu, en me disant que c'est peut-être la seule fois où un adulte leur explique franchement, en quasi tête-à-tête, deux ou trois réalités.) — Possible, mais ça m'étonnerait. Il a dit quelque part dans les Evangiles que si on ne pouvait s'empêcher de faire l'amour il fallait se marier, mais que sinon il valait mieux vivre en eunuque volontaire. Et comme j'imagine que Jésus suivait les conseils qu'Il donnait… Vous savez ce que c'est qu'un eunuque? (Non.) Et un castrat? (Oui, vaguement, par rapport à la musique). — Et un bœuf? (silence autour de la table.) — Vous connaissez la différence entre un bœuf et un taureau? (Silence. Non, ils ne savent pas. Douze ans. Une de ces questions qui n'existent pas, que personne ne songe à poser. Mais je suis tout de même surprise. Je me lance dans une digression sur l'agriculture, en espérant qu'ils n'iront pas trop raconter ce que je fais durant les cours de catéchisme.))

J'aime bien la réaction des enfants, si généreux et si stricts, si moraux, en même temps. (Question: «qu'auriez-vous fait à la place du père du fils prodigue, lui auriez-vous donné sa part d'héritage?» Sondage autour de la table: la réponse unanime est non. J'ai envie de rire, ils argumentent, ils sont si sérieux, si pleins de bon sens. Ils m'impressionnent, déjà si jeunes, ils sont loin de la folie que suppose l'Evangile (mais d'une certaine façon ils ont raison, à l'usage cette folie ne donne pas d'excellents résultats…))

J'aurai animé deux à quatre réunions par an depuis 2000. La dernière a eu lieu aujourd'hui. Je suis un peu triste. J'aimais bien cela, il me semble qu'on leur explique si peu de choses, que le monde leur reste si étranger, qu'il y a tant de choses à partager.

Calme

La plus tranquille des journées depuis une éternité.

Gâteau aux noisettes.

Profession de foi

Je suis ennuyée, ce soir. J'ai peur de recevoir un coup de fil affolé de parents m'accusant d'avoir traumatisé leur enfant. J'ai simplement dit la vérité.
Je me demande comment je peux réussir à raconter cela sans paraître comtesse de Ségur.
Tentative.

Dans notre commune la "dame de catéchisme" a disparu. Ceux qui veulent transmettre ce qu'ils peuvent de foi et de tradition catholique doivent s'en charger eux-mêmes. Cependant, ils ne peuvent le faire en "candidat libre", ils leur faut prêter serment d'allégeance à l'institution. Les parents inscrivent donc leurs enfants au catéchisme, ceux-ci sont regroupés par école, et les parents reçoivent chacun à tour de rôle le groupe dont fait partie leur enfant pour le catéchiser.
Bref, chacun d'entre nous se retrouve deux fois dans l'année à donner une leçon de catéchisme à des enfant entre huit et douze ans.
Des réunions de préparation sont organisées pour les parents; insidieusement l'Eglise en profite pour re-catéchiser qui elle peut. Certains parents sont effrayés par cette tâche, je dois avouer que je l'aime bien. Il faut dire que j'ai la chance d'avoir une formation plus poussée que la plupart, ayant fréquenté l'aumônerie après le bac, et puis j'aime ce contact avec les enfants qui mettent les pieds dans le plat sans s'embarrasser des convenances. (Ma plus grosse trouille, c'est qu'ils me demandent pourquoi la maison n'est pas remplie de SDF: oui, pourquoi? (j'avais déjà envie de la poser à mes parents quand j'avais sept ans: n'étions-nous pas censés avoir un pauvre à table et prêter nos vêtements ? Ce n'est que bien plus tard, en lisant L'Œuvre au noir, que j'ai réalisé que tout vendre et tout laisser, c'était (peut-être) davantage vivre en parasite qu'en saint homme. Et pourtant Saint François ? Saint Bernard, pourquoi eux ? Oui mais… Enfin bref. (Les ordre mendiants ont toujours été encadrés étroitement par l'Eglise, y compris récemment, voir les tribulations de Mère Teresa pour faire reconnaître l'ordre qu'elle voulait fonder.))
Ma deuxième chance, c'est que les enfants de "mon" groupe sont attentifs et curieux.

Ce matin, nous devons lire et commenter deux miracles : la guérison d'un lépreux et la résurection du fils d'une veuve (pas de chance, je préfère les paraboles).

L'un des enfants qui l'année dernière suivait cela avec intérêt soupire, regarde ailleurs.
— Ça ne va pas, Paul?
— De toute façon, tout ça, ce sont des légendes. J'ai mon meilleur ami, son cousin est mort à une semaine, Dieu n'a pas pu vouloir ça. Donc tout ça, c'est juste des histoires.

Bien. J'ai toujours touvé incroyables les gens qui essaient de rendre la mort supportable. La mort est insupportable. Mais est-ce que je me lance dans la démonstration du miracle comme négation par Dieu des règles que lui-même a mises en place? Ils ont onze ans.
Allons-y pour mon seul "credo", leur dire ce que je crois, leur dire la vérité, la mienne en tout cas.


— Nous allons tous mourir. C'est incompréhensible, on ne comprend pas bien pourquoi on naît si c'est pour mourir, mais c'est une chose certaine, nous allons tous mourir. Et c'est terrible quand ce sont des gens plus âgés que nous (je ne sais pas si vous avez perdu des grands-mères, j'aimais beaucoup la mienne), mais quand ils ont le même âge que nous ou qu'ils sont plus jeunes, ça paraît encore plus incompréhensible. Et on ne s'habitue jamais, et à chaque mort la question est la même: « Pourquoi ? » Comment leur dire cette douleur des adultes? Et pourquoi la leur cacher?

Autour de la table ils se taisent. Ils sont cinq. Paul a toujours son air de défi.
— Et le pire, c'est de perdre un enfant. Il n'y a rien de pire.
Jordan intervient:
— Mais si Jésus a ressuscité le fils de la veuve, c'est qu'il était bon…
Continuons mon entreprise de destruction:
— Non. Il l'a ressuscité parce qu'Il a eu pitié. Les gens étaient autour de lui, ils Lui faisaient confiance, ils croyaient qu'Il pouvait les aider. Il a eu pitié. Si vous lisez les Evangiles (je n'y crois pas beaucoup… (qu'ils vont lire, je veux dire)), vous verrez que cela arrive souvent : Jésus est en train d'enseigner, de raconter des paraboles, les gens arrivent autour de Lui et Le supplie, et Il n'a pas le courage de dire non. L'Evangile le dit souvent "Il eut pitié d'eux". Mais Il n'est pas là d'abord pour ça, Il n'est pas là pour faire des miracles.
Et pour répondre à Paul, il y a encore des miracles. Pas beaucoup, mais quelques-uns. Plus exactement des guérisons inexpliquées, à Lourdes, par exemple. Mais l'Eglise a tellement peur de se faire accuser de charlatanisme qu'Elle mène des enquêtes pour prouver que ce n'est pas vrai, pour trouver des explications aux guérisons (Têtes des enfants.) Mais de temps en temps, on ne trouve rien: donc c'est un miracle.

Je les regarde, je souris, reviens à leurs préoccupations (et puis, je me souviens si bien… Tout ce que je croyais au premier degré, tout ce qui n'a jamais marché…):
— Mais inutile de prier pour avoir une bonne note si vous n'avez pas travaillé, ça ne marchera pas !
Jérémy, avec son sourire craquant : — Pourquoi ?
— Parce que c'est comme ça. Il y a une règle, c'est qu'il faut commencer soi-même: «Aide-toi et le Ciel t'aidera». Et je peux t'assurer que c'est vrai: on commence et il se passe des choses, les choses changent…
— Et donc, Paul, ce bébé est mort, et je peux vous assurer qu'il n'y avait pas de raison particulière. C'est juste tombé sur lui. Cela arrive aussi dans les Evangiles, je ne les connais pas assez pour vous donner la page, mais cela arrive: un jour une tour s'écroule sur des gens et les tue, les gens autour de Jésus lui annoncent la nouvelle, un peu affolés, et il y en a un qui dit « Ils devaient avoir beaucoup péché pour mourir ainsi », et Jésus répond : « Non, veillez car vous ne savez ni le jour ni l'heure. » Il n'y a pas de raison particulière. Et très souvent ce n'est pas très juste à notre idée. Par exemple l'ouvrier de la onzième heure… C'est l'histoire du propriétaire d'une vigne qui emploie des gens pour faire les vendanges. A la fin de la journée, il décide de donner le même salaire aux gens qui sont arrivés tôt le matin et à ceux qui sont arrivés dans l'après-midi..
Tous les enfants, révoltés : — Mais c'est pas juste !
Je souris : — Non, à notre idée, ce n'est pas juste. Mais pourquoi ? Après tout, on ne prend pas sur la part de ceux du matin pour donner à ceux du soir. Ils ne sont pas volés. Pourquoi est-ce que ça les fâche? Ils pourraient être contents de voir que ceux qui ont finalement décidé de venir reçoivent la même chose, ils pourraient se réjouir… Après tout on ne sait pas pourquoi les autres ne sont pas venus plus tôt…
Les enfants n'ont pas l'air convaincu.
— Pourquoi est-ce que cette idée nous déplaît ? Pourquoi ça paraît injuste ? C'est parce que je réfléchis, j'essaie de comprendre ce que je sens parce qu'on aimerait des compliments. On aimerait qu'on nous dise que c'est bien, on aimerait qu'on nous dise qu'on a fait mieux que notre voisin. Mais Jésus ne fait jamais ce genre de compliment. Et quand Pierre veut essayer de lui faire dire que lui, Pierre, aura une bonne place au Paradis, Jésus répond que les premiers seront les derniers. Il n'est pas très encourageant. C'est même un peu méchant de si peu encourager Pierre. Mais cela veut dire que nous ne devons pas travailler pour une récompense, mais juste pour sentir en nous, en dedans de nous, que ce qu'on est en train de faire est bien. C'est d'ailleurs bizarre… Là je passe carrément à Simone Weil, je ne devrais pas… mais pourquoi est-ce qu'on ne fait pas ce qu'on sent qui est bien, et ce qui fait qu'on se sent bien, et qu'on préfère les plaisirs rapides qui font moins plaisir ?
Ils sont paumés. Je reformule :
Pourquoi est-ce que vous préférez jouer à la Gameboy plutôt qu'aider votre mère à faire la vaisselle? Vous savez bien que vous vous sentiriez mieux si vous aidiez votre mère? Je n'ose pas dire la phrase suivante: «Pourquoi vous ne préférez pas vous sentir la conscience tranquille.» Tout cela devient vraiment trop pontifiant. Je me tourne vers Jérémy :
— Tu ne crois pas que ça ferait plaisir à ta mère, que tu l'aides ?
Il a l'air surpris, comme s'il n'y avait jamais pensé.
— Tu fais une drôle de tête. Tu n'y avais jamais pensé? Tu penses vraiment que ta mère aime faire la vaisselle, qu'elle est faite pour ça, qu'elle n'a pas envie de faire autre chose, elle aussi ?
Il me regarde avec embarras. Les autres rient. Olivier surtout, qui sait bien que je passerais bien autant de temps que lui sur l'ordinateur. Visiblement Jérémy vient de découvrir quelque chose: sa mère n'était pas née pour faire la vaisselle. j'aurais au moins servi à ça.

Mais s'ils racontent à leurs parents ce que j'ai dit, j'ai peur que ceux-ci ne soient pas très contents.

Semaine 21

  • Lundi 19 mai 2008
Paul Rivière m'a invité à l'Ambassade d'Irlande pour la parution d'un livre sur John Law publié par un neveu. Puis dîner avec Claude X (de la BNF) et Paul.
On me recommandre chaleureusement l'exposition Marie-Antoinette, apparemment très émouvante. J'apprends que le roi et la reine portaient le deuil de leur fils aîné quand éclata la Révolution.
  • Mardi
Impeccable: désormais les enfants préparent le dîner. H. est déjà parti quand je rentre à 20 heures; je repars une demi-heure plus tard après avoir avalé deux Knacki Herta (l'inventeur de la Knaki est un bienfaiteur de l'humanité).
  • Mercredi
Repas "littéraire" (réunion d'anciens élèves de tous âges pour un book-crossing autour d'un thème. Inévitable ce soir-là: 1968. J'en ai profité pour lire les deux Arendt publiés cette année-là en France, ''La crise de la culture'' et ''Vies politiques'', titres qui m'ont paru particulièrement révélateurs de l'atmosphère de l'époque (étant entendu qu'un livre paru en 1968 date d'avant 1968)).
  • Jeudi
«L'impressionnisme est le mouvement le plus connu en France à cause des boîtes de chocolat. Il faudrait faire campagne pour qu'on mette Jasper Jones sur les couvercles de boîtes de chocolat; les Français découvriraient enfin l'art contemporain. (Picasso, ça va un peu mieux depuis la Xsara Picasso).»
  • Vendredi
Librairie or not librairie? (fonds de commerce à acheter dans le 5e à deux pas de la Sorbonne) C'est tentant, mais je me demande bien avec quel argent. D'un autre côté, en janvier, mon horoscope me promettait de grands bouleversements cette année. On est déjà fin mai et je ne vois rien venir.
  • Samedi
A défaut de beurrer des sandwiches, j'aurai enfilé des chamallows sur des brochettes (et réussi à en manger deux).
  • Dimanche
J'ai passé le week-end avec cinq blackettes qui m'ont appris un peu de vocabulaire «Comment qu'è t'as r'calée!» (— Ça veut dire quoi, recalé? — Ça vous choque qu'on parle comme ça, Madame? — Pas spécialement tant qu'y a pas de gros mots. J'enrichis mon vocabulaire. Alors, ça veut dire quoi? — Repoussé, elle a voulu l'embrasser, l'autre l'a repoussée. (Je raconte l'anecdote à C. qui traduit (le vocabulaire est très régionalisé): — ah oui, elle lui a mis un vent.)

Dieu est grand, nous sommes passés entre les gouttes.

Jeu de piste

Et tandis que nous discutions du BAFA d'O. (de l'opportunité de faire son stage technique en revenant d'une semaine à Naples pour rentrer la veille de retourner en classe deux mois avant de passer le bac), je leur ai avoué un de mes meilleurs souvenirs d'enfance: durant l'année de catéchisme, nous avions fait un week-end de camping (dormir sous la tente, quelle aventure) avec un jeu de piste dans les dunes qui m'avait émerveillée (boussole, carte, mystère, le Club des Cinq enfin).

Et plus tard dans la grande tente lors de la réunion qui rassemblait les résultats des différentes équipes, j'avais osé poser la question qui me taraudait — et je n'avais pas eu de réponse mais tout le monde avait ri, donc j'en avais déduit que la réponse était sans doute non, mais sans en être tout à fait sûre (j'aurais tellement aimé que ce soit oui):
— Mais c'est vrai que les Martiens ont débarqué?
(et quarante-deux ans plus tard mes enfants ont ri eux aussi.)

Et plus tard, dans un moment de creux, j'étais repartie dans les dunes refaire le parcours du jeu de piste, et plus tard encore, une "grande" m'avait dit, stupéfaite: «Mais tu n'as pas eu peur toute seule?», et je n'avais pas compris: peur de quoi?

Et nous avions fait des déguisements en papier crépon et c'était facile et rien n'était grave et rien ne devait être parfait. Nous étions juste joyeux et heureux.


(Date imaginaire, bien sûr: je l'ai choisi avant ma communion et au printemps, mais peut-être était-ce pendant les vacances de Pâques ou plus tard en juin: comment savoir?)
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