Billets qui ont 'garçon de café' comme mot-clé.

Dernier jour

Les vacances consistent souvent à vivre plus ensemble que d'habitude dans un espace plus petit. Que faire lorsqu'on se réveille plus tôt que la maisonnée, où trouver un endroit pour lire ou écrire sans déranger les endormis?
C'est ainsi que dès le mardi (lundi de Pâques: chiuso) je pris mes quartiers d'aube au café du coin, avec un col roulé et des photocopies d'articles de Broch. H. m'a rejoint deux jours après, ayant constaté que c'était le seul moment et le seul endroit où il pouvait travailler. Je m'entendais suffisemment bien avec le serveur (un sourire éclatant et des yeux magnifiques) pour que le prix des caffé latte soient très fluctuants, tendance baissière. Nous n'avons pas cherché à comprendre.
Je n'ai pas osé aller lui dire au revoir après le dernier spritz (rouge: campari) en terrasse en fin d'après-midi.
Mais nous avons prévenu de notre départ l'épicière que nous dévalisions chaque matin, de crainte qu'elle ne se retrouvât avec un monceau de ''croccante'' et de ''morbido'' sur les bras. (Nous avons mis quelques jours à découvrir qu'il ne fallait pas acheter le pain à 9h30 comme nous le faisions, mais attendre l'arrivée de son mari débarquant de Santa Martha les bras chargés du ravitaillement. Visiblement il n'y a pas de structure de grossiste ou de plateforme à Venise (et le cafetier allait acheter ses bouteilles de lait au fur à mesure à l'épicerie.)
Nous n'avons pas ramené de pot de cinq kilos de Nutella. Dommage. Tant pis.
Nous avons beaucoup observé les moineaux, plus malins que les pigeons, plus vifs, plus légers, s'envolant loin pour picorer leur miette tranquilles sans se la faire voler.
Les chiens semblent avoir remplacer les chats. Les chats m'ont manqué.

Evidemment, à prendre son petit déjeuner à 10h30, on ne met pas toutes les chances de son côté pour visiter les musées qui ferment à 13 heures ou 13 heures 30, ni pour atteindre les îles les plus éloignées en vaporetto avant l'heure de fermeture des églises.

Dernier jour, valises à boucler.
Question: ramenons-nous les passoires à thé achetés sur place? Poids: 50 grammes (on les a pesées). (Réponse: non)
J'en ai profité pour peser mes livres (y compris les trois achetés sur place): 3,4 kg. On est loin des dix kilos annoncés et reprochés au départ.

Dernier jour, derniers achats. Nous apprenons à une barman à faire le diabolo menthe, je prends mon premier spritz de la journée, nous achetons un sac Goldorak (si si, du genre qu'on achète à Londres), nous faisons un tour sur les Zaterre, le ciel, le vent, la lumière, nous étudions l'organisation sans faille d'une institutrice qui envoie une classe entière commander des cornets de glace (et tandis que j'écris les détails qui me reviennent, je pense à la Cantatrice chauve, à l'analyse du "profil Hatier": «paroles banales et conventionnelles»… Cela aurait-il déteint?).
Dernier jour, nous remontons jusqu'au Rialto, voyons la statue du bossu, errons sous la halle du marché aux poissons, j'admire les sculptures des colonnes, toutes sur le thème de la mer. Nous aurons vu les trois plaques réglementant la taille des poissons (place Santa Margherita, quai des Tanneurs).
Dernier jour, dernières glaces, les enfants m'entraînent devant le vendeur de glace figues-noix, car il est selon eux très beau.
Moins que mon barman.
Nous laissons les enfants rentrer à la maison.
Yesss, l'église San Pantalon est ouverte.

Dernier jour, retour à la gare, bien trop chargés. Nous arrivons très tôt: heureusement car l'heure sur les billets est fausse, c'est celle du train en gare de Mestre, pas en gare de Venise.

Attentif

La dame à côté de nous, qui attend son café depuis un moment, fait un signe impatient au garçon pour se rappeler à son souvenir:
— Mais je vous écoute, Madame, je ne suis pas votre mari, moi !




-------------------
Juin 2015 : je précise le contexte : déjeuner au café avec Tlön durant le colloque de patristique au Centre Sèvres.

Hier

J'ai déjeuné d'un sandwich au roastbeef et d'un verre de rouge au comptoir du café à l'angle du boulevard Raspail et de la rue du Cherche-Midi. A une époque, l'un des serveurs de ce café était si beau que je faisais un détour rien que pour venir le regarder. Je suppose que c'était un étudiant, il faisait si peu serveur… Il n'est plus là mais les sandwiches au roastbeef, excellents, sont restés une habitude.

A côté de moi, deux poivrots; pendant que l'un s'absente, l'autre demande laborieusement la note:
— J'ai commandé ce verre, et puis j'ai offert celui-là à Monsieur, alors lui il m'a offert celui-là…
— Donc un blanc et un kir, résume la serveuse.
— Non, j'ai commandé ce verre-là, insiste le poivrot en montrant le premier verre.
La serveuse impavide amène la note comportant le blanc et le kir.
L'autre revient, je les entends discuter, impossible de lire, le jeune homme à ma gauche a des yeux bleus de l'exacte couleur de sa chemise et un pull bleu marine noué sur les épaules, «Quand on est solitaire c'est pour toujours», énonce l'un des poivrots, je ferme mon livre, «Dardanelles… mon grand-père… j'ai fait cuire des hérissons…», le jeune homme allume une pipe, son alliance est en or blanc.


Le soir je fais les soldes, machinalement.
Mon quota de robes sérieuses et de robes à bretelles (pour ce que ça sert cette année) étant épuisé, j'ai pu enfin faire dans l'irresponsable : deux robes cent pour cent viscose coupe nuisette femme enceinte, imprimées l'une comme les robes de Mireille Darc dans Elle boit pas, elle fume pas, mais elle cause, l'autre comme un couvre-lit de ma grand-mère que j'aimais beaucoup et qui a été donné, et une combinaison bustier très douce genre Babygro en plus sexy.

Chic. Je ne vois pas trop quand je vais pouvoir porter ça mais c'est pas grave.
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.