Billets qui ont 'homosexualité' comme mot-clé.

Mardi 23

Quatre Impromptu à midi. Des problèmes d'équilibre (cette compensation du corps à tribord pour une pelle qui plume à babord: m'en déferai-je jamais?) mais une belle sortie. Première fraîcheur d'automne sous un soleil resplendissant.
Il me reste des traces d'oppression dans la poitrine, mais elles sont en train de disparaître — lentement.

Journées de bureau très calmes en ce moment: aucune réponse des administrateurs à mes mails, aucune décision de prise. Je sais déjà que nous allons avoir une fin d'année épouvantable, quand tout sera décidé et urgent — et je ne peux rien y faire, sauf avancer sur le fond (il y a toujours du travail de fond à avancer — heureusement).

Hervé revient de Mulhouse après avoir inauguré le Wifilib (l'équivalent de trois ou quatre lignes ADSL, dans la rue et gratuites, bien mieux que la 3 ou 4G, me dit-il) et me propose d'aller voir "une comédie anglaise", Pride.
Anglaise je veux bien, mais certainement pas une comédie. Le pendant anglais et optimiste de Dallas Buyers Club, une histoire que je n'aurais pas cru possible si elle n'était avérée. Surprenant et émouvant, parfois proche de la caricature ou du cliché, mais la vraie vie concernant ces sujets (grève des mineurs et lutte LGBT) est elle-même caricaturale.
Même si ce n'est pas son sujet principal, ce film montre bien le grain de folie et de joie que les gays sont susceptibles d'apporter au quotidien, joie et gaieté si attirantes quand, sans connaissance de ce milieu-là, on cherche juste à échapper à la grisaille ou à résister au désespoir. Le merveilleux est que cela ne réside qu'en une façon de se comporter et d'envisager la vie, la grisaille de l'existence n'a rien d'ontologique.
Rappel des années Thatcher, du début du sida, mesure du chemin parcouru par les LGBT depuis 1984 — et du chemin restant à parcourir.

Les infos sur France Inter et France Musique

Sur France Inter à six heures et demie durant le petit déjeuner (citation à peu près, de mémoire):
Un homme s'est suicidé dans Notre-Dame pour protester contre le mariage gay. Dans une lettre, il a appelé à d'autres actions inédites et spectaculaires.

Sur France Musique à sept heures en voiture:
L'écrivain Dominique Venner s'est suicidé dans Notre-Dame à 78 ans. Les raisons de son acte ne sont pas très claires mais pour Marine Le Pen il est évident qu'il s'agit d'une opposition au mariage homosexuel.

Je médite trois secondes sur l'information que j'aurais eu en n'écoutant qu'une seule radio (la veille, l'ouragan qui a détruit une ville des Etats-Unis avait occupé le temps d'antenne sur France Inter, tandis que c'était l'actualité internationale (la Syrie) qui prenait cette place sur France Musique. Evidemment, la comparaison n'est pas juste, peut-être qu'à sept heures, heure de plus grande écoute, France Inter fait moins dans l'anecdotique. A vérifier).

L'homophobie libérée

La loi va passer, les enfants de couples homosexuels vont continuer à aller à l'école, de nouveaux enfants de couples homosexuels iront à l'école.

Mais avec "l'homophobie décomplexée" (approuvée par l'Eglise, je commence à sentir la colère monter en moi (jusqu'ici ce n'était que la honte)), ces enfants vont courir des risques de plus en plus grands.
Et quand ils se seront fait agresser, les antis diront que c'est la faute de leurs parents homos, je suppose.

Ce n'est pas possible d'être aussi con.
J'ai plein d'analogies Godwin qui remontent, et c'est pour ne pas faire du Godwin que je me retiens. Mais comme disait Todorov (introduction de Face à l'extrême), les problèmes moraux rencontrés pendant le nazisme étaient les mêmes que ceux de tous les jours. C'est la conséquence des décisions prises qui était radicale, qui menait à la vie ou la mort.
Mais le choix, accueillir ou rejeter, aider ou dénoncer, voir ou fermer les yeux, est le même tous les jours.

Les conséquences de la manif pour tous

Mes beaux-parents sont arrivés trois quart d'heure en retard au restaurant pour fêter les 70 ans de ma belle-mère en famille.


(Tout cela me fait penser à une phrase de Michel Evdokimov lors d'un colloque sur "la réception de Vatican II, cinquante ans après". Parlant du schisme avec l'Eglise orthodoxe, il a dit la voix pleine de regrets: «le schisme a provoqué la rupture du lien de charité. Nous avons commencé par nous détester, puis nous avons justifié cette détestation par des arguments théologiques. Il faut retrouver l'amour.»
Mille ans environ pour arriver à ces paroles. En voyant la "manif pour tous", je ne peux que songer à cela: nous sommes en train de rompre (ou l'Eglise a d'ores et déjà rompu) le lien de charité.

Quelques réflexions

J'ai un peu hésité, mais finalement je vous donne le lien vers mes notes de ces trois jours.

La nature de mon hésitation est de plusieurs ordres. Le premier et le plus bête, au sens de primaire, naïf, spontané, est la peur de transformer ce blog-ci en blog de grenouille de bénitier, ou tout au moins d'en donner l'impression (parler publiquement de foi est un peu mon coming-out, dans la plupart des milieux que je fréquente, y compris ma famille, c'est au mieux une bizarrerie, au pire le signe d'une stupidité avérée (ou encore "une aliénation", selon d'autres)).

Le deuxième est plus compliqué. J'aime ces colloques. J'y rencontre dans un espace restreint une concentration d'intelligence et de savoir comme je n'aurais jamais rêvé qu'il en existât, dans une atmosphère exaltante qui ne respire jamais l'ennui. (C'est en fait bien plus exaltant que les colloques en littérature ou en philosophie: est-ce parce que cela aborde des domaines que j'ignore totalement; est-ce dû à la personnalité des intervenants, qui ne se battent pas pour une chaire universitaire (ou tout au moins pas principalement, puisqu'ils sont pour la plupart prêtres, moines, religieuses); est-ce dû à leur foi, comme je n'ose pas l'écrire; ou encore parce que par nature de nombreux domaines sont touchés en un seul mouvement, histoire, linguistique, philosophie, théologie?)
Et la question qui insiste discrètement au fond de mon crâne, c'est: mais quel rapport entre toute cette intelligence, toute cette recherche, et la foi? Ne s'agit-il pas de purs exercices, dans un but épicurien ("se faire plaisir") ou défensif (prouver aux non-croyants qu'un croyant n'est pas juste un imbécile qui a abandonné tout sens critique)?

La dernière question qui me taraude est: comment font-ils? Comment font-ils, de nombreux d'entre eux, pour planer ainsi et retourner le lendemain en paroisse? Comment font-ils, mais je connais la réponse, ils sont entrés dans les ordres pour servir, c'est une affaire d'humilité. Mais tout de même…
Et dans la même question, parce que ce n'est pas une question différente pour moi, car elle touche à la personnalité de ces personnes: sont-ce vraiment les mêmes, les mêmes catholiques, qui vont défiler contre les homosexuels? Comment est-ce possible, après avoir été immergés dans les Evangiles comme ils le sont?

(Je dis bien contre les homosexuels, et non contre le mariage homo. Au début je pensais que les homos étaient un peu parano, que ce n'était pas contre eux que les gens défilaient, mais simplement parce qu'ils pensaient que la reproduction étant sexuée, il était logique que les couples qui se marient soient hétéro (et il me semble possible de penser cela sans être homophobe). Mais plus le temps passe, plus je lis des réactions (le troll chez Matoo (c'est important, parce que concernant les autres témoignages, il est toujours possible de se dire que les journalistes les ont choisis: là, il s'agit d'un troll "naturel", venu de lui-même), et plus il faut se rendre à l'évidence, il s'agit bien d'homophobie. Et je vois revenir l'assocoiation homosexualité/pédophilie qui m'effare, me navre et me met en rage. A ce compte-là, nous ne devrions jamais confier nos filles à des professeurs masculins.)

Lundi bizarre

Journée vraiment bizarre, entre chaud et froid, entre assurés mécontents ou ravis, entre notes bonne ou médiocre, entre bonne et mauvaise nouvelles.

J'ai l'impression que je me suis grillée auprès de mes camarades de la catho à expliquer qu'il était hors de question que j'aille défiler contre le mariage homo, que je n'étais pas d'accord avec eux (« Comment, tu ne crois pas que c'est important, un père et une mère, pour un enfant ? » (Evidemment, j'ai répondu en exagérant mes positions, en faisant de la provocation, c'est plus fort que moi. En réalité, je ne sais pas ce qui est important pour un enfant (à part de l'attention, mais en donne-t-on jamais assez ? Ou trop ? Le dit-on trop, ou pas assez ?). Tout me paraît foirer, quels que soient les efforts qu'on y met. Mais je dois être découragée. En tout cas, ne comptez pas sur moi pour venir brandir mon couple (marié à l'église) avec enfants (baptisés) comme exemple à la face du monde. J'ai trop conscience de tous ses dysfonctionnements. Mais ce doit être constitutif de toute œuvre humaine. (Le même soir, à propos de la Bible : « Vous ne trouverez pas un héros sans défaut dans la Bible. Tous ont quelque chose à se reprocher. » Dans un sens c'est rassurant. Eloge de l'imperfection, combat avec l'ange. Boîter.)))

Le soir, C. qui avait disparu depuis quatre jours (un peu à la manière des chats qui partent traîner) réapparaît. Il partirait —peut-être— en Islande. L'anglais du mail est bien trop chantourné pour permettre une certitude, sauf une: ce ne sont pas des Américains qui écrivent ainsi. (Comment ne pas être compris à force d'être poli.)

Ce qui me fait penser que j'ai vu la professeur de français de O., qui m'a appris un défaut que j'étais loin de soupçonner: O. écrit chantourné, justement. « Il faudrait qu'il se dise qu'on écrit pour être compris. » Et je me dis que O., le diplomate de la famille qui a appris à naviguer à vue dans le champ miné que constitue n'importe quel repas chez nous (trop de taquineries (mais de belles parties de rire quand ça ne tourne pas au drame)) ne doit plus savoir appeler un chat un chat.

Mariage gay

H. a licencié un collaborateur. Motif officiel: refus d'obéir aux ordres.
Motif détaillé qui ne sera pas exposé davantage à moins que cela ne soit nécessaire (inspection du travail, prud'hommes, etc): refus de travailler aux adaptations nécessaires d'un logiciel suite à la possibilité de se marier pour les homosexuels. Ses convictions religieuses le lui interdisent, argue le collaborateur.

Personne ne me demande mon avis, mais je vais quand même le donner (c'est un peu le principe du blog).
Tout sonne faux dans ce que je pense, parce que mes convictions sont réactionnaires et mes conclusions progressistes. Entre les deux interviennent mes amis, mes connaissances, des cas particuliers qui font que je suis prête à reculer sur tous les fronts.

Je suis bien embarrassée, je trouve cette histoire de mariage stupide, parce que rien à faire, le mariage reste pour moi un instrument historique d'oppression [1] et je trouve étrange de le désirer.
D'un autre côté je sais que Matoo en rêve défend l'idée pour des raisons d'égalité de droits, et l'idée de voir Matoo et Colin en smoking blanc comme le Capitaine et le Lapin (non, ils ne sont pas en smoking blanc, j'ai fantasmé ou confondu) en train de se jurer fidélité et assistance (et c'est peut-être le tout du mariage: assistance, plus encore que fidélité: vieillir ensemble, le plus difficile, le plus important, ce qui fait que tout cela est une aventure et non pas un encroûtement) me réjouit et je ne vois pas très bien au nom de quoi le leur refuser.

Mariage

Il faut bien entendu distinguer mariage civil du mariage religieux.

Concernant le mariage civil, j'entends certains dire que le PACS existe. Certes, mais il est faux de croire que cela donne les mêmes droits que le mariage. Je ne vais pas faire la liste des différences juridiques parce que je ne les connais pas, mais rien n'empêche une entreprise privée de faire une différence entre ses clients mariés ou pacsés ou en union libre.
Je peux citer mon propre métier. Je travaille dans une mutuelle de santé qui intervient en surcomplémentaire pour les salariés de sept filiales du groupe, la complémentaire étant assurée par le régime de branche. J'ai eu la surprise d'apprendre que cette complémentaire, qui couvre tous les salariés des sociétés d'assurance, n'accorde aucun droit aux Pacsés. Seul le conjoint marié[2] est reconnu et remboursé de la même manière que le salarié cotisant.
D'autres citeront des circonstances douloureuses, par exemple les conjoints homosexuels ne pouvant accéder au lit de leur ami hospitalisé au motif «qu'ils ne font pas partie de la famille». (J'espère que cela a tendu à disparaître avec l'expérience du sida.)
Etc, etc. Si le mariage est une façon élégante et rapide de résoudre d'un coup tous ces dysfonctionnements, allons-y. Je songe qu'il sera accompagné de son cortège de tristesses, divorces et désillusions, mais peut-être est-ce inévitable.

Concernant le mariage religieux, je ne peux parler que du mariage catholique. (Les protestants s'y opposent moins, car chez les réformés le mariage n'est pas un sacrement. Les autres religions je ne sais pas.)
L'Eglise est contre et je ne le discute pas. J'accepte sans discuter, comme j'accepte que les femmes ne puissent pas administrer les sacrements ou devenir jésuites, que les divorcés soient excommuniés, etc, etc. (Finalement être catholique, c'est souvent s'entendre dire non, et c'est sans doute structurant aussi.) Accepter ou ne pas se dire catholique, puisque c'est justement cette acceptation qui définit une appartenance (ce qui ne veut pas dire qu'une fois le porte-parole de l'Eglise ou de l'évêque rentré dans ses appartements, la discussion ne reprend pas et que le travail d'articulation autour du mot "amour" ne bat pas son plein).
Ce qui me fait sourire, c'est que l'Eglise se retrouve face à son ambiguïté en ce qui concerne le mariage: ce qu'elle veut régir en réalité, c'est qui s'unit à qui[3] et combien de petits catholiques (le plus possible) sortiront de cette union — un enjeu de pouvoir, en somme; mais ce dont elle nous parle désormais quand il s'agit de mariage, c'est d'amour, le mariage comme sacrement étant censé représenter l'union de l'Eglise et du Christ: quand deux personnes viennent lui dire qu'elles veulent se marier devant le Christ parce qu'elles s'aiment, au nom de quoi peut-elle le leur refuser?

Un prêtre rencontré lors d'un colloque fin octobre à qui je faisais remarquer qu'il s'agissait de mariage civil et que l'Eglise n'était pas concernée m'a répondu:
— Mais quand ils auront le mariage civil, ils voudront le mariage religieux!
— Et alors?
— Et alors ils mettent en danger la famille!
— Ah non, ma famille n'est pas du tout mise en danger par le mariage homo.

(Cette idée m'a parue extravagante, et en y réfléchissant je me suis dit que c'était plutôt le contraire. Enfin non, il ne s'agit ni du contraire ni du mariage, mais la fréquentation d'homos, seuls ou en couple, enrichit ma famille et lui permet de faire cette expérience fondamentale: on ne peut rien dire, rien savoir d'une personne avant de la rencontrer et de se faire sa propre opinion, qui ne dépend ni du sexe, de la couleur, de la religion, de l'âge, de la préférence sexuelle, mais de "parce que c'était lui, parce que c'était moi".)

Tout cela pourrait faire croire que je suis pour le mariage religieux gay. Mais non, pas vraiment. En réalité, j'ai une vraie difficulté à réfléchir au mariage. Je trouve qu'il n'a aucun sens si le divorce est autorisé. En fait je ne suis pas sûre d'être favorable au mariage hétérosexuel non plus. Si, mais avec réserve. Je demande des quotas. Les mariés se rendent-ils comptent de la galère (sens premier, bateau avec des rames) dans laquelle ils embarquent? N'y allez pas, vous êtes fous!

Adoption

Là, c'est beaucoup plus simple: c'est oui. J'ai exactement la même position pour les couples homosexuels que pour les couples hétérosexuels (oui, je parle de couple. Adopter un enfant quand on est célibataire (à moins de situations très particulières qui régularisent des situations anciennes, des situations de fait) me paraît une mauvaise idée. C'est dur, on a besoin d'être deux, ne serait-ce que pour confronter ses réactions ou ses opinions. Répondre à «Et maintenant, que faire?» est plus facile à deux.)

J'avais été frappée par la phrase: «Adopter, c'est donner des parents à un enfant, pas un enfant à des parents».

Oui à l'adoption d'enfants nés ou déjà conçus, non à la procréation assistée. A quoi bon mettre au monde des enfants supplémentaires? Pour avoir le sien, le vôtre? Mais cela est la plus grande tromperie, la plus grande illusion. Ce ne sera jamais le vôtre, il sera toujours lui, il vous échappera toujours. A tous ceux qui s'imaginent "leur" enfant comme un prolongement d'eux-mêmes, je demanderai s'ils ont l'impression d'être le prolongement de leurs propres parents.
(Et puis ce sujet-là fait ressortir mon côté féministe: la PMA, c'est se servir du corps des femmes pour faire de la recherche, avec leur consentement plus ou moins inconsciemment contraint (quand on vous demande au moment du prélèvement d'ovules, alors que vous êtes déjà sur la table d'opération: «Ça ne vous dérange pas qu'on en prélève un peu plus pour des couples stériles?», que voulez-vous répondre? Et que dire des femmes stimulées hormonalement alors que c'est l'homme qui est stérile ou hypofertile? (Combien de cancers chez ces femmes-là?) Et quel est le statut des embryons congelés? (un sacré casse-tête juridique, mais je ne peux que frissonner en imaginant des embryons issus de moi être utilisés pour des expériences scientifiques.))

Mais bien entendu, une fois encore, l'amitié me fait taire: comment ne pas être heureuse pour Rémi et sa fille Julie née en septembre?

Notes

[1] Pourquoi s'être mariée alors? Question très compliquée, mais certainement pas pour des raisons sentimentales ou symboliques. La réponse contenant le plus d'exactitude serait "pour quelque chose de l'ordre du pari de Pascal". Mais laissons mes névroses de côté et poursuivons.

[2] Vous aurez compris que ce masculin ne fait qu'appliquer la grammaire française et couvre les deux genres du genre humain.

[3] J'ai trouvé ce terme moins violent que "qui baise avec qui", mais c'est bien de ça qu'il s'agit.

Des nouvelles du front

J'ai (enfin) IE 8 au bureau, ce qui me permet de consulter et mettre à jour Google agenda (quel progrès).

Je repère quelques collègues: celle qui lit Le portrait de Dorian Gray en anglais, celui qui tient un livre Gallimard poésie (Jacottet) tandis qu'il discute dans le couloir (à croire que c'est son interlocuteur qui vient de lui passer, mais je n'ai pas eu le temps d'observer la scène), celui qui a la réputation d'être un puriste et ne supporte pas les anglicismes (week-end, interview...)

Je suis confrontée à l'homophobie ordinaire, celle des discussions de collègues. Quand je sens que c'est parti pour me déplaire (me faire de la peine), je proclame au milieu de la conversation «j'ai beaucoup d'amis homos, je les aime beaucoup», mais c'est surtout pour ne pas écouter la série de clichés que je sens poindre. Les homosexuels ont l'air de beaucoup choquer ma jeune collègue (condamnation morale), ce qui me surprend autant que du sexisme chez un jeune collègue: rien à faire, dans mon bisounoursisme, j'imagine toujours que ces attitudes sont celles des générations précédentes, qu'elles n'existent pas, n'ont jamais existé, chez les plus jeunes que moi.

Ça n'a rien à voir, je m'en rends compte régulièrement, mais mon préjugé (mon espoir) a la vie dure.

Douleur à rendre sourde

Hier, j'ai vu une lesbienne arc-boutée dans sa défense des femmes tenir un discours autiste: semblant tellement traumatisée que plus aucun dialogue n'était possible, interprétant tout au pire, ne recevant aucune parole, ni d'explication, ni d'apaisement. Ecorchée vive quasi au sens propre, impossibilité de tenir dans le temps et l'espace, hurlant de douleur au moindre effleurement.


Féminisme :
1er sens : visée légale, juridique. Obtenir dans les textes l'égalité des droits et des devoirs. Obtenir une protection qui contrebalance les tendances "naturelles" (historiques) de la société.
Deux dangers : aller trop loin dans cette protection et inverser l'inégalité (cela n'arrive pas bien souvent, mais la garde des enfants fait partie de cette catégorie. Encore faudrait-il être certain que la garde des enfants soient un "avantage" et non un handicap); oublier tout ce que nos aïeules ont gagné, n'éprouver envers elle qu'un peu de mépris en soulignant leurs "outrances", arrêter d'être sur ses gardes.

2e sens : visée sociale. Changer les mentalités. Beaucoup plus long, plus difficile. Ici les femmes doivent se prendre en main. A elles de ne pas accepter certains comportements, à elles aussi de s'interdire d'utiliser charmes ou pleurnicheries pour obtenir certains avantages. A elles de se faire respecter, de mériter le respect.

3e sens : la défense des droits de l'Homme1 (et c'est à ce moment-là que notre lesbienne ci-dessus explose: non, défendre les femmes n'est pas défendre l'Homme. Eh bien à mon sens, si). Contre les hommes violents, contre la prostitution brutale, contre le mépris : violence faite aux femmes certes, mais faites à l'humanité. Et c'est une erreur d'en rendre tous les hommes responsables, sans s'appuyer sur ceux que la situation indigne autant que "nous".

(Et la lesbienne quitta la salle quand fut soulevée la question épineuse de savoir s'il fallait ranger les pédés dans le camp des "gentils" (les homos) ou celui des hommes (les "méchants"). Ahuris, nous restions muets sans comprendre comment la discussion avait pu déraper si vite, dans un lieu pourtant privilégié, le centre LGBT.)



Note
1 : qui n'est jamais qu'une section du 1er. J'isole cette partie parce que je cherche à comprendre ce qui rend folle de douleur et de colère la femme rencontrée hier

Deux filles, trois ou quatre possibilités

J'assiste à la conversation:

« — Elle est blonde, toute mimi, très féminine. C'est une lesbienne, elle vit avec un trans...
— Un trans... dans quel sens? homme vers femme ou femme vers homme? Â»

Et les quelques secondes qu'il me faut pour comprendre ce qui vient d'être dit me font prendre conscience que décidément, ce monde m'échappe un peu.

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