Billets qui ont 'identité' comme mot-clé.

Chez le coiffeur

— Vos cheveux tombent en ce moment ?
— Oui, mais pas en ce moment: depuis treize ans.
— Treize ans? Ça va, il en reste.
— Oui, ils poussent vite. Huit milimètres en trois semaines, ça se voit bien avec les cheveux blancs.

C'est à ce moment-là que je me suis dit que mes cheveux aimaient vivre vite.


*****


Panoramique du dernier étage assise à mon bureau dans l'après-midi finissant.

Marseille

Rendez-vous au club, petit déjeuner. JP m'a apporté la casquette longtemps désirée.

Château d'If, îles du Frioul, baie des singes. Temps idéal, soleil et brise pour la fraîcheur. Cours de rame contre la vague, "en mer le chemin le plus rapide n'est pas le plus court".
Déjeuner au club du Prado. Un tour dans le vieux port, pour le plaisir. Sortie de vingt-huit kilomètres au total.

Pastis avec JP, papotages et ragotages. J'apprends avec stupéfaction que mes compagnes du Jura ont plutôt quarante-cinq ans que trente à trente-cinq ans; avec leurs airs de midinettes dragueuses je n'y aurais jamais cru.
— Oui, elles cherchent le mec.
— Ça j'avais compris! Mais pourquoi elles ne le trouvent pas? B, par exemple, elle est jolie, sympa, intelligente: pourquoi elle ne trouve pas? (Je n'ajoute pas que j'aurais plutôt imaginé les mecs se battre pour elle qu'elle soit obligée de draguer… Mais connaître leur âge change l'angle de vue. Je passe de l'impression "je suis hors jeu, normal elles sont jeunes" à l'impression "elles en sont encore là? les pauvres" (bonjour les préjugés!! je suis nulle. Mais bon.))
— Elle est trop exigeante. Les filles cherchent le mec parfait.
Bon. Peut-être. C'est toujours la même chose, personne ne sait jamais exactement de quoi il est en train de parler: de passer une vie ou quelques semaines avec quelqu'un? Mais le sait-on jamais à l'avance?

Et je pense aux réflexions de Paula Becker sur le mariage à transposer à la vie en couple aujourd'hui:
«[…] L'expérience m'a enseigné que le mariage ne rend pas heureuse. Il ôte l'illusion d'une âme sœur, croyance qui occupait jusque-là tout l'espace. Dans le mariage, le sentiment d'incompréhension redouble. Car toute la vie antérieure au mariage était une recherche de cet espace de compréhension. Est-ce que ce n'est pas mieux ainsi, sans cette illusion, face à face avec une seule grande et solitaire vérité? J'écris ceci dans mon carnet de dépenses, le dimanche de Pâques 1902, assise dans ma cuisine à préparer un roti de veau.»

Marie Darrieussecq, Vivre ici est une splendeur, p.72, P.O.L 2016
JP est l'organisateur de la randonnée. Il adore ça. Il m'explique comment il garantit le bon fonctionnement du groupe, la façon dont il exclut quelques personnes, la façon dont il constitue les équipages. Il se lance: «Toi par exemple, je ne te mets pas avec n'importe qui, tu t'énerves vite. Tu es très à l'écoute, mais tu es trop soupe au lait.»
Hmm. Rien que je ne sache déjà, mais je lui suis reconnaissante d'avoir le courage de le dire ainsi, et je suis embarrassée d'être source de problèmes.

Une heure de sieste. Soirée au club. E. me conseille Giono plutôt que Pagnol sur Marseille. Ce qui me frappe, c'est combien les gens d'ici aiment leur ville et sont désolés de l'image qu'en donnent les médias.

Détends-toi

Un certain Emmanuel proposait des cours de perfectionnement en skiff. J'avais reçu les mails sans oser m'inscrire, peur de me retrouver seule de mon âge avec des rameurs de quatorze ans (ça m'embarrasse, je n'y peux rien. J'ai peur de gêner.)

Finalement je me suis lancée: je quitte le bureau à La Défense à quatre heures et quart pour aller à Melun.
Temps magnifique, nous sommes quatre, les autres ont entre quinze et vingt ans. Emmanuel a les yeux très clairs, si étonnants que j'évite de le regarder de peur de me mettre à les observer.

Il semble surpris par mon coup de rame:
— Tu n'as pas fait de skiff depuis quand?
— Un an.
— C'est pas mal.

Plus tard:
— Tu connais la différence entre des bras tendus et des bras allongés?
— Euh… (je ne lui dis pas qu'il me rappelle Jean-Louis qui m'avait demandé la différence entre du steack haché et de la viande hachée.)
— Eh bien, il faut allonger les bras, toi, tu les tends. Ils ne doivent jamais être tendus, sauf au moment de la prise d'eau, et encore, ce n'est qu'une conséquence de la force qui s'exerce sur les pelles. (Il rit:) Détends-toi! J'étais en train de penser à tout ce que tu pouvais améliorer, mais en fait, c'est tout simple, détends-toi!


Et j'observe en moi-même avec philosophie et amusement qu'au moins c'est cohérent: aviron, rock, équitation, et même études, langues étrangères à l'oral, toujours le même diagnostic: détends-toi!

Et me connaissant, je m'imagine parfaitement concentrée, les dents serrées, en train de m'appliquer à me détendre…

Auto-analyse face au récit

Gone girl me fait comprendre quelque chose sur moi-même, sur "mon genre": les histoires (les récits, diégèses, choisissez le mot en fonction de vous-même) dont les héros font leur propre malheur me laissent indifférente (exemple: Madame Bovary). (L'écriture, l'écriture!! oui, mais l'écriture est en quelque sorte un pré-requis, "c'est normal", si c'est mal écrit je ne lis pas, donc ce n'est pas un argument décisif pour pousser à l'enthousiasme.)

M'intéresse la réaction du héros face au destin, plus prosaïquement aux tuiles qui lui tombent sur la tête, sa façon de naviguer à vue parmi les embûches de la vie (résoudre les problèmes, survivre, ma grande passion (pas très romantique, désolée (mais pourquoi le romantisme a-t-il tant la cote?))).

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Pour revenir à Gone Girl (attention, ne pas lire la suite si vous avez l'intention d'aller voir le film, ce serait vraiment dommage d'avoir un aperçu de la fin ailleurs que devant l'écran), il souffre à mon avis de deux défauts de construction (ce qui ne l'empêche pas de présenter un suspense haletant porté en particulier par une actrice excellente):

Il m'embarrasse un peu d'exprimer le premier, car j'en tiens pour "la suspension d'incrédulité", et donc je n'avance qu'avec prudence le reproche de manque de rigueur. Mais alors que la première moitié ou les deux tiers du film sont construits mathématiquement, implacablement, un peu à la façon de L'Invraissemblable Vérité ou Le Crime était presque parfait, la fin nous montre un incompréhensible relâchement des enquêteurs: quid du voisin qui appelle Nick au début du film (s'il a appelé parce que le chat était dehors, détail infime, n'aurait-il pas remarqué la voiture d'un kidnappeur, détail autrement intrigant?), quid de l'emploi du temps du kidnappeur, n'était-il pas au bureau à l'heure du crime? Et surtout, quid de la phrase d'Amy (de mémoire, très à peu près): «j'ai besoin de trois choses: que tu confirmes les achats par carte bleue, que tu dises que tu t'es servi du bûcher pour stocker les affaires et… (j'ai oublié)»: si Nick avait réellement l'intention de trouver une faille, ne se serait-il pas emparé de cet aveu de faiblesse, de cette liste de points faibles, pour les étudier ou les rapporter à l'inspecteur?

Ce qui m'amène au deuxième défaut, à mon avis plus gênant: si l'on considère (hypothèse) que Nick reséduit Amy en lui déclarant "je t'aime" via les écrans de télévision, si l'on considère que l'idéal d'Amy est un homme qui lui ment (après son retour, dans leur maison, elle lui déclare qu'elle aime ce qu'il est redevenu pendant sa disparition, c'est-à-dire menteur, ou plutôt homme mettant sa vie en scène à la façon d'une pièce de théâtre, véritable pièce du fait de la présence des caméras donc de spectateurs), alors ce "re"-devenu implique qu'il lui a (beaucoup?) menti en début au début de leur relation, qu'il s'est beaucoup mis en scène derrière sa déclaration "no bullshit", deux doigts sur le menton.
Or cela, on ne le voit pas. La seule image du début de leur relation vient du journal d'Amy, et elle décrit un début idyllique, sans que nous sachions si c'est une construction à l'intention des lecteurs du journal (et à ce moment-là, à l'intention des candides spectateurs du film). Comment était le Nick du début de leur relation, qu'en a-t-elle pensé, s'est-il mis en scène et le savait-elle? Amy est-elle juste folle à lier, psychopathe, comme semblent le montrer ses aventures précédentes, ou a-t-elle souffert de la décomposition d'un homme qui en redevenant vrai (retour au pays et à la mère) la décevait profondément, elle qui ne vivait que par le mensonge et la mise en scène de sa vie depuis l'enfance (Amazing Amy)?
Peut-on considérer qu'alors qu'elle avait pour but de punir son mari, elle s'aperçoit avec surprise au cours du processus qu'elle a réussi à le rendre de nouveau conforme à ce qu'elle aimait en lui? Une Pygmalion monstrueuse ayant pour but de modeler une statue à son image? («C'est ce que fait le mariage» : créer des monstres? ou low key plus simplement donner naissance à des acteurs?)
(Si l'on voulait une morale positive excessivement tirée par les cheveux vu la tonalité du film, ce serait «le mariage est une séduction à réinventer en permanence» (ce tour de passe-passe en clin d'œil amical à PZ). (Et si l'on veut revenir au film, il faut continuer par: «N'échouez pas, sinon, gare!»))
Il manque un point de vue extérieur sur le début de leur histoire pour consolider l'ensemble de l'intrigue, un parallélisme qui mette la fin et le début en regard.

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Oui, un parfum de maman (ce qui fait que n'ose pas en changer).

2/ Oui, ou peut-être juste afin d'éviter de "voir" quelqu'un (et dans le cas auquel je pense, c'est un remords lancinant).

3/ Oui, la frange, les années après-bac, le résultat était atroce !

4/ Je ne sais pas. La musique paraît le plus évident, mais la peinture, vue IRL… (pas en reproduction). Quant aux mots, je m'en protège, je fais très attention à ne pas les prendre trop directement de face (Mandelstam, Cavafy?) Question trop difficile, il n'y a que des cas particuliers, pas de généralisation possible (en ce qui me concerne).

5/ Parler, hélas. J'aimerais ré-apprendre à me taire, comme je me taisais autrefois.

6/ De me concentrer ! Un sujet qui m'intéresse.

7/ L'incompréhension (est-ce une émotion?). La colère, la tristesse (ce sont des émotions).

8/ Toujours deux à trois projets-programmes et peut-être un ou deux projets-rêves (mais ceux-là je n'y pense jamais avant qu'ils n'entrent ou entrent presque dans la catégorie "programmé".

9/ Euh… S'obstiner, c'est une aptitude? Alors très tôt.

10/ Je ne cherche pas vraiment, mais si la réponse existe, j'ai l'impression que je finis un jour ou l'autre par trébucher dessus.

Week-end tendu

J'ai reçu un mail pour un devoir non rendu en fin de troisième année. J'ai annulé ma sortie d'aviron ce matin pour travailler — ce qui bien entendu était une erreur: ainsi je n'ai ni ramé ni travaillé.

La culpabilité rend impatiente.
Beaucoup d'accrochages ce week-end, ce qui est toujours triste, nous nous voyons tous si peu.


Agenda :
Vu Paul né le 13 août. Un bébé si sage que ses parents l'ont cru sourd. A vous dégoûter d'être sage.



Bataille pour un balai (photo ajouté le 14 avril 2020, en mémoire du bonheur).

Enquête

Les question sont ici.

1/ Non. D'ailleurs ce n'est pas une profession. Une profession a un périmètre. Ce que je fais, je pourrais le faire ailleurs, je pourrais le faire autrement, cela pourrait s'étendre ou se rétrécir au gré des besoins, après quelques mois d'adaptation. Je considère que je n'ai pas de profession, uniquement une occupation rémunérée. Ma seule exigence (par rapport à moi-même) est que ce soit utile, que je rende service. Et ce n'est pas si évident, je suis à la lisière des boulots à la con (ceux qui m'exaspèrent, ce sont ceux qui accomplissent avec gravité un boulot à la con).

2/ Oui, beaucoup.

3/ Non, jamais essayé.

4/ Non.

5/ De me lever tôt (très tôt) pour ne rien faire. Avant j'essayais désespérément de me lever tôt pour faire plus de choses. Je n'y arrivais pas. Mais depuis que j'ai pour but d'avoir une demi-heure ou une heure à ne rien faire, c'est devenu un vrai plaisir et un vrai luxe. Le luxe, c'est le temps non utilisé pour la productivité.

6/ Pas très souvent. Du Vélib quand il fait beau. J'ai récupéré le vélo de mes douze ans, mais c'est tellement d'entretien par rapport à ce qui se fait aujourd'hui que je devrais le mettre aux encombrants (où je l'imagine récupéré pour partir en Afrique). Mais je ne suis pas encore décidée.

7/ Oups. Avec retard, beaucoup de retard. En général il faut l'intervention d'une tierce personne qui éclaire soudain quelque chose à laquelle ils n'avaient pas fait attention.

8/ Non. Ou alors une mention dans ce blog (il doit y en avoir trois en huit ans).

9/ Le lave-linge.

10/ Je ne crois pas. Il y avait eu des commentaires pontifiants sur ce sujet. Je crois que l'endroit où j'en dis le plus est ici, partout ailleurs j'ai l'impression de mal m'exprimer, que personne ne comprend ce que je dis — et donc j'en dis moins. Je me demande si certains n'ont pas confondu cela avec une insensibilité à toute épreuve.

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Non, je la ramasse et la donne au chat en pensant à ma grand-mère qui la mettait dans ses gâteaux (et je me dis a) que je suis bête b) qu'elle serait choquée).

2/ Non. Un ami m'a parlé des urgences psychiatriques, je conserve précieusement l'information que cela existe (je n'imaginais pas qu'il pouvait y avoir un service d'urgences psychiatriques comme il y en a pour les urgences corporelles.

3/ Oui quand je les regarde (je suppose que seuls les bons sont encore montrés!), mais je n'ai jamais envie de les regarder avant de m'y mettre (c'est comme beaucoup de choses: content pendant et après, jamais envie avant, donc il faut se forcer).

4/ Aucun. La varicelle, ça gratte ("Ne te gratte pas, ça va faire des cicatrices")

5/ Je n'en applique aucune et pourtant je devrais. Le plus efficace pour moi est de me rendre parmi les livres, librairie ou bilbiothèque, et de me promener, de les regarder. Je n'ai pas besoin de les ouvrir, juste de sentir qu'ils sont là. Tout redescend, la pression sanguine, le rythme cardiaque, les idées noires, l'indignation… mais je n'y pense pas — et puis ce n'est pas forcément facile.

6/ A en croire un ami, oui. Des cernes noires.

7/ Oui, beau, très beau (NB: j'écris cela le 27 septembre 2014 et je suis contente car j'irais sans doute ramer.)

8/ Il y en a combien? Plus de 300? 10 à 15 %, j'en ai peur.

9/ Oui, avant ou après, mais oui (ensuite j'oublie les inconnus).

10/ La rumeur lointaine, très lointaine, de voitures, trains ou avions. La ville, quoi. Et un hibou certains soirs, fenêtres fermées.

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Du temps de temps en temps. Pas assez, pas assez, j'aimerais bricoler (dans le dur: ponçage de parquet, enduit de mur, etc) mais je n'ose rien commencer car je n'ai pas assez de temps d'affilé disponible pour terminer ce que je commencerais, et cela resterait en chantier, avec tous les risques que cela traîne ainsi des semaines ou des mois…

2/ Non. Enfin je ne crois pas. Ou plutôt je ne crois pas au sacrifice. J'ai été très marquée, enfant, par ce conte d'Oscar Wilde, qui me brise le cœur chaque fois que je le lis.
A une échelle minuscule, cela a des conséquences au quotidien. Par exemple, ceux qui se lèvent savent qu'ils peuvent et doivent manger ce qu'ils veulent: car combien de fois s'est-on privé de brioche ou de croissants pour des gens qui se sont levés à midi et n'ont pas petit déjeuné pendant que la brioche durcissait?
Donc se priver (mode mineur du sacrifice) pour faire plaisir à quelqu'un, oui, sans problème, mais se priver pour rien, pas question. (Or c'est très souvent pour rien).

3/ Oui. Je songe aux marins et à Melville.

4/ Non. Des vers luisants (mais ils ont disparu du jardin, j'espère qu'ils reviendront).

5/ Je ne sais pas. Comme je n'y crois pas beaucoup, je les oublie (je suppose vu la question suivante qu'il s'agit de vœu-souhait. Mais même mes vœux-promesses, je les oublie, ce qui m'emplit de crainte superstitieuse). (La preuve que j'oublie est là: je ne me souvenais pas avoir révisé ma liste de vœux, ni ce qu'ils étaient! (Il doit y avoir mourir avant mes enfants. Drôle de vœu, n'est-ce pas?))

6/ Ça ne m'a pas marquée. (En revanche, je sais que j'ai de la chance, que les choses m'arrivent au bon moment).

7/ Non (en tout petit en bas).

8/ Quatorze heures? Seize heures? (en voyant ces chiffres ridicules (ils comprennent la nuit), j'ai un peu honte. Bah, je suppose que j'ai dû essayer le jeûne comme j'ai essayé un peu tout, pour voir, mais je ne m'en souviens pas).

9/ Non. Je ne supporte pas le bruit fort.

10/ Euh… j'ai découvert hier (30 septembre 2014 puisque je réponds avec retard) que le contenu de mes boîtes mail ouvertes circa 2004 et que je n'avais pas visitées depuis deux ou trois ans avait été détruit (est-ce un support électronique? Cela répond-il à la question?). Je le regrette, il y avait des messages auxquels je tenais.

11/ Non.

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Aux Halles à Paris, ça compte? J'avais vingt ans, je traversais la station vers onze heures du soir pour rentrer à nanterre, assez souvent, et souvent en chaussures plates vert pomme, mini-jupe et gilet rose. On m'a demandé mes papiers. A la fin, j'ai demandé «Mais pourquoi? — Vous ne devinez pas?» J'ai compris qu'ils me prenaient pour une pute. Je les ai regardés, je ne leur ai pas dit que je sortais de cours à Sciences-Po à dix heures et demie.

2/ Non, à quoi bon?

3/ Non, mais de temps en temps je pense à me faire une solide collection de tee-shirts parisiens (je ne le ferai pas, pas assez d'occasion de les porter. Je préfère une collection autour d'Alice).

4/ Ni l'un ni l'autre.

5/ Non, pas le niveau et pas assez de globules rouges. Mais j'aurais aimé cela. Je n'aime pas la compétition (mental fragile) mais j'adore l'effort (obstinée).

6/ Indifférent.

7/ Oui. Mon acte de naissance est très bordélique, apparemment je m'appelais France, Valérie, puis c'est devenu Valérie, France. Impossible de demander des explications sans faire pleurer ma mère. J'ai renoncé.

8/ Rarement, mais par bonté pour les portes! J'ai cassé une poignée en porcelaine un jour (1992, 1993) tellement j'étais énervée contre mon bébé qui ne voulait pas dormir (drôle de méthode, certes, mais vaut mieux passer sa colère sur la porte, malgré tout. Néanmoins j'ai eu peur de moi-même et depuis je fais attention).

9/ Dans l'ordre, toujours.

10/ Pas de membre de la famille dans ce cas.

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Non.

2/ Jamais. J'utilise plutôt et qui n'a pas le même sens, Faut pas se plaigner, phrase de ma grand-mère polonaise, grammaire incluse.

3/ Aucun. La sonnerie? Très discrète, un rien me réveille.

4/ Non.

5/ le russe, l'italien, le grec moderne.

6/ Des douches. (Je n'arrive déjà pas à sortir d'une douche, alors d'un bain…)

7/ Oui, des photos d'enfance. J'ai l'impression que toutes les photos d'une même classe sociale se ressemblent: même lumière, même habits, même arrière-plan.

8/ Oui. "Pour vivre heureux vivons caché" est un réflexe. Ou : "tant que personne ne l'interdit c'est autorisé, donc ne disons rien".

9/ Y a-t-il des gens qui n'aient jamais pleuré en lisant un livre? (Que lisent-ils?)

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Les récits sous toutes leurs formes (livres, films, discussions), mais aussi les objets riches d'une histoire.

2/ Je me voudrais docile (par gentillesse, pour ne pas faire de vagues, ne pas déranger), mais je crois que je suis révoltée. Enfin, imprévisible (même pour moi). Un ami dit «éruptive».

3/ Oh oui. Ne serait-ce que la façon dont je vais mourir. La façon dont je vais me comporter face à mes parents et mes beaux-parents âgés. La façon dont je vais faire face à tout ce qui s'annonce difficile, exocentrique.

4/ Dix ans d'équitation derrière mois. Je pense que je monte mieux que je ne pense !

5/ Non.

6/ Les précédentes. Pas d'anticipation, qui sait ce que l'avenir nous réserve ?

7/ Fidèle mais je préfère en changer: je veux dire que je souhaiterais aller toujours chez le même (par cordialité, courtoisie, etc), mais au bout d'un moment il n'arrive plus à vous changer de tête, il vous fait toujours la même. Alors il faut changer de coiffeur.

8/ Hmm. Plutôt. A vrai dire je ne les écoute pas beaucoup.

9/ Plus vraiment, je crois. Ou peut-être concernant mon caractère. On me dit tant de mal de moi.

10 et 11/ Oui et oui.

12/ Jamais.

Enquête

Les questions sont ici.
Réponses apportées le 16 janvier 2015.

1/ Familier oui, intime non! (je veux parler des lapins ou des poules de la ferme de ma grand-mère: animaux domestiques, mais non animaux familiers, justement).

2/ Je parlerais moins de style que de principes. Un refus de la mode qui change pour un classissisme qui surprend parce qu'il n'est pas à la mode et un goût pour les formes, les couleurs, les matières.

3/ Non, je ne le pense pas.

4/ En habitant chez mes parents : trois fois; depuis : sept fois (je compte les changements d'adresse).

5/ Régulièrement. Par le jeu des translittérations, les gens pensent italien un nom polonais.

6/ Moralement et financièrement, oui, physiquement, non!

7/ Oui. J'accorde de l'importance à la couleur, je pense qu'elle est vecteur d'énergie.

8/ Non.

9/ A peu près (un peu rouillé).

10/ Physiquement, non, mais le contexte, oui : mon grand-père ne sachant pas ma mère enceinte et ne connaissant pas mon existence, mon père ayant quitté ma mère, ma mère souffrant d'hyper-tension, moi née trop tôt placée en chambre chaude, ma mère sortant de la clinique me tenant dans les bras («Elle était tellement fière», dixit ma tante, source de mes renseignements : ma mère n'en a jamais parlé, elle pleure dès qu'on évoque de près ou de loin cette période).

Actualités

En ce moment, ça se passe ici ou ici ou encore ici.

Mes cours ont repris la semaine dernière avec Yara Matta. C'est un pur bonheur difficile à transmettre. C'est un tissu de références et de citations croisées, non plus des allusions obscures et déstabilisantes à des textes en akkadien, égyptien ou assyrien, mais une circulation rapide dans les textes du Talmud, Targum, etc. Circuler de versets en versets via un mot ou un thème lors d'un commentaire rabbinique s'appelle "faire un collier".
Et tandis que Yara Matta nous explique le contenu des offices à la synagogue et leur évolution, la similitude avec la liturgie latine éclate (deux lectures, introduction d'un psaume après 70 (concile de Yabneh), une homélie). Cela ne semble pas avoir deux mille ans mais cinquante ou dix, c'est hier ou aujourd'hui. La liturgie comme immobilisation du temps, éternité. Nos deux traditions si proches sont sœurs et la douleur de la destruction des juifs d'Europe remonte, tant de haine tant de siècles, à l'image des nombreux frères ennemis de l'Ancien Testament, et tout cela alors que nous sommes les mêmes, nés des mêmes récits.
Il y a une douleur et une joie dans ces cours, dans ce cycle de théologie, que je ressens très profondément mais que je ne sais pas exprimer. La façon dont le temps boucle, de l'an zéro aux années 1940, est pour moi une évidence. Nous vivons après la fin du monde, ou d'un cycle.

Deux références:
La traduction du Targum du Pentateuque (Torah en araméen) en français par Roger Le Déaut
et Ephraïm Urbach, Les sages d'Israël, qui, selon les termes de Yara Matta, est «à lire l'été. C'est un gros pavé mais très agréable à lire, qui couvre la période des Tanaïm jusqu'au 5e siècle».

Lude

Je lis Taubes dans le métro, La théologie politique de Paul. La transcription du colloque et la traduction rendent admirablement le ton alerte, caustique, passionné, du professeur.
Quand j'arrive p.74 à «Je pourrais me référer à l'allégorèse alexandrine, étudiée par Jean Pépin», je ferme le livre, j'enlève mes lunettes, et je ferme les yeux pour ne pas me mettre à pleurer.

C'est la même sensation que des années plus tôt à Versailles, le soulagement, la re-connaissance, tout va bien, il ne faut plus avoir peur. Le livre de Jean Pépin, c'est celui que j'avais acheté pour mon anniversaire en 2006, en même temps que les Cahiers de la nuit surveillée consacrés à Rosenzweig. Alors que je savais parfaitement pourquoi j'achetais les Cahiers, je n'avais pris le Pépin que par confiance dans le libraire.
Eh bien voilà. Le livre a trouvé son explication.

Prélude

Je me souviens de la première fois que j'ai mis les pieds à la bibliothèque de Versailles. J'étais en hypokhâgne, je venais chercher des livres pour la première dissertation de philo de l'année («Pour philosopher, faut-il lire les philosophes?»). Je ne savais pas ce qu'était l'hypokhâgne, je ne savais pas qu'elle préparait un concours, au bout d'une semaine j'avais compris qu'il n'y avait plus de math ni de physique du tout, je venais de passer une année très dure en terminale C avec une prof de physique qui me méprisait parce que j'avais eu une bonne note au bac de français (je vous jure que c'est vrai. Si j'avais pu prévoir cela, j'aurais menti sur la-dite note) et une stagiaire de math qui ne m'avait donné aucune chance (avec le prof titulaire je crois que cela se serait passé différemment), dans un état dépressif latent non diagnostiqué (mais avec 8/5 de tension en février (ce qui n'a amené strictement aucune réaction de la part de ma famille. Je me souviens du médecin qui a repris ma tension trois fois, stupéfait. Mais ce n'était pas notre médecin de famille, il était stomatologue, il n'avait rien fait ou dit)), nous avions rempli tous les dossiers possibles pour que je n'aille pas à la fac et j'étais prise en hypokhâgne, à trois semaines du bac les cours avaient cessé pour permettre les révisions, j'avais alors descendu systématiquement toutes les annales disponibles, stupéfaite de découvrir à quel point c'était facile et comme j'aurais pu avoir une année agréable si je m'en étais rendue compte plus tôt (mais le propre d'un dépression, c'est bien de ne plus permettre ce genre de lucidité), j'arrivais à Versailles en hypokhâgne et c'était un autre monde.

J'ai ouvert la porte de la bibliothèque de Versailles, j'ai avancé de quelques pas sur le parquet dans la salle dorée, et debout à la hauteur de la table des revues, je me suis mise à pleurer.

Quarantaine

En rentrant samedi m'attendait un tout petit livre, En quarantaine de Jacqueline Harpman, accompagné d'une carte postale: «je voulais te donner ce petit texte qui me semble fait pour toi».

Je l'ai lu ce soir en rentrant sur le quai du RER. L'auteur raconte comment elle fut mise en quarantaine au lycée (personne, élèves ou professeurs, n'avait le droit de lui parler pendant quarante jours) après avoir démontré son illogisme à une amie capable simultanément de faire pleurer le lycée sur ses angoisses de sœur d'un soldat au front (nous sommes en 1942) et de défendre dans une dissertation Péguy louant la beauté de mourir pour la patrie («Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés»). L'amie vexée alla se plaindre à la directrice en déformant les propos et l'auteur fut mise en quarantaine après avoir ressenti physiquement l'impossibilité de s'excuser, puisqu'elle était dans la vérité.
A la fin de la quarantaine, ses camarades de classe ne comprirent pas pourquoi désormais c'était elle qui ne leur parlait plus.

Qu'on m'envoie ce texte avec les mots "il me semble fait pour toi" est assez mélancolique mais plutôt rassurant: non je ne suis pas folle, ce que je vois et ce que je vis est vu par mon entourage.

Je m'interroge parfois sur mon effrayante capacité à me disputer ou simplement à me détacher des gens. J'ai l'impression d'être un serpent qui avance en laissant ses mues derrière lui: pourquoi ? Trop brutale, trop franche, pas assez gentille? (Oui.)
D'un autre côté, je sais aussi que n'importe laquelle de ces personnes pourraient venir me demander un service: si c'était dans mes capacités, je le rendrais sans même réfléchir, cela me paraîtrait totalement normal (d'où d'ailleurs ma difficulté à envisager que cette sensation de normalité, "chose qui va de soi", ne soit pas universellement partagée).

J'ai cessé de m'interroger sur tout cela. Il y a eu plusieurs étapes dans cette acceptation de la solitude. Il y a eu le jour où une amie m'a dit (nous parlions de nos années de collège): «Ce que les autres n'acceptent pas, c'est que nous n'ayons pas besoin d'eux». Et cela m'a paru très vrai: avec nos livres, nos passions, nous sommes autonomes, perdus dans nos pensées, ailleurs.

Et puis il y a eu ce texte de Paul Graham:
Alors si l'intelligence elle-même n'est pas un facteur de popularité, pourquoi les enfants intelligents sont-ils toujours impopulaires? La réponse, je crois, c'est qu'ils ne veulent pas vraiment l'être.
Si quelqu'un m'avait dit ça à l'époque, je lui aurais ri au nez. Etre impopulaire à l'école ça rend les enfants malheureux, certains au point de se suicider. Me dire que je ne voulais pas être populaire, ç'aurait été comme dire à quelqu'un mourant de soif dans un désert qu'il ne veut pas d'un verre d'eau. Bien sûr que je voulais être populaire.
Mais en fait non, pas assez. Il y avait quelque chose que je voulais plus: être intelligent. Pas seulement pour avoir des bons résultats à l'école, même si ça comptait, mais pour concevoir des fusées, ou pour bien écrire, ou pour comprendre comment programmer un ordinateur. D'une façon générale, pour faire des grandes choses.
A l'époque, je n'ai jamais essayé de séparer mes désirs et de les peser l'un vis-à-vis de l'autre. Si je l'avais fait, j'aurais vu qu'être intelligent était le plus important pour moi. Si quelqu'un m'avait offert la possibilité d'être le gosse le plus populaire de l'école, mais au prix d'être d'une intelligence moyenne (laissez-moi croire que je ne l'étais pas, voulez-vous), je ne l'aurais pas saisie.
Ce texte, que j'ai découvert en 2009, a été une révélation: tout cela n'était finalement qu'une question de hiérarchies dans ce qui comptait le plus pour moi, l'important pour ne pas être malheureux était d'en avoir conscience.
(Lisez la fin du texte : c'est une analyse dévastatrice de la fonction de l'école jusqu'au bac comme une gigantesque garderie.)

La carte postale se termine par cette phrase que j'aime beaucoup: «les Mille et une Nuits ne semblent pas faits pour traverser les siècles».

Entre deux eaux

Je ne sais plus trop quoi écrire ici. La tête dans la fiscalité au bureau, dans Melville dans le métro, dans Qohélet en bibliothèque.

Je ne sais pas si ce blog a jamais été très intimiste, mais j'ai l'impression qu'il le devient de plus en plus, et ça me gêne, je ne sais pas comment me saisir de ça ("to handle", quelle traduction?), le tenir sous contrôle.
Raconter des anecdotes ou décrire des scènes est tout de même moins dangereux, fait moins courir le risque de devenir niais.

Retour sur une vie (psychanalyse)

Cette planche de BD, dans le contexte d'un week-end orageux (orage dont j'espère que l'explication se trouve dans des médicaments mal dosés), m'entraîne dans des souvenirs que je ne mettrai pas tout de suite en ligne, pour ne pas qu'ils soient lus par trop de lecteurs.

Je n'avais jamais pensé au prince charmant, ma mère m'ayant suffisamment répété que j'étais insupportable pour que je sois persuadée que je serais seule (et cela me convenait très bien. Il n'y a pas longtemps sur FB en lisant deux femmes se pâmant sur des histoires de pirates ("j'en étais amoureueueuse quand j'étais petite!!!"), je me suis rendue compte que j'avais toujours été le pirate ou le mousquetaire, jamais la femme du pirate. Le conjugal n'a jamais été instinctif chez moi.)
(Aujourd'hui, en faisant le compte des reproches de mon mari, je me dis que ma mère devait avoir raison.)

Le travail? J'en avais une définition négative: ne pas être prof (le métier de mes parents). Pas ingénieur parce que cela me faisait peur (comment ça construire des ponts? mais je ne sais pas faire ça, ça va s'écrouler), pas médecin puisque ma mère, toujours elle, avait décrété que j'étais trop égoïste, alors… Ma mère (éternellement: on se demandera après pourquoi je me méfie autant des femmes) avait repéré que dans les classements de L'Etudiant, Sciences Po apparaissait à la fois dans les fac et les grandes écoles.
Et c'est ainsi que je me suis retrouvée à Sciences Po.

J'imaginais surtout que je marcherais. Mon idée du futur, c'était un sac à dos, droit vers le soleil levant, vers Vladivostock. Jusqu'à la mer. Je rêvais sur un fleuve ou une région, le Iénisseï pierreux (j'ai toujours eu un faible pour les régions désertiques au nom magnifique: les îles Kerguélen, rêve d'enfant).

J'aime beaucoup la pub sur la formation continue qui passe en ce moment au cinéma: un petit garçon demande à son père «Et toi, tu veux faire quoi plus tard?»

Je n'ai pas abandonné l'espoir, mais je ne sais pas l'espoir de quoi.

Les lecteurs (ou pas) de ce blog

Il y a ceux qui vous lisent. Vous les rencontrez, vous ne les connaissez pas, ou peu, et ils vous posent des questions sur des sujets dont vous ne leur avez jamais parlé (et pour cause), et soudain la lumière se fait en vous : « Mais ils me lisent ! Vraiment ! avec attention ! et ça les intéresse suffisamment pour qu'ils s'en souviennent ! »
Et là, vous vous sentez infiniment touchée, reconnaissante, (flattée) et embarrassée : vite, vite, vous rembobinez dans votre mémoire tout ce que vous avez écrit pour tenter d'estimer tout ce que vous n'auriez jamais confié avant des mois à un inconnu, parce que vous n'avez pas été élevée comme ça… et vous abandonnez, trop de mots, trop de billets, trop de sincérité, ce mot dont vous avez appris à vous méfier avec RC et Nabokov et contre ou avec lequel il faut vous battre certains soirs.

Il y a ceux que vous connaissez un peu plus, que vous croisez par hasard et qui vous pose une question qui fait qu'il faut bien vous rendre à l'évidence: ils ne vous lisent pas, malgré leur proclamation d'attention. Mais ceux-là, vous les fréquentez depuis si longtemps que, même si le pincement de déception ne s'efface jamais tout à fait, ils vous ont rendue philosophe, ils vous ont appris à sourire de vous-même, de votre prétention, de votre besoin d'attention; et en fait, c'est à les fréquenter que vous avez oublié que certains vous lisaient ou vous liront, cf la première catégorie.

Il y a les autres, ceux qui ne connaissent pas ce blog, à qui vous le donneriez bien à certaines heures, par affection ou par flemme (la paresse de leur raconter votre vie), et vous résistez, parce qu'en vérité, vous avez aussi peur qu'ils fassent partie de la première catégorie (« je ne vais pas raconter ça, il y a X qui me lit ») que de la deuxième (« c'était bien la peine que je raconte cela, X ne l'a pas lu »).

Alsacienne

Réunion pour la terminale de A.

Cette école qui m'a rendue si heureuse me donne maintenant envie de pleurer, je me retiens d'aller voir P*nafieu ou O*sini pour plaider: "faites quelque chose!"

(Je me rends compte que je vis la paresse, la lâcheté et l'indifférence de C. comme une maladie contagieuse, je n'ai qu'une envie, me tenir loin de lui pour ne pas être contaminée. Je ne crois pas qu'il va changer. Il apprendra peut-être à ne pas le montrer, mais je ne crois pas qu'il va changer.)

Pourtant il me semble encore que j'ai eu raison d'inscrire C. ici, de lui donner cette chance, même s'il n'en a rien fait.
Même si je me dis que la situation actuelle est une punition pour mon orgueil et mon ubris, une leçon d'humilité qu'il me faut endurer avec patience, je reste convaincue que je devais le faire.
Que vaut ce sentiment d'avoir agi droitement face à des résultats mauvais? Faut-il remettre en cause l'intuition initiale et cette impression de bien agir? Ou faut-il juste se dire qu'il faut attendre, que l'histoire n'est pas écrite jusqu'au bout?

Le Mur de Jean-Paul Sartre

Moins en transit qu'en attente. L'un des premiers jours de beau temps. Villeneuve-Saint-Georges, sortie côté Seine.





Pour mémoire: passée dire au revoir aux informaticiens du projet de mon précédent poste (les macarons étaient pour eux, ils ont été formidables), rendez-vous l'après-midi à Paris pour un point (c'est facile, tout est urgent et nouveau, il faut que je revête mon masque sérieux, il est temps (ou que j'enlève celui de clown, en fait je ne sais plus lequel des deux est un masque)), deux Guinness + du vin espagnol (qui ne me fait pas mal à la tête; décidément il y a quelque chose dans le vin français). Basculement dans la santé de H.

Inquiétude.

Hier. Réunion dans la tour que je voyais de ma cuisine il y a vingt ans. Etrange. Le quartier s'est appauvri, je crois, s'est "typé" encore davantage (odeur écœurante de la viande à l'étal du boucher, il n'y a pas en vitrine ma pâtisserie préférée dont j'oublie toujours le nom), mais j'ai l'impression qu'il est en passe de modernisation: friches en chantier, appartements neufs à venir, l'ambiance pourrait changer. Après tout, nous sommes à une porte de Paris.

En sortant, je suis impressionnée de contaster l'écart entre ce que j'ai compris et retenu de la réunion, et ce qu'ont compris mes collègues. Je n'ai entendu que ce que je voulais entendre, elles n'ont entendu que ce qu'elles craignaient.
Est-ce dû à mon manque de connaissances sur le sujet, ou à une incapacité à écouter et surtout à croire désormais ce qui se dit?
Je crains que ce soit le cas.

Story of my life

— Mon pauvre ami ! Vous êtes la perpétuelle victime de l'esprit querelleur de vos contemporains. Hein ! On vous cherche, on vous provoque, on vous persécute ! Une sorte de fatalité. C'est bien ça ?





— Alors qu'est-ce qu'on fait? On continue dans la grâce?
— On va aviser. Mais aviser dans le calme, à tête reposée. Faut se méfier de nos nerfs.

Tout bien pesé

La raison comme instrument pour soumettre les sentiments et les sensations au mieux m'ennuie, au pire m'exaspère.
La seule façon de vivre qui m'est concevable est la raison au service des intuitions et des emportements (je dirais bien au service du cœur, si je n'avais peur de paraître nunuche).

Marre

Arrive le moment où l'on n'écrit que pour consigner ce que l'on pense, non pour dialoguer mais l'inverse, parce que l'échange est impossible.
Que les idées soient personnelles (pas dans le sens "être uniques", mais dans le sens "chacun fait son choix dans les rayonnages" (et ce qui est unique finalement, c'est le bouquet que l'on compose, ce qu'on apparie)) et que les convictions ne puissent être partagées (elles ne peuvent que se rencontrer, d'une personne à l'autre) est une expérience commune, qui nous ramène aux "goûts et les couleurs".

Ce à quoi j'ai beaucoup plus de mal à m'habituer, c'est qu'il en soit de même avec les expériences. Si votre expérience contredit la pensée moyenne, elle est refusée comme nulle et non avenue. Au mieux on lui trouvera une explication psychologique/psychanalytique. C'est une impression étrange, l'impression de n'avoir pas vécu ce qu'on a vécu, puisqu'on vous dit que c'est faux. Ah bon. Pourtant j'avais bien eu l'impression... Mais non, tu rêves.

Alors l'écrire dans un coin, pour résister. Je rêve peut-être, mais c'est écrit.

Insomnie

Nuit de mardi à mercredi, de nouveau réveillée, un peu moins longtemps. Décidé de tout recommencer. Repartie de zéro.[1]
Je travaille, j'avance lentement.

Quand j'étais étudiante, les échéances me paraissaient des murs. J'avais l'impression que j'allais me fracasser contre, que le monde n'existerait plus, cesserait de tourner, au moment où l'échéance cherrait.
L'âge et l'expérience venant, j'ai pris l'habitude de m'imaginer après, une heure après ou le lendemain, afin de maîtriser la panique, de me convaincre de l'écoulement inéluctable du temps, de relativiser tout cela (il faut dire que cela me rendait réellement malade de terreur; c'est ainsi qu'à vingt-deux ans j'ai interrompu mes études en dernière année tant l'idée du grand O me terrifiait (je les ai achevées plus tard, après avoir appris à relativiser (au moins un peu) en entreprise (à l'approche de 2000, un chef me disait encore : «Tu prends tout au tragique».)).
L'inconvénient de cette méthode, c'est que j'ai le plus grand mal à me mettre à travailler: après tout, puisque quoi qu'il arrive le temps va passer, puisque tout cela n'a pas d'importance...
Tentation de laisser tout tomber, d'abandonner. Je me retiens de le dire, de le formuler; je sais que si je prononce ces mots, la machine se mettra en route, pour accomplir ce que je désire et ne désire pas.

Seule dans la journée. H. est parti à Bovino, à la recherche du wifi (succès sur toute la ligne: wifi gratuit pour le prix d'un capuccino dans l'après-midi, 80 centimes).

18h30. Début officiel du colloque, accueil dans la cour, nous attendons des Français en retard (!), Béatrice est très inquiète que nous puissions être mécontents, nous la rassurons comme nous pouvons, il fait un temps magnifique dans un cadre superbe.

Le soir, nous dînons comme les soirs précédents à Panni, auprès de nos hôtes qui tiennent également un restaurant, La Locandia di Pan. Pas de carte, à peine un menu, on s'obstine à nous demander ce que nous voulons, barrière de la langue, nous nous efforçons de faire comprendre que nous mangerons ce qu'on nous donnera: nous ne prenons pas grand risque, tout est excellent, les produits très frais (légumes, fromage, pâtes, fruits) cuisinés le plus simplement du monde, c'est délicieux. Je me souviens avoir lu que l'essor de la cuisine bourgeoise en France, terreau indispensable à une tradition gastronomique, date du mariage de Henri II avec Catherine de Médicis qui amena ses cuisiniers d'Italie.

Notes

[1] Ça me paraît tellement incroyable une semaine plus tard que j'ai vérifié la date sur le fichier: créé le 28 juillet à 2 heures 39, pour une intervention le 30 juillet à 10 heures, sachant que le 29 était entièrement occupé par des conférences. Visiblement je n'avais plus aucune notion du temps.

Panni studieux

Une chose que j'aime en montagne : l'ombre des nuages sur le paysage.
Eoliennes à perte de vue sur les crêtes.

Dans la nuit de lundi à mardi, réveillée à deux heures du matin. Je me suis levée et j'ai profité que nous fussions seuls dans la maison pour aller travailler dans le salon sous les toits, avec sa large baie vitrée sur l'horizon.
Travaillé de deux à six heures, puis dormi deux ou trois heures.

Journée très calme, au village. Journée studieuse chacun à notre ordinateur. Je me dis en contemplant notre chambre que nous n'avons besoin de rien de plus: quelques rayons d'étagères, peut-être. Mon idéal reste la cellule monastique, ou ce que j'ai connu de plus proche, la chambre de cité U.

Finalement

Il faut bien me rendre à l'évidence: j'adore lire RC.

Un vieux billet promis

La photo qui a remporté le 1er prix du concours l'aviron au féminin est la 107, et je la trouve tellement mauvaise, tellement représentative de la vision stéréotypée de certains hommes (de ce que doit être une photo gagnante représentant des femmes dans un monde sportif) que cela m'a un peu découragée d'en parler plus tôt. Il y avait tant de belles photos, axées sur la joie, l'effort, la technique, la nature... et choisir un talon haut sur une rame! Vraiment n'importe quoi, rien qu'à ce choix il me semble pouvoir faire le portrait robot de ceux qui l'ont choisie (sachant qu'il y avait sans doute beaucoup trop de photos et trop peu de votants pour qu'il soit réellement possible de départager les photos par un vote).


Voici donc ma photo préférée. Paradoxe qui me ressemble, je n'ai pas voté pour elle, car je ne l'ai vue qu'après avoir voté. J'aime cette photo parce que l'idée est à la fois raffinée et amusante: ce n'est qu'un jeu, une mise en scène, que la compétition (couleur de l'équipe) permet de mettre en évidence.
Elle représente ce que je pense de l'élégance: un superflu qui établit une complicité entre l'acteur et le spectateur, un plaisir offert et un plaisir reçu.





En un j'ai voté pour celle-ci, par nostalgie, parce que c'est le souvenir que j'ai de nos retours sur la Loire en automne ou en hiver, dans le soleil couchant.





En deux pour celle-ci, parce qu'elle est terriblement vraie, entraînant des sentiments ambivalents: «Chic, je ne porte pas, zut, je ne porte pas». C'est le condensé de tout le débat sur les règles de politesse: merci de me porter mes paquets (c'est lourd, je suis "petite et faible" (private joke)), vous ne devriez pas porter mes paquets (je peux me débrouiller toute seule, arrêtez de me materner).





Et celle-là en trois, parce que je ne pouvais tout de même pas ne pas choisir une photo qui représente ce que veut dire ramer ensemble. «Ensemble», le mot et sa musique me sont si fort gravés dans la mémoire que j'en rêve. Se dissoudre individuellement dans la glisse du bateau, abandonner toute velléité de prééminence et savoir que c'est à ce prix que le bateau pourra glisser au mieux, sans à-coups.
Quand se pose la question: «Si c'était à refaire...», je sais qu'il y a une chose que je ne ferai pas: abandonner l'aviron au lycée. Je sais pourquoi je l'ai fait, c'était stupide, et c'est l'un de mes plus grands regrets (pas pour le sport, non, pour l'ambiance et pour René).


C'est moi ou c'est eux ?

Peut-être qu'il n'est pas tout à fait normal, en entrant dans une pièce pleine de monde, de compter le nombre de personnes avec lesquelles je suis fâchée.

(Voyons: T., X., K.: trois, finalement ce n'est pas tant que ça. (Plus un, peut-être, je l'apprendrai lundi dans la journée.))



(soirée chez Marcheschi en l'honneur de Finkielkraut).

Silence

Il me vient une inquiétude d'écrire, le désir d'écrire beaucoup de bêtises pour remonter ensuite parmi les pages dissimuler ce que j'ai envie d'écrire — sans être lue, ou pas trop, ou pas trop vite, et pas par tous…
Pourquoi ici, dès lors? Parce que paradoxalement, c'est l'endroit le plus discret, l'endroit immatériel; puisque c'est le lieu de la plus grande exposition, c'est le lieu de la moindre importance: ce qui est écrit ici ne peut pas, ne doit pas, être pris au sérieux.

Inquiétude

J'ai l'impression de ressembler de plus en plus à Sonia Rykiel (en moins roux, les joues en plus ? donc les rides en moins).


(Et comme j'ai mauvais esprit, je me demande si je ne devrais pas me teindre en roux Sonia Rykiel).

Sourire jaune

C'est fou le nombre de choses que j'aurai lues juste pour ne plus être impressionnée (ou moins…) par les gens qui les avaient lues (le cas de personnes qui en parleraient sans les avoir lues n'existe plus dans mon entourage, et j'en éprouve un grand plaisir et comme de la reconnaissance (envers le Ciel, le temps, internet, mon ange gardien, etc.))

Vous ne me rattrapperez pas

En février 2007, j'avais été très frappée par cette devise trouvée chez Rémi: «Il faut être heureux ne serait-que pour montrer l'exemple».
Cette phrase impliquait que le bonheur (je n'aime pas ce mot qui résonne un peu gnangnan à mes oreilles, je dirais plutôt l'énergie, la joie, la décision de ne pas se morfondre, d'avancer) n'était pas un passe-temps égoïste, mais un devoir, un impératif moral.

Depuis je me suis aperçue que cela recouvrait chez moi des motivations un peu plus perverses:
- Il faut être heureux comme une revanche, comme une vengeance, contre tous les oiseaux de malheur, ceux qui semblent d'abord vous mettre en garde pour vous protéger mais qui tout compte fait paraissent tout déçus quand vous vous en sortez (ce n'est pas par méchanceté, c'est juste que ça les prive de leur pouvoir d'être votre dernier recours. Ils vous aiment à leur manière: la dépendance);

ce qui m'amène à mon second point:
- Il faut être heureux pour être libre, pour être hors d'atteinte.


Et cependant, ce vocabulaire de fuite et d'évasion me laisse perplexe. Y a-il vraiment risque d'enfermement?

Les compliments étranges II

Tandis que je tends mon verre :

— Allons-y, de toute façon je ne dis déjà que des bêtises.
— Ah, Valérie, vous êtes à votre meilleur !

Grandir

Je découvre (depuis quelques temps — mais pas si longtemps) le plaisir de la confiance, qui consiste à confier mes textes pour relecture en sachant que je recevrai les remarques et corrections comme une aide précieuse et espérée et non comme des critiques fragilisantes.

Qu'est-ce qui a changé, est-ce mon âge, ou la découverte d'une estime réciproque à laquelle j'ai réussi à croire (c'est bien là le fantastique) ?
Je découvre par moi-même quelque chose que doivent savoir tous les pédagogues, je suppose: que la confiance en soi vient de la confiance qu'on vous accorde.
C'est fou ce que cela fait du bien.

Orientation

Discussion au dessert avec de vieux amis. Retour sur nos années post-bac, sur nos études, sur les circonstances qui nous ont orientés vers telle ou telle école, telle ou telle formation.
Tous mes choix ont été des choix "contre", des choix pour ne pas faire quelque chose, et non des choix "pour", des choix guidés par une envie, un désir. Une seule obligation, gagner sa vie, être indépendante, vite.
Et il est un peu étrange de me dire qu'aujourd'hui encore, je ne sais pas "ce que je voudrais faire quand je serai grande".
Si, une chose: partir à l'étranger.
Mais ce n'est pas un métier.

Bois-le-Roi

En retard.

Je respire la forêt, les arbres et la terre, et je constate que tout cela m'est devenu étranger. Incapable de me partager. Soit entièrement la terre, les arbres, la forêt, soit la vitesse, la ville, internet.
Seuls les livres peuvent appartenir aux deux mondes.

Creux

J'ai déjà comparé les blogs, ce blog-ci en tout cas, au trou dans la vase dans la légende du roi Midas: on écrit ici ce qui pèse trop lourd et dont on souhaiterait n'encombrer personne.
Evidemment, cela devient de moins en moins vrai et de moins en moins possible au fur à mesure qu'on connaît ses lecteurs.

On enterre sa peine dans le marécage mais les roseaux la colportent (ou encore, selon ce mot qui me fait beaucoup rire: «Ne t'inquiète pas, cela ne sortira pas d'internet»): on sait bien qu'on va en inquiéter un peu, au moins un ou deux au moins un peu. (Et on se prend à regretter d'avoir trop diffusé cette adresse).

Alors on hésite: arrêter d'écrire le temps que «ça passe» (car selon mon expression, «ça passe toujours»), ou écrire factice, sur des thèmes n'engageant à rien? (ce qui est de toute façon le plus souvent possible la voie choisie ici.)



Et je pense à Matoo: «Qu'est-ce qui ne va pas Choupinette?» et je ris.

La célébrité

La célébrité, c'est avoir un rendez-vous dans une gendarmerie et d'être accueillie la main tendue avec un large sourire:
— Je vous reconnais, j'ai vu des photos de vous sur Facebook.

Appelez-moi Anatole

J'avais vu traîner ça chez Matoo, je crois, mais je n'avais pas de photo. Maintenant que j'en ai un stock à force de m'amuser avec photobooth, j'ai essayé.

J'aurais peut-être dû m'abstenir. J'ai essayé trois photos différentes, avec toujours le même résultat.
Ce doit être mes origines slaves qui remontent.


Variété

Ce qu'il y a de bien avec soi-même, c'est qu'on en finit pas de se surprendre. Impossible 24 heures à l'avance de savoir dans quel état on sera 24 heures plus tard.

Mon portrait par Facebook

De temps en temps, je tombe sur mon "profil" hors connexion, c'est-à-dire tel que le voient les personnes ne disposant pas d'un compte FB.

J'espère que vous m'auriez reconnue du premier coup d'œil:

Alice est fan de :
Célébrités / personnages publiques : Al Pacino, Marylin Monroe, Harry Potter book series, J.R.R. Tolkien, C.S. Lewis ;
Musique : Pink Floyd, J.S. Bach, Antonio Vivaldi, Franz Schubert, Robert Schumann ;
Fims : Terminator 2, Sergio Leone, Dead man, Le Bon, la Brute et le Truand, My Own Private Idaho ;
Politiciens : Nelson Mandela, Rosa Luxembourg, Robert Schuman, Léon Blum.

J'aime bien la façon dont le logiciel choisit parmi mes goûts ceux qui sont les plus partagés : surtout ne pas détoner. Excluons le bizarre.
Je devrais ajouter les cinq chanteurs populaires du moment, les cinq best-sellers, Barak Obama et Gandhi : ainsi je serais parfaitement invisible, quels que soient par ailleurs mes goûts les plus louches et mes instincts les plus pervers.
(Ne serait-ce pas une erreur logique, ce choix de présenter ce qui fait l'unanimité? N'est-ce pas justement l'espoir de trouver quelqu'un qui nous ressemble dans nos exceptions qui nous fait passer tant de temps en ligne? Le commun, nous pouvons le trouver autour de nous.)

Je suis comme ça, moi ?

Demain, l'un des enfants participe à une compétition de karaté pour la première fois. Nous ne savons pas encore qui l'accompagnera.

— Prends maman, elle est très forte pour repérer les faiblesses de l'adversaire: «Tu vois lui? Il boîte, vas-y, frappe dans la jambe!»
Ils éclatent tous de rire (ils sont méchants).
— Ben dis donc, j'espère que tu ne suivras pas de psychanalyse, ça serait joli!

Et maintenant, qu'est-ce que je fais?

Depuis janvier trois tests de personnalité dans trois contextes différents avec trois méthodes différentes et toujours le même résultat : je n'exprime pas assez mes émotions.

Je n'arrive pas à faire coller ça avec mon impression de toujours en dire trop.

Scission et baptême

J'ai séparé le "privé" (non littéraire) du reste, ça permettra aux râleurs et aux gentils embarrassés (ceux qui timidement m'avouent que mes tartines concernant les livres ou Compagnon ne les enthousiasment pas plus que ça) de laisser tomber ce qui les ennuie pour se consacrer aux potins.

Le nom vient d'une discussion avec Matoo et Chondre, un jour de représentation de Rigoletto: à l'époque, le copain de Matoo ne jurait que par un fruit puant le fromage; il assurait que ce fruit lui portait bonheur.
Au moment de commenter chez Chondre, pour me différencier d'une autre Alice (blogueuse tandis que je ne l'étais pas encore), je signai donc "Alice du fromage".

D'autres ici savent qu'Alice est mon pseudo le plus ancien, mon pseudo de commentatrice depuis 2004 (putain, etc).

Et ce qu'il en est résulté

Trois jours. (— Qu'est-ce que vous faites? — Nous pleurons en parlant de notre mère).

Etonnament je n'ai pas envie d'être ironique. Etonnamment, je ne ressens pas le besoin d'être ironique pour me protéger.

Un grand mystère entoure ces stages ou formation. J'ai compris pourquoi au bout de cinq minutes : la première règle est la confidentialité, rien ne doit sortir de la salle (évidemment, quand on sait que ce sont des entreprises qui envoient leurs salariés, et que l'animatrice/formatrice rencontre également les conjoints et les patrons…). Il s'agit de psychothérapie de groupe (heureusement que A. ne m'en avait rien dit!)

Au bout de trois jours il ressort de tout cela que je n'aurais jamais fait le deuil de mon retour d'Agadir quand j'avais huit ans. J'ai un peu de mal à croire que ma tristesse latente s'enracine là, mais en y réfléchissant…
Un autre élément mis en évidence est ma passion du secret héritée de ma mère. C'est assez amusant, j'ai eu plusieurs fois l'occasion de constater (de moi-même, car personne ne juge ou n'explique ou n'analyse) durant ces trois jours que je ne répondais vraiment, sur le fond, à une question, que des heures après, incidemment et dans une autre discussion: il faut sans arrêt recoller les morceaux, un vrai jeu de piste.

Comment je suis arrivée ici



C'est une bastide de 1629 restaurée avec lenteur dans les terres derrière le Cap d'Agde. J'hérite de la chambre la plus austère, ce qui me convient parfaitement (tomettes et œils de bœuf).

Trois jours pour être mangée à je ne sais trop quelle sauce, je n'aime pas les "psy", d'un côté ils me font peur, de l'autre je n'y "crois" pas (cependant ils me font peur).
Je ne suis venue que parce que j'ai confiance en A., et qu'il y a si longtemps que je pleure dans son giron qu'elle a gagné le droit que je suive ses conseils et ses encouragements : «Tu devrais voir Frances, elle est formidable».
Et puis elle m'avait fait confiance pour une sage-femme, je peux bien lui faire confiance pour une psy: accoucheuse pour accoucheuse.

En début d'année, au moment où étaient décidés les budgets de formation, j'ai donc demandé ce stage de "développement personnel" sur mes heures de DIF (droit individuel à la formation).

J'écris ses lignes sans les poster, je n'ai pas de connexion internet.
Mais j'ai amené mon Macbook et des livres, je ne me déplace pas sans talisman.

Psy

Me voilà à rencontrer un psychologue analytique (enfin je crois, pas sûr d'avoir compris) et à l'écouter parler de ses expériences californiennes dans les années 70. Je retrouve les livres que je lisais à seize ans, à partir d'un livre à la mode à cette époque-là, Le corps a ses raisons de Thérèse Bertherat, qui a fait découvrir au grand public la méthode Mézières. Je suis contente d'avoir rencontré quelqu'un qui a fait l'expérience du rebirth et qui me dit que "ça marche", on revit effectivement sa naissance:
— Quand je suis rentré en France, je suis allé voir ma mère et je lui ai demandé: «Pourquoi tu ne m'as jamais dit que j'étais né aux fers ? » Elle s'est retournée comme si je l'avais mordue: «Qui te l'a dit ? ». C'était une confirmation suffisante.

Il paraît que je ne parle pas assez et que j'ai une fausse image de moi. Je confirme: j'ai l'impression de parler beaucoup trop.




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J'explicite dix ans plus tard : M.B. m'a fait passé des tests. Il s'agissait de m'aider à changer de poste ou de métier. Non seulement il ne m'a pas aidé, mais il a dit à H. quelque chose du genre : « il y a trop de travail (à faire sur moi), je n'ai pas le courage ».
Des années après, je trouve cela scandaleux. On ne dit pas cela à propos de quelqu'un qu'on était censé aidé.

Que dois-je en penser ?

— Avec la tête que tu as, tu expliquerais que tu t'occupes de la reproduction des mouches en Mongolie intérieure qu'on te croirait sans doute.

Malédiction originelle

— Qu'est-ce que vous êtes agaçante, avec vos questions !

Les gens vous trouvent bizarre, il est possible que vous soyez simplement malade

Samedi soir, désir de billet court après une journée fatigante et peu enrichissante (je crois que j'ai mangé trop de chamalows).

Guillaume me fournit donc une idée simple et facile, le test en ligne. J'ai fait celui qu'il proposait, puis le site proposant "quel livre êtes-vous", je n'ai pas pu résisté.
Au total, il me semble qu'il se dessine une certaine cohérence entre les deux tests, une cohérence un peu inquiétante.

Tout cela m'éloigne de la discrétion prônée par Tlön, mais je ne pense pas que mon blog attire beaucoup de marketteurs: que pourraient-ils me vendre? Ce que je cherche n'est pas à vendre.


Quel pays êtes-vous?

You're South Africa!
After almost endless suffering, you've finally freed yourself from the oppression that somehow held you back. Now your diamond in the rough is shining through, and the world can accept you for who you really are. You were trying to show who you were to the world, but they weren't interested in helping you become that until it was almost too late. Suddenly you're a very hopeful person, even if you still have some troubles.

Si je comprends bien, j'ai eu des problèmes, mais je vais mieux.
Je confirme, j'ai eu des problèmes, mais je vais mieux.


Quel livre êtes-vous?

You're Pale Fire!
You're really into poetry and the interpretation thereof. Along the road of life, you have had several identity crises which make it very unclear who you are, let alone how to interpret poetry. You probably came from a foreign country, but then again you seem foreign to everyone in ways unrelated to immigration. Most people think you're quite funny, but maybe you're just sick. Talking to you ends up being much like playing a round of the popular board game Clue.

Evidemment, en voyant apparaître ce titre, j'étais enchantée, mais après lecture du commentaire, je suis un peu embarrassée : ce n'est pas forcément faux, mais n'est-ce pas un peu théâtral et mélodramatique?
Je suis retournée dans le test, j'ai coché des choix différents, pour tester le test. De tous les livres proposés que j'ai réussi à faire sortir de la machine, Pale Fire est de loin mon favori (ce qui est normal, puisque Pale Fire fait partie de mes cinq ou six livres favoris).

Anniversaire

Cela fait cinq ans que j'ai découvert RC, cinq ans le premier juin exactement, en écoutant Répliques sur France Culture.

— Tu as changé. Tu es sans doute davantage toi-même parce que tu as trouvé quelque chose qui te ressemble et que tu es plus heureuse, mais je préférais avant.





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Huit ans après (2015), avouons que ces paroles m'ont percé le cœur (ce n'est pas pour rien que je les ai copiées ici, pour les conserver). Qu'est-ce qu'un amour qui ne souhaite pas le bonheur de l'autre, mais la conformité de l'autre à l'idée qu'on se fait de lui?
C'est peut-être à ce moment-là que j'ai commencé à douter de cet amour si souvent proclamé: proclamé, certes, mais qu'en était-il réellement?
Et aujourd'hui, avec la théologie, l'ensemble des questions posées par ce billet se pose de façon encore plus aigüe.

Noumène

Lorsque comme jeudi, un inconnu qui m'est présenté me dit : «Je sais qui vous êtes», j'ai envie de lui répondre : «Vous en savez plus que moi, et cela m'intéresse : qui suis-je?» (mais je m'abstiens).
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