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Esprit du temps, fin

Ce matin en haut des escaliers du RER m'attendait un militaire Famas au poing, l'air belliqueux. Ils étaient trois, à nous regarder sans nous regarder.

Le temps que je trouve mon téléphone, ils avaient décidé de franchir les portillons: la photo est prise d'un peu trop loin.





Je n'arrive pas à m'habituer à ces hommes armés et en treillis dans les couloirs du RER. J'ai l'impression d'un coup d'état imminent, de vivre dans une république bananière. Ça dure depuis combien de temps? Août 1995? (l'attentat dans le RER B à Saint-Michel). Cela n'est-il pas, n'était-il pas, destiné à être temporaire?

Et je les plains, ces militaires: se sont-ils engagés dans l'armée pour faire le pied de grue dans les couloirs du RER? Quels sont leurs ordres? Leur arme est-elle chargée, balle engagée dans le canon? (si oui c'est scandaleux, si non c'est inutile).

Esprit du temps, suite

Hier, aux urgences, je suis surprise par l'apparition d'affiches qui n'existaient pas la dernière fois que j'y suis venue, il y a trois ou quatre ans.
L'une rappelle que les violences physiques et verbales sont passibles de poursuites judiciaires, l'autre explique que la queue en salle d'attente mélange les urgences et les personnes ayant rendez-vous avec différents médecins, qu'il est normal que les gens ne soient pas appelés en fonction de leur ordre d'arrivée, que tout le mond sera reçu («ne vous inquiétez pas») et que personne ne sera oublié…

Cette après-midi, en institut de beauté, je découvre ce nouvel et charmant avis placardé au mur: «les clientes à l'hygiène douteuse se verront refuser les prestations».

WTF!



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Pour mémoire: Hervé à l'hôpital, cornée rayée par la poussière due aux travaux dans la maison (nous avons supprimé la salle de bain dans notre chambre pour mettre du parquet et faire un bureau). Hervé est quasi aveuglé par la douleur.

Décalage

O., 10 ans, revient de colonie de vacances.
— Ils ont trouvé que je parlais bizarrement.
— Ah bon ?
— Oui, ils ne comprenaient pas quand je disais «Puis-je»: «Puis-je avoir le broc?»
— Mmm. Et c'est tout ?
— Oui… euh… ah non, il y a aussi les monos, ça les rendait fous que je les vouvoie.

Parfois j'ai l'impression de n'élever mes enfants que pour les rendre inadaptés au monde.

En terrase fin janvier

Neuf et demi du matin, en terrasse à l'angle de la rue Tronchet et la rue Chauvau-Lagarde, un homme d'une cinquantaine d'années, un peu rond et un peu chauve, et sa femme sont assis en face d'un jeune homme d'une vingtaine d'années en manteau bleu marine, aux cheveux roux en bataille.

— On s'assoit ici. C'est pas possible, le lardon vient à peine d'arriver qu'il commence déjà à nous faire chier !

Je me suis retournée pour regarder l'homme qui venait de prononcer ces mots, nous avons échangé un long regard.
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