Billets qui ont 'narration' comme mot-clé.

Principe de réalité

Il faut bien me rendre à l'évidence: séparer la littérature (ou plus humblement les livres) du reste pour en faire deux blogs est totalement irréaliste, je m'en rends compte soir après soir quand je n'ai rien à écrire ici. Qu'écrire quand ma journée se résume à des somnolences emplies de cauchemars et un désaccord avec le cours de Compagnon? (Comment peut-on opposer les récits de vie "narratifs" (ayant la forme d'un récit) et les récits de vie "anecdotiques" (ayant la forme d'une succession d'épisodes) sans jamais parler du moment où l'on est en train d'écrire? Car pour écrire un récit, il faut se situer après, voire bien après: un récit s'écrit à rebours, c'est la fin qui ordonne le discours. Il est impossible de se penser récit si l'on écrit au fur à mesure).

Enfin bon.

Recherche de mécanismes

— Prison Break saison 1. La question que se pose le scénariste est la suivante: quel est à ce stade du récit l'élément indispensable au plan d'évasion? Puis il le fait disparaître: un morceau de peau tatouée, l'accès à la cabane d'où part le tunnel, le jeu de la trappe dans l'infirmerie, etc.
— Oz saison 2. La question est "qu'est-ce qui pourrait déstabiliser ce personnage, quel est son point faible?" Adebisi et l'Afrique, Vern et ses fils, O'Reilly et son frère… La réponse est très souvent la famille. La famille est le lieu de la force et de la faiblesse.

Ainsi fait-on survenir les péripéties. C'est assez simple. Beaucoup plus difficile, comment les résout-on ? Comment passe-t-on outre ?
A étudier: les jeux d'entrées/sorties de personnages, car nous sommes en milieu clos. Faire entrer un nouveau personnage n'obéit à aucune règle, c'est l'occasion pour le scénariste d'exercer son arbitraire. Mais chaque personnage doit arriver avec une histoire déjà riche saturant l'espace de nouvelles lignes de force (un clan, une famille, un savoir-faire (la loi, le baskett, le violoncelle, la drogue, la haine raciale,…), des appuis extérieurs, etc) et obligeant chacun à se repositionner. Trois ou quatre phrases, quelques gestes, suffisent à chaque fois à faire comprendre les nouvelles hiérarchies au téléspectateur.

— Pierre qui brûle : cinq opérations, cinq lieux, cinq moyens, en crescendo: un musée, une prison, un commissariat, un asile d'aliénés, une banque; des uniformes, un camion, un hélicoptère, une locomotive, un hypnotiseur. Amusant de constater que le téléphone portable transformerait considérablement les derniers chapitres.

Une vie en trois lignes

Au JO de ce jour, longue litanie des noms de personnes mortes sans héritier. Un nom, un prénom, une situation maritale et une profession, une date et un lieu de naissance (ou l'absence de date et de lieu, cette mention "inconnue" (et la date trace un arc de cercle par-dessus le XXe siècle)), une filiation, une adresse, à quoi bon écrire des romans?
166 Jugements d'envoi en possession provisoire

Par jugement en date du 9 novembre 2007, le tribunal de grande instance de Paris a, sur la requête du directeur de la direction nationale d?interventions domaniales, dont les bureaux sont à Saint-Maurice (Val-de-Marne) Les Ellipses 3, avenue du Chemin-de-Presles, ordonné les publications et affiches prescrites par l?article 770 du code civil préalablement à l?envoi en possession des successions de :

1. Mme Escudier (Angéline, Joséphine, Françoise), veuve de Piereimend (Auguste), propriétaire, née à Khenchela (Algérie), le 26 décembre 1879, fille de Escudier (Michel, Paulin, Marie) et de Navelle (Elisa), domiciliée à Paris (8e), 11, rue de Rome, décédée en son domicile, Paris (8e) le 4 janvier 1966 (ordonnance du 13 avril 1988).

2. Mme Ribreau (Séraphine), veuve Jay (Jules, Edouard), retraitée, née à Oyré (Vienne), le 3 septembre 1906, fille de Ribreau (Achille) et de Berger (Marguerite), domiciliée à Paris (10e) 7, rue René-Boulanger, décédée à Châtellerault (Vienne) le 24 mars 1988 (ordonnance du 19 mars 2003).

3. M. Jay (Jules, Edouard), époux de Ribreau (Séraphine), sans profession, né à Saint-Martin-de-Belleville (Savoie) le 3 novembre 1901, fils de Jay (Emmanuel) et de Eybord (Julie, Célestine), domicilié à Paris (10e) 7, rue René-Boulanger, décédé à Paris (10e) le 23 septembre 1970 (ordonnance du 19 décembre 1996).

4. M. Truong (Ky), célibataire, retraité, né à Dai Teit (Vietnam) le 24 février 1919, fils de Truong (Dinh), domicilié à Paris (12e), 76, rue de Picpus, décédé à Paris (12e), le 28 septembre 1995 (ordonnance du 16 décembre 1997).

5. M. Kaminer (Michel), situation matrimoniale inconnue, retraité, né à Kharkov (Russie) le 1er février 1901, fils de Kaminer (Abraham) et de Wassilieff (Tatiana), domicilié à Paris (16e), 4, rue Parent-de-Rosan, décédé en son domicile le 25 février 1992 (ordonnance du 23 octobre 1996).
Il y en a quarante-cinq pages.

La Vie des autres

Zvezdo, Phersu, Matoo, avaient écrit sur ce film… Seul le billet de Matoo est encore accessible huit ans plus tard.

Je m'attendais donc à ce que ce soit bien, mais cela m'a plu au-delà de mes attentes, je suis vraiment contente d'avoir pu voir ce film en salle. Bien sûr qu'on peut l'accuser d'être idéaliste, mais c'est justement ce qui fait du bien. Ce film réussit le tour de force d'être triste (tout le monde a les yeux rouges en sortant de la salle) et de vous laisser réconfortés. C'est une rare performance.

Le reste du billet tient du spoiler.
(Visiblement la fonction qui permet de cacher la suite du billet en mettant un lien "Lire la suite..." a dû être désactivée la dernière fois que le code de ce blog a été bidouillé. Tant pis).

Mon moment préféré est sans doute le dialogue avec le petit garçon dans l'ascenseur:
— C'est vrai que tu es de la Stasi?
— Tu sais ce que c'est, la Stasi?
— C'est des méchants qui mettent les gens en prison.
— Je vois. Qui t'a dit ça?
— C'est mon papa.
— Ah. Et comment s'appelle... euh...
— Comment s'appelle qui?
— Ton ballon. Comment s'appelle ton ballon.
— T'es drôle, toi. Ça n'a pas de nom, un ballon.
Pour moi c'est le tournant du film, la fêlure. Et ce petit garçon joue très bien.

J'ai envié le décorateur qui a eu en charge le décor de la chambre d'Albert Jerska.

1984 fait bien sûr penser à 1984. J'ai été frappée que la structure du chantage exercé sur Christa-Maria Sieland soit exactement la même que celui exercé dans 1984: amener à trahir l'être aimé en mettant à jour la peur la plus profonde du sujet. Dans 1984, il s'agit de la peur des rats, dans La Vie des autres, il s'agit de la peur de ne pas remonter sur scène.

Note huit ans après: chez Phersu, de mémoire, quelqu'un avait fait remarquer dans les commentaires que si l'agent de la Stasi avait correctement fait son travail au lieu de chercher à protéger les déserteurs (le mot exact m'échappe), ceux-ci auraient su qu'ils étaient écoutés lorsqu'ils firent un test et rien ne serait arrivé (ou: l'enfer est pavé de bonnes intentions).

J'ai beaucoup aimé les fins successives qui s'emboîtent, donnant une couleur différente au film à chaque fois.
- Si le film s'était arrêté au moment de l'accident de l'actrice ou au moment où Grubitz promet à Wiesler qu'il ouvrira le courrier le reste de sa carrière, il se serait agi d'un film classique dénonçant un régime politique et plus généralement illustrant l'implacabilité du destin, le peu de poids d'un homme face à l'Histoire.
- S'il s'était arrêté sur le visage de Gorbatchev ou au moment où Wiesler apprend la chute du mur, il aurait illustré que «les méchants meurent aussi» et qu'«il y a tout de même une justice, il suffit d'attendre».
- Lorsque le film nous montre Dreyman lisant son dossier, il se fait documentaire, illustrant la façon dont l'Allemagne a choisi vivre avec passé. (Et j'ai pensé à ce vitrail de la cathédrale d'Ulm consacré aux Juifs, montrant tout en bas les déportés destinés à être assassinés).
- En se terminant comme il se termine, il donne une place prépondérante à l'art, mais aussi aussi à la gratitude et à la reconnaissance. C'est sans doute pour cela qu'on se sent aussi bien en sortant, un peu consolés, un peu rassurés.
La dernière réplique est excellente.

En faisant quelques recherches en écrivant ce billet, j'ai découvert le blog eurotopics.

Jack Bauer

— Rendez-moi ma fille ! Où est ma fille ?!
— Je veux protéger ma famille !
— Passez-moi le Président.

C'est très agréable de vivre sans télévision : on découvre tout avec quatre ans de retard, toujours par hasard et via les séries préférées des uns et des autres. C'est ainsi que je n'ai jamais vu Les Guignols, mais qu'à la grande époque (il y a dix ans, quinze ans ? Putain?) j'avais un ami qui les imitait à la perfection (du moins je suppose, puisque je ne connais pas les modèles), qu'en 1996 j'avais un collègue passionné de la série Urgences, qu'il y a dix-huit mois j'ai trouvé chez Matoo et Ron des commentaires sur Six Feet under qui m'ont intriguée…

En mai dernier, à l'occasion d'un anniversaire, nous nous vîmes offrir les trois premières saisons de 24 heures chrono. J'ai donc passé cinquante-quatre heures de ma vie durant les six dernières semaines à regarder transpirer et s'époumoner Jack Bauer. Je suis fatiguée.

Avant écrire quelques lignes à propos de ce passionnant sujet, jiai fait un petit tour sur les blogs afin de ne pas répéter ce qui avait déjà été écrit. Cela m'a confortée dans mon impression d'être perpétuellement décalée, puisque Sébastien Benedict parlait de Jack Bauer dès octobre 2004, mais cela m'a également permis de constater qu'à la faveur de la saison 5, la série était d'actualité.

Alors doncque, pourquoi en faire un billet ?
Parce que je suis déçue.

Je crois toujours ce qu'on me promet, même quand je sais que je ne devrais pas.
Imaginez dès lors ma curiosité et mon impatience de voir une série qui promettait du temps réel, c'est-à-dire exactement ce qu'on nous apprend à l'école qu'il est impossible d'obtenir dans une fiction, ou plutôt, exactement ce qu'une fiction s'attache à ne pas reproduire : quel ennui si chacune de nos actions prenait leur temps réel au théâtre ou au cinéma.
Ce phénomène est clairement expliqué par Umberto Eco dans Six promenades dans les bois du roman:
Parfois on recherche la coïncidence des trois temps (de la fabula, du discours, de la lecture) à des fins très peu artistiques. La temporisation n'est pas toujours un signe de noblesse. Je me suis un jour demandé à quoi on reconnaît scientifiquement un film pornographique. Un moraliste répondrait qu'un film est porno s'il contient des représentations explicites et minutieuses d'actes sexuels. Pourtant, lors de nombreux procès pour pornographie, on a démontré que certaines œuvres d'art recourent à ce type de représentations par scrupule de réalisme, pour dépeindre la vie telle qu'elle est, pour des raisons éthiques (on représente la luxure afin de la condamner) et que de toute façon, la valeur esthétique de l'œuvre rachète sa nature obscène. Comme il est délicat de dire si une œuvre a vraiment des préoccupations de réalisme, si elle a de sincères intentions éthiques, et si elle atteint des résultats esthétiquement satisfaisants, j'ai établi (après avoir analysé maints hard-core movies) une règle infaillible.

Il faut savoir si, dans un film représentant des actes sexuels, lorsqu'un personnage prend une voiture ou un ascenceur, le temps du discours coïncide avec le temps de l'histoire. Flaubert met une ligne à nous dire que Frédéric a voyagé longtemps; dans les films normaux, quand un personnage monte en avion, on le voit débarquer au plan suivant. En revanche, dans un film porno, si quelqu'un […] ouvre un frigo et se verse une bière pour la siroter au creux d'un fauteuil, l'action prend autant de temps que cela vous prendrait chez vous pour faire la même chose.

La raison en est très simple. Le film porno est conçu pour satisfaire le public par la vision d'actes sexuels, mais il ne peut offrir une heure et demie d'accouplements ininterrompus, ce serait fatigant pour les acteurs et cela finirait par devenir assommant pour les spectateurs. Il faut donc distribuer l'acte sexuel au cours d'une histoire. Or, personne n'est disposé à dépenser de l'argent et des trésors d'imagination pour concevoir une histoire digne d'intérêt, dont le spectateur se ficherait parce qu'il veut du sexe. L'histoire se réduit donc à une série minimale d'événements quotidiens : aller quelque part, mettre un pardessus, boire un whisky, parler de chose sans importance… […]. C'est pourquoi tout ce qui n'est pas sexuel doit prendre autant de temps que dans la réalité alors que les actes sexuels doivent prendre plus de temps qu'ils n'en requièrent en général dans la réalité. Voici donc la règle : si dans un film, deux personnages, pour aller de A à B, mettent un temps égal à celui qu'il faut en réalité, nous avons la certitude de nous trouver face à film porno. Bien entendu, il doit y avoir aussi des actes sexuels sinon Im Lauf der Zeit de Wim Wenders, qui montre pendant presque quatre heures deux personnes voyageant en camion, serait un film pornographique, ce qu'il n'est pas.
J'ai donc commencé la vision de la saison un en me demandant si Jack Bauer allait faire mentir Umberto Eco.
La réponse est non, hélas.
Au début j'ai bien cru que 24 heures chrono tenait son pari et qu'il faudrait ajouter un chapitre à l'art de la narration. Bien sûr la multiplicité des personnages permettait de remplir les minutes du film sans qu'on suive jamais l'intégralité des actes d'un unique personnage (cf Sebastien Bénédict et sa "manière de linéarité biaisée"1), mais il me semblait que nos actions « vides », celles que l'on ne filme pas parce qu'elles sont sans intérêt — à moins d'y mêler du dialogue ou de l'action, — la longueur d'un déplacement ou d'un repas, par exemple, étaient réellement représentées dans leur épaisseur. Il m'a fallu un peu de temps pour me rendre compte que tous les trajets étaient vertigineusement raccourcis, les distances étaient abolies. Jamais les déplacements montrés à l'écran n'auraient pris si peu de temps. La vitesse se gagne non par l'accélération du temps, mais par la disparition des distances.

Il serait amusant de faire le compte des heures réellement nécessaires pour vivre les événements de la saison trois, par exemple : combien de temps pour aller au Mexique et en revenir, sachant qu'il faut commencer par aller à l'aéroport…?
Mais évidemment, ce genre de calcul serait idiot, ce serait accorder à cette série une prétention à la vraisemblance qu'elle n'a pas (du moins j'espère! Mon dieu, quel fatras et quelles incohérences! Je n'en reviens pas.)

Cette série m'a beaucoup amusée en ce qu'elle s'oppose quasi-systématiquement à toutes les règles d'un récit bien construit. Elle bafoue une règle d'or du théâtre classique: ne jamais donner un élément qui ne soit utile à la suite de l'action (c'est ainsi que l'on a reproché à Corneille d'avoir esquissé une idylle entre l'Infante et Le Cid : ce détail n'est pas utilisé dans la suite de la pièce, il peut être enlevé sans dommage, donc il était inutile de l'introduire dans la pièce).
Mais évidemment, une telle règle suppose une action rectiligne, une épure, une architecture anticipant dès le début sa fin : il y a dant tout récit classique une part d'inéluctable.
Rien de tel ici, chaque minute ne dépend que des quelques minutes qui l'ont précédée, elle n'est pas comme la pointe logique de tout ce qui s'est passé auparavant.
C'est un point qui m'a particulièrement impressionnée: cette série n'a pas de mémoire, elle est entièrement tournée vers l'avenir. Je crois que ce que je préfère dans 24 heures chrono, ce sont les résumés au début de chaque épisode. Il s'agit de l'aveu sans complexe que seuls comptent les deux ou trois épisodes précédents, voire uniquement le précédent. L'histoire, le récit, n'est pas conçu comme un tout, la quinzième heure a déjà oublié la dixième, seule compte la seizième. Chaque résumé doit permettre de comprendre ce qui va se passer, savoir ce qui s'est passé n'est absolument pas une préoccupation.
Chaque résumé est ainsi l'occasion de contempler en moi l'incrédulité provoquée par une telle méthode. Au début, naïvement, je complétais mentalement les résumés (l'attentat contre le boeing dans la série un ou l'assassinat de Chapelle, par exemple). Je ressentais en effet une sorte de révolte à voir ces résumés qui ne résument pas, qui contreviennent à tout ce qu'on m'a appris. Plus tard, j'essayais de composer à l'avance le résumé que j'allais voir dans quelques minutes : quels étaient les éléments indispensables à la compréhension de la suite, quelles pistes les scénaristes allaient-ils abandonner?

Et c'est étrange de se dire que ce manque de rigueur est sans doute l'une des forces de la série : c'est en cela, bien plus qu'en l'utopie d'un temps "réel", qu'elle ressemble à la vie. Tous les récits sont fictifs dans le sens où ils s'organisent en fonction de leur fin, c'est ce qui les différencie fondamentalement de la vie "réelle", où la fin est inconnue, où des pans entiers de notre passé sont inutiles pour comprendre notre situation actuelle (voilà une remarque très a-psychanalytique); la connaissance de quelques faits suffit à expliquer notre journée de demain.2
(Et cette idée n'est pas très agréable.)

Très vite, j'ajoute une dernière remarque, sociologique cette fois: j'ai été impressionnée (encore) par l'image de la torture donnée dans cette série. Elle est considérée comme normale, des hommes de la cellule anti-terroristes sont formés à cela, le président des Etats-Unis ordonne qu'on torture et assiste à une séance de tortures… sans qu'il y ait dilemme cornélien sur le respect de la personne humaine.
Guantanamo ne devrait pas tant surprendre quand on a regardé 24 heures chrono. D'autre part, la population américaine semble totalement sous surveillance : satellites qui surveillent les voitures, banques ADN qui permet de retrouver un inconnu… Fantasme ou réalité? Quoi qu'il en soi cela ne paraît pas choquer grand monde.


Notes
1 : "Joies enfantines de la vitesse dans la 1ère, qui lance son sprint dès le départ, engage l'Amérique avec elle, ni plus ni moins, et concentre, en une fois, tout ce qui fait la grandeur d'un cinéma à nul autre pareil : art de la vitesse, justement, manière de raconter une (des) histoire(s) et, ne sachant faire que ça, le faire mieux que personne ; en multiplier, au même moment, les différentes pistes, toutes données au spectateur (à peu près) en même temps. C'est dans cet "à peu près" que se joue d'abord l'originalité de la série. Une manière de linéarité biaisée, lors même que l'usage du montage parallèle, associé au split-screen, n'est qu'un leurre. Une simple mise à plat dans la distribution des plans, qui cependant se suivent chronologiquement, là-dessus, le titre ne ment pas." (http://intimedia.kaywa.com/p81.html, blog disparu)

2 : Je trouve un écho à cette remarque, qui elle-même est un écho au "présent" souligné par Sébastien Benedict, dans ces phrases de Victor Klemperer : «Mais autre chose agissait davantage sur nous — c'était la même chose chez Neumark et chez moi : l'impuissance de la mémoire à fixer tout cela dans le temps, toutes ces choses cruellement vécues. Quand ceci ou cela a-t-il eu lieu — pour autant que ce soit encore présent à nos esprits —, quand était-ce? Seuls quelques faits isolés restent gravés, les dates pas du tout. On est submergé par le présent, il n'y a pas d'hier, pas de demain, qu'une éternité. Là encore une raison pour laquelle on ne sait rien de l'histoire vécue: le sentiment du temps est annulé; on est à la fois trop apathique et trop excité, on est surchargé de présent.» in Je veux témoigner jusqu'au bout, p.544
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.