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Planeur

J'y suis allée à vélo. Cela faisait trèèèès longtemps que je n'avais pas eu un vélo avec des vitesses qui fonctionnent parfaitement.
Le seul problème, c'est que la selle descend. Je me retrouve tassée à pédaler les jambes jamais tendues. Il va falloir arranger cela.

Très belle journée, bleue et blanche (ciel et cumulus). Cinquante minutes en l'air, un peu déçue par moi-même: je n'aurais pas été lâchée cette année. Je vois les autres avancer et je fais du sur-place.
Il faut juste persévérer. Tant que les instructeurs ne se découragent pas, moi non plus.

Je rentre le long du canal. C'est long mais c'est beau — c'est beau mais c'est long.

Je suis épuisée.

Parole de vélivole

«Ça me fait plus chier de rater un cumulus que de rater un train.»

Zen

Il fait chaud aujourd'hui. Pas de vent.
Une heure vingt en l'air, en s'étant éloignés un peu trop du terrain (en s'étant éloignés davantage que je n'en aurai le droit lorsque je serai lâchée solo):
— On est à quelle distance du terrain?
— Euh je ne sais pas, environ huit kilomètres…
— Prend ta carte. Trouve des points remarquables sur ta carte, puis regarde le terrain.

Je déplie la carte. Je transpire tellement que mes mains détrempent le papier qui se déchire aux plis.
— Euh, ça doit être Souppes, on est à 13 km.
— Ça fait combien en finesse 10?
— Euh, 1300 m, plus 400 m pour le tour de piste, ça fait 1700.
— Donc il nous manque 600 mètres pour rentrer. (Nous sommes à 1100 mètres d'altitude.) Et en finesse 201?
— 13 km, ça fait 1300 divisés par 2; 650 mètres plus 400 pour le tour de piste, 1050 mètres.
— Donc c'est bon. Mets cap sur le terrain, on prendra des ascendances si on en trouve sur le chemin.

Nous en avons trouvé.
— Mais pourquoi tu penches la tête? On n'est pas en moto.
Je ris. — C'est pour aider le planeur.
Alors je me suis souvenu qu'il fallait arrêter de gigoter. J'ai inspiré, expiré, j'ai arrêté de bouger (je bouge tout le temps un morceau de corps, les doigts, les pieds, les fesses; je suis tout le temps sous tension), je me suis concentrée pour me détendre, je me suis fait sac de farine. Le planeur s'est stabilisé.
Je vais pouvoir m'entraîner au sol: me détendre, ne pas bouger, rester en alerte: bref, méditer.
Tout ça pour ça.

J'ai atterri en arrivant trop haut («tu as sorti les AF puis tu n'as plus rien fait»), l'instructeur a fait un rattrapage de plan brutal en piquant vers le sol; il paraît que j'ai fait un bel arrondi.

Le soir, à nouveau restaurant à Montigny. J'ai un coup de soleil multiple sur les épaules et le dos. H. a testé la pavolva. Je sens que cela va devenir un rituel d'après planeur.



Note
1: la finesse représente la capacité à planer. Finesse 10, un planeur parcourt 1000 mètres en descendant de 100 mètres. C'est la finesse que l'on nous demande d'utiliser lors de nos premiers vols solo. Cela permet de prendre en compte nos erreurs de pilotage.
Là, l'instructeur prend sur lui de nous ramener en finesse 20.

Une pavolva

Ciel voilé, les ascendances sont faibles : deux vols, de vingt et quinze minutes. Nous réussissons à rester en l'air, mais pas à monter. Je commence à comprendre que je gigote beaucoup trop: je pertube le plané.

Deux atterrissages soit deux occasions d'expérimenter de nouvelles erreurs: sortie d'AF trop tardive, sortie d'AF trop complète (d'où descente trop rapide. Sentiment d'impuissance quand je me retrouve trop près du sol: en planeur, ce n'est pas rattrapable, il est trop tard), pente trop forte («il est comment, ton plan?» Mais comment oser avouer que je ne suis pas tout à fait certaine de ce qu'est le plan?)

Discussion avec un vélivole de passage entre la Guyane et la Réunion où il retourne s'installer:
— Et il y a du planeur, à la Réunion?
— Non, c'est beaucoup trop petit. Ça fait 70 km, on ne peut pas se vacher, la lave est coupante comme du silex.
— 70 km? Tu veux dire que ce n'est pas plus grand que la Seine-et-Marne?

Je n'avais jamais réalisé que c'était si petit.

Le soir, H. passe me chercher. Je suis très fatiguée. Après une bière au club nous aboutissons dans un restaurant à Montigny (le restaurant de Montigny) où je déguste une fantastique pavlova.
En rentrant je titube de fatigue.

En vrille

Planeur. Il fait terriblement gris mais le soleil finit par percer comme promis.

Aujourd'hui cours sur la vrille — non pour apprendre à en faire, mais pour apprendre à (s')en sortir quand on s'y met par erreur.

Nous montons au maximum (le plafond aujourd'hui, c'est-à-dire la base des nuages, est à 1400 m), T. prévient à la radio que nous allons faire des exercices de vrille et vérifie dix fois qu'il n'y a personne sous nous: «j'ai toujours peur qu'un planeur nous rejoigne en nous voyant tourner».

— Donc pour commencer tu te mets aux grands angles d'incidence...
Késako? Je devrais sans doute le savoir mais je ne comprends pas et je n'ose pas le dire. Interprétant le mot «angle», je pousse vaguement sur le manche pour incliner le planeur.
— Non, tu te mets en limite de décrochage. La vrille, c'est un écoulement dissymétrique en limite de décrochage. Tu es prête? On y va.

Piqué vers le sol digne des plus violentes montagnes russes. La tête s'enfonce, le corps s'écrase, je ferme les yeux.
— Donc tu remets le manche au neutre et tu appuies sur le palonnier à l'extérieur du virage. Tu as compris?
Euh oui, non, je n'ai rien compris du tout, je ne sais plus où je suis, totalement désorientée.

— Bon, je le refais une fois, puis ce sera à toi.
Hein, quoi, comment ça, à moi? Bon, il faut que je garde les yeux ouverts.
Une fois, deux fois. Ce n'est pas parfait, mais ça va mieux. Le problème c'est que ça va vite et que je réagis lentement.
La dernière fois, nous plongeons très vite, je vois la terre se jeter à ma figure et je sens distinctement mes cervicales faire un S (comment est-ce possible?) en s'enfonçant dans mes épaules.
Lorsque nous reprenons le cours normal du vol, j'ai l'impression d'être très éveillée, comme sortie d'un bain.

Atterrisage raté. «Tu m'as fait un virage à plat. C'est comme ça qu'on se tue. Et tu as rentré les aérofreins, alors qu'on était trop haut.»
Oui, bon, j'l'ai pas fait exprès, c'est quoi, un virage à plat? (Réponse: au palonnier seul) Ah, et le plan, c'est la hauteur par rapport au sol: «plan, vitesse, trajectoire; plan vitesse, trajectoire. Tu ne penses qu'à ça, ça va finir par rentrer».

T. a été très accomodant, il m'a fait refaire deux atterrissages supplémentaires (des «tours de piste»):
— Ce que je te dis là, ce n'est pas valable avec tous les planeurs, mais avec le K21, c'est pratique. Tu vises ton point d'aboutissement avec le manche et tu ajustes ta vitesse avec les aérofreins. Tu affineras avec le temps.

Bref, j'étais rincée en rentrant le soir. H. revenait de chez sa mère (ça y est, la pension de reversion est en place) et avait traversé de nombreux villages dans une ambiance de flonflons.
Nous sommes donc allés faire un tour sur la place et nous avons mangé les deux dernières chipolatas (plus de merguez).

Ça plane

Journée au planeur. Belle journée, une heure vingt en l'air (il faut partager avec les autres élèves), des varios à 3 ou 4 (et des "dégueulantes" de même).
Marc, qui a le même âge que moi, me rappelle qu'il a été "lâché" (lâché solo: seul dans son planeur) au bout de cinquante heures. Cela me rassérène: j'en suis à peine à trente. J'aimerais être lâchée en septembre mais ce sera sans doute trop tôt.


champ de blé en Seine-et-Marne


Je rentre après huit heures. Hervé a installé le simulateur Condor, il faut que je le teste. Il nous manque un élément que j'ai rangé à Noël: impossible de remettre la main dessus. Ce n'est pourtant pas si grand ici.
Le député sortant de la circo est réélu. L'ambiance est à une sorte de soulagement ou demi-soulagement, le RN fait moins que prévu, le groupe Ensemble (l'ensemble Ensemble) plus, la gauche hors LFI a de bons résultats.
Comment dire? Ça m'est égal, pour moi quelque chose est perdu, a déjà été perdu. Je vois régulièrement écrit "l'échec d'Emmanuel Macron" et je ne comprends pas de ce qu'il s'agit: son échec, c'est de ne pas avoir plu? c'est d'être détesté? c'est le démolissage systématique des médias? ou c'est d'avoir organisé un retour au travail (formation, moins d'aide au chômage, retraite plus tard)? On parle de promesses non tenues, mais lesquelles? Que la vie reste difficile? (premier précepte de Bouddha)

Je sais bien ce qui est un échec pour moi: les personnes qui n'ont pas de logement, les working poors, ceux qui travaillent et ne peuvent pas se loger et se vêtir.
Mais je doute que ce soit de cela que parlent ceux qui parlent d'échec, qui généralement ont un toit et mangent à leur faim. Ce n'est pas vers ceux qui ont moins qu'eux que se tournent leurs regards, du moins je n'en ai pas l'impression.

Préparatifs de retour

Cette nuit il a un plu quelques minutes. La nuit a été plus silencieuse que d'habitude, moins d'oiseaux et d'insectes. Entre deux phases de sommeil, je me suis souvenue que je devais avoir dans mon téléphone les adresses des amis de mon beau-père que j'avais invités pour ses 70 ans1. Dans la matinée je les ai contactés sur leur fixe (coordonnées de 2012) et j'ai laissé des messages à chacun («Bonjour, je suis Alice, la belle-fille de R. J'ai une mauvaise nouvelle, pouvez-vous me rappeler? 06xxxxx).

Problème imprévu: H et son frère ne connaissent pas le code de l'iphone de leur père. Or ils en ont besoin pour la double authentification de la plupart des sites importants, comme les banques, les assurances, etc. Heureusement, les sms reçus s'affichent quelques instants sur l'écran fermé — à condition que le téléphone ne se décharge jamais.

L'après-midi nous volons avec un instructeur (ce qui nous permet d'inscrire la sortie dans notre carnet de vol). Cette fois-ci j'ai (enfin) pris le temps de n'installer correctement et je vois par-dessus du tableau de bord: la sortie a été bien plus posée. Je crois qu'il va falloir que je vérifie sérieusement ce point de retour à Moret.

J'ai volé la première. Quand je descends du planeur, je m'accorde dix minutes de sieste puis commence à vider ma tente pour la replier. Je sépare ce que je ramène à Paris en train de ce que je laisse ici, à charge pour les vélivoles de ramener mes affaires en voiture le week-end prochain. Cette nuit il est prévu de la pluie, et quoi qu'il en soit chaque matin ma tente est trempée de rosée: Pat m'a convaincue de la plier maintenant qu'elle est sèche et de dormir ce soir dans la chambre vide du gîte. Demain il passera me chercher à 6h pour m'emmener à Gap.

Soirée amicale entre pilotes, à raconter des anecdotes (toujours je pense à la phrase de Carlo Ginzburg sur la littérature qui commence à l'âge des cavernes avec les récits de chasse: les pilotes, c'est exactement ça) et à se taquiner. Nous avons deux invités, l'instructeur de cet après-midi et le propriétaire du camping. Michel nous prépare les première fraises de la saison.



Note
1: que la blague porte sur les croque-morts n'est qu'un tour supplémentaire.

Ondelettes

Le matin je réserve le premier train que je trouve mardi: Gap 7h28, Paris gare de Lyon, arrivée 15h10, avec deux changements. (Plus tard je regretterai de ne pas avoir cherché davantage, ou choisi le bus de nuit).
Je passe la matinée à envoyer des sms. Je me charge des amis, la plus jeune sœur de mon beau-père se charge de la famille. J'attends le soir pour appeler un ami qui vit aux Etats-Unis. Mon beau-père a beaucoup compté pour nous (je veux dire nous tous, les amis de son fils) autour de nos vingt ans: il était toujours présent pour nous repêcher dans nos galères, avec une blague potache, comme si de rien n'était. Nous sommes nombreux à tenir à lui.

Courses, tongs (chaque fois que je viens à Sisteron, j'achète des tongs (au moment de quitter Moret, impossible de retrouver les miennes)).

Cet après-midi je vole avec Dom; en deuxième car prise par mes appels je suis arrivée trop tard pour passer en premier. Je reste longtemps en piste à aider les autres planeurs. Je vais ensuite dormir dix minutes, tant et si bien que je suis de nouveau en retard sur la piste (le planeur est une tyrannie du temps) et embarque très vite, sans vraiment prendre le temps de m'installer, même si aujourd'hui j'ai pris un coussin.

Nous montons au plafond de 2700 mètres, nous partons vers le sud que je n'ai pas encore vu. Lac de Sainte-Croix, gorges du Verdon que je ne situais pas du tout ici. De loin on aperçoit Nice et la Méditerranée.

vue aérienne du lac Sainte-Croix


Nous montons suffisamment haut pour franchir en ligne droite tous les sommets sur le chemin du retour. Dom m'explique une façon de faire le point dans les derniers kilomètres, un double calcul que j'ai oublié, mais que je lui redemanderai quand j'aurai atteint ce niveau (faire des courses en solo). Deux ou trois fois, quand ce n'est pas moi qui pilote, je me réveille en sursaut, sans savoir si je me suis endormie ou si j'ai perdu connaissance (l'altitude? l'émotion?)
En rentrant, nous rencontrons de l'onde (trop tard pour du thermique, trop haut pour du vol de pente: c'est donc de l'onde) au dessus d'un ruisseau. Nous volons le long de la vallée, allers et retours, les ailes très à plat, lentement (80 km/h). C'est un déplacement très lent, très doux.

Ensuite, afin de se poser avant 20 heures, l'heure limite, Dom prend la vent arrière (première phase de l'aterrissage) à 200 km/h, ce qui contrevient à toute procédure.

De la farce aux larmes

Ça commence par du hard core, ça finit par du hard core, mais pas le même: davantage du Shakespeare que du Racine.

Nuit sous la tente, réveil vers 7h30. Une heure de blogage puis petit déjeuner: je toque à la caravane de Pat pour me préparer, comme l'année dernière, mon porridge et mon thé puis les manger au son d'AC/DC.
Je fais bouillir l'eau, ébouillante le sachet de thé, mets une mesure de céréales dans un bol, saisis la bouteille achetée la veille à une station service pour verser la même mesure de lait… Il est bizarre ce lait, il est jaune pâle, aurait-il tourné dans la voiture avec la chaleur et se serait-il décomposé?
Je renifle, ça sent l'urine, je regarde la bouteille posée sur le comptoir, l'étiquette en est froissée, abîmée: ce n'est pas ma bouteille de lait qui est au frigo.
Je ne dis rien, saisis la bouilloir, sors jeter ma mesure d'urine et ébouillante le contenant avec l'eau de la bouilloire.
Puis je rentre dans la caravane finir mon petit déjeuner.

Briefing, préparation des planeurs puis déjeuner au Pegasus.

Je pars la première avec Pat. Sortie calamiteuse: je suis mal installée; trop enfoncée dans la carlingue, j'ai l'horizon bloqué par le tableau de bord. Pour voir par-dessus, je pousse sur le manche, le planeur pique et donc accélère.
Par ailleurs il existe en planeur la notion de conjugaison: pour tourner, on incline les ailes (poussée sur le manche) et on oriente le nez dans la direction où on veut aller avec les palonniers (pédales aux pieds). Le dosage des deux est contrôlé par le fil de laine sur la verrière qui doit rester vertical.
Je ne maîtrise pas la conjugaison (c'est l'équivalent de débrayer en passant les vitesses), ce qui est un obstacle majeur à ma progression. En rentrant, Pat me fait faire des exercices, virages et contre-virages avec conjugaison («Surveille ton fil. Ta vitesse!»)

En descendant de planeur au milieu de l'après-midi (Adrien passe après moi) je lis deux sms de H., envoyés à 14h25.
Papa vient d'entrer en séjour court à l'hôpital car il a une nouvelle infection. Je l'ai eu au téléphone. Ça ne va pas bien du tout. J'espère que ça ira mieux demain. Ils on prévu de l'orienter vers un autre service après le traitement de l'infection. Pas sûr qu'il sorte de l'hôpital. Je ferai une version édulcorée sur WhatsApp ce soir.
Pour l'instant, ma mère m'a dit de maintenir ma venue mercredi. On verra comment ça avance.
Je le rappelle aussitôt, on papote, il me raconte comment il tente de gérer le défaitisme de son frère. Il coupe d'un «ma mère m'appelle, je te rappelle».
Une minute plus tard, ça sonne: «l'hôpital a appelé, papa est mort».

Dîner au gîte partagé entre les autres pilotes (j'ai choisi de rester en tente pour être tranquille, pour limiter les interactions sociales). Je bois du blanc, me bourre de chips. Je suis au téléphone par intermittence, nous sommes désorientés. Week-end de la Pentecôte, tous les trains sont complets. H. me dit que quoi qu'il en soit, il préfère aller voir sa mère à Châlons seul avec son frère. Bref, nous convenons que je remonte mardi prochain.

En route

Lever à six heures pour faire mes bagages. Je ne comprends plus très bien ce que j'avais noté dans mon carnet à mon retour l'année dernière: comment ça, ne pas prendre le pull gris, est-ce qu'il ne faisait pas si froid que ça en altitude, finalement? Je ne me souviens plus.
Je boucle tout. Le soir je m'apercevrai que je n'ai pas pris un objet de base: le sac plastique qui sert à tout, sac poubelle, paillasson pour les chaussures dans la tente, etc.

Croissants, train pour Montargis à 9h. Place Den Xiapoing, qui a étudié dans le Montargois (??!!)
Détour par Orléans pour aller chercher une pièce de planeur (sachet délicatement posé dans l'embrasure d'une fenêtre où il fallait le récupérer: nous n'avons vu personne. Quelle confiance et quelle organisation) puis voyage sans histoire jusqu'à Sisteron. J'ai écrit un ou deux billets, classé des photos et mis à jour à partir des photos prises hier les photos dans mon annuaire téléphonique (le temps passent, les têtes changent).

En arrivant devant l'emplacement devant ma tente, un sentiment de soulagement monte en moi, quelque chose lâche. Je ne savais pas que j'étais autant sous contrôle.
Dîner au Zinc, à dix. La conversation languit, je somnole, les autres rient (ce qui m'agace: n'ont-ils jamais été fatigués ?)

Mauvaise nouvelle

Cette année, comme j'espère être lâchée solo (en fin de saison, peut-être en septembre), j'ai décidé de passer la visite médicale de "classe 2". Il a d'abord fallu trouver un médecin habilité qui soit sur Doctolib et qui ne coûte pas une fortune (en fait ça coûte une fortune car ce n'est pas pris en charge par la sécurité sociale: ce n'est pas une visite médicale mais une expertise, ai-je appris).

J'ai choisi un médecin à St Maur-des-Fossés. Rendez-vous à 17h30. Je pensais être large mais il m'a fallu quitter une réunion avant la fin.
Balade dans St-Maur. Il fait beau. Le médecin est sympa, très encourageant : «dans quelques mois, quand vous serez pilote de ligne…»
Il paraît sérieusement l'envisager.
— Vous savez, à mon âge, le temps de la formation… ça ne vaut pas la peine.
Il en convient. Lui-même, après avoir fait du planeur, est pilote: «les vélivoles sont mauvais à la radio mais ils ont le sens du pilotage». Avoir son propre avion n'a de sens que si l'on vole beaucoup: sinon, l'entretien prend trop de temps pour le plaisir qu'on en retire.

Bonne pour le service. Le cœur et les yeux, OK, l'oreille droite OK, une perte d'audition légère sur la gauche.

En rentrant je m'arrête prendre un cocktail à la pizzeria Gemma. C'est sans doute la dernière fois que je le fais: ils ont acheté une boutique en face qui sert de bistro pour grignoter vite fait et boire, la recette du coktail que j'aimais est définitivement perdue, la magie a disparu.


Melun 20h12


Tout cela m'a mise en retard et quand j'arrive, H. m'attend depuis longtemps. Il est bouleversé: son père est à l'hôpital depuis mercredi (et donc sa mère à peine autonome seule chez elle), pleurésie. Sans doute une suite du covid d'octobre.
Son père est très faible, il mange très peu. Les médecins ont prévu de le garder une dizaine de jours. Je ne peux pas m'empêcher de penser que c'est pour l'obliger à se reposer : il s'occupe beaucoup de sa femme et souffre de l'épuisement des aidants.

18 minutes

C'est le temps qu'a duré mon premier vol de la saison.

Il faisait vraiment froid sur l'aérodrome, à attendre le retour de l'élève précédent. Il y avait beaucoup de vent, du vent de face, donc majoration de la vitesse. (Le planeur, c'est facile: chaque fois que les conditions ne sont pas optimales, il faut majorer la vitesse).

J'avais oublié qu'il fallait suivre autant de variables, l'anémomètre (ou Badin, mesure de la vitesse), l'altimètre, le variomètre, le compas, sans compter le fil de laine et j'étais un peu dépassée, mais l'instructeur a été encourageant.
Nous avons trouvé une ascendance, réussi à monter de 50 mètres, mais hélas la dérive due au vent risquait de nous entraîner trop loin du terrain («le gain d'altitude était inférieur au taux de dérive» a résumé un ancien). Nous avons dû l'abandonner et nous n'en avons pas retrouvé.

J'ai un problème de vocabulaire, la différence entre «au vent» et «sous le vent» n'est pas nette pour moi. Si je vole sous le vent, je vole contre le vent ou dans le sens du vent?
Google me dit: «naviguer sous le vent signifie aller avec le vent». Donc voler au vent, c'est voler contre le vent. La préposition «au» gêne ma compréhension.

Moi au décollage. Je suis très heureuse d'avoir cette photo.

Balais à chiotte

Levés trop tard pour que H. me dépose au planeur le matin. Il est parti au ping-pong et je ne sais absolument pas ce que j'ai fait de ma matinée, sans doute rien. Ou la vaisselle.

Arrivée trop tard au planeur pour rentrer les ailes ou retourner les fuselages. Dans les listes des tâches (car il y a plusieurs listes, classées par thèmes), je me retrouve donc à nettoyer les sanitaires — type sanitaires de camping, puisque des vélivoles campent l'été au club et qu'il y a tout pour y vivre, cuisine et douche.

Il se trouve que Matthieu a fait une photo inattendue, les balayettes de WC dorées par le soleil couchant (la tâche rose, ce sont les rideaux de douche).

balayettes à chiotte dorées par le soleil

Condor

Ce soir, visio organisée par la FFVP pour «prise en main de Condor», le simulateur de vol sur planeur.

Je m'attendais à plein d'élèves (le mail était envoyé à tous les licenciés), nous sommes treize, la plupart retraités et pilotes. Je suis la seule femme; nous sommes deux à ne pas être lâchés (c'est-à-dire n'avoir jamais fait de sortie en solo).

L'explication avance pas à pas, prodiguée par un vieux de la vieille, de ces personnes qui ont vu naître la technologie et ont grandi avec elle: il connaît le simulateur par cœur, ses versions 1 et 2, il travaille sur la béta de la 3.

Il nous remet un doc de soixante pages qu'il a rédigé en français (désormais Condor n'est plus disponible qu'en anglais) et j'écoute les autres poser des questions en prenant des notes: choisir le pack T.16000M FCS flight pack, utiliser trackir pour suivre les mouvements de la tête, positionner l'écran à hauteur de ses épaules pour ne pas abîmer ses cervicales.

Pour faire fonctionner le simulateur en conditions réelles, il faut télécharger des «scènes» qui représentent le vrai paysage. Je pensais naïvement que c'était repris de Google, mais non: il faut les construire. Et c'est dans ces moments-là que je retrouve mon émerveillement d'internet des premiers mois et des premières années: les scènes ont été construites et mises en ligne par des passionnés. Des dizaines de scènes à travers le monde, des millions d'heures de travail, un site traduit en vingt-et-une langues. Vous pouvez les trouver là, et plus précisément celle de Moret ici.
(Pour vous cela ressemble à Google maps, mais en plus, ça modélise le vent, les courants ascendants, les relations avec le relief, etc).

La réunion s'éternise bien au-delà de la visio, les pilotes discutent de l'intérêt du simulateur qui permet d'étudier sereinement ses erreurs. C'est économique, c'est écologique. Cela peut aussi convenir à de l'apprentissage à distance, j'apprends avec surprise que la pollution principale du planeur est due… à la voiture: les trajets des pilotes pour atteindre les clubs. Je ne m'en rends pas compte mais je suis une privilégiée avec mes huit kilomètres: la plupart font cinquante à cent kilomètres pour venir voler. (D'un autre côté, c'est aussi l'une des raisons pour laquelle je me suis inscrite: ce n'était pas loin. Je n'aurais pas fait cinquante kilomètres pour apprendre à voler.)

Maintenant j'attends qu'H. termine l'installation informatique. C'était mon cadeau de Noël ou d'anniversaire dernier, j'espère que ce sera opérationnel à Noël prochain.

Travaux d'hiver

Je ne suis pas retournée au planeur après les vacances: soit j'étais occupée le week-end, soit il ne faisait pas beau. Il faut dire aussi que je suis embarrassée: je me sens si nulle que j'ai peur d'ennuyer mes instructeurs. Je sais c'est idiot, mais c'est ainsi. Je mets tous mes espoirs dans le simulateur que H. doit m'installer. Si seulement j'arrivais à faire des progrès pendant l'hiver.

J'y suis retournée aujourd'hui pour les travaux d'hiver: démontage, aspirage, polissage… et l'ambiance, entre tension et une certaine vacance. Tout est suivi, noté; chaque pièce a sa durée d'utilisation notée en heures. Un planeur, c'est douze mille heures (indépendamment de la durée de chaque pièce qui est souvent bien inférieure). Si l'on considère que l'on sort trente week-ends dans l'année, dix heures par week-end, trois cent heures par an, cela donne une durée prévisionnelle de quarante ans. Est-ce que mes calculs sont bons? Est-ce qu'un planeur de club sort davantage?
Plutôt moins, je pense.

J'appends avec ébahissement que selon les stats, seuls cinq pour cent des pilotes de ligne font ce métier par passion.
— Mais alors, ils le font pour quoi?
— Pour le rapport salaire / temps libre.

Priez, bonnes gens, pour, lorsque vous prenez l'avion, tomber sur un pilote passionné, et si possible vélivole: il y a davantage de chances de s'en sortir en cas de pépin.

Courses à l'Intermarché du coin. Acheté une nouvelle plante verte dans un petit pot. Pas de prix à la caisse, bizarrement la caissière l'a passé en code bijouterie. (D'après internet, c'est un palmier Kentia, «endémique dans l'île Lord Howe». (Ça fait rêver.))
Nous avons également acheter une sorte d'aspirateur à main également lave-vitre. Fou rire en découvrant à la maison qu'il a été utilisé (pour une démonstration?) et remis sans vergogne en rayon. Il est tout sale. H. est furieux, mais nous n'avons pas de ticket de caisse.

Nouvelle

En 2024, la coupe de France de vol à voile (ie planeur) se tiendra à Moret.

Pourvu qu'il fasse beau. (J'espère que ce ne sera pas en même temps que les JO. Ou cela n'a-t-il pas d'importance?)

Un peu mieux

Planeur. Ciel voilé, chaleur étouffante. Nous ne sommes pas nombreux, Dom présent décide de rentrer chez lui devant les mauvaises conditions météo (ça ne l'intéresse pas de voler en local (pouvoir à tout moment se poser sur la piste), il vient «circuiter», faire des kilomètres).

Nous reparlons des bases, du repère capot. C'est la première leçon, celle où on t'explique qu'une fois ton assiette déterminée (inclinaison du planeur pour une vitesse donnée, vitesse optimale définie par le constructeur et le manuel de vol, qui change d'un type de planeur à l'autre), il faut prendre un repère à l'intérieur du cockpit par rapport à l'horizon et s'y tenir.

Je me dis que je n'ai peut-être pas pris cette leçon suffisamment au sérieux et une fois en l'air, je m'applique.
Sortie courte (22 minutes), rien «ne tient» (comprendre: pas d'ascendance franche), mais PP est content de moi: «tu as fait beaucoup de progrès, c'est plus calme, ça ne gigote plus dans tous les sens».
Cela faisait plusieurs semaines que nous n'avions pas volé ensemble. Je m'abstiens de lui dire qu'aujourd'hui l'air était calme et que mes derniers instructeurs ne paraissaient pas de son avis.

Ne pas me décourager, ne pas psychoter, ne pas me dénigrer, tenir bon. Je révise mentalement la nuit chaque fois que je me réveille (et je me réveille souvent); les messages radio («planeur India Lima en vent arrière, piste 24 main gauche train fixe»; «planeur Alpha Novembre en ZPA pour piste 06 main droite»); les quatre possibilités de corrections pendant le roulage (palonnier droit manche à droite si le planeur est à gauche de l'avion aile gauche basse; palonnier droit manche à gauche si le planeur est à gauche de l'avion l'aile droite basse; palonnier gauche manche à gauche si le planeur est à droite de l'avion aile droite basse; palonnier gauche manche à droite si le planeur est à droite aile gauche basse) (cela n'a aucun sens d'écrire cela, c'est affaire de sensation et de réaction, mais du fond de mon lit je visualise le repère capot (position de l'aile) et l'avion remorqueur et je révise pied-manche); la sensation magique du virage stabilisé; le TVBCR (tout va bien ça roule ou tout va bien continue Robert, train-trafic, vent-vitesse-volet, balast-bronx, compensateur-ceinture, radio) (je ne déroule pas cette check-list assez vite); j'essaie de trouver mes repères pour l'atterrissage mais il y a quelque chose que je n'ai pas compris, la façon de conjuguer manche et aérofreins pour régler la vitesse et le plan d'atterrissage.

Je verrai cet hiver au simulateur. J'aurais aimé être lâchée cette saison, mais ce sera trop juste. Tant pis.

Le temps

Veille de vacances, et donc en retard, en retard. J'essaie de boucler tout ce que je peux mais tout prend trop de temps.

En parallèle, durant mes trajets, je travaille mentalement mes atterrissages. Je visualise trente secondes. 90 km/h, 25 m/s, 32 secondes pour 800 mètres, la longueur de la piste, celle de la branche arrière, par vent nul.
C'est long, 32 secondes. Je ferme les yeux, je ne compte pas mais visualise un cadran, l'aiguille des secondes qui se déplace. J'accélère toujours vers 20 secondes. «Respire, il y a le temps. Tu as le temps.» Il faut m'en convaincre.

J'ai repris les cours théoriques. Ce sont des cours en ligne, le problème est donc d'avoir du réseau tout le long de mon parcours en train.

Cours sur les cinq sens. Caractéristiques de l'œil. Je découvre l'échelle de Monoyer : 10/10e correspond à un angle de discrimination de 1 minute à 1 mètre. Ainsi donc, avoir 12/10e à un œil n'est pas une absurdité, mais une réalité quantifiable.

Dimanche tourmenté

Il fait mauvais, nous sommes peu nombreux. Nous sortons trois planeurs, un pour l'instruction et deux pour des jeunes pilotes.
Il y a beaucoup de vent et de fortes rafales. Il fait presque froid.

Nous réussissons tant bien de mal à atteindre 1400 mètres, sous les nuages.
— Que dit la réglementation sur les nuages?
— Qu'il ne faut pas y entrer.
— Qu'il faut être trois cent mètres en dessous. Mais en fait on ne la respecte pas.

RL m'a conseillé la programmation mentale: assise sur une chaise, yeux fermés, repasser et mimer toutes les étapes de l'atterrissage (la PTL).

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Ce matin regardé La tulipe noire sur Arte en faisant la vaisselle.
Ce soir, commencé Peu m'importe qu'ils nous prennent pour des barbares. Se souvenir de regarder les films de Radu Jude et de lire Isaac Babel.

Unités

Des nœuds, des kilomètres, des bars, des hectopascals, des pieds, des mètres, un nord magnétique, un nord géographique…
Toutes les données dans un aéronef sont mesurées par rapport à la pression, donc à l'altitude et la température. Le plafond autorisé est donné en pieds, mais il dépend de la pression.
Bref, c'est un miracle qu'il n'y ait pas davantage d'accidents.

J'exprime ma stupéfaction.
Réponse: — Tu connais l'histoire du Gimli Glider?
— Euh non.
— C'est un 727 qui a plané sur plus de deux cents kilomètres, jusqu'à Gimli, Manitoba, au Canada. Ils savaient que la jauge était en panne donc ils ont fait les calculs à la main mais ils se sont plantés sur la quantité de carburant: la quantité nécessaire était donnée en kilogrammes et il fallait faire une conversion de volume en poids, mais les Canadiens ont utilisé des livres, soit à peu près la moitié du carburant nécessaire.

Plus tard, autre discussion, autre délire:
— Oui, tout est donné en fonction de la direction (exemple la piste: piste 06 veut dire piste face au 60° de la rose des vents, soit face à l’est, à peu près (l’est est à 90°)), sauf le vent qui est donné en fonction de son origine.
— Par rapport au nord géographique (dit nord vrai) si c'est la météo, mais la circulation aérienne utilise le nord magnétique.

En lisant sur le sujet, la différence semble provenir de l'instrument de mesure utilisé par convention: manche à air (nord vrai) ou boussole (nord magnétique).

Ici une étude sur l'abandon du nord magnétique dont la dérive accélérée pose des problèmes de fiabilité des données dans le temps.



Pour finir, les nuages vers le nord vue de la piste à six heures du soir. Ce fut une journée difficile, éprouvante, une de celle où je me demande si je recule d'un pas après avoir avancé de deux ou si je recule de deux après avoir avancé d'un.



Une journée en piste

Après la semaine d'orage, j'ai pris une journée de RTT pour faire du planeur.

Sur le câble qui tient la manche à air, trois libellules.

trois libellules


J'en ai profité pour laver la voiture et le bureau. Ça m'a rappelé mon père qui me disait quand j'avais quinze ans: «tu ne fais pas le ménage dans ta chambre mais tu nettoies les écuries.»

Petite journée

Les conditions n'étaient pas très favorables: nous avons commencé tard, vers quinze heures, le temps que les thermiques se forment. Je suis passée en troisième et je n'ai volé qu'un quart d'heure, le temps d'un remorqué (mon point faible) et d'un aterrissage.

Nous avons eu juste le temps de ranger les planeurs avant que l'orage n'éclate, très violent.
A Fontainebleau, le concert de Sting a été annulé.


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Pour mémoire, les réseaux ce soir se déchirent autour d'une bière bue par Macron à la fin d'un match de rugby. Je dois avouer que je suis écroulée de rire. Cette époque est vraiment particulière. Les LFIstes peuvent attaquer les policiers au mortier1, mais le drame, c'est que Macron boive une bière.
Je me demande si j'aurais l'occasion de relire ce billet dans dix ans, et si oui, ce que j'en penserai alors.



Note
1: tunnel Lyon-Turin.

Contrecoup

La plupart des jeunes pilotes, et notamment ceux qui pilotent les avions qui nous remorquent, ont pour ambition de devenir pilotes de ligne. J'arrive au milieu d'une conversation entre pilotes d'avion-remorqueurs, instructeurs de planeur, élèves-pilotes de planeur. Elle concerne une grande compagnie aérienne:
— Pour sept postes, ils ont pris six filles. Ils manquent de filles dans les cockpits. Pour le septième, ils ont fait évoluer un mec en interne.
Mon premier mouvement est d'être désolée pour lui (surtout que celui qui parle est mon préféré). Mais je dis seulement:
— Vous êtes en train de payer pour les dix générations précédentes.

L'histoire avec sa grande hache: être présent au mauvais moment au mauvais endroit. Je m'abstiens de leur faire remarquer que la frustration qu'ils éprouvent, c'est celle de générations de filles à qui on a dit non pour la seule raison qu'elles étaient fille. Ce n'est pas plus juste aujourd'hui qu'à l'époque. Mais je ne vais certainement pas regretter qu'on essaie de rééquilibrer la situation, même si c'est brutal et injuste au niveau individuel. Cela permettra de faire évoluer les mentalités (rendre la présence de femmes normale, ordinaire, que cela devienne un non-sujet. La guerre des sexes est plutôt ennuyeuse, vivement qu'on passe à autre chose).

Combien de temps pour que la situation s'équilibre? Avec les départs à la retraite et le remplacement générationnel, quatre ans ou cinq ans?

Les pompes australiennes

Aujourd'hui, cours pratique sur le remorquage.

(Je ne dis rien de ma précédente expérience.) L'instructeur insiste beaucoup sur la «position haute», principale source d'accidents: le planeur remorqué monte au-dessus de l'avion, tire la queue de celui-ci vers le haut et le fait piquer du nez, le câble devient si tendu qu'il est impossible à larguer (sur certains avions il est néanmoins possible de le couper) et l'ensemble de l'attelage chute.
— En revanche, la position basse n'est pas un problème. D'ailleurs en Australie, on remorque toujours en position basse, car les turbulences peuvent être si violentes qu'elles peuvent vous remonter brutalement au niveau de l'avion.

Donc après les animaux dangereux en tout genre, des grenouilles aux araignées en passant par les crocodiles de mer, je découvre que même l'air est traître en Australie.

Ça donne furieusement envie d'aller y planer — si un jour j'arrive à piloter, ce dont je doute ce soir: «si ton nez défile, c'est que tes ailes ne sont pas horizontales» (diagnostic après conversation au sol). Problème: je ne me rends pas compte que je suis penchée — mais après tout qu'importe: si mon nez défile, je n'ai qu'à redresser. J'essaierai la prochaine fois.

Rangement et désordre

A être si occupée et avoir si peur de trop manger et être malade en l'air, j'ai perdu du poids cette semaine. Je suis rassurée, car passer d'un sport qui brûlait des calories par centaines à un sport où on reste assis dans un cockpit tout l'après-midi n'est pas une transition facile.

Levés tard. Nous avons des amis qui viennent dîner ce soir, H. me dépose au club (de planeur) en allant faire les courses pour me reprendre au retour. J'avais l'intention d'aider au remontage du duo-discus que Dom a ramené hier avec la voiture (les prévisions météo sont si mauvaises à Sisteron qu'il est rentré trois jours plus tôt que prévu).
Mais il fait si beau qu'ils sont tous en train de se préparer pour voler au plus tôt (la pluie est prévue en milieu d'après-midi); ils remonteront le duo sans moi. En attendant H., coup de balai dans la salle du club. Jamais vu autant de cafards morts. J'en profite aussi pour photographier le manuel de l'ASK21: lire le manuel est obligatoire avant de voler sur tout planeur (ou tout aéronef, je pense). Le contrôle est matérialisé sur une fiche signée, X atteste qu'il a lu le manuel tel jour. Tout cela fait partie des procédures d'enquête en cas d'accident, je suppose.

Il fait très beau en début d'après-midi. Dépliage de la tente, séchage, nettoyage, repliage. J'espère que cette fois-ci il ne s'écoulera pas cinq ans avant que je ne m'en resserve… Je complète avec amour mon carnet de vol tout neuf. Objectif: suffisamment voler cet été pour être lâchée en solo avant l'hiver. J'en suis à 9 heures 37 de vol avec instructeur (huit vols). Les vols à Sisteron ne comptent pas (21 heures) car ce ne sont pas des vols école.
Rangement; passage d'O et Y qui viennent déposer la chatte en prévision de leur week-end prolongé à la Rochelle. L'orage éclate.

Dîner imperceptiblement tendu car nos amis se sont disputés dans la voiture. Heureusement, l'alcool détent.
Nous terminons par deux parties de billard où je suis de très loin la plus mauvaise. C'est là que je vois que j'ai vieilli: cela ne m'affecte guère, je sais que c'est la sixième fois que je joue alors qu'ils ont des après-midis derrière eux. Cela n'est juste guère amusant pour eux, à mon sens.

Demain il y en aura bien pour deux heures de vaisselle mais au moment de me coucher, j'ai la joie de découvrir qu'un nouvel épisode de Mrs Maisel a été mis en ligne (il ne l'était pas vendredi matin).

Sisteron dernier jour

Avec le recul, je me dis que cette semaine aura été sous le signe d'une certaine frugalité. L'emploi du temps est très régulier: huit heures et demie petit déjeuner, douche, habillage; dix heures briefing, puis sur la piste pour préparer les planeurs (brancher les batteries, laver les ailes avec la rosée, enlever les housses, régler le siège, mettre le planeur en piste); repas vers midi ou même avant; décollage et sortie jusque six ou sept heures. Apéro, repas, coucher vers neuf heures et demie, au plus tard dix heures. Les repas sont pour la plupart très simples, flocons d'avoine, nouilles asiatiques, omelette, jambon, yaourt, melon, pastèque, fraises.

J'ai mis du temps à comprendre cette régularité. Je suis toujours en train de courir au moment du déjeuner et au moment de monter dans le planeur: je me change, je m'interroge sur le fait de m'habiller chaudement ou pas et tout cela me fait perdre du temps. Personne ne m'attend, personne n'attend jamais personne quand il s'agit de planeur, chacun agit avec détermination vers son but. Donc je cours avec le remord d'être en retard et la crainte que les autres fassent (ou doivent faire) mes tâches.

Largage au-dessus des petites Monges. Nous rejoignons le lac de Serre-Ponçon. En tant que pilote en première place, j'ai la charge de surveiller les parapentes — «pour nous ce sont des points immobiles, nous nous déplaçon à plus de cent kilomètres heure» — mais Pat les voit toujours avant moi. Il doit faire joliment froid avec le vent relatif à deux mille mètres d'altitude directement dans un harnais de parachute.
Pat a l'intention de m'emmener voir les montagnes au-delà de Barcelonnette, il faut donc monter au-delà de trois mille mètres. Nous cerclons — il cercle, car il y a trop de relief ici pour qu'il me laisse piloter.
Nous atteindrons l'altitude souhaitée, mais inutilement: la pluie envahit peu à peu les vallées au nord et à l'est. Impossible d'y aller. Je ne verrai pas les aiguilles de Chambeyron cette année, ni le glacier blanc. Ce sera pour l'année prochaine.

Pat énonce sententieusement: «cela t'apprend le renoncement» (qui n'est pas (seulement) un mot de sagesse antique mais bien un mot de la formation du pilote).

Nous repartons vers le pic de Bure. Depuis le début, c'est Pat qui pilote, à partir de maintenant il va me laisser le manche de façon quasi continue afin que je prenne les ascendances à ma guise. Il a décidé de me faire travailler la conjugaison. De temps en temps il lâche une phrase sybilline du style: «on est près du relief, alors t'as intérêt à surveiller ton fil de laine». (A terre je lui poserai la question: «mais pourquoi faut-il faire davantage attention au fil de laine près du relief? — si tu pars en autorot, tu as moins le temps pour rattraper à cent mètres qu'à mille mètres1.» (Remarque: en réalité, il faut toujours faire attention au fil de laine, c'était une boutade, mais une boutade sérieuse, mes préférées)).

Nous papotons. Je tiens mieux l'assiette de mes virages quand nous discutons de choses frivoles — comme quoi il ne faut pas que je me concentre trop. Toujours la question de pisser en vol revient:
— Bon, tu fais attention, je vais pisser, donc tu as les commandes, ne fais pas de bêtise (ceci alors que nous survolons une crête d'un peu près à mon goût.)
— Non, toi fais attention: imagine si on se plante, on va te retrouver la bite à la main et moi en train de rire; imagine la gueule de la REX.

Une des règles de base revient sans arrêt: «en planeur, la vitesse, c'est la vie». C'est une logique difficile à intégrer (en tout cas par moi): il faut aller plus vite en cas de danger (turbulence, atterrissage délicat, etc), donc perdre de l'altitude alors que c'est justement le sol le danger.

Autre règle de base : il faut sauvegarder l'apéro du soir. «Si tu xxxx, l'apéro du soir est compromis» est une phrase récurrente de Pat, phrase qui me paraît une raison suffisante pour s'appliquer.

Retour, c'était mon dernier vol ici. Ce soir, c'est justement moi qui offre l'apéro.
Pat a invité un couple d'amis. Monsieur, pilote, fait partie de ceux qui ne racontent pas leurs succès mais leurs catastrophes, leurs atterrissages d'urgence pour des raisons parfois futiles. Je suis intérieurement scandalisée qu'il raconte cela devant Madame; cela me semble un manque de tact absolu d'ainsi (potentiellement) effrayer son conjoint, mais elle paraît habituée.

Puis tour au Pegasus où un petit groupe fête l'anniversaire de la secrétaire de l'aérodrome, puis retour sous la tente.
Demain il faudra plier.



Note
1: le fil de laine est un indicateur de dérapé; le dérapé peut entraîner une autorotation du planeur (une vrille).

Vol d'ondes

Il existe trois types d'ascendance: la chaleur dégagée par le sol (les thermiques), le vent qui se heurte à un relief (le vol de pente), et quelque chose que j'avoue ne pas tout à fait comprendre: sous la conjugaison du vent et du relief, l'air se met à osciller selon une sinusoïde et sous la sinusoïde se trouvent des «rotors», des endroits hyper turbulents où le vent tourne en lessiveuse. Si l'on passe au-dessus des rotors, si l'on trouve la sinusoïde et qu'on s'installe au-dessus, on plane dans un grand calme et l'on peut monter à de grandes altitudes.
Ajoutons que les nuages sont les meilleurs indicateurs de ces ascendances: le planeur, c'est avant tout la lecture des nuages.

Marc qui est venu deux ans de suite et est reparti dimanche n'a pas rencontré le phénomène, et moi, au bout de cinq jours, bingo!
J'ai de la chance.

Nous nous équipons contre le froid (on perd 6,5°C tous les mille mètres) et le manque d'oxygène (une canule dans le nez type hôpital dès 3200 mètres). (Test de la bouteille d'oxygène avant de partir: «par sécurité, on teste toujours la bouteille quand on est hors du planeur».)

Nous avons trouvé une onde presque aussitôt; puis plus tard, après avoir été bien secoués au dessus du pic de Bure. Nous sommes montés jusqu'à 4400 mètres et selon AB nous étions à -13°. Bizarrement j'ai eu froid aux coudes, à cause de l'air provenant des palonniers et remontant le long des jambes bien protégées. J'ai pu travailler très calmement — «va tout droit, pas si vite, il faut chercher l'ascendance, sinon tu vas passer à travers; vas-y, tourne» — en faisant attention à ma vitesse car j'ai le défaut d'accélérer dans les spirales. «Le duo discus perd le moins d'altitude à 90km/h.» (La question devient alors: pourquoi ne pas toujours voler à cette vitesse? Je n'ai pas encore élucidé ce mystère, je poserai la question une autre fois.)

A côté de nous la vallée était recouverte d'un épais manteau de nuages. Il devait faire tout à fait noir là-dessous.

nuages sur la vallée à l'ouest du pic de Bure


Atterrissage secouant, rafales au seuil de la piste. Dom prend de la vitesse et se pose comme une plume.

Je me précipite pour manger un yaourt et une tranche de jambon, j'ai une dalle dévorante et j'ai très froid. Et puis il y a l'apéro du club ce soir: je ne veux pas y arriver le ventre vide.

Le mont Ventoux

Nous ne sommes plus que quatre, donc aujourd’hui pas de partage: c’est parti pour un vol long.

Je ne sais pas trop comment raconter: au moment du largage nous avons rejoint un groupe de vautours (l’optique de mon téléphone n’est pas assez bonne pour les capturer), nous sommes allés au mont Ventoux. Pat m’a beaucoup laissé piloter; c’était très perturbant car il donnait très peu d’indications («si je ne te laisse pas décider tu n’apprendras jamais») et j'ai du mal à engager les spirales, j'arrive à stabiliser l'assiette si je regarde à l'extérieur mais dans ce cas je ne vois pas le vario donc je ne sais pas si je monte dans l'ascendance et si je l'ai bien centrée.
Je laisse trop descendre le planeur et nous n'arriverons pas réellement à remonter pour aller aussi loin que souhaiter. Nous frôlons l'atterrissage, puis repartons en direction de Dignes où nous sommes arrêtés par un paquet de pluie.

A tout moment il faut prendre des décisions, c'est très intéressant mais épuisant. J'apprends qu'il faut aller vite entre les nuages (ce n'est pas instinctif car aller vite c'est piquer davantage donc potentiellement descendre davantage) et ralentir sous les cumulus à la recherche de l'ascendance, que les ascendances sont plutôt du côté du soleil mais pas toujours, «ça dépend du vent».
Toutes les règles sont ainsi, générales et inapplicables. Une sorte d'anti-statistique.
A un moment je fais une grosse bêtise et Pat rattrape du manche en catastrophe. La rapidité de sa réaction me fait comprendre que nous sommes passés près de l'accident, il se crée en moi une dépression qui doit être la réaction à la peur. Au bout de quatre heures je finis par rappeler à Pat que ce n'est que ma onzième sortie et que je n'y arrive plus s'il ne me donne pas quelques indications. Il reprend le manche et termine la sortie. Il commente: «c'est bien, tu écoutes ce qu'on te dit et tu n'es pas chiante», ce qui me fait plaisir.

Nous couvrons bien les planeurs car demain il est prévu de la pluie.

C'est moi qui offre l'apéro. J'assiste avec incrédulité aux récits des vols de la journée, je repense à Compagnon nous expliquant que la littérature est née autour du feu quand l'homme des cavernes racontait sa journée de chasse (est-ce une théorie de Carlo Ginzburg? Je ne sais plus). Je suis stupéfaite devant l'aspect «comparaison de taille de bites» de ces récits: sérieux, ils en sont encore là? Je me demande s'ils en sont conscients (sans doute que non).
Je bois trop de vin rouge.

Le couronnement de Charles III

Lever 8h50 ce qui est plus que ce que je dors à la maison.

La vie au sol est compliquée à expliquer (et à vivre): dans un sens on attend beaucoup, dans l'autre sens tout va très vite dès que les décisions sont prises — sauf que je ne comprends pas vraiment à quel moment elles sont prises ni leur teneur.

A 10 heures le briefing. Facile. Mise en piste des planeurs qui sont installés au départ de piste face au vent. La particularité locale, c'est que le vent tourne entre midi et une heure: au fur à mesure que les parois des montagne chauffent, l'air s'élève le long des parois, créant un appel d'air dans la vallée qui forme la brise (terme consacré), brise qui souffle du sud vers le nord.
Il y a donc un pari sur l'heure de départ et l'endroit où installer les planeurs: le vent aura-t-il tourné ou pas?
Les planeurs anglais s'installent en piste 35, c'est-à-dire face au nord (le nord = 360 degrés), tandis que nous, les quelques Français, pensons malin d'aller tout de suite en 17, face au sud (180 degrés).

Repas à midi ou même un peu avant, puis nous montons en 17 (la piste fait 950 mètres (je n'arrondis à pas un kilomètre car tous les mètres comptent, à l'atterrissage et au décollage)).

Les planeurs anglais commencent à décoller. Nous observons leur stratégie, où se font-ils lâcher, au dessus de Chabre ou au dessus de Hongrie? Quelle hauteur attendent-ils avant de larguer? (plus on monte haut plus c'est facile mais plus ça coûte cher)

Nous sommes trois planeurs au seuil 17 (Pat et DB, Dom et Marc, et un «local»). Nous regardons les planeurs décoller en 35. Nous attendons que le vent tourne, que les remorqueurs donnent le signal du changement de seuil de décollage.

Nous allons attendre une heure: le vent a tourné, mais deux avions remorqueurs semblent nous avoir oubliés. Nous sommes sur le bord de la piste (impossible de s'aligner (se mettre face à la piste) tant que d'autres décollent en face), le soleil tape (c'est la même malédiction que l'aviron: pas d'ombre sur les fleuves, pas d'ombre sur les pistes d'aérodromes), nous cherchons l'ombre sous les ailes. Les verrières sont grandes ouvertes pour éviter la surchauffe, calées par un coussin pour éviter qu'elles ne se referment brutalement et ne cassent (la terreur des vélivoles).

Ils partent enfin, il est deux heures. Je vais m'installer en terrasse au Zinc avec un coca en attendant de rejoindre le seuil 17 à 16h30 pour remplacer Marc.

Nous partons au-dessus de Chabre puis remontons vers le nord. Toute la sortie est à nouveau un cours de géographie: il faut reconnaître les monts, apercevoir les endroits où il est possible de se poser. Il ne faut pas aller à Gap — trop de parachutistes; il ne faut pas atterrir à Aspres par vent du nord.

Nous montons vers le col La Croix. La sortie est un miracle, avec des varios (variations? nombre de mètres par secondes, en plus ou en moins) de deux à trois mètres y compris en ligne droite: ça monte tout seul. La pluie tombe au nord et nord-ouest, nous la contournons, nous jouons avec les cumulus et les barbules, j'arrive à peu près à spiraler; c'est beaucoup plus facile en regardant l'extérieur plutôt que les instruments. (Je me suis bien débrouillée mais je n'ose le crier trop fort avant de le confirmer une deuxième puis une troisième sortie).

Les cumulus nous aspirent si bien qu'à un moment je me retrouve dans le nuage. C'est flippant, nous sommes totalement aveugles; heureusement que nous sommes bien au-dessus des montagnes: «sors les aérofreins et plonge, il faut sortir de là!» me crie Dom (le cri n'est pas de la panique mais est destiné à être sûr que j'entende).

Sans que je sache si c'est pédagogique, si c'est du bizutage ou si c'est par plaisir parce que la voltige lui manque, Dom me fait un cours sur l'accélération (à 180 km/h, la carlingue semble se désintégrer), le décrochage (à 60 km/h environ: le bruit s'arrête, plus de vent, nous tombons) et réalise des huits paresseux, sorte de montagnes russes libres.

Nous faisons demi-tour. Il est encore trop tôt pour rentrer, nous faisons un tour au-dessus de la Baume et du Hongrie, à la recherche des dernières ascendances le long des parois.
Retour. La Durance minuscule coule au ras du terrain, vingt mètres plus bas. Ce relief crée des «rabattants», qu'il est préférable d'éviter en attaquant le terrain légèrement de biais.

Nous sommes rentrés. Je suis enchantée de ne pas avoir été du tout malade, est-ce le coca ou le métier qui entre?

A 19h30, rendez-vous au restaurant le Zinc. Le jeune remorqueur prend l'apéro avec nous. Il est également instructeur et est né en 2000 (!!! vive la jeunesse) Son club d'origine est Romorantin, il vient de Vendôme: «mais pourquoi pas Blois?» Il n'y a plus d'instructeur. Le terrain est parfait, en croix, mais il n'y a plus personne.

Restau au Zinc tous ensemble. Nous rions beaucoup. J'en profite pour poser des questions qui m'intriguent; par exemple, comment peut-on continuer à planer à haute altitude, quand l'air se raréfie? Réponse: il faut prendre de la vitesse, on crée sa propre portance. Idem pour les avions de ligne: ils ne consomment pratiquement rien en altitude, c'est pour ça qu'ils essaient de monter au plus vite. Toute l'énergie est consommée pendant la montée.

Couronnement Charles III. La restauratrice offre un cube de feu d'artifice aux pilotes de la RAF. Sur le coup ils ne réagissent pas, ils sont pris par surprise, ils ne s'attendaient pas à ce sujet en fin de repas dans un restaurant de vélivoles en France.
— Dis donc, il a fallu les pousser pour chanter.
— Ils ne se sentent peut-être pas concernés.
— C'est la RAF quand même.

Préparatifs jour 2

Je vois Miriam ce soir, je continue le vocabulaire et la syntaxe : "à le", "à les", ça n'existe pas. Il n'y a qu'"à la" ou "à l'institut", "à l'opéra". Non ce n'est pas de ta faute, ça veut dire qu'il y a un problème de pédagogie, on apprend d'un côté le nom et l’article, de l’autre les prépositions et on ne met jamais les deux ensemble.

«J’en veux plus», elle me dit son étonnement devant les mêmes mots qui veulent dire deux choses exactement opposées.
Je réexplique, j’écris: j’en veux plus, je n’en veux plus. Pour éviter les confusions je propose d’utiliser plutôt «encore», ou «davantage».
"Davantage" n’est pas "d’avantage", avantage = contraire d’un handicap
Bref, je m’amuse bien.

Le soir, deuxième sac, celui des vêtements. Qu’emporter, est-il nécessaire/souhaitable d’emporter des vêtements de fille pour le soir? Dans un sens, je me dis que je suis avec des passionnés qui se moquent du reste; dans l'autre je me suis souvent fait avoir à l'aviron où j'étais la seule à n'avoir rien prévu. Oui mais à l'aviron il y avait des filles, là il n'y a que des mecs (donc pas de contraste, donc ils ne le verront même pas); mais justement, ça leur ferait peut-être plaisir (c'est sensible, un mec; il y a des petits efforts qui ne coûtent pas grand chose, pourquoi se priver). Mais je n'ai pas beaucoup de place, il faut que je puisse porter les deux sacs, combien de pulls, de chaussettes, il paraît qu'il fait très froid en altitude, pas de boucles d'oreilles, un bâton de fond de teint ça suffira, les chargeurs dont je ne sais pas où je pourrai les brancher, la bouteille de shampoing ne tient pas je la mets sur le côté du petit sac à dos dans lequel j'ai empilé la nourriture de premier secours; je ne sais pas ce qu'il y a dans la cuisine ni quand on ira faire les courses et je vais dépendre des autres; un litre de lait, des flocons d'avoine, de boîtes de lentilles cuisinées, des barres caloriques pour les longues virées (il paraît que ça demande une énergie dingue), je glisse la lampe frontale dans l'autre poche du sac à dos, je remplace l'écharpe en coton (rose) qui prend beaucoup de place par un tour du cou (bleu) en soie impalpable.

Je suis morte de trac et impatiente, je n'arrive pas à me souvenir d'une telle impatience, un tel désir, peut-être le père Noël à cinq ou six ans? Pourvu que je ne vomisse pas, pourvu que je supporte, pourvu que j'ai emporté les bonnes fringues. Je sais bien qu'il peut pleuvoir toute la semaine, il est possible que je ne vole pas pendant dix jours.
J'ai hâte.

Préparatifs

Je poursuis la lecture des derniers Langelot, Langelot et le général kidnappé et Langelot aux arrêts de rigueur.

Côté planeur, ça évolue : du fait de restrictions de vol (exercices militaires en cours), nous ne pourrons pas partir d'Episy jeudi; rendez-vous au bout de la ligne 8 à Créteil pour décoller à Coulommiers. Cela signifie que je vais partir directement du bureau, ils vont faire une drôle de tête quand ils vont voir mon acoutrement et mes bagages.

Journée peu palpitante (comme souvent, mais c'est sans doute bon signe). Le soir j'oublie que je suis venue à la gare en voiture et je rentre à pied, ce qui est couillon vu les bagages demain, cf. ci-dessus.

Premier repas en terrasse le soir. Les martinets sont revenus. Leurs cris dans le ciel sont l'un de mes ravissements des beaux jours (sens quasi propre: ils me transportent ailleurs — ou nulle part, avec eux).
Un couple de tourterelles peu farouches songe à se poser à quelques mètres.

Je vais chercher ma tente au fond d'une malle, elle n'a pas servi depuis la rando d'aviron à l'île de Bréhat. Je devrais la déplier pour vérifier que je sais toujours la monter, mais il est tard. Tente, sac de couchage, sac à viande, ostrich pillow, tapis de sol, protections urinaires adultes (c'est le fun du planeur, j'en parlerai un jour).

Repassage. Je ne peux tout de même pas abandonner mon mari dix jours sans chemise repassée, il y a des limites à l'inconvenance. Je regarde Léon. Je ne m'attendais pas à ce que soit si bon. Nathalie Portman est excellente, elle qui joue toujours comme une cruche.

Mon jet privé à moi

Comme je n'écris plus beaucoup, je ne sais plus si j'ai raconté ici qu'en janvier j'avais prévu de faire un stage de planeur à Sisteron début mai.
En mars est arrivée la perspective d'un appel d'offres très important pour ma société. Quarante-cinq jours pour répondre, adieu stage. Et changement de direction le 15 mai. Adieu bis.
Mais l'appel d'offres a tardé. Rien en mars, rien mi-avril. Travail préparatoire avec les consultants (ma boîte n'a jamais répondu à un appel d'offres, tout le dossier est à monter. Nous avons donc commencé à préparer la partie commune à tout appel), puis arrêt.
Pleine d'espoir, j'ai prévenu les vélivoles que je viendrais peut-être, que je préviendrais au dernier moment. «Pas de problème, mais dans ce cas, il faudra que tu dormes sous la tente.»
OK. Le 15 avril, j'ai récupéré le sac de couchage "hiver" de mon fils.

Hier, mes vacances du 9 au 12 mai ont été acceptées. Hier soir, j'ai envoyé un mail pour prévenir les autres pilotes et j'ai fait mon inscription sur le site de Sisteron. J'ai commencé à regarder comment descendre à Sisteron: train jusqu'à Marseille puis Sisteron, ou train jusqu'à Aix puis bus.

Ce matin, encore au lit (qu'est-ce qui m'a pris? je ne fais jamais ça. Sans doute que la douche était occupée), j'ai regardé mes mails et j'ai trouvé ça:
Si tu peux prendre un RTT ou une journée de plus le vendredi 5/5, je peux t'emmener car je pars en avion jeudi 4 soir ou vendredi matin tôt en fonction de la météo.
2h30 de vol au lieu d'une journée de train...
Tu devras seulement prendre un billet retour car je remonte le mardi 9/5.
Appelle moi pour les détails.
À +
— Et tu vas comment à Sisteron?
— En avion.
— Tu pars d'Orly?
— Non, non, pas un avion de ligne, un avion privé, il passe me prendre sur la colline derrière chez moi.

J'ai un peu honte (conviction écolo oblige), mais j'en ai le souffle coupé.
Maintenant il faut que j'obtienne un jour de congé de plus.



Précisons: le titre est une exagération censée illustrer ma sensation de démesure. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un jet. J'ai appris depuis qu'il s'agit d'un Piper A28.

Crashée

Il faisait mauvais hier, il faisait mauvais ce matin, mais les vélivoles semblaient persuadés que ce serait volable cet après-midi donc je suis allée au club.

Des jeunes et des parents attendaient, c'était jour de baptême de vol. Ils ont attendu longtemps, sans rien dire, sans se plaindre, sans manger (je suppose que le pilote sachant qu'il faisait mauvais et que cela devait se lever ne se pressait pas). C'est à ce genre de patience que je mesure mon impolitesse et mon impatience mais aussi la docilité de mes contemporains.

Thibault (pilote instructeur) est arrivé et s'est mis en tête de faire fonctionner le simulateur de vol. Nous avons passé beaucoup de temps à tout démonter et démonter avant de penser à mettre le logiciel à jour (je l'avais vaguement balbutié mais pas avec assez de conviction).

Cours sur le remorqué:
Il y a deux façons de décoller en planeur: le treuil (avec huit cents mètres de cable) et le remorqué derrière un aviron remorqueur. A Moret nous utilisons la deuxième possibilité.

Le remorqueur se décompose en plusieurs phases: tant que le planeur roule encore, «tu gardes les ailes horizontales, si l'une touche le sol tu largues. Tu restes dans l'axe de l'avion, c'est le seul moment où tu peux dissocier les palonniers du manche»; puis une fois que le planeur est en vol tandis que l'avion est encore au sol, «tu le maintiens dans l'axe. Attention, comme la vitesse de l'avion amplifie l'effet sur les gouvernes, il faut que les mouvements du manche tiennent dans une pièce de deux euros», enfin quand les deux sont en vol, «tu poses les ailes du planeur sur l'horizon, tu inclines les ailes du planeur selon la même inclinaison que le remorqueur, si tu t'écartes tu ramènes doucement dans l'axe en arrêtant ton action avant d'être totalement dans l'axe parce que sinon l'inertie te fera dépasser ton but et tu vas te mettre à marsouiner».
Et surtout surtout, «tu ne dois jamais être en position haute, tu dois toujours voir l'avion. Sinon tu mets le pilote en danger, tu te mets en danger, et le pilote de l'avion a le droit de couper le câble (quand la possibilité mécanique existe) pour sauver sa peau».

Romuald a réussi au premier ou au second essai.
Un essai, deux, cinq, je ne sais plus combien de fois, je me suis crashée à tous les coups, parfois de façon tout à fait spectaculaire. Comment dire cela? le simulateur ne me fait aucun effet. Je ne vois pas le rapport entre le manche et ce que je vois à l'écran. Cela ne fait aucun sens, je reste inerte, je n'adapte pas ce que je fais à ce que je vois.

Cependant tout n'est pas négatif: j'ai réussi à atterrir deux fois (je veux dire qu'après avoir été larguée en catastrophe par l'avion, j'ai réussi à rejoindre le sol sur le ventre).

Les petits gros

Journée au club de planeur. Ça y est, je suis inscrite officiellement. Toujours pas de vols possibles, trop de vent et de giboulées. Nous avons remonté quatre planeurs et rangé sept remorques.

Le déjeuner a lieu dans une joyeuse cohue. C'est l'occasion d'en apprendre davantage les uns sur les autres.
— Mon mari fait de l'aéromodélisme. Je le suivais dans les démonstrations, tous les week-ends.
— Donc tu connais la Ferté-Alais.
— Ah oui, il y a les petits gros là-bas.
Il doit voir ma tête car il se tourne vers moi et m'explique.
— Ce sont des modèles plus grands que d'habitude, mais plus petits que des avions.

Les géorgiques

La dernière fois j'étais arrivée trop tôt (dix heures), cette fois j'arrive trop tard, les planeurs sont déjà sortis. Je reconnais un ou deux jeunes. Les conditions sont les mêmes que la dernières fois, «du thermique pur», comprendre un ciel d'un bleu pur, sans nuage. Cela complique la tâche des pilotes qui doivent trouver les ascendances (les pompes) sans repère, juste avec leur expérience du relief (quel endroit, plus ou moins humide, de couleur différente (toit ou carrière).

Un homme dans mes âges me raconte qu'il était pilote-instructeur, mais que suite à un problème de santé il y a trois ou quatre ans il n'a plus le droit de voler seul.
Je l'écoute en silence. Ça doit être difficile d'accepter de passer d'instructeur à tutoré. Il doit y falloir beaucoup d'humilité et de désir de voler. Peut-être que la connivence qui s'instaure sous la verrière entre deux pilotes confirmés rend la situation plus aisée. Mais c'est aussi un raccourcissement des vols, puisqu'il faut attendre qu'un instructeur soit disponible, alors que le brevet de pilote permet de longues sorties d'une après-midi entière (cinq heures environ).

Je révise la ligne droite et commence les vidéos sur les virages. La première sortie de l'après-midi se conclut par une «rowenta», c'est-à-dire que le planeur n'ayant pas trouvé de thermique revient au sol au bout d'un quart d'heure pour repartir aussitôt. (Rowenta pour la machine à laver? l'aspirateur? ai-je mal entendu? je ne trouve rien en ligne).

Je passe la deuxième. Ce n'est pas le même instructeur que la première fois. Nous revoyons l'assiette, j'ai tendance à être trop cabrée.
— Ce n'est pas trop piqué? On va descendre.
— Un planeur, ça descend toujours.
Gloups. Ce n'est pourtant pas l'impression que cela donne de l'extérieur. C'est comme les virages: j'ai toujours l'impression d'être beaucoup plus inclinée que le planeur ne doit l'être en réalité.

Ligne droite, compensation. «Essaie de tenir le manche plus bas, ça te donnera plus de précision». La difficulté, c'est qu'il y a un très court délai entre mon action et la réaction du planeur, et qu'en conséquence, j'ai tendance à trop corriger par impatience: «ça ne fait rien», donc j'insiste, et quand la correction intervient, elle est trop forte.

Tard dans l'après-midi après avoir rentré les planeurs j'aperçois cela sur le bar:

livre sur le comptoir extérieur du club de planeur


Un fil de laine

Quand je m'étais inscrite, Juliette m'avait prévenue: «il faut prévoir la journée entière parce qu'on a besoin d'être là pour manipuler les planeurs. C'est un sport collectif. On arrive à dix heures, il y a le briefing. Il faut amener un casse-croûte, on pique-nique ensemble puis on vole.»

Arrivée à dix heures, donc. Il y a du vent, la prairie est desséchée, je suis la première, j'attends. (Un anneau de manche à air égale cinq nœuds, 1,852 km; il faut compter avant la cassure (astuce: pour multiplier par cinq, multiplier par 10 puis diviser par deux)).

terrain devant les hangars des planeurs à Episy, 77


Des jeunes arrivent peu à peu, deux ou trois, entre seize et vingt ans peut-être. Le moins que l'on puisse dire est que je fais tache, une femme, âgée, débutante, qui pourrait être leur mère.
Ils disent bonjour et se taisent. Même entre eux ils se taisent. Difficile de savoir s'ils se connaissent.

Hangar.

le hangar des planeurs à Episy, portes fermées


Sortir les planeurs avec précaution, quinze à dix-huit mètres d'envergure, les piliers sont entourés de coussins. Le planeur a une roue avant. On lui en ajoute une au ras de la queue grâce à une roulette nommée B.O.1.

On équipe chaque planeur d'un parachute et d'une batterie (pour la radio). Les verrières se manient avec grande précaution, une seule méthode est possible. Parce que je suis nouvelle et parce qu'il n'y a rien à faire en attendant le briefing, Etienne me montre la visite de pré-vol, qui consiste à vérifier tous les profils du planeur (pas de bosse, de trous, de fissures), les instruments de mesure (que du physique marchant par pression, pas d'électronique), les commandes, l'absence de boulons qui se baladeraient dans les aérofreins.
Plus tard je me rendrai compte que cette visite ce fait plutôt en bout de piste, avant le décollage.

Vérification des golfettes. Carburant, huile. Remorquage de quelques planeurs en bout de piste.

Briefing. Différentes cartes, vents, températures. Je n'y comprends pas grand chose, à part qu'il y a du vent. Certains présents veulent partir en «campagne» vers Pont-sur-Yonne. J'apprendrai que cela s'oppose au «local», rester à proximité de son terrain de décollage / d'apprentissage. Partir en campagne, c'est prendre le risque d'un atterrissage «aux vaches», c'est-à-dire forcé, sur un terrain imprévu, parce qu'on n'a pas trouvé suffisamment de courants ascendants pour se maintenir dans les airs. Evidemment, il y a deux types d'atterrissages imprévus, celui sur un terrain d'aviation, à Pont par exemple, avec l'espoir de pouvoir être de nouveau remorqué et largué, ou dans un champ, auquel cas quelqu'un doit venir vous chercher avec une remorque pour ramener le planeur.

Déjeuner sur des tables sous les pins. Chaleur idéale. Peu causants. Loin de mes souvenirs de sandwichs jambon-beurre / chips / tomate. On est plutôt sur la boîte de salade composée, ce qui me paraît admirable pourde si jeunes gens. L'arrière des bâtiments est aménagé en terrain de camping, avec douche et vaste cuisine. L'instructeur-pilote dort en caravane. Il est embauché pour l'été.

Vers une heure et demie les premiers planeurs sont largués. Premier élève. Je passe en second.
Enfilage du parachute («Pour larguer la verrière, c'est ici. Après on se détache, et comme il n'y a rien pour s'éjecter, il faut se mettre accroupi sur le siège puis pousser fort comme au fond de la piscine.» (J'imagine la manœuvre dans un planeur en torche, aile cassée.) «Ça vous est déjà arrivé? —Moi non. En vingt-cinq ans, je connais deux personnes à qui s'est arrivé. Statistiquement, ça arrive surtout à des Allemands de 65 ans dans les Basses-Alpes.»2), présentation des différents instruments, mise en place d'un dossier parce que je suis petite, réglage des palonniers pour mes jambes courtes.
— Tu pèses combien?
— Soixante.
— Plus sept de parachute, et moi à l'arrière trente. Ça ira. Quand tu monteras seule il faudra prévoir des gueuzes. (Je suis surprise, je pensais qu'il fallait être le plus léger possible. D'un autre côté, en voyant les champions du monde, je m'étais dit que c'était faux.)

Je n'aime pas beaucoup la partie derrière l'avion remorqueur. Le vent nous secoue. Bruit fort, l'amarre est larguée, je ne l'ai pas vu, je regardais ailleurs. L'instructeur recherche des courants ascensionnels, on monte dans les pompes en virage continu, le planeur penché sur l'aile. Je n'aime pas être penchée, j'ai un peu le mal de mer (la prochaine fois penser à manger plus tôt), l'odeur de ma crème solaire me rend malade (la prochaine fois ne pas mettre de crème solaire), mes oreilles se bouchent et se débouchent plusieurs fois. Mais dans l'ensemble ça va. C'est beaucoup moins flippant que le parachutisme. Etre devant dégage tout l'horizon, c'est grisant, surtout que la verrière permet de voir également au-dessus de soi.

Cours sur les commandes, le manche à balai est intuitif, les palonniers sont durs et je n'ose pas appuyer dessus. Le vol se fait entièrement sur des repères visuels, il n'y a pas d'électronique (ou uniquement pour le dispositif anti-collision). Première leçon, voler droit, ne pas intervenir n'est pas une option car le planeur dérive aussitôt, l'air est invisiblement parcouru de courants, c'est mystérieux, «on a calculé qu'un pilote doit intervenir toutes les trois secondes».
Je prends les commandes, pas assez de palonnier, j'oscille (roulis), je ne suis pas satisfaite, mais tant pis. On rentre.
Atterrissage sans encombre, un peu inquiète mais tout se passe bien, dieu que nous roulons vite en arrivant à terre (la verrière est au ras du sol, imaginez un pare-brise qui permette de voir le sol défiler).
Sortir de l'avion (j'ai mis la main n'importe où sur la verrière, horreur et damnation), dégager la piste, enlever le parachute, arrimer le planeur à la golfette, tenir l'aile (une seule), le ramener en début de piste.
Pour ceux que ça intéresse, vidéos accueil et la ligne droite.

Ce qui m'a le plus amusée et enchantée, c'est le fil de laine: un fil collé sur la verrière qui donne l'orientation du vent relatif quand le planeur est en vol. Un fil à plomb inversé, en somme. Quelle simplicité, quelle évidence.

Fil de laine au sol (dans les air, il est plaqué contre la verrière et indique l'inclinaison du planeur).

fil de laine sur la verrière  d'un planeur


Je suis épuisée. je m'endors sur la prairie en attendant le retour des derniers planeurs. Remorquer, nettoyer, rentrer dans le hangar.
Retour à la maison.





Notes
1: Je n'ai pas demandé ce que cela signifiait. Après quelques recherches, pas sûre qu'ils auraient su répondre: «Bourget-Opéra», selon la ligne de tramway Bourget-Opéra.
Il existe une anecdote plus précise:
Un chef d'équipe du Bourget demandait à ses mécanos de rentrer un avion alors que la soirée s'avançait. L'un des mécaniciens s'exclama «Mais chef, je file, j'ai le BO qui va partir». Sur quoi le patron Didier Daurat, qui passait dans le hangar, l'aurait attrapé par la manche en lui désignant le chariot: «En fait de BO, prends donc celui-là!».
2: Je suis perplexe: quelle est l'information importante dans ce profil, la nationalité, l'âge ou la géographie?

Planification des vacances

Dormi au dernier étage jusqu'à 9h23 (c'est précis).
Depuis que j'ai mentalement accepté le fait que je ne ferai pas partie d'un équipage stable dans un bateau fixe (parce que ce club ne fonctionne pas comme ça), j'ai ralenti les entraînements sur l'eau (à quoi bon?): une seule sortie par week-end, c'est pouvoir dormir sans contrainte un jour dans la semaine, le luxe.

Cela nous a permis de bruncher chez les filles pour la première fois. Pancake sucré-salé, intéressant.

J'ai décrété que je ne m'occupais plus des vacances (ça fait partie de ma lutte contre la charge mentale. J'avais, rassurez-vous, une idée assez précise des conséquences). H. voulait aller en Grèce. Je ne sais pas à quel moment il s'est préoccupé de transformer le désir en réalité, mais il n'y avait plus de places dans les avions.

En conséquence, je vais faire du planeur. («Si nous restons à Moret, j'irai faire du planeur.» (Nous devrions aussi faire du canoë, ensemble. Je suis curieuse de voir ce que ça va donner.)) Je suis allée m'inscrire cet après-midi. Stage de six jours qu'il est possible de prendre de façon discontinue. Pas de certificat médical nécessaire tant qu'on ne passe pas son brevet de pilotage. On s'inscrit sur un intranet, en fonction des places encore disponibles. C'est prenant: arrivée à dix heures (on ne vole pas le matin, l'air est trop froid, pas de courant ascendant), pique-nique le midi, pilotage l'après-midi (et beaucoup de manipulations, j'ai l'impression), départ à sept heures. Oups, cela veut dire que je laisse H. toute la journée pendant ses vacances. A une époque cela n'avait pas d'importance, il passait ses journées à programmer.
Maintenant je ne sais plus. On verra bien. Je pourrai toujours terminer les six jours au-delà du mois d'août. Je dois avouer que si cela me plaît et qu'on ne monte pas un bateau pour la coupe des dames, je songe à remplacer l'aviron par le planeur, au moins un an, pour faire un break.

Les longues remorques sur la photo sont destinées à contenir un planeur.

planeur à Episy


Lorsque je rentre, H. a acheté un tableau qu'il lorgnait depuis longtemps. L'intensité de son désir est prouvé par l'empressement qu'il met à le pendre au mur. (Trouver l'endroit, planter le clou).

Messe de 18h30 à St Mammès. J'y vais à vélo et repère le bar des capitaines en bord de Seine. Une solution de secours pour les dimanches soir où c'est la dèche (soit deux sur trois, trois sur quatre...)?

Maud Laforest, guitariste

Dimanche, 16 heures.
Nous abandonnons O. chez un ami et rejoignons Paris pour aller écouter Maud Laforest à la guitare à l’hôtel Soubise.
Durant le trajet, C., qui revient d’un stage de planeur, me fait cours sur les courants ascendants («Il y en a de trois sortes: les pentes, les pompes et les ondes. […] L’onde c’est la plus dangereuse. Tu vois les cercles quand on lance un caillou dans l’eau? Et bien c’est pareil, l’air fait des cercles qui se déplacent, quand on prend le bord ascendant d’un cercle, on monte très vite, mais dès qu’on arrive sur le rebord du cercle, on redescend aussi vite…»). Il regarde les nuages et commence une dissertation sur les cumulus à fond plat.
— À fond plat ?
— Mais oui, regarde, le bas de tous les nuages est à la même altitude.
Et je m’émerveille une fois encore de constater la variété des lectures du monde. Il suffit d’un stage de planeur pour que les moutons deviennent des ascenceurs.
— Tu sais, moi, tout ce que je sais du planeur me vient de Yoko Tsuno.
— Ce n’est pas si mal, mais elle n’aurait jamais pu utiliser les aérofreins en même temps que…
Je ne sais plus. Mes souvenirs de Yoko Tsuno ne sont pas assez précis. Il me fait rire. Une chose est sûre: s’il fait du planeur en région parisienne, j’en ferai aussi.
— C’était beau, l’endroit où tu étais ?
— Oui, surtout en planeur !
Suis-je bête. Evidemment, la Beauce aura moins de charme.

Je lui parle du Velib. En arrivant à Paris, il comprend le phénomène: il fait beau, il y a des vélos partout. Je gare la voiture dans un parking.

Nous arrivons devant l’hôtel Soubise. Devant les caisses, je m’aperçois que j’ai oublié mon portefeuille dans le panier des courses du marché.
Nous faisons demi-tour. C. est déçu, je me sens très bête. De plus, nous n’allons pas pouvoir reprendre la voiture au parking. En commençant à marcher vers Bastille, je fais le tour des possibilités: rentrer en RER à la maison tous les deux puis revenir seule chercher la voiture, rentrer à la maison tous les deux et reprendre la voiture demain en allant travailler («Mais ça va coûter une fortune!»)… Dans tous les cas il y en a pour au moins trois heures, le dimanche il n'y a que deux RER par heure, et il n'y a pas de bus.
— Tu veux m’attendre au café avec ton livre? Ce sera moins galère que le RER, je reviens te chercher dans trois heures et je paierai….
Trois heures… non, trop long, ce n’est pas viable.
— J’ai un chéquier, tu veux prendre une place et aller au concert pendant que je rentre à la maison chercher mon portefeuille?
—Tu as ton chéquier? Mais alors nous pouvons prendre deux places!
Je me laisse tenter mais ce n’est pas raisonnable. Je n’explique pas à C. le fond de ma pensée : le concert va décaler d’autant l'heure de notre retour, O. va s’inquiéter, ou avoir faim, ou pire, il ne rentrera pas, s'imposera chez son ami, que vont penser ses parents?
Tant pis. Au pire nous prendrons un taxi.
Nous achetons nos billets.

Tandis que nous traversons la cour, C. me murmure: «C’est l’hôtel de Guise, celui de Pardaillan».
Et la salle du concert, m’apprend-il, est l’ancienne salle des gardes où Pardaillan a défait (sic) quatorze gardes. Bizarre, il me semblait que c’était l’antichambre de la Princesse… (En fait, ce fut les deux, à des époques différentes). Je remarque des cartes postales en vente (on est dimanche, c’est fermé), il faudra que je revienne.

Un homme nous présente assez longuement l’histoire de l’hôtel, je ne me souviens pas que nous ayons eu droit à toutes ces explications lorsque je suis venue avec Zvezdo. Ou est-ce que nous étions dissipés au point de ne pas avoir entendues ? J’ai un peu honte rétrospectivement. Mais non, je ne crois pas.

Je vous livre des extraits du contenu du feuillet de présentation joint au programme du concert:

L'hôtel de Clisson, l’un des rares vestiges parisiens d'architecture civile du 13e siècle, devint à la Renaissance propriété de la famille de Guise. Dès cette époque, l’hôtel particulier de l'actuelle rue des Archives connut une brillante activité musicale, notamment lorsqu'en 1660 Marc-Antoine Charpentier s'y installa au service de Marie de Lorraine, dite Mademoiselle de Guise, cousine de Louis XIV et dernière descendante de l'illustre famille.
C'est dans ce cadre que furent conçues des pièces destinées à un ensemble de quinze musiciens et dont M-A. Charpentier participa à l'exécution en chantant comme haute-contre. Cantates et pastorales constituèrent l'essentiel de sa production pour la duchesse de Guise. De nombreux concerts furent organisés, dont un auquel le roi assista, émerveillé, au point de verser une pension au compositeur. A la mort de Mademoiselle de Guise en 1686, M.-A. Charpentier devint Maître de musique du collège Louis-le-Grand. Il fut ensuite nommé maître de musique des enfants de la Sainte-Chapelle, où il demeura jusqu'à sa mort le 24 février 1704.

En 1700, l'hôtel de Guise fut racheté par François de Rohan, prince de Soubise, et son épouse Anne Chabot de Rohan. Sur les conseils de leur fils cadet, prince-évêque de Strasbourg, ils confièrent en 1705 au jeune architecte Pierre-Alexis Delamair le soin de restructurer le bâtiment.

En 1732, à l'occasion de son remariage avec une jeune veuve de 19 ans, le deuxième prince de Soubise, Hercule-Mériadec, confia à l'architecte et décorateur Germain Boffrand le soin de redécorer entièrement l'intérieur du palais. François Boucher, Carle van Loo, Jean Restout et Charles Trémolières participèrent à l'œuvre d'embellissement.
En 1762, le maréchal de Soubise, dernier prince du nom, demanda à son ami le compositeur François-Joseph Gossec de créer le Concert des Amateurs qui devait rivaliser avec le Concert Spirituel, créé lui-même en 1712 en réaction à l'emprise musicale de Lulli, auquel revenait sans partage le privilège royal. Avec 70 à 80 musiciens, le Concert des Amateurs avait une dimension symphonique, fait exceptionnel pour l'époque.
Fr.-J. Gossec y fit jouer en création ses premières symphonies avant de partir diriger le Concert spirituel et de céder sa place à Joseph de Boulogne, dit Le Chevalier de Saint-George, exceptionnel violoniste qui était devenu le batteur de mesure du Concert des Amateurs, sous la direction du premier.
Sous la direction de Saint-George, le Concert des Amateurs devint la meilleure formation symphonique de France et sans doute d'Europe. La foule se pressait à l'hôtel de Soubise pour y entendre la formation dirigée par ce beau métis, professeur de musique personnel de la reine. Lui aussi y donna en création ses symphonies, opéras ou quatuors à cordes. Sa renommée était telle qu'il fut chargé de commander à J. Haydn ses six symphonies dites parisiennes. Mozart qui, résidant alors à Paris, cherchait en vain à se produire, prit ombrage de la renommée du fameux chevalier, franc-maçon comme lui, et, malgré les suggestions de son père Léopold, se refusa à le rencontrer.

Souvent dévolus à la musique, aux arts et plus largement à l'histoire, les différents hôtels qui se succédèrent sur Factuel quadrilatère du Centre historique des Archives nationales ont accueilli les créations de compositeurs qui leur étaient contemporains : M.-A. Charpentier, Fr.-J. Gossec, J. Haydn, Saint George. Aujourd'hui l'hôtel de Soubise renoue avec cette tradition : Jeunes Talents a fait créer ou interpréter des oeuvres du jeune compositeur Karol Beffa et de son maître Henri Dutilleux. Les concerts de la saison comme le Festival Européen confirment chaque année cette tradition: l'harmonie entre histoire et époque contemporaine.

Le présentateur nous fait ensuite remarquer que vendredi prochain seront jouées des pièces très rarement interprétées ou enregistrées : les versions pour 4 mains de Petrouchka et du Sacre du Printemps, transposées par Stravinsky lui-même.


Maud Laforest s’avance sur l’estrade, un sourire timide aux lèvres. Elle est grande, très mince, vêtue de noir. Comme elle porte un débardeur, son bras gauche est protégé sous le coude d’une large bande de tissu noir.
Elle se concentre avant de commencer, puis se perd dans la musique. Les fenêtres sont ouvertes, par moments le vent fait bouger les rideaux qui balaient le parquet dans un chuintement. Les notes de guitare rendent leur son très particulier. La main droite de Maud Laforest, étroite, longue, blanche, se dessine sur le manche, tous les tendons des doigts transparaissent, c’est un écorché, on suit le muscle de l’avant-bras. Elle paraît heureuse.
Mon morceau préféré sera un Capriccio diabolico op.85 (1935) de Mario Castuelnovo-Tedesco, un morceau vif, enlevé, malicieux. À ma grande surprise, il me semble reconnaître dans les dernières mesures le thème de Jeux interdits. C. soutient que j’ai rêvé.


Pendant la première partie du concert, je me tourmente : comment récupérer la voiture à moindre coût (temps et argent)? Le plus simple ne serait-il pas d’emprunter de l’argent à un ami parisien? Qui serait là un dimanche après-midi à Paris, à qui oserais-je demander de l’argent ? Rémi, bien sûr, mais il doit être en vacances, Olivier, Florence… J’ai même songé à Zvezdo.
Je somnole pendant Haendel, qui me paraît, cause ou conséquence, plutôt soporifique.
— Haendel a écrit pour la guitare ? demandai-je à C. à voix basse.
— Haendel a écrit pour tout, me répond-il en haussant les épaules.
Ah.

À l’entracte, prise d’une inspiration, je m’adresse tout simplement à la caisse : accepteraient-ils de me donner du liquide en échange d’un chèque ?
Oui.
Yeeess !!! J’obtiens quarante euros, nous avons même de quoi aller boire un diabolo menthe à L’ébouillanté derrière Saint-Gervais.

Au retour, C. joue avec le vent pendant que la voiture roule : main verticale, main horizontale, main oblique dans le vent relatif:
— Pop avait raison, comme ça, ça monte ! dit-il, ravi.

Regrets et projet

A midi, Paul me racontait qu'enfant, il avait gagné un baptême de l'air. Le lot était convertible en argent liquide: un baptême de l'air ou cinquante francs. Comme il n'avait pas un sou vaillant, il avait choisi l'argent et le regrettait amèrement aujourd'hui.
J'ai un souvenir du même genre. Au début des années 70, mes parents faisaient chaque année en juillet le trajet Agadir-Vierzon en voiture avec deux petites filles: pour eux trois jours et trois nuits de conduite en se relayant, pratiquant sans dormir, pour nous un ennui mortel que seules les disputes venaient égayer. C'est ainsi qu'ils décidèrent une année de me renvoyer en France seule, en voyage accompagné. J'avais six ans, l'hôtesse de l'air me proposa d'aller visiter la cabine de pilotage de la Caravelle. J'étais intimidée, j'eus peur de déranger, je refusai. Je le regrette beaucoup.

Après la guerre, Paul passa son brevet de pilote. C'était plus amusant qu'aujourd'hui dans la mesure où il n'y avait pas de contact radio avec le sol: la première fois qu'on s'élançait, on était réellement seul, d'où quelques émotions fortes au moment de l'atterrissage.
Il y a deux ou trois ans, il m'avait proposé de faire un tour en planeur avec lui. J'avais refusé par peur de faire de la peine à H., qui lui aussi aimerait faire du planeur. Aujourd'hui, j'ai changé d'avis. Le temps se fait court, si je dois faire du planeur avec Paul, c'est au plus vite, dès cette année. Lâchement, je l'ai chargé de l'intendance et des détails pratiques.
A suivre.
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