Billets qui ont 'religion' comme mot-clé.

Le jour des morts

La Toussaint est le jour des saints. Le jour des morts, c'est le 2 novembre.
Je le sais mais je l'oublie; et donc surprise quand je découvre en arrivant à Saint-Eloi que la messe n'a pas lieu dans la chapelle mais dans la nef, vaste volume aux poutres de métal. Le vent souffle en rafales (tempête Ciaran à l'ouest) et le soleil illumine l'autel au gré des nuages.

Jour de fête et donc mise en scène particulière, une mince cierge et une feuille de chant pour chacun.

Si je vous raconte tout cela, c'est à cause du chant d'entrée. Depuis ma formation en théologie, j'ai découvert que ces chants qui me paraissaient tous les mêmes ont souvent des intentions théologiques précises et renvoient à des textes spécifiques.
En gardant à l'esprit qu'il s'agit d'une messe pour tous les morts, voici la dernière ligne du quatrième couplet:
Sur les peuples de la nuit et du brouillard que la haine a décimés.
Quelle évolution depuis le peuple déicide.

Pour ceux que ça intéresse, mes notes sur Nostra Ætate, fin janvier 2015.

L'Ordre Basilien Choueirite.

J'ai rêvé de Charbel Maalouf.

(Il y a quelques jours j'étais tombée sur cet article alors que je travaillais sur Grégoire de Nysse. Il a été mon professeur de patristique.)

Incarnation

A l'ICP :
— Parfois, j'ai l'impression qu'ici on vit hors de la réalité, comme si tout le monde était croyant alors qu'en réalité presque plus personne ne croit. Par exemple si j'interroge sur le sens de passion avec un P majuscule, on me dit «mais si, je sais», et quand je demande des précisions: «c'est religieux, non?»
— Oh lala, si tu savais! Des ados m'ont dit il n'y a pas longtemps: «Jésus, il a pris cher!»


Et tout bien réfléchi, ce n'est pas une mauvaise définition, ni de la Passion, ni de la vie de Jéus: d'il a pris chair à il a pris cher.

Rien

Pas le courage d'aller ramer cette semaine. Un peu malade.
Le soir, O et moi avons rangé (débarrassé) avec une remarquable efficacité (une demi-heure) le salon des outils et autres. A. est repartie à Lisieux sans vider le lave-vaisselle, sans étendre le linge. C'est agaçant, elle n'a pourtant que ça à faire. Nous aurons droit la prochaine fois à une liste d'excuses et d'accusations (car elle mêle toujours les deux) insupportable. C'est agaçant, bis.
Soirée "information catéchisme" (oui, j'ai accepté de m'y coller encore une année). Déchristianisation à vitesse grand V, il n'y a plus que vingt enfants de CM2 inscrits dans une ville de trente mille habitants. Encore cinquante ans et il ne restera personne (il y a un verset au début des Actes des apôtres qui dit à peu près cela : « inutile de les combattre : si ce qu'ils prêchent est vrai nous ne gagnerons pas, si c'est faux, ils disparaîtront d'eux-mêmes), ou ne restera-t-il que « le petit reste », « le sel de la terre » ? Je ressens de la curiosité, pas de l'inquiétude. So be it.
H. revient de Tours. Prestation à son compte. Deuxième jour de sa nouvelle vie.
The Good Wife tard dans la nuit, quelque part vers la moitié de la saison 2. La gestion de la tension, l'évolution des thèmes qui font monter la tension, sont fascinantes.


Ah tiens, je vais donner mon avis sur la Catalogne (note pour plus tard : ce week-end s'est tenu le referendum interdit sur l'indépendance de la Catalogne, accompagné d'un certain nombre de violences policières) : puisque le referendum allait se tenir quoi qu'il arrive, le gouvernement aurait dû l'organiser lui-même, avec des listes électorales sûres, des bureaux de vote connus et rendre la participation au vote obligatoire sous peine d'amende.
Ça ne peut plus durer ces votes sécessionnistes où seuls ceux qui se sentent concernés se déplacent. Ça ne peut plus durer ces minorités agissantes qui imposent leur manière de voir.
Je crois même que cela devrait devenir une règle en Europe : la participation aux référendums, et surtout aux référendums d'indépendance, est obligatoire.

Mon génocide préféré

« Tu as multiplié cent fois les posts sur les chrétiens d'Orient, en comparaison. Mais bon, tu as le droit de préférer certains génocides. »

Il y a des phrases qui laissent rêveur et qui vous prennent au piège car il n'y a aucune façon honorable d'y répondre tant elles sont abjectes.

GC m'interpelle sur les Rohingyas

Je ne vais plus souvent sur Facebook, et c'est donc un peu par hasard que j'ai découvert cela aujourd'hui qui m'a coupé le souffle : brutalité et indécence de l'interpellation (s'agit-il d'un concours pour savoir qui pleurera le plus tôt et le plus fort?).

------------
Voici donc ce qu'on lisait sur la page de GC (depuis il a masqué la discussion, je ne peux plus la voir).

G** C** (14 septembre 9:57) Tiens, encore un exemple : les exactions épouvantables contre les chrétiens d'Orient ont fait l'objet de nombreux commentaires, pétitions, partages d'articles, et à juste titre. Je constate que mes amis chrétiens, notamment, sont bizarrement silencieux. [ici mon nom est tagué]

S** D** (14 septembre 9:58) Oui tout à fait. Et quant aux pertes civiles considérables causés par nos avions en Syrie…

Alice (17 septembre 14:56) Cher Guillaume, si tu avais regardé mon mur aussi souvent que j'ai consulté le tien au cours des dernières années, tu aurais constaté que j'ai signalé le massacre des Rohingyas bien avant1 que ce ne soit à la mode.
A la manière de GC, j'aurais pu alors me plaindre de ne recevoir aucun écho. Si tu vas traîner dans les pages que je suis, tu en trouveras sans doute une trace.

Alice (17 septembre 15:26) Par ailleurs, ce genre d'interpellation extrêmement aimable permet à chacun j'en suis sûre de comprendre pourquoi je "n'échange" pas avec toi. Nous n'avons pas la même définition de "l'échange".

G** C** (14 septembre 15:27) Tu sais très bien ce qui s'est passé, et que tu refuses de répondre aux questions (fort gênantes pour toi, il est vrai) que j'ai adressées suite à tes mises en causes injustes.


Note
1 : (en novembre 2016 sur ma page FB)

Faute de genre

Dans la voiture j’écoute le dernier « coup de gueule » d’une journaliste sur France Musique : tollé aux Pays-Bas parce que le Concertgebow a illustré une campagne de pub par un appareil à souffler les feuilles soulevant la jupe d’une femme, découvrant ainsi un string (jeu de mots en anglais sur un titre de Bach : air on string, mélodie sur une corde ou souffle sur une ficelle (le string)).
Et je me dis qu’ils sont bêtes, ils ont oublié qu’il fallait maintenant décaler ce genre d’allusions : ils auraient fait cela avec un homme en kilt, tout le monde aurait ri.

——————

Agenda
Aviron. Clémentine me vouvoie et me dit «Merci Madame». Je ne lui demande pas de me tutoyer. Il sera toujours temps si elle devient une fidèle du club.

C’est la rentrée. Encore deux ans.
Les travaux de l’ICP sont terminés. La cour ne me plaît pas, elle est entièrement cimentée de blanc (mais non plate, ce qui permettra à la pluie de ruisseler), percée de minuscules lampes qui sont comme des étoiles venues du sol dans la nuit. J'aurais préféré des arbres, des fleurs, de la terre. Evidemment il aurait fallu des chemins, c'est sans doute moins adapté à la circulation de beaucoup de gens.
Les salles (toutes les salles, ou seulement celles du bâtiment S) sont pimpantes et le mobilier neuf. Il était temps : le précédent semblait rassemblé de bric et de broc, avec des tables trop hautes, trop étroites, des chaises très inconfortables (celles-ci ô merveille sont rembourrées : combien de temps pour que des élèves inconscients de leur chance ne les tailladent ?)

Cours sur Heidegger, ou plutôt la phénoménologie (mais pas celle d'Husserl, donc celle de Heidegger) à partir de Jean-Yves Lacoste. « Il ne faut pas confondre la théologie philosophique (Voltaire, théodicée de Leibniz), la philosophie de la religion (Kierkegaard, les Russes, etc) et la philosophie des religions (étude des religions existantes).»
Je me prends à regretter que notre cours de sociologie soit si loin. J'ai l'impression que nous nous inscrivons dans la ligne directe de Durkheim and co.

L'acédie

Acédie: la première fois que j'ai entendu ce mot, c'était Ricœur qui parlait de la vieillesse et de l'approche de la mort: «La tristesse est liée à l'obligation d'abandonner beaucoup de choses. Il y a un travail de dessaisissement à faire. La tristesse n'est pas maîtrisable, mais ce qui peut être maîtrisé, c'est le consentement à la tristesse, ce que les pères de l'Eglise appelaient acédie. Il ne faut pas céder là-dessus.» (Les Cahiers de L'Herne, 2004)

J'ai appris hier que c'est l'une des huit pensées qui, selon Evagre le Pontique, tentent de détourner le moine de la prière et de l'adoration. Quand Cassien a traduit en latin la pensée d'Evagre, il a réduit ces huit pensées à sept péchés (sept tentations), en rassemblant l'acédie et la tristesse sous le terme de paresse. (Intéressant: la paresse n'est donc pas comme je le pensais une volupté dans la farniente mais un découragement devant la tâche à accomplir, ou encore devant l'inutilité apparente de nos efforts.)

Jamais donc je n'aurai autant entendu parler d'acédie qu'aujourd'hui, sans doute du fait de la présence d'orthodoxes.

***

Les interventions du matin ont été si techniques que je n'ose les rapporter: trop d'approximations. (Il y aura des actes pour ceux que cela intéresse).

L'après-midi a comporté trois interventions sur la compréhension du péché dans différentes cultures: Afrique (vidéo provocatrice nous montrant un "précheur du réveil" totalement illuminé (le Christ vous mènera vers le succès et vous sauvera du malheur); Asie et les problèmes de traduction (choisir parmi les mots déjà existants représentant le mal ou le malheur, d'où des résonances culturelles in-entendues des Occidentaux, inculturation ou aculturation); Amérique latine (théologie de la libération: peut-on réellement demander aux plus pauvres de se sentir pécheurs, existence du péché/faute et péché/malheur).

François Clavairoly, protestant, a terminé la journée par une communication intitulée «le péché et la grâce, sans indulgence». Je n'avais pas du tout saisi qu'il s'agissait "des" indulgences, mais Clavairoly étant protestant, je suppose qu'il n'a pu résister à cette petite provocation (qui suppose déjà une confiance dans son auditoire). Ce que j'en retiendrai, c'est que la première chose que Dieu trouve mauvais, c'est la solitude: «il n'est pas bon que l'homme soit seul». Le péché est ce qui isole, ce qui éloigne, ce qui coupe.

(Et je vois d'ici certains lecteurs qui vont se morfondre: "ch'uis tout seul!" Non. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, vous avez des amis, des familles. Attention à l'acédie cf ci-dessus)

Péché I

J'avais vu à l'institut protestant une publicité pour un colloque de l'ISEO (institut supérieur d'études œcuméniques) sur le péché: «Comment parler du péché en 2017?»
Bien que mon féminisme se méfie instinctivement de toute évocation du péché (parce que le péché "originel" qui permet d'accuser les femmes de tout et n'importe quoi me paraît une manipulation ecclésiale du genre «celui qui veut noyer son chien dit qu'il a la rage»), je me suis inscrite dans l'espoir de trouver des pistes pour mon oral de théologie en morale fondamentale (très important, le "fondamentale", la prof a insisté).

Je ne livre que quelques anecdotes et quelques pistes.

Quatre personnes de quatre confessions sont intervenues pour répondre à la question: «Quelle est à votre avis le problème le plus grave dans votre Eglise le péché le plus grave ?»

- Brice Deymié, protestant aumônier de prison, fait d'abord remarquer la différence entre le péché (transcendance, coupure d'avec Dieu) et les péchés (toujours personnels). Sa réponse à la question : la tentation de l'Eglise : se prendre pour Dieu.

- Michel Kubler, catholique, répond catégoriquement: la pédépholie. Il parle de Mgr Lalanne qui a fait l'erreur de répondre par des nuances théologiques à une question médiatique1 et insiste sur la condamnation permanente de Ratzinger (devenu Benoît XVI) qui est allé jusqu'à parler de "péché structurel". Démarche de conversion pour ne plus protéger l'institution et pour accompagner les victimes.
Il cite plusieurs livres, j'ai retenu celui d'une paroissienne qui étudie la façon dont une communauté se tait, s'est tue: Isabelle de Gaulmyn, Histoire d'un silence. Péché de l'Eglise, péché du peuple de Dieu.

Luc Oleknovitch, pasteur de l’Union des églises évangéliques libres de France (UEELF): péché de pharisaïsme : faire porter aux autres ce que nous ne portons pas nous-mêmes; péché d'infidélité : quand une Eglise ne me plaît pas, je vais en voir une autre. Recherche de la satisfaction émotionnelle. Si je devais définir ce péché, je l'appellerais "ingratitude".

Marc-Antoine Costa de Beauregard, orthodoxe (se signe avant de commencer). Le péché le plus grave: on m'a posé la question, spontanément j'ai répondu: "l'hérésie". Ouh là, qu'est-ce que je n'avais pas dit. Pour beaucoup, Dieu n'est pas la référence, la référence est la religion. Qui est Jésus-X pour toi?

C'est lui qui m'apprend que par la grâce du calendrier lunaire, tous les chrétiens vont fêter Pâques à la même date.

Citation de Brice Deymié: «Un directeur de prison me disait (les directeurs de prison sont souvent des personnes remarquables): "vous verrez, toutes les personnes que vous rencontrerez ici ont en commun qu'on ne leur a jamais dit "je t'aime".»
«On demande soudain à la prison de faire des miracles, de réussir là où la famille, l'école, etc., ont échoué…»

La salle demande comment parler du péché aux enfants. La réponse m'a fait sourire, car elle reprend l'adage «les protestants c'est toujours oui, les orthodoxes c'est toujours non, les catholiques ça dépend). Le prêtre orthodoxe répond qu'il faut commencer très tôt, que dès trois ans, les enfants savent exprimer la douleur de la faute et le besoin de la réconciliation; le catholique répond qu'il préfère attendre l'âge de raison (utiliser l'image de la ficelle cassée que l'on renoue); le protestant répond que les enfants culpabilisent déjà suffisamment spontanément, il préfère insiste sur la foi, la présence du christ; parler du péché ça vient toujours assez tôt.

Il n'y a pas de raison de parler de péché à quelqu'un qui ne croit pas. On peut faire appel à sa conscience, etc. mais on ne peut pas parler de péché à quelqu'un qui n'a pas la foi, ça n'a pas de sens (Michel Kubler).

Une question de la salle me fait sursauter en rappelant que l'œcuménisme, ce n'est pas «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil»: c'est un effort constant, avec des désaccords profonds et douloureux quasi physiquement (on voit les visages se figer, se crisper), et qu'il faut une attention permanente pour dialoguer sans blesser. (En d'autres termes, c'est moins la question qui m'a impressionnée que ce qu'elle a mis en évidence de failles, de désaccord, de volonté de continuer ensemble malgré tout, de se parler et non se condamner).
La question: Quels sont les péchés que chacune de nos Eglises considèrent comme un péché chez l'autre qui sont des obstacles au rapprochement? je pense par exemple à la reconnaissance des homosexuels, à la dévotion mariale, …

L'après-midi sera plus léger, sauf dans sa première intervention.
Jean-François Colosimo, orthodoxe, nous parle du combat spirituels des pères au désert. Il s'agit par ailleurs d'une charge contre l'ennéagramme, le New Age, etc. : «des choix de confort, alors que la religion chrétienne est inconfortable».
Lire un aphogtegme des pères du désert par jour.
théorie latine: tous les hommes sont responsables (amendée plus tard par St Thomas)
Remplacer la dyade faute/pardon par celle de mort/vie.
Permet de déplacer la culpabilisation qui reste une culpabilisation de la construction de soi.
Evagre : huit pensées (qui deviendront à travers Cassien en latin: les sept péchés capitaux)
Ce sont les pensées qui peuvent assaillir le moine: donc les "péchés" sont des combats spirituels.
concupiscence : luxure, gloutonnerie, vaine gloire, avarice
frustration : colère, tristesse, acédie, orgueil.
Il ne faut pas perdre de vue l'acédie (l'abandon par désespoir, qui sera rassemblé avec la tristesse sous le titre de paresse : l'abandon du combat).

C'est étrange, pour moi il est beaucoup plus engageant de se battre contre de mauvais génies qui induisent en tentation (pour ne pas dire Satan, un reste de peur du ridicule) que de devoir bander sa volonté pour lutter contre soi-même (la paresse, la gourmandise, etc): vaincre un ennemi "extérieur" éveille l'esprit combatif, l'énergie vivante et joyeuse des combats de chevaliers.

Ensuite, deux interventions sur le péché représenté en art ou utisé dans la publicité (Genèse 3).

Je pars pour mon cours d'allemand. A 19 heures, dans le cadre du colloque, projection à l'IPT de Sous le soleil de Satan. Je m'ennuie. Cette exaltation n'est pas du tout mon genre.


Note
1 : «"la pédophilie est un mal, est-ce un péché? je ne saurais le dire, mais il faut protéger les victimes". En disant cela, il suivait la doctrine catholique classique, en s'appuyant sur la reconnaissance progressive par l'Eglise de la pédophilie comme maladie ou pulsion irrépressible».

Du matin au soir

H. est parti ce matin pour New York. Si j'ai bien compris, il monte cette semaine la filiale américaine de l'entreprise pour laquelle il travaille en France (les Américains sont tout à fait disposés à accueillir n'importe qui qui crée des emplois chez eux). Par "monter" j'entends création juridique.

Le soir, "rencontre avec Guzman Carriguiry à l'ICP autour du texte du pape François, Les laïcs, messagers de l’Évangile".
Je suis déçue: c'est une conférence, j'attendais quelque chose de plus informel. Chaque intervenant évoque Rosa, la grand-mère du pape, véritable héroïne le temps de cette soirée.

Comment se présenter comme catho en France au temps de La manif pour tous? (qui est encore en train de faire des siennes autour d'un film). Pour moi c'est impossible. Au lieu de parler de la pauvreté, de la précarité, de l'accueil des migrants, le discours est confisqué pour parler du mariage et des homos. Comment ne pas avoir honte de se présenter comme catho en France?
Il vaut mieux laisser s'approcher les gens. A l'usage je me rends compte de leur grande curiosité (croire? mais quelle idée bizarre et moyenâgeuse, à quoi cela sert-il?)

M. aurait dû me rejoindre. A-t-elle oublié? Ou son petit fils a-t-il eu besoin d'elle? Je pensais dîner avec elle, je suis rentrée le ventre vide.


Sûr comme la mort, Trump est en train de nommer un ancien de Golman Sachs.

La presse étrangère à propos du "burkini"

Courrier international a choisi comme dossier de la semaine le French bashing, avec un constat mi-figue, mi-raisin: les pays étrangers adorent dire du mal de la France, et malheureusement il semblerait que ce ne soit pas toujours à tort.
Ces images nous obligent à nous poser la question: à partir de quand va-t-on considérer comme admise la comparaison avec les années 1930 et la persécution de ceux qui pensent autrement?

De Morgen, Bruxelles, 24 août 2016, cité par Courrier international, 1351, 22 septembre 2016

Je n'aurais pas utilisé "penser", mais "croire", "prier", "vivre".

Personnellement, j'ai de plus en plus souvent l'impression que le terme de "laïcité" est devenu le mot poli pour cacher l'intolérance: du droit de ne pas croire ou de croire ce qu'on veut garantit par la IIIe République, j'ai l'impression de glisser vers l'interdiction de croire ou l'obligation d'être athée, ce qui n'est tout de même pas la même chose.
"Croyez mais cachez-vous, qu'on ne vous voit pas" : c'est cela, "la laïcité à la française"? Ou pire: "seules les religions chrétiennes ont le droit d'être visisbles" au nom de "l'héritage culturel": c'est cela, la neutralité républicaine?

Dimanche

Chaque fois que je vais à la messe à Yerres le dimanche matin (pas souvent puisque je vais à l'aviron (mais j'ai décidé d'y aller le samedi afin de passer le dimanche en famille)) il y a un baptême. Lecture d'un message de l'évêque d'Evry au début, puis plus aucune allusion aux événements de la semaine1. Parfait.

Je pars demain, rien n'est prêt, sauf le triangle dans la voiture. J'ai acheté des chewing-gums.

Irréprochable. Un peu trop de gros plans, la folie et le doute (le doute sur la folie: responsable ou irresponsable, consciente ou inconsciente?), une construction sans faille.



Note
1 : assassinat du père Hamel le 26 juillet.

Mise au point

Sur FB, GC (spécialiste de l'Afrique anglophone) énonce inutile de s'émouvoir pour Jacques Hamel, le prêtre assassiné aujourd'hui en Normandie par un fanatique musulman, puisque les catholiques ont assassiné des milliers de musulmans en république du Congo Centrafrique (si des imprécisions se sont glissées dans mon résumé, je sais qu'il rectifiera).
J'avais commencé par répondre sur FB sous sa remarque, mais j'ai effacé ma réponse lors d'une fausse manip. Alors je mets quelques mots ici, juste pour les avoir (enfin) écrits.
Je trouve ce genre de remarques totalement déplacé pour dire le moins. D'une part elles consistent à appliquer au passé des normes qui n'existaient pas à l'époque, d'autre part(je barre en fonction du commentaire de GC.) Elles reproduisent ce qu'elles condamnent: elles écrasent les individus sous un principe au lieu de rendre toute sa valeur d'homme à chacun. Elles condamnent à reconduire perpétuellement les mêmes gestes, à base de rancune et de haine, à partir du comptage précis des torts et des vertus de chacun. Mais qui peut donc tenir un tel livre de compte?

Je me souviens du même GC en train de regretter (après le Bataclan?) qu'on n'ait pas davantage parlé du massacre dans une école kenyane en avril 2015, semblant dénoncer un cas de "deux poids deux mesures". Mais je me souviens aussi avoir pensé en avril 2015: "c'est une école chrétienne, personne ne dira rien, d'une part pour ne pas exacerber les tensions confessionnelles, d'autre part parce qu'en Occident, dans l'imaginaire occidental, les chrétiens ne peuvent pas être des victimes. Ce sont forcément des persécuteurs. Et on ne plaint pas les persécuteurs. On pense ou on dit: "bien fait".
(Dis-moi, Guillaume, t'es-tu indigné devant le récit de cette musulmane venue se recueillir devant ses morts à Nice et qui s'est fait insulter? Parce que ce que tu viens de faire, c'est le même mouvement que les insulteurs).

Je me souviens du jour où j'ai compris que nous allions laisser mourir les chrétiens d'Orient sans rien dire, parce qu'ils étaient chrétiens. Une statistique était sortie qui montrait que la religion la plus persécutée dans le monde était le christianisme, et cela avait fait rire Kozlika sur Twitter (rire d'incrédulité, pas de moquerie). On sortait de la "bataille" pour le mariage gay (le mariage pour tous), et j'ai compris que mes amis homos, mes connaissances homos, en voulaient si profondément à l'Eglise qu'ils ne verraient pas, jamais ou beaucoup trop tard, des persécutions qui menées contre n'importe qui d'autre auraient aussitôt coalisé leur soutien. J'ai compris que cette fois-ci, eux, généralement si sensibles aux persécutions, ne diraient rien; et que les autres groupes capables d'indignation (la "gauche", pour parler vite, et l'Eglise elle-même) ne diraient rien non plus, pour éviter d'allumer une guerre de religions, suffisamment proche comme cela (leur donné-je tort? Non, oui, je ne sais pas. Mais des gens meurent en martyr, pour leur foi, cela mérite au moins du respect.)

Je ne peux pas en vouloir à mes amis homos. Je comprends leur point de vue, d'autant plus que j'ai souvent eu honte de l'Eglise devant certains propos inadmissibles. Mais toi, Guillaume, j'ai un peu plus de mal à comprendre. Vas-y, compte les morts au Congo, les fous anti IVG, les prêtres pédophiles. Compte les léproseries, les aides aux galériens, les soupes du Secours catholique, l'aide actuelle aux réfugiés en Grèce. Compte tout ce que tu veux et explique-moi comment tu fais tes calculs et comment tu tires le bilan comptable de tout cela. La méthode de calcul chrétienne veut qu'une étincelle de lumière vaille plus qu'un océan de ténèbres. Mais on n'est pas obligé d'utiliser cette méthode. Laquelle retiens-tu? Œil pour œil, dent pour dent? Autre chose?

Bien fait pour les chrétiens, ils ont massacré, bien fait pour l'Occident, il a colonisé. OK. Et maintenant, qu'est-ce qu'on fait? On se suicide tout de suite pour montrer notre remords, on se laisse assassiner par repentir ou on cherche une solution pour passer à un autre modèle?

Aïda

La représentation fut éblouissante dans tous les sens du terme. Nous étions très bien placés, ce qui nous a permis de profiter de l'équilibre parfait entre les musiciens et les chanteurs.

Egypte et Ethiopie, époque de la diégèse, Autriche et Italie, époque de l'écriture, guerres actuelles (Afghanistan, Syrie, Daesh,…): trois représentations de l'histoire qui broie les histoires individuelles.
Remarque sarcastique malgré tout: une vraie transposition dans le monde d'aujourd'hui aurait utilisé des imans musulmans et non des prêtres catholiques bénissant les chars et disant la messe. Mais alors nous n'aurions pas vu la représentation de ce soir, le spectacle aurait été depuis longtemps soit annulé soit vandalisé. (D'un autre côté, reconnaissons que le clergé musulman ne possède pas de signe distinctif, de rite connu de tous, qui permette une utilisation à la scène qui ne nécessite pas une explication.)

A l'entracte, une sœur menue aux lèvres roses aux cheveux blancs habillée de gris avec une coiffe en forme de toque lit un livre polonais. Elle est magnifique, elle semble sortie d'un film.

Sondra Radvanovsky : Aïda
Gaston Rivero : Radamès
Anita Rachvelishvili : Amneris
Orlin Anastassov : le roi
Olivier Py: mise en scène
Daniel Oren : direction musicale (de profil, on le voyait chanter en dirigeant)

Théologie

Je lis Gibellini. Page 57 je trouve des définitions possibles de la théologie. Théologie : réflexion responsable sur la prédication, sur l’annonce chrétienne. La théologie historique a le devoir de réfléchir sur ce qui a été annoncé, la théologie dogmatique sur ce qu’on doit annoncer aujourd’hui. Ebeling : « sans proclamation, la théologie est vide. Sans théologie, la proclamation est aveugle. » Je comprends peu à peu pourquoi la théologie est si difficile, devient si difficile au fur à meusure que j'avance: la proclamation me fait peur. J'ai peur de me présenter comme chrétienne. Et encore, chrétienne, ça irait, mais comme catholique. Je ne suis ni fière ni rassurée de m'avancer comme catholique, et cela pour deux raisons majeure: la peur du ridicule (entre foi et superstition il n'y a pas de différence pour certains (c'est d'ailleurs le mot que Leo Strauss utilise pour la foi dans Cabale et philosophie (mais en notant qu'il faut être tenté par (et renoncer à) la foi pour être un philosophe valable)) et sans doute plus grave, la peur d'être à priori jugée intolérante (ce que je suis sans doute, mais je préférerais être jugée sur mes actes et mes paroles que sur mon appartenance à une catégorie).

Et pourtant, chaque fois, je suis surprise de voir combien les gens sont curieux, intéressés (et non pas moqueurs ou agressifs, ce que j'attends toujours), sur ce que l'on peut avoir à dire sur la foi: comme s'ils étaient heureux voire soulagés de pouvoir poser des questions sur cette idée, cette position, bizarre.

Sainte-Anne

En faisant quelques recherches ce soir je tombe sur cela et j'ai honte: m'être réjouie que Charlie soit courageux pour qu'il se fasse assassiner deux ans plus tard… Avons-nous le droit de conseiller à qui que ce soit d'être courageux, si ce n'est à nous-mêmes?

Ce soir, je recherchais un billet que je n'ai pas mis en ligne. Il y a eu en septembre 2012 (pour la x-ième fois, la première fois remontant à 2005 au Danemark) des remous à cause de caricatures de Mahomet; sans doute y a-t-il eu des discussions autour du voile et de la laïcité ensuite, toujours est-il qu'en faisant des recherches sur internet j'étais tombée, je m'en souviens bien, sur des discussions très intéressantes sur un forum suisse (avec troll, mais un seul, ce qui est exceptionnel sur un tel sujet. Vive les Suisses.)

A l'époque, j'avais eu l'intention d'en faire un billet. J'en avais écrit le titre mais je ne l'ai jamais mis en ligne. Je l'ai retrouvé, c'était un billet daté du 6 novembre 20121.
Je ne l'ai pas mis en ligne car de fil en aiguille, j'avais eu la curiosité de chercher une photo de "mon" église, celle où j'ai fait ma communion et suivi mes premiers cours de catéchisme: Sainte-Anne à Agadir.

Et j'avais trouvé cela, qui m'avait fait froid dans le dos.
Et dans une attitude très "ne désespérons pas Billancourt" (septembre 2012, nous tâchions de comprendre ce qui allait sortir du printemps arabe qui s'enlisait après l'enthousiasme initial du printemps 20112), je n'avais pas posté cette photo et pas écrit de billet (aujourd'hui je le regrette car je n'ai plus de traces sur le vif de ce qui se passait et de ce que je pensais alors, juste des souvenirs flous).




Que se passait-il sur cette photo? Pourquoi? Elle datait de 2004, comment cela était-il possible? Les catholiques étaient-ils menacés en 2004 au Maroc? Les militaires assuraient-ils leur sécurité? Incroyable.
J'ai refusé d'y croire.

J'ai suivi le cours sur l'islam à l'ICP en janvier 2013 et en mars 2013, j'ai découvert en feuilletant L'islam que j'aime, l'islam qui m'inquiète que Tareq Oubrou était allé en maternelle chez les sœurs à Sainte-Anne. J'ai acheté le livre.


————————
Agenda
C'est officiellement l'automne : première sortie en collant et manches longues.
Quatre sans Ena 2. Moi à la nage, Tudal, Olivier, Marc. Deux tours de l'île.



Notes
1 : Si vous regardez l'adresse du billet, vous verrez qu'il porte le numéro 2386. Cela permet de savoir quand il a été créé: je détruis rarement les billets que je ne mets pas en ligne; soit ils restent dans les limbes; soit je les réutilise à une autre date.
2 : En avril 2012 RC avait appelé à voté Le Pen, en septembre j'écrivais de ce que je pensais de sa hiérarchie des priorités dans un billet sur la SLRC, billet qu'en janvier 2013 Rémi allait faire censurer dans le silence — et l'approbation? je n'y étais pas, je ne sais pas — des membres de la SLRC3. Période douloureuse et inquiète que toute cette étendue de temps, sentiments ou sensations que je ne sais pas, je ne veux pas, exprimer sur le moment — et qui se perdent, et que je perds, plus tard.
C'est étrange de se dire qu'on écrit tous les jours, et que pourtant l'essentiel n'y est pas — ce qui compte vraiment n'y est pas, la colère, la tristesse, l'angoisse, n'y sont pas. (Les émotions positives y sont davantages (smiley).)
J'ai entrepris de reprendre mes billets pour les passer en format html (au lieu de wiki), j'en profite pour les annoter le cas échéant, pour ajouter les commentaires amers ou les explications gardées en brouillon à l'époque.
Mais parfois je ne me souviens de rien. Ce n'était pas si grave finalement.
3 : Cette censure m'a causé un chagrin et une crise de misanthropie si violents que j'ai fermé FB en mettant cela sur le compte du besoin de travailler (mes cours), ne voulant pas me donner le ridicule de croire que cela pouvait affecter qui que ce soit. Je me rends compte aujourd'hui que durant cette absence de FB se sont développées des haines entre des gens que je pensais amis, haines que j'ai du mal à prendre en compte pour ne pas en avoir vécu la naissance et l'évolution.

Suite et fin

De nouveau messe à Orienbaum, avec un prêtre différent. Cette fois-ci il y a une quête, ce qui infirme notre supposion de jeudi: qu'il n'y aurait pas eu de quête parce que nous étions en Allemagne et que le culte était subventionné par l'Etat.
Apparemment l'église a été construite en 1957, ce qui bat en brêche quelques idées sur la religion en DDR. (Mais que comprendre? Et comment savoir?)

De nouveau à Wörlitz pour voir l'église. Montés en haut du clocher. Etrangement, les jardins ne donnent rien vus d'en haut, ils paraisent étriqués et plats. Ils ont vraiment été conçus pour être vus à hauteur d'homme.

Tentative de manger au Cornhause mais nous n'avons pas assez de temps. Crépuscule des dieux un peu brouillon mais meilleur d'acte en acte.

Pizzeria après la crêperie d'hier: «le service allemand, c'est comme ça: ils te servent, puis ils disparaisent. Si tu as besoin de quelque chose, il faut réussir à attirer leur attention.»

Nous en serions déjà là ?

Le cours reprend la conclusion du colloque «Le Concile Vatican II, des ressources nouvelles pour le gouvernement de l'Église» pour synthétiser l'apport pour l'œcuménisme.


Je résume, en simplifiant beaucoup, les points de vue sur l'épiscopat :
- les protestants : nous acceptons que vous ayez des évêques mais il vous (les catholiques) faudra accepter que nous n'en ayons pas.
- les orthodoxes : nous ne pouvons concevoir des évêques sans diocèse, c'est insensé. Prégnance des Eglises locales.

C'est alors que le professeur (prêtre) fait une remarque qui me glace: le pape François, dans une rencontre avec l'Eglise anglicane, a fait remarquer que nous entrions dans une nouvelle ère de martyre, et que cela donnerait sans doute un nouveau sens à l'œcuménisme (sous-entendu: nous allons devoir nous soutenir les uns les autres pour notre survie et les disputes dogmatiques vont sans doute passer au second plan.).

D'une question à l'autre

L'étude de Vatican II amène à passer de la question assez classique "Comment changer sans perdre son identité?" à la question plus inattendue "Comment changer pour garder son identité?"

Effroi

Tous les jours une nouvelle horreur. Hier (ou avant-hier) le pilote brûlé vif, aujourd'hui les enfants crucifiés ou enterrés vivants… Cela ressemble terriblement aux descriptions des guerres de religion en France, à cela près que ce n'était pas filmé. (Comme je le disais en 2008, aujourd'hui même les camps seraient filmés (et en 2008, "l'info en continu" n'avait pas atteint les sommets atteints depuis Merah en 2012)). Impuissance, hébétude, fatalisme, et chez certains cette fascination qui me donne envie de vomir.

Bien entendu les ennemis des religions éprouvent une colère dont la férocité ressemble à de la joie, tenant "leur" preuve incontestable; les religions, ce n'est rien d'autre que le mal incarné, et devant tant d'horreur, il me vient à penser non pas qu'ils ont raison, mais que je les comprends, que je ne peux que les comprendre, ce qu'ils disent est incontestable.
Et je pense au nazisme et à l'hitlérisme. Refuser la transcendance n'est pas non plus un gage de bonté et de générosité.
Je ne sais pas ce qui produit le plus de crimes, ou ce qui est le plus irrationnel: croire en l'homme ou en Dieu.
L'horreur n'est pas un concours.

La permanence d'Israël, une question pour l'Église

TG sur les rapports des Juifs et de l'Eglise. Comment interpréter la permanence d'Israël. Je dois avouer que cette question ne m'a jamais effleurée: il me semble tellement humain de refuser de se convertir, par fidélité.
Mais en fait, comme je mets en ligne ce billet deux semaines plus tard, le TG suivant a fait naître quelques réflexions: le Messie était destiné aux Juifs, et "nous", l'Eglise, les chrétiens, sommes finalement la preuve d'un échec. Comment vivre avec cette preuve que nous n'étions pas élus, mais que nous sommes un pis-aller? Cela peut-il expliquer la rancœur chrétienne envers les juifs? Mais cela ne peut-il pas être le contraire, une cause de rancœur juive puisque nous leur avons volé leur héritage?).

Histoire de l'écriture de Nostra Ætate dans le contexte politique de l'époque. Vatican II comme le lieu d'une diplomatie intense. Moyen-Orient, déjà. Les évêques des pays arabes, soucieux de ne pas monter les autochtones contre les chrétiens par un soutien trop clair à Israël. Différence entre Israël-peuple de Dieu et l'Israël politique de 1962. Et cependant le même. Et la résonance de tout cela aujourd'hui… Mais après tout, c'est aussi pour cela que j'ai entrepris ces études. Comment se douter en 2011 que l'urgence ne ferait que croître (mais en réalité, c'était prévisible. La forme que cela allait prendre (Daech ou Charlie) ne l'était pas, mais le fond était perceptible).

Phrase extraordinaire sur le décret dans un extrait de René Laurentin.
Plus profondément, le texte sur les juifs, qu'on tenta d'intégrer successivement à la liberté religieuse, puis à l'œcuménisme, puis à l'Église, puis à l'ensemble des religions, révéla sur chacun de ces terrains une incidence significative. Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits. On pourrait d'ailleurs en dire autant du problème connexe de la liberté religieuse qui fut rattachée successivement aux schémas sur l'Église et sur l'œcuménisme et révéla, dans les deux cas, un point névralgique, sinon essentiel.

R. Laurentin, «Histoire. Les origines (1960-1962)», L'Église et les juifs à Vatican II, p.28 Paris, Casterman, 1967
«Chassé de partout, le Décret primitif De judaeis a partout provoqué une réflexion et porté des fruits»: quelle phrase extraordinaire, qui peut s'appliquer exactement aux juifs. Personne ne l'a relevée durant le TG.

En sortant j'achète un Thomas Bernhard d'occasion, par hasard.


Sieste. Puis rangement, encore.

Mise au point

Je soutiens les musulmans, les musulmans «convaincus et pacifiques», comme dirait Monseigneur Dubost.

Je ne les soutiens pas dans une sorte de naïveté irénique du type «Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil». Je les soutiens par intérêt bien compris.

De même qu'en soutenant le droit des homosexuels à se marier, je soutenais le droit des femmes de ne pas être restreintes à la procréation (culture contre nature), de même en soutenant les musulmans dans leur droit à vivre leur religion dans le cadre des lois françaises je soutiens mon propre droit à vivre ma religion.

Car de «tous les musulmans sont de dangereux fanatiques», on passe assez vite à «tous les croyants sont de dangereux fanatiques».

Non.

Etre / Naître / Devenir

«Paraphrasant Simone de Beauvoir qui paraphrasait Tertullien, on ne naît pas chrétien, on le devient. Imaginez un couple (un homme et une femme précise-t-il en souriant) baptisés tous les deux se mariant à l'église sans avoir consommé, tout dans les règles, eh bien, l'enfant qui naîtra sera païen… ce n'est pas vrai chez les juifs, le caractère juif s'acquiert par la filiation… quant aux musulmans, c'est encore autre chose: tout homme naît musulman par défaut, c'est la famille ou la société qui distordent cet ordre naturel.»

Il n'y a là rien que je ne savais déjà, mais isolément. Je n'avais jamais rapproché les trois modèles. Cela me laisse pensive.

Enquête

Les questions sont ici.

1/ Tous les midis pratiquement.
Je dîne moins souvent à l'extérieur (à une époque c'était la marque de notre paresse) depuis que j'ai découvert, vers 2000, les magasins Métro: les litres de sauces au poivre, au roquefort, blanche, corail, les vinaigrettes toutes prêtes, les boudins d'œufs durs reconstitués, etc., m'ont dégoûtée de manger au restaurant: c'est meilleur chez moi quand Hervé est aux fournaux.

2/ J'ai rêvé cette nuit que j'étais enceinte.

3 et 4/ Non et non.

5/ Je ne crois pas.

6/ Oui, mais de façon limitée: religion catholique orientale ou orthodoxe (je ne sortirai pas du christianisme, et le protestantisme n'est pas une option).

7/ Oui, mais pas franchement à l'échelle !

8/ J'ai lu énormément de bandes dessinées entre vingt et trente ans. Je n'en lis plus aujourd'hui, sauf à retomber sur un album dans le salon. Je n'en lis pas que je ne connaisse déjà.

9/ Je ne crois pas. Je téléphone très peu, et brièvement.

10/ Aux fantômes, aux fées, aux lutins. A tout. (C'est ainsi que mon fils me pense superstitieuse.) J'ai tant de nostalgie de cet univers.

11/ Non. Ce n'est pas l'avion qui est en cause, mais les contrôles au sol : je déteste être prise à priori pour une criminelle, coupable tant que non prouvée innocente.

Assomption

— Est-ce que je peux aller à la messe sans avoir droit à une remarque sarcastique?
Dans un sens je me moque de la remarque sarcastique, dans un autre, c'est lassant. En fin de compte, j'ai droit à plus de remarques blessantes dans mon entourage proche qu'ici, sur internet, ce qui confirme l'hypothèse d'Agatha Christie que les gens prennent moins de précaution en famille (voir Un cadavre dans la bibliothèque).

Comme le matin même j'ai lu cela sur Postsecret,





je reste songeuse devant le prêche du curé encensant "l'amour d'une mère". C'est bizarre, cette idéalisation de la famille par l'Eglise, ne savent-ils pas que c'est le lieu où l'on se déchire le mieux?
(Peut-être que si: «[…] il s’agit […] de la cellule fondamentale de la société, du lieu où l’on apprend à vivre ensemble dans la différence […]» Evangelii Gaudium, §66. Ou pas.)


Agenda pour mémoire:
- barbecue chez les voisins. Il fait froid et pluvieux, quel drôle de mois d'août.
- un film nawak dans la catégorie eau-de-rose comique 1, La proposition. Avouons que l'amour que Raj (de The Big Bang Theory) porte à Sandra Bullok a attisé ma curiosité. C'est détendant.
Nous perdons beaucoup de temps ensuite à regarder les préview de ses films disponibles sur l'Apple TV. Comme dirait quelqu'un à propos de Tom Cruise, «elle a l'air de faire toujours le même film». On devrait les faire jouer ensemble, chacun dans son type de films, pour voir (exercice à contraintes).


1: J'y pense, la dénomination officielle doit être "comédie sentimentale".

Thème : mondialisation et religion

Au petit déjeuner, mes oreilles qui traînent entendent Maurice raconter son expérience du Rwanda dix ans après les massacres auprès des réfugiés (je raconte très à peu près, j'étais à la table d'à côté), le sang qui avait monté si haut dans une église (sans doute construite en amphithéâtre, sinon je ne vois pas comment c'est possible) qu'on voyait encore la marque du niveau sur la pierre de l'autel, l'histoire d'un homme qui avait fait mourir sa fille à la façon d'Antigone pour pouvoir réintégrer son village (je suis arrivée au milieu de cette histoire, je n'ai pas entendu le début, mais j'ai cru comprendre que ce que Maurice essayait d'expliquer, c'est que pour cet homme qui venait de sacrifier sa fille à la société, il n'y aurait rien d'exceptionnel dans le sacrifice de Jésus: «Qu'est-ce que je peux apporter à cet homme?»), «religion, sacrifice, orgie, tout cela est lié, c'est évident, tous les missionnaires le savent, la religion, ça commence par l'anthropologie et Levi-Strauss» (je mets des guillemets, mais bien entendu, c'est moi qui rapporte de mémoire.)

9h47 : les cigales commencent.

Je dois avouer que je décroche pendant une intervention étrange sur "mondialisation et religion" (comment quelqu'un qui nous a expliqué il y a trois jours que le temps n'est pas celui des horloges peut-il être autant dans le court terme et dans la défense de l'Occident? Je n'ai jamais compris qu'un défenseur des valeurs occidentales ne soit pas heureux de les voir se répandre. Mais de toute façon ce n'est pas clair, on ne comprend pas s'il craint qu'elles nous soient "piquées" (sic) ou qu'elles ne soient plus reconnues).
Beaucoup de gens dans l'assemblée sont agacés mais décident de ne pas trop le manifester. Cette sagesse, cette façon de vivre ensemble, ce refus conscient de la stigmatisation est instructif et me fait réfléchir, c'est presque la leçon de cette intervention.

Puis intervention d'Amal qui parle du christianisme en Inde, de la façon d'aborder les mystères.
Il évoque Roger Haight (Boston) - écrit condamné par l'Eglise («Il sera peut-être publié après sa mort…») mais je n'ai pas bien compris pourquoi. La façon de concevoir l'un et le multiple, la trinité, est difficile à reprendre ici. Lisez plutôt les livres de Michael Amaladoss.

Au dessert, Leonardo royal passe de table en table et sert la glace en se plaignant:
— Les filles m'ont laissé ça à faire, ça me casse les bras! (Il est dans le groupe des jeunes, ça lui va comme un gant.)
— Normal que tu serves la glace, tu es italien!
— Leoardo, pourquoi es-tu devenu jésuite?
— Je ne sais pas, mais maintenant que j'y suis, je me sens chez moi.
(Quelques jours plus tôt, il avait évoqué le choc de la rencontre de Teilhard de Chardin.)

Je relis et complète ces notes.
Je voudrais juste pouvoir interroger (et surtout écouter) Marc tout en ayant peur d'être envahissante (ce qui entraîne le paradoxe que je me tiens à distance).
Je pense à Mireille qui il y a bien longtemps disait sa crainte de voir disparaître la foi du charbonnier, à notre ami Bernard Gallière, jésuite, qui pensait dommageable que certains ne deviennent jésuites que par attrait intellectuel, à Maurice en train de dire dans le bus «Nous ne devons pas devenir une élite arrogante» (il parlait de la position d'une Eglise catholique devenant minoritaire en France); bref, tous ceux qui redoutent une religion de tête et non de cœur.
Mais rien à faire, la forme de pensée de Marc me plaît, entièrement tournée vers l'étude et les citations («l'homme qui cite plus vite que son ombre»), avec néanmoins un goût des films et des romans policiers (il faudrait que je vérifie ses connaissances en Tolkien, Star Wars et Douglas Adams).
Après tout, cela aussi est de l'amour (amour des textes, d'une langue, d'un peuple, curiosité pour le monde, attachement, désir de comprendre).

J'ai de tels coups de soleil après la journée d'hier que je préfère ne pas me baigner. Je reste au centre à écrire les cartes postales que j'ai enfin trouvées. Puis sieste sous les pins (j'adore regarder le ciel à travers les pins). J'avance dans le Mahbharata, nous partons demain, il faut que je le finisse.
Les autres préparent la veillée de demain, je me sens totalement incapable de faire quoi que ce soit, mais Guy a proposé que notre groupe lise à plusieurs voix "En attendant les barbares" de Cavafy, ce qui me fait bigrement plaisir.

Rencontre à quelques-uns avec le père Konditis qui nous parle de la Grèce. L'un des problèmes fondamentaux serait une absence de contrat social, la méfiance des citoyens pour l'Etat, depuis toujours (ce n'est pas dû à la crise, mais la crise l'amplifie). En contrepartie, les gens s'entraident.
Finalement, on dirait que de nombreuses structures qui semblent si naturelles à un Français depuis Napoléon ou Louis XI restent à mettre en place. L'immigration est proportionnellement très importante, car les Turcs laissent passer volontairement les personnes. Les ressources économiques sont peu importantes, l'agriculture a diminué car l'euro rend les importations plus attractives, le secteur industriel est faible, il reste la marine («cinq officiers grecs, vingt marins philippins», résume le père Konditis) et le commerce international. Tout cela a l'air bien mal engagé.

Dernier soir, remerciements et distribution de cadeau, apéro, dîner, veillée (cœurs de pierre, épitaphe chantée en grec classique, Cavafy, "Complainte du phoque en Alaska", coudre un bouton, kairos, pastèque, chèvre qui frissonne et moustique mystique).

Philippe Lefebvre sur Samuel ou Joseph


PS:
N'empêche, «—What time is it? —Kairos, kairos!», est sans doute le meilleur résumé de la session voire de la vie (de la façon dont nous devons vivre). Cette boutade est un trait de génie.

Thème : le juste persécuté

J'ai pris du retard ce matin, Marie vient me chercher dans ma chambre. Puis je remonte changer de chaussures. Puis je reviens reposer ma clé: bref, démarrage difficile.

Tout est de plus en plus gai, joyeux. Au petit déjeuner, je m'empiffre de Nutella (alphabet latin sur le pot pour le nom de la marque) avec Leonardo, sj, pendant que les autres se moquent de nous.
Une preuve s'il en était besoin que c'est une nourriture du diable, les guêpes qui sont devenues très envahissantes au petit déjeuner depuis deux jours ne s'intéressent absolument pas au Nutella qu'elles n'identifient pas comme de la nourriture (ça fait peur).

Leonardo à qui j'explique mes «problèmes épistémologiques» («Vous n'avez pas suffisamment saisi les enjeux épistémologiques», appréciation sur ma dissert: oui, j'avoue) me recommande L'écriture vive d'Elisabeth Parmentier.

Deux conférences sur le thème du juste persécuté.
Une première de Marc qui nous illustre le glissement dans la Bible du prophète persécuté (un homme n'ayant pas de vertu particulière envoyé par Dieu auprès d'hommes ayant la même foi que lui) au martyr (un homme juste persécuté par un pouvoir politique ou religieux ayant des croyances différentes).
Marc est un grand amateur de films et il nous en cite à foison. Voilà plusieurs fois qu'il revient sur Sophie Scholl les derniers jours: «— Pourquoi, vous qui avez grandi dans les jeunesses hitlériennes, vous êtes-vous retournée contre Hitler? — Parce que toute vie est précieuse».

La deuxième conférence porte sur la mort de Socrate (-399) et sur le choc qu'elle a constitué pour la cité: elle démontrait l'échec de la démocratie et que la tradition qui associait la vertu et le bonheur se trompait (cf. Hésiode, Les travaux et les jours. Ce choc fut ressenti d'autant plus brutalement que la philosophie était vécue en communauté (cf. Pierre Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique?). Tandis que j'écoute Catherine dans une jolie robe rouge lire et commenter des extraits du Criton et du Phédon dans le chant des cigales, je me dis que ce doit ça, le commentaire philosophique, et qu'il faudra que je m'en inspire l'année prochaine.

Ensuite temps en commun pour partager. Je suis étonnée de la variété des réactions parmi nous six sur un sujet comme celui-ci [le juste persécuté]; j'aurais pensé qu'elles seraient extrêmement prévisibles. (Finalement, me dis-je en écrivant cela, cette technique de la "réflexion/partage" correspond un peu à ce que nous faisons quand nous tenons des blogs personnels).
Je rapporte deux réactions ici, parce qu'elles sont totalement opposées: l'un d'entre nous se sent persécuté, l'autre se pose la question «qui persécuté-je?».

Ensuite, intervention de Theodoros Konditis, sj, qui nous présente l'Eglise orthodoxe: des rites, une foi, une Eglise.
L'Eglise catholique représente moins de un pour cent des croyants en Grèce, et jusqu'il y a deux ou trois ans, la religion était indiquée sur les papiers d'identité (la Grèce a dû payer trois amendes à l'Union européenne avant que cela ne cesse). Il n'y a pas de conversion de catholique vers l'orthodoxie et inversement.

Je copie-colle une partie de mes notes:
L'orthodoxie est une douceur dans le monde dans la mesure où elle cherche à accueillir toute chose. Une approche lente sans trop de lois, sans trop de jugement. L'essentiel est d'embrasser tout en offrant tout à Dieu. Tout est louange.

C'est aussi un malaise dans l'histoire. Malaise des blessures qui n'ont pas cicatrisé. Deuil sur la perte de l'empire byzantin. Plainte qui se poursuit. Crée un malaise, une difficulté à collaborer avec les autres.
Malaise aussi à cause de la modernité. Modernité dans les relations humaines, avec les Etats, etc: l'orthodoxie a du mal à digérer la science, la liberté de conscience. Malaise dans l'histoire donc une méfiance, même à l'égard de ceux qui sont très bien intentionnés envers l'orthodoxie.
C'est parfois frustrant. Mais en même temps une liberté personnelle des prêtres (popes?) qui peuvent tisser des liens.

Déjeuner. Je prends deux ouzos un peu trop tassés. Béatrice et moi arrivons tard à table parce que nous discutions de la date de Pâques (elle m'expliquait le malaise qu'elle avait ressenti à Jérusalem ou à Ramallah devant les juifs et les musulmans à voir Pâques fêter deux fois à quinze jours d'intervalle: comment les Chrétiens peuvent-ils être crédible dans ces conditions?)

Projection par morceaux d'Œdipe sur la route de Bauchau, à peu près incompréhensible (l'ouzo, je pense). Sieste. Départ en bus pour le monastère orthodoxe d'Hosios Meletios. Visite du réfectoire et de l'église. C'est un petit monastère installé ici depuis très longtemps. A la question «Pourriez-vous nous raconter la façon dont vous vivez ici», la sœur répond que la vie monastique est mystère, mais qu'une chose est sûre, «si vous entrez ici par dégoût du monde, vous ne tiendrez pas quinze jours».

Maurice nous apprend qu'il a passé un an chez les bénédictins (les bras m'en tombent) et nous raconte une journée en monastère et commente le début et la fin de la règle de saint Benoît: «Ecoute… alors tu parviendras». J'ai surtout retenu que dix fois par jour, il fallait abandonner ce qu'on était en train de faire pour prier ensemble («si vous êtes en train de réparer un moteur, c'est toute une organisation pour avoir le temps de prendre une douche»). Voilà quelque chose que je n'avais pas du tout envisagé et qui pour moi est une idée de l'enfer, moi qui supporte si mal d'être dérangée sans arrêt à la maison et qui rêve de tranches de trois à quatre heures sans être interrompue.
Cela me conduit à deux conclusions: 1/ je n'aurais pas pu être moniale 2/ j'y penserai désormais quand je serai dérangée. (Quand j'ai fait part de cette réflexion à une sœur (non cloîtrée, rien à voir), elle me répondra, stupéfaite: «Mais ils ne le vivent pas du tout comme ça!»: je n'en doute pas une seconde, ma réaction instinctive ne traduit que ma frustration et mon impatience. («Qu'est-ce que vous désirez le plus?» Eh bien…)

Anecdote saisie par mon oreille indiscrète (dédicacée à Guillaume): la collection de patristique grecque avait été descendue à la cave de l'université de Bordeaux. La professeur a demandé à ses élèves d'aller chacun à leur tour demander un volume différent à la bibliothèque. Quand les bibliothécaires furent fatigués de descendre à la cave et de se tromper de volume — car ils lisaient mal le grec — la collection fut remontée dans les rayonnages accessibles aux étudiants.

Retour en marche silencieuse (huit kilomètres) dans le soleil qui n'en finit pas de se coucher. Ici en Grèce il n'y a jamais de silence, les grillons remplacent les cigales dès qu'il fait noir. Ils ne se taisent qu'à l'aube: silence troublé alors par le vent qui fait trembler la Grèce comme une vaste voilure.

Une demi-heure avant l'arrivée, la file des marcheurs se regroupe, un peu perdue: quel chemin prendre? Je reprends la marche avec Sophie et Leonardo et nous papotons. Comme je me suis exclamée «Trompons-nous ensemble!» quand il s'est agi de choisir un chemin (je voulais simplement dire que le plus important était de ne pas nous séparer), Leonardo rit et nous raconte la préparation de son ordination: «Le maître de cérémonie (ce n'était pas le terme, je traduis le principe) nous a expliqué ce qu'il fallait faire, debout, assis, étendus sur le sol. C'était compliqué, on n'a rien compris, alors il nous a dit: «Ecoutez, ce n'est pas grave, l'important c'est que si le premier se trompe, vous fassiez tous la même chose; ainsi personne ne s'apercevra de rien.» Sophie et moi rions de bon cœur, Leonardo nous explique que les jésuites ont la réputation d'être nuls en liturgie: «En Espagne on dit "Perdu comme un jésuite pendant la Semaine sainte"». Nous dévions, le rite, les enfants de chœur, le corps, l'importance du décorum, «la liturgie doit vous happer», «les églises baroques sont construites pour permettre une représentation théâtrale».
Sophie et Leonardo s'engagent sur le chemin de l'architecture lorsque Leonardo nous apprend que Saint André du Quirinal était "son" église, qu'il dormait dedans ou à côté pendant sa formation à Rome.

Je termine avec Sophie à discuter de latin, j'essaie de lui expliquer mon incapacité à apprendre le latin (j'ai quand même recommencé trois fois, et la première fois pendant six ans), nous parvenons à la conclusion que cela a sans doute la même origine que mon incapacité à entendre le rythme (sur un morceau de rock, par exemple). A suivre. (Mais moi, je sais depuis que j'ai entendu Enrico Mazza que je souhaite apprendre le latin avec un Italien.)
Il est tard, tout le monde est passé à table sous le pin, et comme à midi nous n'avons plus de place. Nous nous débrouillons. Encore de l'ouzo.

Puis célébration selon le rite syro-malabar (avec fleurs et flamme). Quand je pense que j'ai entendu ce mot pour la première fois en octobre dernier…

Le Guilloux: L'esprit de l'orthodoxie russe et grecque
Maurice Joyeux, Séjour en bénédictie dans la revue Christus, avril 2005



Pâques

Le monde fantastique d'Oz. Assez lent à démarrer, une trame narrative parfois trop lâche (incohérences ou manques de détails pour lier deux événements), mais de très jolies images, des couleurs très vives, un héros aux multiples défauts, prétentieux et séducteur, trois sorcières, rouge, verte, blanche, la rouge incontestablement la plus jolie.

En mineur (mais nous pourrions aussi dire que c'est le "message" du film si nous voulions à toute force qu'un film ait un message), c'est une ode à la science, plus précisément au cinéma: le magicien, c'est Edison.
(Et je songe à Lewis Mumford, qui lie Moby Dick à la science, qui le définit comme l'alliance de la science et de l'imagination rendue possible par le XIXe siècle.)

La fin m'a laissé une étrange impression, j'ai pensé "C'est ainsi que naissent les religions", mais aussi "il ne faut pas désespérer Billancourt", en voyant Oz, la sorcière, la poupée de porcelaine, le majordome et le projectionnisme se mettre d'accord pour ne pas dévoiler la vérité afin que le peuple conserve sa confiance et sa force quand les méchantes sorcières reviendront «car elles reviendront», dit Oz, ce qui nous prépare déjà à une suite. (Ozimandias, ça commence aussi par Oz (pour ceux qui connaissent The Watchmen)).


Le soir, encore un disque de The Big Bang Theory. J'avance dans la saison 2. Penny évolue, elle résiste, elle est le regard extérieur sur ce groupe endogamique de chercheurs. Je crois que ce qui me tient dans cette série, c'est l'amitié entre les quatre garçons qui survit à toutes leurs brutalités de langage, à leur franchise asociale.%%% Les réalisateurs sont tout de même très allumés.

La fille aînée de l'Eglise

Il y a deux ou trois ans j'avais été un peu choquée d'apprendre que si le mercredi restait libre, c'était que ce jour était réservé au catéchisme, et qu'un préfet qui souhaitait utiliser le mercredi à l'école primaire devait en avertir l'évêque: comment, c'était cela la séparation de l'Eglise et de l'Etat? D'un autre côté, cette influence occulte de l'Eglise m'avait fait sourire: ah, j'avais été stupide de ne pas m'en douter.

Ce matin en écoutant la radio j'apprends simultanément qu'il y aura école le mercredi matin et que nous manquons d'aumôniers musulmans dans les prisons. Pas de doute, les temps changent.


(Qu'on ne se méprenne pas: je préfère des croyants d'une autre religion que des non-croyants, parce qu'il me semble avoir ainsi davantage de chances d'échapper à un monde entièrement tourné vers la consommation et l'étourdissement par les sens. (Et qu'on ne se méprenne pas bis: je sais aussi parfaitement que les amis les plus humanistes, les plus généreux, les plus réfléchis, que je côtoie sont aussi très souvent les plus délibérément athées1 et que ce que je viens d'écrire ne supporte pas l'examen de la réalité (ma réalité: celle qui m'entoure). Peut-être que cela veut simplement dire que nous, croyants, croyons mal, insuffisamment.)


Note
1 : Mais comme le dirait une professeur, un athée a des convictions, ce n'est pas un indifférent, un tiède, un sans-opinion, un gloubiboulga (sic) de convictions new-age. Même les vrais athées tendent à disparaître.

Ce n'est pas ce que vous croyez

1/ "D'apparence musulmane", assise à côté de moi ce matin.


Fier d'être arabe et chrétien


2/ Je m'assois sur le lit d'un inconnu après y avoir déposé quelques billets.


(Je viens de trouver chez un libraire "à domicile" un texte de RC que je ne qualifierai pas de rare mais d'inconnu.)

Ce qui vient avant, c'est la poule.

J'erre à la Procure (je voulais voir si par hasard ils auraient Soi-même comme un autre en grand format tant le poche est calamiteux (pas de marge: comment voulez-vous lire un livre sans marge?)

Je feuillette quelques pages d'une revue, Les cahiers Croire, je ne sais plus lequel, "Le courage" ou "La fragilité", et à propos de l'estime de soi je tombe sur cette historiette décrivant un dessin:

Un poussin regarde autour de lui d'un air étonné. Il est entouré des morceaux de la coquille qu'il vient de briser. Une poule le regarde, mi-sévère, mi-bienveillante:
— Tu as vu ce que tu as fait ?


Tour prend pion en D9 avec Jérémy. J'ai enfin compris pourquoi je confonds la rue de Tournon et la rue de Seine: l'une finit où l'autre commence. Trouvé un atlas des religions chrétiennes en bibliothèque. Je n'aurais jamais pensé que c'était si compliqué.

œcuménisme

En attendant l'heure d'aller à l'anniversaire de Matoo[1], je mangeais une omelette en lisant le numéro de Communio sur Barth et Balthasar. Je faillis m'étrangler en lisant ces quelques mots, que je relus plusieurs fois:

Et, l'index dressé, il [H.U. v. Baltasar] ajoute cet avertissement: «Que l'on n'espère pas régler en un tournemain les questions soulevées… Le fait d'avoir, à l'époque de la Réforme, pratiqué la théologie à coups de marteau n'a fait que rendre définitif le schisme. Travailler à sa résorption est un rude labeur, exige une prudence redoublée, de la douceur et beaucoup de patience[2].»

Manfred Lochbrunner, "L'incroyable histoire de la genèse du livre de H. U. v. Baltasar", in Communio XXXVI, p.25

Travailler à sa résorption? Certains envisageaient, envisagent, sérieusement de réunir catholiques et protestants, de les fondre de nouveau en une seule Eglise? Je n'étais pas plus surprise que si l'on avait voulu me démontrer que des jumeaux étaient en réalité une seule personne.
Je sais que cela sera incompréhensible pour la plupart d'entre vous, mais en cette seconde, le monde changea subtilement de couleur: je venais d'envisager la réconciliation de deux visions du monde qui me paraissaient absolument irréconciliables. Ainsi donc, il devenait probable que rien n'était irréconciliable? Et cette réconciliation supposait de résoudre une infinité de détails, et le plus extraordinaire était de découvrir que certains étaient prêts à s'atteler à cette tâche (s'y étaient déjà attelés) sans peur, sans céder au découragement, sans même envisager d'être découragés.

Ce soir dans le bus, je rencontre la même idée, moins impressionnante car sur le mode du regret et non du possible. Des années de guerre, des milliers de morts, parce qu'un concile a eu du retard, deux ou trois papes ont manqué de courage:

Si un parlement de la Chrétienté catholique s'était réuni avant la condamnation des thèses de Luther (1520) et l'excommunication de celui-ci (1521), ou même peu après ces graves décisions, il est probable qu'on aurait pu faire l'économie du schisme. Rome refusa de prendre l'initiative salvatrice. Aussi bien déclarait-on dans l'entourage de Léon X et de Clément VII qu'aucun concile ne pourrait revenir sur une solennelle condamnation doctrinale. Mais une prise de position théologique par une assemblée œcuménique aurait été capable d'éclairer les indécis et de fortifier les hésitants. Le refus du concile permit au Luthérianisme de se répandre, au nouveau culte de s'organiser, aux frontières religieuses de se préciser et au fossé de s'élargir entre confessions chrétiennes rivales. […]
Réuni vingt-cinq ans trop tard, le concile manqua l'objectif majeur qui aurait dû être le sien: la réunion des Chrétiens.

Jean Delumeau et Monique Cottret, Le Catholicisme entre Luther et Voltaire, pp.68-69

Notes

[1] En juin, ça date.

[2] H.U. v. Baltasar, Karl Barth, p.9

La devinette du samedi

Qu'est-ce qu'un combat entre un petit pois et un haricot vert ?








-----------------
Agenda
Confirmation de Claude.

OMNI

— Mais y a pas de mozzarella là-d'dans!

— Mais si, le truc mou que t'arrives pas à identifier.
— Ah, çaaaa!




Glycine à San Giobbe





Agenda
Hermann Broch en terrasse.
Acheté les billets pour le bateau et un pass pour les églises.
Visite de San Giobbe
Discussion déprimante avec Hervé qui me dit de ne pas me faire d'illusions concernant le catéchisme et Olivier (nous préparons sa première communion). Réponse: leur éducation est un échec et je ne me fais pas d'illusion. Je n'investis que sur moi. Hervé choqué. Après m'avoir conseillé de ne pas me faire d'illusions, il est surpris de mesurer la profondeur de ma désillusion (!! comme il me connaît pas. Il semble persuadé que je dois être aveuglée par mon amour maternel, comme dans les clichés. Et il est persuadé d'être le seul à se donner du mal avec les enfants.)
Les billets et commentaires du blog Alice du fromage sont utilisables sous licence Creatives Commons : citation de la source, pas d'utilisation commerciale ni de modification.