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Vitamine D et train surprise

En catastrophe (j'aurais dû le faire pendant les vacances), parce qu'il me fallait un certificat médical dû depuis un mois, j'ai pris rendez-vous chez le médecin où j'avais atterri il y a un an quand je souffrais d'infection urinaire.
Le cabinet est toujours aussi vieillot. J'ai été reçue par un remplaçant. J'imaginais un fringant jeune homme; c'était un autre médecin à quelques années de la retraite.
J'ai eu droit à de la vitamine D, un bilan sanguin (— De quand date votre dernier bilan? — Je ne sais pas... farfouillage dans mon ordi — De 2020. — C'est loin) et un protocole pour prendre ma tension vingt-sept fois en trois jours.
J'ai trop de tension, c'est évident. Pas besoin de protocole. Mais bon.

Parkour : rendez-vous cette fois gare de Lyon, place Pierre Fresnay. Cela m'arrange, je pourrai rentrer plus vite.

A force d'être en avance, j'arrive classiquement en retard, et les échauffements sont déjà bien avancés. Nous avons eu la dernière fois la recommandation d'éviter cela: l'échauffement ici est pris très au sérieux, bien plus que je ne l'ai jamais vu pratiqué dans ma vie d'adulte (il me semble vaguement me souvenir qu'on s'échauffait avant la gym quand j'étais enfant).
J'arrive au moment où il faut monter les marches trois à trois et les descendre... à quatre pattes, têtes la première. Non seulement c'est un peu dégueu pour les mains (la prochaine fois j'amènerai de la solution hydro-alcoolique), mais c'est flippant — à mi-hauteur les bras et le ventre cèdent et on a l'impression qu'on va dévaler la pente — heureusement l'instinct de survie joue.

Sauts d'impulsion (avec élan: trois marches, quatre marches à la fois, je ne sais plus si un ou deux pieds), sauts de précision (pieds serrés à la réception, contrôle en préférant tomber en arrière qu'en avant «imaginez qu'il y a le vide devant»), exercice pour grimper au mur, il paraît que mes chaussures sont trop lisses.
Je crois surtout que je n'ai pas de muscles mais ce bénéfice du doute est gentil.

Je m'apprête donc à prendre le train de 21h16.
Et là, catastrophe: le train s'arrête à Melun au lieu de Montargis, son habituelle destination. Pourquoi?
Et donc train pour Melun, bus à 21h50 (environ) à Melun, pataquès: la SNCF a eu la bonne idée de prévoir deux bus, un direct Montargis, ce qui fera gagner un temps considérable aux Montargois, et un omnibus pour les autres, dont moi.
Sauf que c'était très mal indiqué.
Au bout de quelques centaines de mètres, arrêt des deux bus dans une rue melunoise, palabres, transfert de passagers d'un bus à l'autre pour que chacun atteigne sa destination.
Et c'est alors que l'on s'est rendu compte que tous les Montargois ne tenaient pas dans le direct Montargis. Il fut alors pris une décision très française: pénaliser tout le monde plutôt qu'avantager quelques-uns: les deux bus furent rendus omnibus.
Cela n'a rien changé pour moi, j'ai juste perdu vingt minutes supplémentaires sur le trajet.

Lundi infernal

Lundi étrange, tout le monde à cran. J'arrive tôt au bureau afin d'accueillir une formation qui commence à huit heures (ce qui suppose de prendre le train à six heures et demie) et gère les ennuis au fur à mesure qu'ils pleuvent. Comme je le répète parfois, «s'il n'y avait pas d'emmerdes, je n'aurais pas de travail».

Pas de cours officiel de parkour puisque c'est encore les vacances. Celles qui le peuvent sont invitées à venir faire de l'escalade à Arkose Pantin à partir de 19h.
Donc j'y suis allée — puisqu'il s'agit à la fois de ne pas avoir peur du ridicule; travailler l'agilité, l'équilibre et la musculation; accepter d'être parmi les plus faibles.

C'est fun. Ce ne sera jamais une passion, mais je perçois le potentiel de tout ce que cela développe, en esprit de décision, élongation ou étirement des muscles, décision de lâcher une main ou un pied en comptant sur la vitesse et la puissance, apprentissage de prises telles qu'on n'y pense jamais (pousser et non aggripper pour tenir); bref, toute une physique pratique à apprendre ou réapprendre par le corps et le cerveau paresseux qui au quotidien agissent et réagissent toujours de la même façon. C'est aussi, et c'est peut-être le plus amusant, un casse-tête en 3D, un labyrinthe à plat le long de la paroi devant l'énigme des blocs: très bien, pour commencer je mets mes pieds ici, mes mains là, et mon but est de poser les mains sur le bloc marqué de deux flèches là-haut. Mais comment faire? Dans quel ordre déplacer mes quatre membres, pour les mettre où, afin de progresser le long de la voie? Comment couvrir ces deux mètres de vide, êtes-vous sûr que cela soit vraiment possible?

J'apprends la différence entre blocs et voie (nous faisons des blocs); le code de couleurs correspondant à la difficulté (ce n'est pas le même que celui du ski — ça commence par jaune). J'apprends à tomber («c'est très important. Surtout ne mets pas tes bras en arrière, tu risques de te déboiter l'épaule. Ramène tes bras pliés devant ta poitrine.»), les gros matelas sont très agréables, ils accueillent le dos comme un hamac.
Je parcours quatre cheminements et je suis épuisée. «C'est parce que tu n'es pas détendue». Détendue? On peut être détendue en escaladant alors que tout se joue dans l'articulation de la puissance à la vitesse de décision et d'exécution? (smiley incrédule).

Après la séance nous devons prendre un pot et dîner dans la salle du club, mais c'est à Pantin et je veux prendre le dernier train (22h46). Je pars donc à dix heures moins le quart après une bière, footing dans les rues, la 14 est fermée, la 7 jusqu'à Auber puis le RER A, j'arrive sur le quai à 30, un train s'apprête à partir pour Montereau.
Je monte en catastrophe, il est plein comme un œuf, dérange trois personnes pour grimper à l'étage, il y a des places assises pourquoi donc tous ces passagers campant en bas, me renseigne: «ce n'est pas l'horaire habituel, c'est un train en retard?»

Oui. Accident de voyageur à Melun. Le train part à dix heures et demie, il se traîne, je m'endors, me réveille en sursaut chaque fois que sent ma mâchoire pendre (ma terreur: baver), le train n'avance pas, j'aperçois la Seine miroiter à Villeneuve, me rendors, déchiffre «Viry-Châtillon», mais qu'est-ce qu'on fait là?
Je me rends à l'évidence: au lieu d'aller directement à Melun, le train parcourt les deux côtés du triangle Paris-Evry-Melun.
J'arrive à minuit.

Maltraitances contemporaines

Plus de timbres dans les postes; plus d'argent dans les banques; plus d'horloge dans les gares; plus de mouchoirs, plus de baisers, plus d'adieux sur les quais.

Ce matin mon train est arrivé avec dix minutes de retard gare de Lyon, ce qui fait que les passagers du train d'en face (un ouigo: est-ce un corail? (team dépassée par la modernité)) étaient en train de monter en voiture tandis que nous banlieusards remontions vers la sortie de la gare.

Je ne sais pas à quelle heure partait ce train, mais sans doute peu après car les gens se hâtaient le long du train interminable (deux, peut-être trois, rames accolées).

Je peste in petto contre les nouvelles pratiques de la SNCF (je dis nouvelles… elles peuvent dater de plusieurs années, mais je ne les constate que depuis juin, à sortir en gare de surface pour acheter mon déjeuner) qui font ressembler le train à l'avion: obligation d'arriver en avance, attente dans le hall de gare avec accès fermé aux quais, filtrage aux portillons, interdiction aux familles et amis d'accompagner les voyageurs sur le quai pour les aider à porter leurs bagages et embrasser les enfants, disparitions des étreintes désespérées au moment la séparation…

C'est un départ en vacances: des familles, des demi-familles, un seul parent avec enfants, des colonies. Je repère une jeune femme avec une valise à roulettes, un sac à provision ficelé en équilibre instable sur cette valise, une petite fille de quatre ans qui en fait rouler une autre plus grosse qu'elle, un petit garçon de trois ans en électron libre car il ne reste pas de main maternelle pour le tenir. La jeune femme marche le plus vite possible, ce qui n'est pas très rapide — il ne faut pas faire tomber le sac, il ne faut pas perdre les enfants dans le grouillement pressé. Je prends la valise de la petite fille et remonte le train avec eux, car bien sûr leur voiture est l'avant-dernière (recherche angoissante puisque bien entendu les rames sont numérotées dans le désordre et que nous ne sommes pas très sûres de ne pas avoir raté la leur).

Je les laisse, repars vers la sortie. Le quai s'est vidé. J'engueule au passage deux ou trois grandes asperges de la SNCF qui ont passé leur temps à dire mollement aux voyageurs pressés des trucs du genre «attention au quai», sans jamais tendre le bras pour aider qui que ce soit (— Vous êtes fiers de vous? — Bonne journée à vous aussi, Madame; la réponse-bateau de ce genre d'andouilles.)

Un couple arrive en courant par les escaliers du hall 3.
Comme les rames se raccordent au niveau de ces escaliers, il y a une quinzaine de mètres sans porte.
«Courrez, entrez n'importe où!»
Je continue à marcher vers la sortie, me retourne.
Le temps qu'ils remontent les quinze mètres, les portes du train se sont fermées. Je vois leurs silhouettes tenter de les ouvrir, en vain. Les grandes asperges arrivent, ça parlemente. Ils tentent encore d'ouvrir.
Immobilité et silence. Suspension.
Puis le train s'ébranle.
Ils restent sur le quai, leurs valises au pied.

Concours de bites

J'avais été prévenue en février que les agents (les salariés) arrivaient très tôt, dès sept heures du matin.
Au début j'ai fait un effort: j'attrapais le train de 6h53, ce qui me permettait d'arriver un peu après huit heures, une heure après les premiers, mais raisonnablement parmi les matinaux.

Au bout d'un mois ou un mois et demi, il m'a semblé que j'avais suffisamment prouvé que je pouvais me lever si nécessaire (puisque visiblement c'est une vertu en soi1). J'ai pris le train de 7h23, puis le train de 7h32 quand j'ai découvert le bus de 7h10 à vingt mètres de chez moi (à six heures et demie il ne passait pas).

Il y avait des exceptions, notamment les jours de formation, où les salariés négocient avec le formateur de commencer tôt: le premier jour commence à huit heures et demie, mais le deuxième à huit. Les formateurs qui viennent de province et dorment à l'hôtel ne se font pas prier.

Deux fois deux jours de formation, le 29 et le 30 juin la semaine dernière, aujourd'hui et demain cette semaine. Dans ces cas-là il faut arriver avant, aérer la salle, préparer le café, récupérer le badge du formateur, mettre en place le rétroprojecteur. D'après ce que je comprends, auparavant c'était fait par l'assistante de direction, mais celle-ci est en longue maladie depuis un an (coïncidence avec le covid) donc nous nous débrouillons. La semaine dernière j'ai zappé qu'il y avait formation le mardi et c'est Géraldine2 qui s'en est occupé; le mercredi je suis arrivée plus tôt mais je n'avais pas été prévenue (la négociation, voire paragraphe précédent) que la formation avait été décalée: je suis arrivée plus tôt, mais pas assez tôt.

Quand j'ai remercié Géraldine, elle m'a répondu en riant: «ce n'est pas grave, j'arrive tôt, moi».
C'était la deuxième ou troisième fois qu'elle me le disait de cette façon; cela ressemblait de plus en plus à une pique. Je sais qu'elle a eu un mois de juin compliqué, entre l'organisation de l'AG à distance (avec une partie des motions votées à distance et l'autre en séance) et le bureau et le conseil d'administration avancés d'une semaine. Mais je suis susceptible et je me suis vexée.

Nouvelle politique, nouveaux horaires. Réveil 5h15, train 5h55, arrivée au bureau 7h10.
Il en sera ainsi jusqu'au départ en retraite de la vieille garde. La nouvelle a naturellement tendance à se lever plus tard ou à emmener ses enfants à l'école. Je réadapterai mes horaires dans deux ans.

Deux matins que je suis là avant Géraldine. C'est un concours de bites facile à gagner.



Note
1 : Selon eux c'est une vertu, pour moi c'est de l'égoïsme: ils viennent tôt parce qu'ils viennent en voiture, ils ne prennent pas les transports en commun. Ils argumentent que c'est dû au Covid, mais quand on les écoute, on s'aperçoit qu'ils sont toujours venus en voiture, ils ont toujours eu un parking. C'est d'ailleurs ce qui les ennuie dans le fait de déménager vers Nation en mars prochain: plus de parking. Beaucoup projettent leur départ en retraite en fonction de cet élément.

2 : Géraldine, c'est la personne qui a quarante ans de maison et a assuré l'intérim sur mon poste pendant un an — poste qu'elle a refusé parce qu'elle part à la retraite dans deux ans et qu'elle a envie de décélérer. Elle connaît tout mais transmet très mal, toujours en courant. Nous nous entendons bien, elle est drôle et a beaucoup d'énergie, mais je crois que je l'ai agacée à contester certaines aberrations informatiques (hélas, comment éviter qu'elle se sente mise en cause? mais ce n'est pas elle que je conteste, c'est simplement qu'avec mon regard extérieur je repère ce qui est non-RGPD, c'est-à-dire à peu près tout), et à la longue elle me fatigue à rire en me disant «mais je te l'ai déjà dit» en parlant de trucs qu'elle a dit entre deux portes, sans aucune hiérarchie entre l'important et le futile.

Lever

Bientôt deux mois que j'ai changé d'entreprise pour travailler à Vincennes — et aller sur site tous les jours (je veux dire: pas de télétravail).

Au début je visais le train de 6h53 pour arriver à 8h12, à peu près. La question qui se pose est celle de l'heure du lever: une heure à une heure et demie avant, pour prendre son temps, ou trois quart d'heure, en se dépêchant (très difficile de se dépêcher le matin).

Préparer ses vêtements la veille pour gagner quelques secondes. Emmener son thé dans une thermos — car il est trop chaud, pas le temps d'attendre qu'il refroidisse. J'ai fini par me lever à 5h45 pour avoir le temps de me maquiller.

Quitter la maison à 6h30 (calé sur les infos de RTL) pour le train de 6h53 (je vais à la gare à pied), à 6h45 après Cyprien Cini pour le train (toujours en avance de deux minutes) de 7h04. Quitter la maison à 6 heures pour le train de 6h25 afin d'arriver à temps pour la formation qui commence à 8 heures.
Au bout d'un mois et demi, quitter la maison sept heures et demie en me disant que je n'ai rien à prouver (plus rien à prouver maintenant que j'ai prouvé mon engagement) et que je peux bien arriver à neuf heures et des broutilles.

Ne pas me sentir à l'aise à arriver à neuf heures passées alors que l'équipe est arrivée une heure et demie plus tôt et va partir à quatre heures. Je me sens seule (ça alors, ça ne m'était jamais arrivé auparavant), j'ai envie de rentrer chez moi. En fait, avec la pandémie, les heures de pointe que j'évitais dans les transports sont devenues tout à fait supportables.

Levée ce matin à 5h45, pris mon temps, quitté la maison à 7h10 pour le train de 7h34. Ça me fait arriver à 8h40, après une heure de lecture compacte (en ce moment Catch 22, hilarant et fabuleux) et me permet de partir honnêtement à six heures pour voir le soleil se coucher dans le jardin.
Je vais essayer cela. L'enjeu est de trouver un horaire qui me permette de faire du sport vingt minutes, corde à sauter ou Tabata.
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