Billets qui ont 'voyage' comme mot-clé.

Mon jet privé à moi

Comme je n'écris plus beaucoup, je ne sais plus si j'ai raconté ici qu'en janvier j'avais prévu de faire un stage de planeur à Sisteron début mai.
En mars est arrivée la perspective d'un appel d'offres très important pour ma société. Quarante-cinq jours pour répondre, adieu stage. Et changement de direction le 15 mai. Adieu bis.
Mais l'appel d'offres a tardé. Rien en mars, rien mi-avril. Travail préparatoire avec les consultants (ma boîte n'a jamais répondu à un appel d'offres, tout le dossier est à monter. Nous avons donc commencé à préparer la partie commune à tout appel), puis arrêt.
Pleine d'espoir, j'ai prévenu les vélivoles que je viendrais peut-être, que je préviendrais au dernier moment. «Pas de problème, mais dans ce cas, il faudra que tu dormes sous la tente.»
OK. Le 15 avril, j'ai récupéré le sac de couchage "hiver" de mon fils.

Hier, mes vacances du 9 au 12 mai ont été acceptées. Hier soir, j'ai envoyé un mail pour prévenir les autres pilotes et j'ai fait mon inscription sur le site de Sisteron. J'ai commencé à regarder comment descendre à Sisteron: train jusqu'à Marseille puis Sisteron, ou train jusqu'à Aix puis bus.

Ce matin, encore au lit (qu'est-ce qui m'a pris? je ne fais jamais ça. Sans doute que la douche était occupée), j'ai regardé mes mails et j'ai trouvé ça:
Si tu peux prendre un RTT ou une journée de plus le vendredi 5/5, je peux t'emmener car je pars en avion jeudi 4 soir ou vendredi matin tôt en fonction de la météo.
2h30 de vol au lieu d'une journée de train...
Tu devras seulement prendre un billet retour car je remonte le mardi 9/5.
Appelle moi pour les détails.
À +
— Et tu vas comment à Sisteron?
— En avion.
— Tu pars d'Orly?
— Non, non, pas un avion de ligne, un avion privé, il passe me prendre sur la colline derrière chez moi.

J'ai un peu honte (conviction écolo oblige), mais j'en ai le souffle coupé.
Maintenant il faut que j'obtienne un jour de congé de plus.



Précisons: le titre est une exagération censée illustrer ma sensation de démesure. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un jet. J'ai appris depuis qu'il s'agit d'un Piper A28.

Les gens qu’on aime : #10 quelqu’un qui aime l’art

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un qui aime l'art. J'avais commencé par me dire «je vais parler d'Aline», mais finalement, je vais parler des Cruchons.

Au départ il s'agissait de lire L'Amour l'Automne à plusieurs dans l'espoir de mieux comprendre le texte en apportant chacun nos expériences et nos connaissances.

Nous avons (bien sûr) commencé chez Rémi.

première rencontre des futurs cruchons
17 novembre 2008


Mais très vite la contrainte a été trop forte pour lui, il devait travailler, la femme de ménage devait passer — bref, nous nous sommes rabattus dans des cafés et Rémi n'est plus venu.

Il a fallu le temps de trouver un café qui nous convienne, qui accepte que nous restions des heures à table avec des piles de livres, des discussions, des rires. Nous avons atterri au Petit Broc, et Marie nous a surnommés les Cruchons.

Aline est présente pour la première fois
29 juin 2009 - première participation d'Aline


Nous nous sommes réunis une fois par mois pendant quatre ans (jusqu'au ralliement de RC à MLP), avec des participants variés (Jérémy, Marie, Tlön, Afchine, Sophie…) et un noyau dur. Parce que nous avions trois Chartrains parmi nous, nous nous réunissions une fois par an à Chartres, avec en point d'orgue une visite de la cathédrale commentée par Philippe.

table couverte des pages commentées de L'Amour L'automne
table d'étude - octobre 2010


Les lectures ont disparu après mai 2012, pour être remplacées par des voyages et des concerts. Pour des raisons financières et familiales, je ne participais que rarement. Je les suivais à travers FB, les voyageurs m'envoyaient des cartes postales et me donnaient des pistes (c'est ainsi que j'ai visité Richelieu après l'une de leur carte postale, par exemple).

Voyager avec les Cruchons est une chance extraordinaire. Chacun est spécialisé dans deux ou trois domaines: Aline en art et architecture, Laurent en histoire, peinture et architecture, Patrick en histoire avec un sens aigü de la chronologie, des souvenirs précis des forces de gauche en France durant les années 50 à 70 et des références bibliographiques sur tous les sujets, Philippe est amoureux de musique et d'art roman.

Quand on voyage avec eux, il n'y a qu'à se laisser porter: ils ont organisé et prévu, ils ont lu et planifié, ils montrent, ils racontent, il y a toujours une anecdote amusante sur un fond érudit, des goûts et des opinions qui s'expriment de façon tranchée et drôle, des débats montés en épingle pour finir en éclats de rire.
Je n'en finirais pas d'énumérer les lieux découverts, d'abbayes en châteaux; les expositions, les concerts, une tétralogie, deux puis trois, les jardins de William Christie et ses concerts en plein air.

concert dans les jardins de Thiré
Jardin de William Christie - août 2018


2019 a été une année sans que je voyage avec eux — avec encore des cartes postales reçues; 2020 a tout figé.

Les gens qu’on aime : #2 quelqu’un avec qui on a voyagé

En lisant Matoo, j'ai découvert le défi du Dr CaSo: «quelqu'un qui…»

Aujourd'hui, quelqu'un avec qui on a voyagé : mon fils O.

la main gantée d'Olivier - en quittant Olsdorf
En quittant la maison de Thomas Bernhard


Au départ il s'agissait d'accumuler les trois mille kilomètres nécessaires à la conduite accompagnée.

J'ai fait une fausse signature. H. était contre la conduite accompagnée. Nous avons dans notre entourage deux exemples d'accidents graves dus à la conduite accompagnée.
O. voulait faire la conduite accompagnée. C'était le premier des trois enfants à souhaiter cela. J'ai rempli le dossier d'assurance en me mettant en conducteur accompagnant, et puis, au cas où cela nous en ayons besoin un jour en urgence, j'ai ajouté H. et j'ai imité sa signature.

Il fallait que j'accomplisse trois mille kilomètres aux côtés d'O.
Matin et soir, maison gare, cinq kilomètres, vingt-cinq kilomètres par semaine, cent par mois. Quelques voyages jusque chez les grands-parents. Il fallait quelque chose de plus long.
Ça faisait longtemps que je voulais faire un tour d'Europe. H. ne voulait pas, il n'avait pas envie de passer sa journée en voiture et dormir chaque nuit à l'hôtel: «je fais cela toute l'année pour le boulot, je ne vais pas le faire en vacances».
O. était d'accord, mais il fallait attendre ses dix-huit ans: pas de conduite accompagnée hors de France.

Pour vérifier que nous étions capables de nous supporter, nous avons fait une escapade d'une semaine en Bretagne l'été précédent, en 2016. Ce fut un succès.

Alors nous sommes partis en juillet 2017 pour Klagenfurt, Vienne, Prague, Berlin, Amsterdam et Bruxelles. Mon récit est plein de trous mais je ne désespère pas de le compléter un jour. Ce sont de merveilleux souvenirs. La Styrie ou les plaines de Saxe dans la Beetle décapotée en écoutant la biographie de Bob Dylan ou de Raymond Chandler ou de Jack London, les hôtels et les auberges de jeunesse et les hugos. Les châteaux, le vélo, les soirées sur l'ordi. Le légendaire sens de l'orientation d'O. sur lequel je me repose aveuglément. Sa gentillesse, O. toujours prêt à un détour pour me faire plaisir. La surprise de découvrir à quel point le malentendu est facile, même entre deux personnes déterminées à être attentives à l'autre.
Je ne sais pas si je retrouverai un jour un tel compagnon de voyage.

Retour de Pologne

Visite chez ou à mes parents. J’avais comme résolution d’y aller tous les mois ou tous les deux mois; j’ai mis du temps à comprendre qu’avec les entraînements d’aviron ce n’était pas possible et qu’il fallait que je pose des jours pour ce faire (d’où la tentative avortée ici).
Bref, je n’y suis pas allée depuis leur voyage en Pologne au printemps.

Maman me raconte les visites à la famille, je me perds un peu mais je comprends que la cousine venue en France est fâchée avec une partie des tantes et cousines et que mes parents se sont trouvés dans la situation délicate et non préméditée de l’entraîner chez des gens auxquels elle n’avait pas parlé depuis des années; brouilles à base de «il est venu chez moi et pas chez toi; il t’a salué et pas moi», tous ces milliers de signes qui interprétés défavorablement (et parfois à juste titre — mais pas toujours) font les brouilles les plus cimentées.

Elle me montre des objets et me raconte l’origine de leur acquisition et je pense au début de Cent ans de solitude: «tu devrais écrire ces histoires et les mettre en étiquette aux objets pour que tout cela ne soit pas oublié» — mais je ne suis pas sûre qu’elle m’ait prise au sérieux alors que je l’étais.

Elle me montre une impressionnante photo d’eux deux devant un chêne: le tronc est si large qu’il déborde de chaque côté (un mètre vingt de diamètre?), on dirait un séquoia. Elle me donne une autre version de «les Polonais coupent la forêt primaire» que j’ai rencontrée sur internet: les conifères (certains conifères) sont malades, araignées rouges, les Polonais souhaitent les couper pour stopper l'infestation mais on le leur interdit, ce qui fait que la maladie gagne. Où est la vérité? Sans doute un peu des deux, je suppose.

Papa est remonté à bloc et prépare déjà un prochain voyage: Gdansk, les lacs de Maurice, la Lituanie, Saint-Pétesbourg («mais c’est loin». Oui certes, pour ma part je n’envisage pas ça en partant de la maison, mais de Varsovie en louant une voiture), il déborde d’idées. Dommage que nous n’ayons pas la même façon d’envisager la vie et qu’il nous soit donc impossible de voyager ensemble, car ce programme m’enchante.

Profs en voyage

Conversation il y a quelques jours :

A — Il paraît qu'on est des profs atypiques.
B — Pourquoi ?
A — Parce qu'on ne dit rien, on ne se fait pas remarquer.
B — Pourtant, vous devez commencer à savoir des choses dans votre domaine.
C — Vu le genre de voyages1 qu'on fait, on est souvent ceux qui en savent le moins.
A — L'autre fois il y avait une spécialiste en pierres… elle en a ramassé tout le voyage. Fallait voir la tête des douaniers.
A — Un jour dans un voyage quelqu'un a dit qu'il était prof. Au dîner on a fait un tour de table, (ça faisait déjà plusieurs jours qu'on voyageait ensemble), on s'est aperçu qu'on l'était presque tous, mais que personne n'avait rien dit, tout le monde avait été discret.
B — Mais pourquoi ?
A — Parce que les profs ont mauvaise réputation. Même Françoise [la voisine dentiste] dit qu'ils sont terribles, qu'ils savent toujours tous, contestent toujours tout.




Note
1 : des voyages botaniques et zoologiques

Rangement, départ

Les travaux prévus dans la maison devraient commencer lundi (enfin, ils ont déjà été reculés d'une semaine et ils le seront peut-être encore. Ça ennuie H. qui aurait voulu faire passer les factures sur 2018 (optimisation fiscale)).

Comme je ne suis pas là du week-end, j'ai donc posé ma journée pour dégager le dernier étage. Difficile de dire que j'ai rangé, disons plutôt que j'ai entassé ailleurs. L'élan qui me poussait à classer et vider quand j'espérais que nous partirions aux Etats-Unis est bien mort — ou profondément endormi.

TGV à 17h19, direction Nice pour ramer deux jours. Je profite du voyage pour avancer les billets d'Alice et classer mes photos (Europe 2017 : nostalgie). J'aurais peut-être mieux fait de travailler sur le TG que je dois rendre par écrit puisque je ne vais pas y assister demain (galère!).

Arrivée à l'hôtel Saint Paul. C'est un ancien couvent et en première impression sous la pluie dans la lumière des réverbères, il est magnifique.
Pour moi, il présente surtout l'intérêt d'être à deux pas du club où nous avons rendez-vous à 8h30 demain.

Arriver

A six heures et demie au bord de la piscine. Une heure que je ne peux plus dormir. Je viens de m'installer ici, enveloppée dans le couvre-lit, s'il se pouvait que j'arrivasse à bloguer, à terminer un ou deux billets, but de plus en plus inatteignable. Odeur de croissants. Il fait beau. Moineaux. Aujourd'hui nous arriverons peut-être à arriver à la mer. Nos voyages sont ceux de la flèche de Z., plus nous avançons plus le but s'éloigne.

De Tours à Niort

Chaque fois que nous sommes ensemble, nous en profitons pour mettre à jour notre garde-robe: chaussures (quatre paires!), lingerie, casquette en cuir, chapeau cloche en paille… et antimoustique (ils sont redoutables cette année, ils se sont multipliés avec les intempéries).

Une crêpe chez Mamie Bigoude plus tard (j'ai eu le temps de lire quarante-trois pages de Fantômette brise la glace — nous n'avons pas réussi à avoir le nom de leur décorateur (vers l'Atlantique, nous disent-ils) — je me suis dis que j'allais tapisser mon salon d'affiches de cinéma, comme au bon vieux temps quand nous avions reconstitué la carte d'Europe avec des cartes Michelin sur un mur entier), et nous quittons enfin Tours. Il est quatre heures et demie, je ne sais pas ce que nous allons trouver à Richelieu à cette heure-là.

J'avais tort de m'inquiéter. C'est une ville que je ne connaissais que par une carte postale des Cruchons, et lorsque j'avais vu qu'elle était sur le chemin de La Rochelle (notre but), j'avais insisté pour qu'on s'y arrêtât.
Nous tombons sur la fête biannuelle, les habitants et des comédiens en costumes d'époque, une bonne odeur de crottin (promenades en poney) et de feu de bois (cuisson de jambonneaux à la broche) ajoute à la reconstitution. Nous parcourons les lieux avec ébahissement, je songe que les Cruchons, au moins certains, trouveraient beaucoup à redire à cette animation (dans tous les sens du terme) mais je me laisse porter par le soleil et l'ambiance de kermesse. Tout cela est gai et sbon enfant.
Richelieu en Arts, nous dépensons encore, un Turc rose et une jeune fille bleue. Bourrées sous la Halle, une dame ressemblant à Mme de Merteuil apprend les rudiments de la contredanse aux spectateurs, puis fifres et tambours.

Nous quittons Richelieu, il est sept heures et demie, je veux passer par Loudun à cause des sorcières et d'Huxley. Mais pas de trace dans la ville pour le peu que nous en avons vu.
Plus tard nous arrivons en face du château de Thouard, par delà la vallée. Magnifique vision, mais il est trop tard. Le soleil descend, Hervé s'amuse avec sa nouvelle voiture (le régulateur de visite qui ralentit de lui-même quand la voiture approche d'une autre, ou redresse quand nous ne sommes plus exactement entre les lignes sur la chaussée).

Nous avons réglé Waze pour trouver l'hôtel, avec stupéfaction nous bifurquons avant Niort pour nous enfoncer dans la zone industrielle, immeuble de la Maaf, Decathlon, ou sommes-nous? J'ai l'impression de certains soirs aux Etats-Unis dans les zones urbaines, nous tournons encore, immeuble du RSI, une allée, un hôtel "de charme" ici? (non, c'est la chambre qui est "de charme").
Nous découvrons à l'abri de murs une maison de la région transformée en hôtel, avec une jolie piscine ronde. Tranquille et inattendue.

Dîner à Niort, la place de la Brèche est transformée, Hervé ne reconnaît rien. La Villa, restaurant sympathique qui bizarrement nous oublie à partir de onze heures: il faut réclamer le dessert, réclamer l'addition, réclamer de payer… Nous perdons une demie-heure de sommeil, c'est agaçant, dommage, tout était parfait.

Grenade-Madrid-Paris

Remontée par l'autoroute. A peu près trois heures. C'est bizarre, j'ai l'impression de voir plus de maisons et de villages dans ce sens-là, alors que dans l'autre j'avais eu l'impression d'un grand désert.

Nous nous arrêtons deux fois et achetons successivement des gâteaux aux amandes et du miel (de Castille! de la Mancha!)

Il pleut, il y a du vent. Oliviers à perte de vue. Un troupeau de moutons, un troupeau de vaches. Terre rouge.

Essai de photographie des oliviers (cela ne rend pas grand chose avec mon iphone):



Les nuages se condensent, pluie en arrivant à Madrid (il a plu toute la semaine, paraît-il). Nous repassons manger quelques plats sans intérêt place santa Anna (la devanture nous avait plu en début de semaine, mais la cuisine est médiocre. Pas de regret). Aéroport. Contrôle de l'identité d'un jeune homme devant nous dans l'avion, petit trot pressé de deux hommes soucieux à notre descente d'avion qui visiblement ne trouvent pas qui ils cherchent (le jeune homme a disparu), quatre douaniers menaçants à notre sortie des salles d'embarquement. Il se passe quelque chose mais nous ne saurons pas quoi.

Sur le départ

Je pensais traduire le chapitre 3 de la seconde épître de Pierre ce matin et l'envoyer à la prof, mais quatre incursions FB plus tard (ce truc est maléfique), je ne suis allée que jusqu'au verset 9 (le cours a lieu ce soir: neuf par an et je vais en manquer deux cette année. La prof ne m'a rien demandé (je l'ai vu ravaler sa phrase "vous m'enverrez votre version" en se rendant compte que le cours était entièrement optionnel, gratuit, du loisir, en somme) et je l'admire tant, j'ai si honte de si peu travailler, que j'essaierai de lui envoyer dimanche en revenant. On verra.)

Une douche, un dépendage de linge (étendre le linge: extension du linge? contraction à l'inverse?) plus tard et je prépare ma valise, mon sac de sport plus exactement. Avant, je n'aurais pris que des affaires de sport (il est prévu de ramer quatre heures par jour) avec un gros pull et un jean, mais depuis l'entre-deux-rivières de juillet, je sais qu'il faut prévoir de quoi être coquette le soir (WTF?), un polo, un chemisier, une robe, et aussitôt ce problème (de poids, en poids, en volume): les chaussures: même en Bretagne, même entre provinciaux, même en camping, les gens "se font beaux" le soir. Je n'ai jamais appris cela (je veux dire chez moi, enfant), je n'ai jamais appris cette convention sociale qui me paraît tout à la fois ridicule (en camping? mais on s'en fout!) et respectable (cet effort de vivre ensemble).
Mais maintenant que je l'ai expérimentée, je m'applique à l'appliquer.

Ah tiens, j'ai oublié le Vicks et les boules quiès. Je rajoute et je pars.

Rien

Même pas piscine, même pas aviron (une flemme, ma doué!)
Un plombier est passé pour dire qu'il ne pouvait rien. Je m'en doutais, désormais je diagnostique les maux de mes canalisations à l'oreille.
Et un écart de 10% dans les effectifs entre les données de la paie et les "miennes" (chic, ça va nous occuper tout l'été (non, pas maintenant, pas le temps)).
Et sinon? Ben rien, je crois. Le couple le plus au nord de la Suède sur helpx.net est français. Il y a un ranch en Grèce qui attend de l'aide pour ses poulinages (et dans les îles Vanuatu, un élevage). Un Turc attend des Français pour faire la conversation (c'est un peu étrange). Je lis Maigret, Christoph Théobald et L'Exode (le beau-père de Moïse qui lui apprend à déléguer… non mais je rêve (Ex 18, 13-23)).

Fermier au pair

A. m'a envoyé un sms pour me dire qu'elle faisait corriger son CV anglais par un professeur et qu'elle avait pris un rendez-vous pour renouveler son passeport: bref, elle a l'air très motivée par ma proposition de demander à Red Shuttleworth s'il n'aurait pas un ami possédant un ranch prêt à accueillir une Frenchie dans sa ferme pour l'été.
Cela m'enchante (comment ne pas penser à Mon amie Flicka) et m'inquiète un peu: pourvu qu'elle ne soit pas déçue, pourvu que Red ait quelque chose à nous proposer…

Alors, dans l'éventualité où ce canal ne donne pas de résultat, j'ai fait une recherche Google et j'ai trouvé ça: Helpx, des petites annonces pour aller donner des coups de main dans le monde entier contre le gîte et le couvert. Magique, je pourrais passer des heures à éplucher toutes les descriptions ("d'autres vies que la mienne"….)
Ah, comme je regrette que cela n'ait pas existé quand j'avais vingt ans. Sans doute aurais-je passé ma vie entière de lieu en lieu.

Jetlag

Cinq heures du matin. Bien réveillée. Aujourd'hui, H. a un rendez-vous à neuf heures à Philadelphie, puis un à trois heures à New York. Mercredi nous rejoindrons Boston.

Je surfe un peu pour trouver des idées. La plus grosse difficulté pour nous est de trouver des endroits qui nous conviennent pour les repas. Nous sommes atrocement difficiles, tout nous paraît trop sirupeux et trop sucré. (H. m'a beaucoup fait rire en me racontant que le deuxième ou troisième soir à l'hôtel, il avait expliqué au serveur comment faire cuire un steak. Le serveur a appelé le cuisinier qui est venu à la table, H. lui a expliqué: du beurre, du sel, du poivre, ET C'EST TOUT. «Parce que tu comprends, un steak Angus, noyé dans la sauce Worcestershire, c'est quand même dommage. (Pauvre bête, Astérix1.)». Je me demande si le chef a essayé pour lui-même, une fois rentré chez lui. Je me demande si ce goût de la chose elle-même est communicable, une fois qu'on a grandi dans les sauces et le sucre.) Ce qui nous fascine, c'est la façon dont ils confondent sophistiqué et bon.
Ça me navre, j'aimerais tant tout aimer, mais leur cuisine, à part le petit déjeuner (pancake, sirop d'érable, œufs brouillés, bacon: je me couche en me réjouissant de petit déjeuner le lendemain), j'ai du mal. Ah si, et les salades, ils ont un art de la salade composée que nous ignorons totalement en France, en rajoutant des ingrédients inattendus (ce qui ne marche pas avec le cuit fonctionne bien avec le cru).

Bref, je surfe. La dernière fois nous n'avons pas visité la statue de la Liberté en travaux, ni le One World Trade Center qui n'était pas terminé. Ça me paraît très cher, mais une fois ici, on ne va pas pinailler.

Deux blogs de Françaises, une à Boston, une à New York: Mathilde et Jane (avec des adresses de resto).

Deux à Philadelphie, mais à part la la Barnes fundation, nous n'avons rien fait. Ce n'est pas très grave. Un jour je ramerai sur la Schuylkill (ou le Delaware).

Et bon anniversaire, Vincent.


Note
1: — Et si vous échouez, je vous livre aux lions, bouillis dans de la sauce à la menthe!
— Pauvres bêtes, Astérix.

Une journée à Philly

Premier petit déjeuner : pancakes et sirop d'érable, depuis le temps que j'attendais cela!

Nous passons la matinée à la fondation Barnes, un incontournable à juste titre. Les rois philadelphes : qui ont épousé leur sœur (cours de jeudi dernier).
Les villes jumelées avec Philadelphie.

La fondation Barnes.

Errance dans la ville. Quartier des avocats, quartier gay, le gingko ne sent pas bon. Independance Hall, quartier des bijoutiers.

Sommeil. Dîner avec Jack. Philadelphie, le quartier des avocats. Les mauvais conducteurs : Massachussets et New Jersey.

Retour à l'hôtel. Les Eagles en mauvaise posture (voir The Happiness Therapy (attention, ce n'est pas un feel good movie, plutôt un film sur la folie)).

Bienvenue aux States

Hier soir - J'ai pris un Vélib lourd comme un âne, j'ai raté le train de 22h32, je rentre un peu avant minuit. Un thé, je prépare mon cartable pour le lendemain, l'expérience prouve que cela fait la différence entre être à l'heure ou être en retard.

Donc ce matin très tôt - 00:42. Je reçois un sms d'Hervé sans doute à New York (ou en train de quitter New York pour Philadelphie):
— Le voyage commence mal. Je me suis fait voler mon manteau, mes gants, mon écharpe et mon chapeau.
— Dans l'avion?
— Non. Taxi voleur. A sorti ma valise, m'a dit qu'il m'apportait mon manteau qu'il avait pendu et redémarré sans demander son reste. Heureusement j'avais tout dans ma veste. Il est 19h. Je suis dans le train pour Philadelphie. Je pense que c'était un faux taxi car il n'y a rien sur son reçu.



Ceci était l'échange par sms. Le récit par mail reçu le lendemain (je n'étais pas destinataire mais en copie).
Pour la petite histoire, j'ai pris un "limo-service", ce qui n'est pas du tout une limousine, mais une voiture noire à la Uber en France. Je n'avais pas réservé et j'en ai pris une dans une file. Y'avait marqué quelque chose comme "limo-taxi" dessus.
Le monsieur, 65-70 ans, marrant, charmant même m'a emmené pour cher ($110 + $11 de TIP quasi obligatoire) à Penn Station dans Manhattan depuis JFK. C'est $20 plus cher que la dernière fois où j'avais pris un taxi, mais la voiture était clean et il a battu des records de vitesse pour faire le trajet.
C'était d'autant plus intéressant qu'il y avait au moins 40mn de queue à la file des "vrais" taxis.
J'avance dans l'histoire : le Monsieur très serviable m'avait pris mon manteau, l'avait mis sur un cintre avec mon écharpe et posé le chapeau correctement sur la plage arrière.
Au moment de descendre, il sort, m'ouvre la portière, la referme derrière moi, sort ma valise du coffre et me dit qu'il va chercher mes vêtements… et au lieu de le faire, il grimpe au volant et se casse.
J'étais en train de commencer un SMS, je ne l'ai vu faire que du coin de l'oeil et je suis resté comme un con sur un trottoir de New York.

J'ai couru un peu sous le regard étonné de la foule, mais avec une valise de 20kg et un sac, rattraper une voiture, c'est dur.
Là j'ai regardé le reçu qu'il m'avait donné : rien dessus.
Bilan de l'opération, un manteau, un chapeau, des gants et une écharpe en soie + $50 en liquide et un smartphone à un peu moins de 200€ au prix de gros.

Bon, j'ai été naïf, con même. Cela étant dit, cela en dit long sur les problèmes de transport, y compris à NY.


Remarque quelques jours plus tard après conversation avec des Américains
Il parait que cela arrive tout le temps: «in New York, if it's not yellow, do not step in.»

Oulipotes

Premier Oulipo de l'année (la dernière fois j'ai oublié de venir).
Pièce de théâtre W ou les souvenirs d'enfance au jeudi de l'Oulipo. Le texte suit fidèlement le livre et c'est glaçant.

Puis pizzeria, dans une salle où nous sommes seuls et pouvons nous permettre de rire à gorge déployée (bon, ce n'est pas comme si nous nous gênions beaucoup habituellement).
Conversation avec M. qui a repéré quelques citations de ma part qui parlent de chameau et d'hébreu.
Par coïncidence, lui-même lit actuellement les écrits de grandes voyageuses des siècles précédents et il est rempli d'admiration. Il me cite Jane Dieulafoy (quel nom!) qui suivit son mari en Perse habillée en homme (elle passait pour son fils) et madame de Bourboulon qui incita son ambassadeur de mari à traverser la Chine pour rejoindre Moscou (plutôt que le traditionnel voyage par mer).

Le résultat de quelques recherches internet :
Trois livres de Jane Dieulafoy chez Phébus, sans doute lisibles en ligne sur Gallica :
Une amazone en Orient. Du Caucase à Persépolis 1881-1882: Paris, Phébus, 1987, 2010
L'Orient sous le voile. De Chiraz à Bagdad 1881-1882: Paris, Phébus, 1990, 2011
En mission chez les Immortels, Journal des fouilles de Suse 1884-1886: Paris, Phébus,1990

Une page du wiki Histoire de Chine rend hommage à Catherine de Bourboulon et Hélène Hoppenot. Le voyage de Mme de Bourboulon a été raconté par Achille Poussielgue.

Je signale pour mémoire cette liste de "mémoires par ou sur des diplomates français".

Suite et fin

De nouveau messe à Orienbaum, avec un prêtre différent. Cette fois-ci il y a une quête, ce qui infirme notre supposion de jeudi: qu'il n'y aurait pas eu de quête parce que nous étions en Allemagne et que le culte était subventionné par l'Etat.
Apparemment l'église a été construite en 1957, ce qui bat en brêche quelques idées sur la religion en DDR. (Mais que comprendre? Et comment savoir?)

De nouveau à Wörlitz pour voir l'église. Montés en haut du clocher. Etrangement, les jardins ne donnent rien vus d'en haut, ils paraisent étriqués et plats. Ils ont vraiment été conçus pour être vus à hauteur d'homme.

Tentative de manger au Cornhause mais nous n'avons pas assez de temps. Crépuscule des dieux un peu brouillon mais meilleur d'acte en acte.

Pizzeria après la crêperie d'hier: «le service allemand, c'est comme ça: ils te servent, puis ils disparaisent. Si tu as besoin de quelque chose, il faut réussir à attirer leur attention.»

Weimar

Aller en décapotable par les petites routes soit trois heures pour faire 140 kilomètres; retour par l’autoroute soit une heure et demie pour 160 kilomètres. (A. a un peu exagéré).
Lire le guide vert en même que l’on roule est une tentation permanente: nous passons à trente ou quarante kilomètres du lieu de naissance et de mort de Luther, plus tard un panneau indique la ville de Gutemberg sans que nous sachions si cela a un rapport avec l’imprimeur.

Nous arrivons peu avant midi à Weimar et la première chose que nous repérons en arrivant sur la place devant la maison de Goethe est une citation de Jules Renard peinte en hauteur sur le mur d’une maison d’une rue adjacente (c’était en allemand, je ne m’en souviens plus (quelque chose du genre «si vous trouvez la vie, donnez-moi son adresse»)).

Trop de choses à voir en trop peu de temps (deux jours de visite, dit le guide, nous devons y passer une après-midi), d'où hésitations, d'où encore moins de temps.

Maison de Goethe, église St Pierre et Paul (la toiture est percée régulièrement de petites lucarnes, c’est très joli), retable de Cranach. Les stalles ont été décapées pour retrouver la couleur du bois sous la peinture grise.
Déambulations dans le cœur de la ville, paillasson «Ici Goethe n'est jamais entré».

Sur la façade du Stadtschloss une banderole proclame: «Cranach est chez Schiller» (comprendre: les Cranach sont en exposition à la maison de Schiller).
Le rez-de-chaussée expose des icônes russes et des peintures de la Renaissance (et des photos des tableaux de Cranach déplacés), le premier étage est magnifique, enfilade de pièces au parquet marqueté et lustres resplendissants, nous sommes seuls, de loin en loin un gardien nous regarde passer. Nous n’aurons pas le temps de visiter le deuxième étage dédié à l'impressionnisme (une cathédrale de Monet dit le guide), le château ferme.
Un tableau (Henrietta Stuart von Oranien, Henriette Stuart d'Orange, non pas la fille d'Henri IV comme nous l'avons pensé sans y croire (ce d'Orange, vraiment, était étrange), mais sa petite-fille) me fait comprendre qu’Oranienbaum à côté de Dessau doit faire référence à la maison d’Orange.

Pas vu le cimetière (les tombes de Goethe et Schiller), ni la cabane de Goethe, ni la chapelle orthodoxe d'une princesse russe épouse du duc du lieu.

Crêpe au roquefort dans une crêperie bretonne. Un peu de pluie.
J’ai acheté une peau de mouton sur la place du marché, destinée à la voiture.


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Bonus: histoire du poulet racontée par A.
Les Américains ont inventé un canon à poulets pour tester la résistance de leurs avions aux oiseaux.
Les Belges qui travaillaient à leur train à grande vitesse ont voulu utiliser ce canon pour des tests. Le poulet a explosé la vitre du train, traversé le fauteuil du mécano, défoncé la console d'instrument de bord avant de s'encastrer dans le panneau arrière de la cabine de pilotage. Les Belges ont alors demandé aux Américains si leur appareil était bien réglé.
Ceux-ci ont vérifié. La conclusion du rapport était: «il faut décongeler le poulet».

Wörlitz

«On me réveille, on m'emmène, on revient, je me douche, on part à l'opéra, on revient, je me couche, et le lendemain ça recommence.»

En chemin pour Wörlitz, nous nous promenons dans les jardins du château d’Oranienbaum. De grandes serres sont réservées à la culture des orangers et des citroniers. Ces serres sont des granges dont les parois sont composées de petits carreaux vitrés. De grands volets en bois permettent de protéger du froid ou d’un soleil trop fort.

Les jardins de Wörlitz sont des jardins à l’anglaise dont l’art consiste à dérober leurs surprises au promeneur pour les lui présenter au hasard de trouées habilement disposées dans la végétation.
C’est le printemps, il fait frais à l’ombre et chaud au soleil, les rhododendrons et les lilas sont en fleurs (toute la région est couverte de lilas), les couvées des cygnes sont écloses. Des barques passent avec huit ou dix passagers et un seul rameur, musclé. La table est mise, ils déjeunent sur l’eau (apparemment, les participants du colloque Wagner sont en goguette).
Ce paysage serein recélant des trésors est très apaisant, que l’on ait représenté le paradis sous forme de jardin devient une évidence.
(«— Qui eut cru que le paradis se trouvait en Allemagne? — Qui plus est en DDR.»)


ÃŽle Rousseau


P. est déçu: les dépliants indiquaient que l’exposition Cranach dans l’une des demeures du château (une demeure de brique ornée d’arêtes blanches soulignant des formes ogivales) commençait aujourd’hui; en fait, l’ouverture (avec cocktail, supposons-nous) a lieu à quatre heures: trop tard, Siegfried commence à cinq heures à trente kilomètres de là.
Nous profitons de la durée ainsi libérée pour déjeuner, le premier vrai repas depuis vingt-quatre heures. La serveuse a l'air enchantée que nous trouvions les plats excellents. Les gens sont généralement très gentils et prévenants, cherchant à comprendre notre sabir qui mélange inconsciemment anglais et allemand (l'allemand me revient plus spontanément que l'anglais, me semble-t-il).

Nous arrivons un peu plus tôt qu'hier pour un Siegfried qui boit des canettes et joue aux jeux vidéos (à Skyrim, nous dit A). Mime joue à Tetris («et il avait du mal», commentaire de la même A.).

Trois Lillets aux fruits des bois.
Nous avons enfin découvert comment dîner après le spectacle: il suffit de descendre sous le théâtre. Saucisse et salade de pommes de terre, un repas plaisant en forme de cliché.

Wittemberg

Le centre commercial à deux pas est fermé (ouverture à sept heures, proclame l'affiche), je parcours la ville à la recherche d'un magasin ouvert. Je trouve une boulangerie salon de thé et achète beurre, confiture, pain (ce sera notre nourriture de base de la semaine, avec les coktails aux entractes).

Nous décidons in extremis d'aller à la messe de l'Ascension à Oranienbaum. Le long de la forêt les pistes cyclables sont envahies de cyclistes avec enfants, fleurs, packs de bière (selon l'âge).
L'église est plutôt laide à l'extérieur, clocher en forme de tour carrée de béton sale, mais l'intérieur peint en jaune clair avec de grandes ouvertures vitrées en petits carreaux violets, roses et mauves est charmant. Nous sommes très peu nombreux, mais je m'étonne qu'il y ait des catholiques ici, sous la double hypothèque du protestantisme et du communisme. Pourtant la communauté semble vivante car les lieux de culte sont étonnamment nombreux, je dirais presque plus nombreux qu'en France en proportion de la population baptisée catholique (enfin, ce n'est qu'hypothèse de ma part).
Pendant toute la liturgie nous nous débattons avec le livre de chants (avec variations d'un land à l'autre, apparemment). Chantent-ils très faux, ai-je l'oreille peu entraînée? Bien qu'ayant compris le système de numérotation des chants, je ne reconnais les paroles qu'à quatre ou cinq syllables de la fin à chaque fois.
Le prêtre sort seul tandis que les paroissiens restent calmement assis pour se lever une fois qu'il est en place pour saluer chacun à la porte. Avec cette méthode, nous ne coupons pas aux explications. Le prêtre parle un peu, très peu, français, mais les phrases qu'ils prononcent sont fluides. Il parle très bien hollandais et polonais, nous dit-il; il a autrefois parcouru l'Ile-de-France à vélo en dormant à la belle étoile.
Il part faire une conférence à Wörlitz sur la Bible et voudrait bien nous y entraîner, mais «Meine Tochter wartet auf uns».

Sur la suggestion de JY nous passons l'après-midi à Wittemberg, lieu des 96 propositions de Luther. L'anniversaire (30 octobre 1517) aura lieu dans deux ans et tout ce qui concerne Luther, maison, église, université, est en travaux.
La ville est magnifiquement restaurée, pimpante et colorée. Nous découvrons tout d'abord une plaque nous apprenant que Lessing a fait ses études ici, mais bientôt, nous nous apercevrons qu'une maison sur dix ou sur huit a sa plaque, la plupart de théologiens inconnus, mais également des noms très connus, à croire que tout le monde est venu un jour à Wittemberg: le maréchal Ney et Napoléon, Gorky, Schiller, Pierre le grand, Giordano Bruno… Cranach y a sa pharmacie et une plaque affirme que Faust pourrait avoir habité telle maison.



Des Allemands nous arrêtent pour nous demander d'où nous venons, ce que nous pensons de la ville. Nous essayons de transmettre un peu de notre ravissement.

Au dos du retable de Cranach se trouve une étrange représentation de serpent sur la croix, représentation que je retrouve sur une autre tableau d'une présentation de Jésus au temple (une carte postale m'apprendra plus tard qu'il s'agit d'un tableau de Peter Spitzer, Darbringung im Tempel). J'interroge mes amis FB (pensant qu'ils ont plus de facilité à chercher que moi sur mon téléphone) et apprends qu'il s'agit de la représentation du serpent d'airain de Moïse préfigurant le rachat de l'humanité par le Christ ainsi que la continuité entre l'ancienne Loi et la nouvelle. Ce symbole aurait été couramment utilisé au Moyen-Âge, c'était la première fois que je le voyais. (Merci à ceux qui se reconnaîtront).

Parenthèse vétérinaire: pendant le déjeuner, et pour une raison que j'ai oubliée, A. nous a fait un cours sur les haras nationaux : le Percheron est le cheval de trait le plus exporté au monde tandis que le mulassier poitevin et le xx (j'ai oublié) sont en voie de disparition.
Les haras nationaux ont été créés sous Louis XIII, le but était d'élever des chevaux d'apparat ou de chasse français pour l'aristocratie (les paysans, ces rustres, ne se préoccupaient que de chevaux de trait et tous les beaux chevaux étaient importés d'Espagne, ce qui revenait extrêmement cher à l'économie nationale).
Les résultats en furent médiocres car la jumenterie était pauvre: «en Angleterre, on avait compris qu'il fallait de bonnes juments, mais en France, on considérait que cela n'avait aucune importance, que tous les caractères venaient de l'étalon. C'est Napoléon qui a changé cela.» Je commente à mi-voix qu'avec Joséphine et Marie-Louise, il savait à quoi s'en tenir sur l'importance de l'élément féminin dans la descendance…

Nous partons en retard, en retard.

Nous arrivons après la deuxième sonnerie pour écouter et voir une Walkyrie électrique et multicolore. Cette œuvre me navre profondément.
Lillet aux fruits des bois.
Errance vaine dans Dessau pour trouver un restaurant après le spectacle. Nous nous couchons sans manger — mais sans avoir faim.

Préparatifs

Dimanche : dormi une grande partie de la journée après avoir déposé O. à la gare de Yerres à 7h15.

Lundi: rangement, ménage, jardinage, lessive, bibliothèque, achat de tongs (cassées pendant le jardinage) et d'anti-moustiques, valise. Je prends un sac de sport, il n'est pas très lourd, j'espère ne rien avoir oublié important. Je n'emmène que deux livres, Auguste Valensin et Autour de Platon (plus Alibaba), mais on m'a assuré que je n'aurais pas le temps de lire. Je vais là.

A Rochechouart

Impossible de me souvenir exactement de l'origine du projet, une engueulade, un regret, en tout cas le rendez-vous était pris depuis longtemps: «ne sois pas jaloux, Jacques, nous allons venir te voir.»

Et c'est ainsi que nous partîmes de bon matin pour Rochechouart voir un ami FB (deux, finalement) inconnu IRL.

En passant à Vierzon j'émets le souhait de passer devant la ferme de mes grands-parents (la dernière fois dois remonter à 2003), nous nous trompons de sortie et nous nous retrouvons, pas tout à fait par hasard, à Brinay. Les fresques sont là, et les rosiers au dehors, et les beaux manoirs, ou maisons de maître, ou "châteaux". Tout est si calme et si bien entretenu sous le ciel gris et la bruine qui hésite.
A la sortie nous discutons avec une dame du village, qui nous dit tout de go en réponse à une question: «Cela appartenait à la baronne de Neuflize qui a vendu ses propriétés à ses manants».
Aucune hésitation dans l'utilisation du mot, très naturel. J'en suis enchantée, impression de glisser vers Proust et Balzac.
Nous apprenons au passage que des cars emplis de Japonais parviennent jusqu'à ce coin reculé du Berry, j'en suis enchantée: les Japonais auront vu un coin de la vraie France, c'est tout de même autre chose que le boulevard Haussmann.

Nous reprenons la route. Vierzon, la ferme donc (et en passant l'église bizarre où furent enterrés mes grands-parents). Les marronniers de la ferme n'ont pas été coupés (j'aavais rêvé qu'ils étaient coupés, j'avais rêvé aussi qu'il y avait eu un glissement de terrain au ras de la ferme, etc, etc); il y a des volets en plastique aux fenêtres de l'étage, nous ne voyons pas le bas de la maison caché par le portail, je ne veux pas m'approcher pour ne pas déclencher l'aboiement des chiens. Mais tout paraît à peu près inchangé, je suis rassurée. La mare est est très verte, mais visiblement inutilisée. Nous repartons. Il paraît qu'il devrait y avoir une ligne entre la Chine et Châteauroux, que des investisseurs chinois voudraient s'installer à Châteauroux. Si cela devait se passer, je me demande combien de temps ils résisteraient à la loudeur de la législation française. La Souterraine, déserte, (un sandwich), Le Dorat, magnifique collégiale à l'extérieur rébarbatif mais l'intérieur très équilibré. Ici se trouvent les reliques de saint Israël (saint Israël?) et saint Théobald. Cependant la collégiale s'appelle saint Pierre-aux-liens. Nous montons un peu dans la ville. Elle paraît à l'écart du temps, inchangée, pas d'enseigne moderne en plastique, pas de parabole, une impression d'années 50 ou 60. En vitrine chez un commerçant, une affiche annonce fièrement un concours international de tone de moutons (six nations) pour le week-end prochain (nous ne serons plus là). Il bruine par moments.

Bellac sous le soleil. Nous trouvons sans peine la maison de Giraudoux, dont l'harmonie dans les verts est gâchée par une pancarte rouge vif maison des illustres. Je découvre ce label créé par Frédéric Mitterrand et je me dis que 1/ RC est décidément beaucoup plus lu et écouté qu'il ne le croit dans les cercles intellectuels et politiques (ce qui explique d'ailleurs qu'il n'ait pas "le succès de Dieudonné": on attend/attendait autre chose de lui) 2/ si tous ces hommes de pouvoir ou d'influence avaient confié un musée ou une galerie à RC, le gâchis aurait été évité (il en sont donc partiellement responsables). Enfin bon, c'est trop tard.
Nous tournons dans Bellac à la recherche d'un monument aux morts que nous ne trouverons pas. Eglise, pancarte du lieu où fut écrit «La mouche du coche», monument dédiée aux six héroïnes de Giraudoux (nous n'identifions qu'Electre).
La vilel est jolie, pimpante, en travaux: elle prépare le festival de théâtre et d'autres festivités.

Prochaine étape Mortemart. Château des ducs. Mais nous sommes venus chercher autre chose, les éditions Rougerie. Le cafetier les connaît, nous indique l'adresse. Pas de plaque, aucune indication sur la maison. Les visiteurs ne sont pas désirés. Nous sonnons. Un chien aboit. Personne, ou personne qui souhaite être vu. Il est déjà tard, nous devons être à six heures à Rochechouart, il faut partir (d'autres détours que j'ai oubliés nous tentaient, trop tard, trop tard).

Rochechouart, j'ai un choc en apercevant le château, il est magnifique, l'archétype des châteaux forts, mais sans le côté mal dégrossi.
Jacques, Annie, Sun. Apéro au Morgon et au boudin aux châtaignes (un régal, j'en aurais bien ramené à la maison (mais il fallait aller à saint Yrieix (je crois) pas le temps, pas le temps). Conversation à bâtons rompus, Rochechouart est construit sur une métorite ce qui a des conséquences sur la réception du téléphone, cigares (ce n'est pas un peu dangereux, la cigarette, quand on est branché sur oxigène?)
Repas au restaurant, retour, Annie nous accueille à Surris, c'est en Charentes et non plus en Haute-Vienne, Annie est la Charentaise la plus fervente que j'ai jamais vue (mais je n'en n'ai pas vu beaucoup).

Go ouest

Je déteste tant les détails…
Je mets tout ici, au fur à mesure, pour que cela me soit accessible à tout moment.

Les passeports valables selon leurs dates.
L'autorisation électronique de voyage : ESTA (ils sont gentils, c'est traduit).

Les lieux (copier/coller tronqué d'une conversation FB)

Denis: Je serais vous, je partirais de SF, remonterait la côte vers le nord jusqu'à Eugene puis plein est par Boise, le Wyoming, le Dakota du sud (très beau, vu d'avion), jusqu'à Mineapolis, Chicago, Cincinnati, l'Ohio, la Pensylvanie et NYC.

Patrick: Eugene me semble indispensable… mais, M. Denis, il ne manque pas une certaine bibliothèque disparue à voir dans l'Arkansas, ou l'Indiana?

Moi: J'espère rencontrer Shuttleworth (cf mes amis FB), donc remonter jusqu'à l'état de Washington (enfin, il me semble que c'est Washington, il faut que je vérifie).

Patrick: Shuttleworth, vérification, est à Moses Lake, donc pas loin (relativement) de Vancouver.

Ne pas manquer l'immeuble de Blade Runner.

Ça ne tiendra jamais en trois semaines et encore, j'ai laissé tomber Moses Lake.

Et comment et où louer un mobile home pour six personnes? Ici. Il y en a pour une petite fortune. (Mais économie des chambres de motel).

Aller/retour New York, c'est ce qui coûte le moins cher. Mais alors, comment retraverser dans l'autre sens? Le train me fait envie, compter trois jours, prévoir 10 à 11 heures de retard au total.

— Ça sera comme une traversée en voilier, tous dans dix mètres carrés.
— Tu es folle, on va tous se taper dessus au bout d'une semaine.

Il faut beaucoup de courage pour réaliser ses rêves malgré les oiseaux de mauvais augure, dont on sait bien qu'ils ont plutôt raison.

Go ouest. J'ai envie.

Rapporté

(Mulhouse) des leggings à trous ("découpe au laser"); Que sais-je? Histoire de la Pologne; Que sais-je? Les guerres de religion; Stevenson, Othon; Romain Gary, Ode à l'homme qui fut la France; de l'encre Mont-Blanc bordeaux; (Bâle) un mobile; (Zurich) Fritz Senn, Joycean Murmoirs; des chaussures de tennis camouflées en chaussures de ville (streetwear?); (Saint Gall) La bibliothèque abbatiale de Saint-Gall; un tapis de souris; (Appenzell) du fromage (à consommer tout de suite et sous vide, pour emporter); du miel; des fruits secs dans du miel (mon vice); (Vadouze) des bâtons de marche en fibre de carbone; (col du Julier) de la viande des Grisons; du pain des voyageurs (pain extrêmement nourrissant fourrés aux fruits secs (nous ne le savions pas, nous l'avons découvert en le découpant. C'est l'équivalent du lembas elfique (en plus lourd))); (Soglio) du shampoing (par besoin, si, si (et il est très bien)); de la crème de marron; (Rarogne) de l'eau de la fontaine sous l'église dans une bouteille d'Appfelshorle; Rilke, Das Studenbuch; (Sierre) Rilke, Poésie aux éditions du Seuil; Rilke - Tsvetaïeva - Pasternak. Une amitié russe / Russische Freundschaften; (le long de la route valaisienne) des abricots; de la confiture de cerises; de la confiture d'abricots; (Neuchâtel) des chocolats dans la pâtisserie Suchard; François Mauriac, Blaise Pascal et sa sœur Jacqueline (parce que je n'arrive pas à lire la biographie que je possède); André Maurois, À la recherche de Marcel Proust (parce que Pascal dit toujours que c'est le meilleur livre sur le sujet); Václav Havel, Interrogatoire à distance; Pouchkine, La dame de pique et La fille du capitaine; (Mulhouse) un manteau rouge; un sweat Chaperon rouge; une robe sorcière; un maillot de bain; (Colmar) un tirage des cochons de Schongauer, un jeu de cinq aiguilles n°3.

PS: J'avais emmené un assortiment de livres correspondant aux différents auteurs que nous devions croiser durant le voyage; la prochaine fois j'emmènerai vide le sac dédié aux livres.

Projets

Le temps de rien, valises non bouclées, et même pas ébauchées.

La voie cruelle me fait pleurer de regret, quel gâchis: «L'Afghanistan, cette Suisse orientale» (1939).

Aujourd'hui Voltaire à Cirey et lundi, institut Joyce, une journée entière! Il va falloir parler anglais…

Mais pour le moment ranger un peu. Tout le monde dort encore. Puis les réveiller, faire les valises, partir. Se hâter lentement, je sais faire. Je n'ai pas de jeu de quatre aiguilles n°3. Mais j'ai retrouvé un sac à livres à broder que je pensais perdu.

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