Billets qui ont 'hommage' comme mot-clé.

Jean-Claude Brialy

Dédié à un amoureux des potins.

Comme je suppose que "mes" lecteurs ne lisent pas Figaro Madame, je recopie ici l'histoire d'un canular, pas bien épais et bien peu détaillé, dont on trouve un écho plus lointain mais plus personnel sur un blog :
[…] Je voudrais évoquer ici le souvenir d'un canular auquel il fut mêlé, à son insu d'abord, puis avec la bonne grâce qui faisait de Jean-Claude Brialy un esprit de si agréable compagnie. Chaque année ont lieu à Saumur les Journées nationales du livre et du vin. Il y a des signatures, des tables rondes, des animations, d'où les participants ressortent souvent en état de gaieté avancée. Comme Gérard Depardieu, Jean Carmet ou Claude Chabrol, Jean-Claude Brialy en était un adepte invétéré. Tout ce beau monde passait habituellement la nuit à l'hostellerie du Prieuré, dans le village de Chêne-hutte-les-Tuffeaux. Pour la session de 1999, l'écrivain Alain Robbe-Grillet y occupait avec son épouse, Catherine, la chambre 17. Pendant le dîner du samedi soir organisé dans les caves Bouvet-Ladubay, Irène Frain et votre serviteur rédigèrent, en les signant «Robbe-Grillet», plusieurs billets invitant certains convives à se retrouver à minuit dans la chambre 17 de l'hostellerie du Prieuré. Nous les fîmes porter par des serveurs à Claude Brasseur, Jean-Claude Brialy et trois danseuses brésiliennes qui devaient se produire pendant la soirée. L'objet du rendez-vous n'était pas précisé. Mais, eu égard à la réputation sulfureuse du couple Robbe-Grillet, tout était à craindre ou à espérer. Lorsque Brialy et Brasseur montrèrent à Alain Robbe-Grillet ces petits billets prétendument signés de lui, le pape du nouveau roman parut tomber des nues. Mais la fable de la chambre 17 avait pris corps. Lors de l'allocution qu'il prononça à la fin du dîner, Jean-Claude Brialy se livra à des variations virtuoses sur les mystères de la chambre 17, non sans profiter du micro pour y inviter un certain Philippe, qui lui avait probablement tapé dans l'œil.

Personne ne peut dire ce qui se passa finalement dans la chambre 17 au cours de la nuit du 17 au 18 avril 1999. Le plus probable est que le couple Robbe-Grillet y dormit d'un bon sommeil saumurois. Mais on s'en amusa, et cela fit même l'objet d'une plaquette, Le Mystère de la chambre 17, où Denis Tillinac, Jean-Jacques Brochier, Jackie Berroyer et quelques autres donnaient leur version de cette nuit énigmatique. Jean-Claude Brialy, lui aussi, livrait ses réflexions lors d'un entretien : «Que ce soit une femme ou un homme qui l'ait inventé, l'important, c'est que tout le monde a couru après ce rêve. Même hagard, même complètement nase, même ivre mort ou à l'agonie, on aurait couru à la chambre 17, pour voir, pour savoir… À partir de maintenant, c'est de la légende, on y viendra en pèlerinage, on ira y dormir la tête pleine de rêves, on la donnera aux amants comme porte-bonheur, l'hôtelier en profitera pour la louer dix fois plus cher que les autres, c'est un rêve, je vous dis, la chambre 17, une grande leçon d'amour…». Bonne nuit dans la chambre 17, monsieur Brialy.

Marc Lambron, "Souvenir d'un canular" in Le Figaro Madame du 16 juin 2007

Robustement (hommage)

Lorsque j'ai commencé à lire sérieusement des blogs, entre avril 2004 et février 2005, rayonnant à partir de Matoo et Gvgvsse, j'ai découvert un monde qui commençait déjà à s'estomper, j'arrivais déjà trop tard: les blogs de Mennuie et Manu n'étaient plus accessibles, celui de la Fille aux gants non plus, etc. (Matoo conserve les liens des blogs disparus, plus exactement, il n'efface pas les liens au fur à mesure. Je l'en remercie. C'est frustrant et nostalgique, je ressens un grand regret pour tous les blogs que je n'ai jamais parcourus, je déteste les blogs effacés, c'est encore plus triste quand il s'agit de blogs perdus, comme Gvgvsse m'a expliqué que c'était le cas de celui de Manu). Rien à faire, un blog qui n'est pas né avant 2004 ne sera jamais pour moi "un vrai blog" mais juste un effet de mode. Je suis très snob. En tournant un peu, je suis inévitablement arrivée chez Berlinette. I like her style. Je vous laisse lire un post sur les tournesols, un autre sur les pauvres, un troisième sur un chat,… Dommage qu'elle écrive de moins en moins. J'aime l'équilibre qu'elle parvient à trouver dans certains posts où le second degré n'est pas du second degré, où toutes les interprétations ne paraissent pas seulement possibles, mais vraies. Graine d'écrivain, à mon avis, mais je ne suis pas sûre qu'elle en prenne jamais le temps.


Toujours est-il que j'ai cru m'étrangler en découvrant cela :




Qu'en déduire, mon Dieu, mon Dieu : Patrick Artus lirait Berlinette?

Résister en poésie

Madame Squ*n*bol, ma professeur de français de première, était très maigre. Elle devait avoir une quarantaine d'années, était toujours entre deux dépressions causées par la trop grande désinvolture de ses élèves envers la littérature. Elle s'habillait de couleurs vives, de vêtements "chics", et ma mère ne manquait jamais, lorsque nous nous promenions en ville, de me faire remarquer lorsque nous passions devant certaine boutique : «C'est ici que s'habille Madame Squ*n*bol».

Son livre préféré était L'Oiseau bariolé, de Jerzy Kosinski, et j'ai pensé à elle lorsque j'ai appris le suicide de Kosinski un jour de mai, bien plus tard.

Je lui dois en particulier la découverte de Jules Laforgue.

Elle reste avant tout pour moi l'adolescente de quinze ans qui a eu l'idée, pour protester contre la nourriture infecte du réfectoire, de se lever au milieu d'un repas et de réciter Une charogne.
Elle a été renvoyée trois jours.
Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,

Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.

Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;

Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.

Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.

Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.

Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un oeil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.

Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !

Oui ! telle vous serez, ô reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses.
Moisir parmi les ossements.

Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !

Charles Baudelaire

Hommage à Matoo

En toute rigueur, ce texte n'a rien à faire là. Je le reprends parce que ça me fait plaisir.

Vous trouverez ça et là dans le site de Matoo des tarlouzes, des dèpes, des tapioles (peut-être le mot le plus utilisé), des tapettes, des "garçons sensibles" (j'adore cette expression), des pétasses dans le sens de pédés, des cœurs de midinettes,... S'il y a un monde dont Matoo se moque, c'est bien celui des homos, enfin, d'un certain type, celui qu'il connaît le mieux, tout en en catégorisant d'autres, les homos bobos, les folles de la gay pride, etc. Si l'on voulait lui reprocher quelque chose, ce serait peut-être d'en rajouter dans le cliché concernant les dèpes. Sur le thème, il force le trait, c'est certain, sans que je sois toujours sûre que ce ne soit qu'un jeu (serait-ce parfois une défense?) Comment vous dire, tout cela n'a pas grande importance, ces mots qui seraient violents ou méprisants ailleurs sont ici employés avec tendresse.

Je me demande souvent ce qui me retient sur son site et dans son écriture, dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle est plutôt étrangère à ce que je lis par ailleurs. Je pense que c'est un rapport à l'enfance, à l'émerveillement, à la capacité intacte de regarder autour de soi et à être heureux (ce qu'il appelle son optimisme fataliste), également à un bonheur des mots (pas de doute, j'ai acquis du vocabulaire, même si je serais à peu près incapable de m'en servir.(lol))
Aussi étrange que cela puisse (me) paraître, il m'évoque des livres d'enfance, des choses comme La gloire de mon père, des textes sans cynisme, sans humour noir, sans rien finalement de ce que je cherche aujourd'hui, c'est-à-dire le rire qui permet de tenir à distance un monde comme il va qu'on n'est pas très sûr d'apprécier. Matoo, c'est la possibilité d'aimer à nouveau le monde comme il va, malgré ses imperfections (mais quelle époque a jamais été parfaite?)

Et puis Matoo, mon phoenix, est parfaitement conscient de ne pas toujours utiliser les bons mots aux bons moments (voir les commentaires). Il reconnaît qu'il utilise parfois un mot au sens inapproprié simplement parce qu'il le trouve joli (je sais, quelle hérésie), il sait qu'il fait de "vraies" fautes (celles qu'on ne fait pas par étourderie). Il me surprend par sa maîtrise de la retranscription du langage parlé (j'avais commencé à donner un lien vers un post récent, mais finalement, j'ai eu peur de vous choquer (parce que là, le discours (hétéro) qu'il rapporte dépasse nettement le mysogine)). Il écrit sérieusement sans se prendre au sérieux. Il cherche. Il lit. Il va à des expositions. Il est conscient de ce qui lui manque dans les domaines "culturels"; non seulement il cherche à combler le manque, mais en plus il influence les lecteurs de son blog.

Il aime lire, et je veux croire qu'il fait lire, aussi bien le dernier polar américain que Marc-Aurèle. Il y a deux façons pour la littérature de mourir: qu'il n'y ait plus d'écrivains (dignes de ce nom), et qu'il n'y ait plus de lecteurs (dignes de ce nom). Et je suis toute étonnée de me rendre compte que, sans vraiment pouvoir le rationaliser, aussi loin que Matoo puisse paraître du lecteur idéal tel qu'on l'imagine sur ce site, c'est sur lui (et ses pairs, ceux qui ont la même joie, la même curiosité) que je parierais pour faire survivre le goût des livres et de la littérature encore quelques années, parce que si je crois que la littérature classique telle qu'on la conçoit ici survivra dans les universités, je crois que c'est par des lecteurs fous et curieux que la littérature en général a une petite chance d'être sauvée.
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