Alice du fromage

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Billets qui ont 'Baltimore' comme ville.

lundi 20 août 2012

De Baltimore à Philadelphie

Première réveillée, je tape sur mon blog le plus longtemps possible. Comme tout le monde se plaint d'être fatigués, je laisse dormir. De toute façon, de moins en moins de choses sont prévues pour la fin du voyage, deux visites à Poe à Baltimore et Philadelphie, et finalement une rencontre avec un vieil "ami" Facebook, de l'époque où Gunther intervenait beaucoup, je pense (aujourd'hui, je n'accepte plus beaucoup d'amis totalement inconnus). Il restera un Australien et Red Shuttleworth à rencontrer.

Hier soir, nous avons donc dépassés Baltimore d'une dizaine de miles. J'insiste pour faire demi-tour et aller sur la tombe de Poe.
La highway est mauvaise, les voitures en mauvais état, tout est miteux et pauvre. Les maisons sont basses, d'un seul étage, mitoyennes, à l'anglaise ou comme dans les corons. Pas de végétation. Nous passons dans un quartier grec (panneau indicateur à l'appui), approchons de la ville.

«This year thousands of men will die from stubbornness.» J'aime bien cette pub sur le bord de la route rencontrée pour la première fois en quittant les chutes du Niagara (c'est en fait le nom de la ville, Niagara Falls).

Parking. Galerie marchande. La première enseigne que nous voyons est un Cheesecake factory:
— Regarde, comme dans Big Bang Theory!
— Quoi? De quoi tu parles?
— Mais si, tu sais bien, c'est l'endroit où travaille Penny.

Et comme il est onze heures et demie, nous déjeunons dans un Cheesecake factory sur le port. En face de nous se trouvent des pédalos, dont de merveilleux pédalos en forme de dragons. Nous déjeunons (très bien) en décidant qui feraient du dragon (quatre places) et qui pédaleraient (deux des quatres places).





Hélas, tous nos plans minutieusement élaborés tomberont à l'eau (ou plutôt pas) car la passerelle d'accès nous sera fermée au nez: le bateau à moteur (celui qui justement aurait dû nous récupérer si nous tombions à l'eau) est en panne. Déception.

Dans notre dos, l'immeuble de The Examiner: — Ah tiens, c'est le journal de la fin du Diable s'habille en Prada.

Nous partons pour la tombe de Poe, guidé par l'iPhone.
— Le cimetière devrait être ici.
Je suis arrêtée à un feu rouge. Hôpital en diagonal à gauche, hauts immeubles massifs (nous sommes en plein centre ville), briques rouges à droite, briques rouges à gauche.
— Mais si regarde, c'est une église, le cimetière est autour!

C'est minuscule, en plein cœur de la ville, exactement l'inverse du cimetière découvert hier soir dans mes phares. Cette situation a elle seule valait le détour. La tombe se situe tout de suite à l'entrée, sorte de monument plutôt vilain. Poe la partage avec sa femme Virginia et sa tante qui l'avait accueilli quand il s'était fait renvoyé de West Point. Mais en avançant dans le minuscule cimetière envahi de lierre (très joli contre la brique rouge), nous découvrons tout au fond la première tombe de Poe, à côté de celle de son grand-père. Celle de l'entrée a sans doute été érigée quand Poe est devenu connu.

Etape suivante, la maison de Poe, ou plutôt celle de sa tante. Maintenant je veux la voir, je veux voir sa situation même si selon internet elle sera fermée (mais après tout, nous ne sommes pas "à l'abri d'un coup de chance"). Ce qui m'intrigue (ou plutôt ce qui me laisse présager de ce que nous allons voir) ce sont les dernières lignes du site donnant des indications de lieu: «Note: Use caution when parking in an urban environment. Common sense dictates that you lock your car and keep any valuables out of sight» (Soyez prudents quand vous vous garez en environnement urbain. Le bon sens recommande de fermer sa voiture et de ne pas laisser d'objets de valeur en vue): c'est évidemment toujours vrai, mais habituellement on ne l'écrit pas.

Effectivement, en s'éloignant de la tombe, nous quittons très vite les hauts buildings administratifs. Maisons basses mitoyennes comme elles sont de règle ici, quartier noir, pauvreté (mais pas de tags ou de vitres cassées, ce n'est ni sale ni délabré; c'est pelé sous la chaleur, personne ou presque dans la rue, pas de végétation sauf de l'herbe trop haute dans les arrières-cours, cela donne un sentiment de solitude, d'éloignement, comme si l'on avait glissé dans une autre réalité. A quoi tient une impression d'opulence? A quelques coup de pinceau, des rideaux aux fenêtres, un air pimpant dont je n'arrive pas à déterminer la cause.)

La maison est à un angle de rues, face à un terrain vague. C'était donc la maison de la tante de Poe, minuscule si l'on compte qu'au moins quatre personnes y vivaient (la tante, sa fille et sa mère, Poe). Personne dans les rues, des voisins bruyants se disputent dans une maison mitoyenne, porte ouverte (il fait très chaud). Briques rouges.
Fermée.

Nous partons pour Philadelphie.
Pour une fois nous arrivons tôt, nous prenons un motel à quatre heures de l'après-midi à Essington, près de l'aéroport. (Deux jours: nous n'aurons pas à faire et défaire les valises demain matin, cela repose). A. et O. préfèrent rester ici, nous partons faire un tour à Philadelphie avec Déborah.

Surprise, Love de Robert Indiana au détour d'un buisson, sur une place.
Nous errons, achetons une carte mémoire pour appareil photo dans un magasin indien dont un mur entier est tapissé de boîtes de bâtons d'encens et un autre de bouteilles d'essence de parfum (la mémoire de l'odeur me prend à la gorge); dans une vitrine des poudres de perlimpimpin pour bander plus longtemps (une corne de rhinocéros sur l'un des paquets qui ressemble à des paquets de tabac à priser).

Voiture. Avant de rentrer, j'émets le vœu de voir le boathouse row signalé par le guide vert (et soudain je comprends que "row" veut également dire "rang" ou "en file", tandis qu'à Mystic Port l'homme des barques avait utilisé "crew" («Oh, you crew»), c'est-à-dire "équipe": very appropriate). Le plan d'eau est magnifique, paisible, serein, des doubles glissent sur l'eau, la route le suit et semble quitter la ville très ville (je veux dire que nous ne sommes plus en milieu urbain, mais que d'un point de vue administratif, ce doit être encore Philadelphie).
Il est temps de faire demi-tour et de rentrer. Mais c'est moi qui guide et H. qui conduit, et cela sera notre perte: je ne suis jamais très inquiète, partant du principe qu'on finira bien par rentrer («We are lost, we are French!» ont appris à crier les enfants en chœur quand je conduis) tandis que H. aime la précision et rentrer directement en suivant les instructions de l'iPhone.
Les gens conduisent vite, plus vite qu'on ne l'a jamais constaté en ville; je n'ai qu'une crainte, c'est de prendre une route qui nous fasse traverser le Delaware sur le Whitman Bridge. Je ne comprends pas ce qu'indique l'iPhone, je donne une indication un quart de seconde trop tard, nous nous retrouvons à rouler vers le nord, de l'autre côté du plan d'eau. C'est très beau, mais étroit, eau d'un côté, roche de l'autre, impossible de faire demi-tour.

Demi-tour malgré tout au niveau du zoo. Errance, visiblement les routes que nous voulons atteindre sont en tunnel dont nous ne trouvons pas les entrées. Nous finissons par croiser un panneau indiquant l'aéroport (ce n'est pas si facile, il n'y a qu'une seule route, puisqu'il faut réussir à monter sur un pont, un autre pont que le Whitman (d'où ma crainte de me tromper). Tant qu'on ne monte pas sur ce pont, l'aéroport est hors de portée). Nous rentrons, il fait nuit.

Il y a un Denny's à côté du motel. Nous nous réjouissions de pouvoir tester les repas après les petits déjeuners.
Grave erreur (ne jamais vendre la peau de l'ours): trois quart d'heure d'attente (ce fut si long que j'étais résolue à aller voir en cuisine et à m'en aller si je découvrais qu'aucun plat n'était en préparation contrairement aux promesses répétées de la serveuse. J'étais en train d'y aller quand les plats sont arrivés) et une nourriture détestable (pour ma part un goût atroce d'huile trop utilisée).
Nous partons dormir, laissant H. faire la peau de l'assistant gérant.

dimanche 19 août 2012

Des tombeaux

Pour compenser le petit déjeune d'hier, nous avons trouvé un Denny's. D'est au sud, nous avons traversé des quartiers résidentiels de petites maisons en bois ou brique rouge. Que des noirs dans les voitures, et nous serons les seuls blancs dans le Denny's. J'arrive à faire sourire la serveuse en m'extasiant sur le chocolat au lait, qui est un chocolat viennois selon les normes françaises (mais ordinaire selon les normes allemandes, d'après Déborah).

Mount Vernon. Le charme de cette maison réside entièrement dans sa situation, qui domine un coude du Potomac. Rien en face, rien autour, je songe à la Seine aux environs d'Héricy, une Seine deux ou trois fois plus large.
Une terrasse le long de la façade ouest regarde le fleuve. Des chaises y ont été installées; leur dos délimitent un couloir le long des portes de la maison pour les visites organisées.
La maison est très simple, avec cinq chambres d'amis destinées à accueillir la multitude d'invités qui venaient rendre visite à Washington.

Tombeau, ponton sur le Potomac, film sur la guerre d'Indépendance. Les différentes entrées de musées sont généralement gratuites pour les enfants de moins de douze ans, et nous ne voyons aucun adolescent. Tous ces musées et reconstitutions historiques forment les enfants à l'histoire et à la fierté nationale, il y a dans tout cela un léger parfum de propagande qui finit par nous faire sourire au bout de deux semaines d'endoctrinement.

Il pleut. Retour à Washington. Mémorial Roosevelt (Franklin Delano) intégré au paysage, blocs de pierre comme jetés, cascades, évocation de la crise et du New Deal puis de la seconde guerre mondiale (WW II), une statue de Madame et, plus inattendue, une de son chien (il paraît qu'il est très connu: pas de moi).
Mémorial Martin Luther King. J'ai la surprise de voir 2010 sur la statue. Nulle part la phrase «I have a dream», peut-être que nous ne l'avons pas vue. Ou qu'elle n'y est pas. La statue est taillée dans une tranche de bloc rocheux poussée en avant, laissant plusieurs mètres derrière elle les deux autres parties de blocs ainsi créées. Le tout est monumental, je songe à RC expliquant que nous, Français, ne savons plus faire de monument car nous n'avons plus la fierté de notre pays.
Mémorial Lincoln, un peu plus loin. (Problème de parking: nous nous sommes garés innocemment devant une bouche d'incendie, il faut laisser 10' de part et d'autre, dit not contravention de cinquante dollars (10': quelle unité? des pieds? Il me semble qu'en pieds, c'était OK.) Dire de Lincoln qu'il a «sauvé l'union» me semble exagéré, il a forcé l'union serait plus exact (dans cette remarque sudiste, il y a l'influence de Ruth sur moi, je le sais). D'ailleurs c'est assez étonnant de réussir à obliger des gens à rester ensemble. Comment est-ce possible?

Voiture. Je conduis, O. pilote, nous nous perdons (les indications me parviennent tard et je les comprends encore plus tard), nous suivons un torrent vers l'ouest, nous atteignons ce qui doit être un centre nautique (je vois des kayaks), je prends la première à droite. Quartier des ambassades, je prends vers l'est. Nous mangeons au Pain quotidien (comme à New York), les enfants préfèrent le Subway en face. C'est très bon, avec le même défaut qu'en France: la musique trop forte, et donc des clients qui haussent la voix. (C'est ce que j'aime ici: le silence des restaurants).

Arlington. Deux petites plaques autour des époux Kennedy, un garçon mort après quelques jours, et une fille sans nom, "daughter": mais qui sont-ils?

Il est presque sept heures. Nous renonçons à voir le Mémorial Theodore Roosevelt. Direction Baltimore en traversant Washington vers de nord-est. La ville se délite, immeubles bas, maisons, espacés, de plus en plus espacés, et très vite la forêt.

Baltimore est à une heure, la circulation assez serrée, une marmote suicidaire grignote debout sur la bande d'arrêt d'urgence.

Baltimore, il fait nuit, je roule tout droit. La chaussée fait des vagues, je n'ai jamais vu ça. La voiture roule et tangue, ça me fait rire mais les passagers protestent. Je n'y peux rien. Quartiers chauds, port, je prends à droite quand j'aurais dû prendre à gauche à un carrefour en Y, Fayette street devient de plus en plus en plus étroite, jusqu'à arriver à un stop, dans mes phares des tombes, à quelques mètres de l'autre côtés du grillage. La rue ne continue qu'à gauche, il y a juste la place pour la voiture.
A droite le cimetière, à gauche perpendiculairement des rangées de maisons mitoyennes, presque des cabanes. Elles sont placées dos à dos, une allée miteuse sépare les jardins qui permettent juste de garer une voiture (mais comment arrivent-elles jusque là? Tout est si étroit). Un chat maigre erre dans l'allée.

Je propose de dîner dans un Longhorn, cela remonte le moral des troupes toujours bas dès que la fatigue tombe. Dix miles de Baltimore, à Rosedale. Gâteau au chocolat. Tout va mieux.

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