vendredi 1 novembre 2024
Toussaint
Par Alice, vendredi 1 novembre 2024 à 23:38 :: 2024
Voyage vers Châlons dans la brume. Temps de Toussaint. J'ai sommeil, je suis rentrée tard hier et j'ai encore regardé deux ou trois épisodes du Lincoln Lawyer avant de me coucher. Peut-être le changement d'heure.
H. avait dans l'idée d'emmener sa mère au cimetière dans la MX5, ce qui représentait une gageure vu que la voiture est petite, basse et que la jambe droite de madame est d'un seul tenant, raide, sans genou.
Au bout de plusieurs minutes, ils ont réussi à trouver à eux deux l'angle pour glisser la longue diagonale du pied à la hanche entre le siège et la portière. H. a conduit sa mère au cimetière puis est revenu me chercher puisque la voiture n'a que deux places.
Nous nous sommes trouvés un peu bêtes devant la tombe toujours sans plaque en nous rendant compte dans le cimetière fleuri que nous avions oublié de prendre des fleurs. Trois plaques (à mon frère, à mon oncle, à mon parrain) sur la terre brune. Trois personnes devant, les mains vides. Difficile de se reccueillir à plusieurs, quand on souhaiterait tenir une conversation seule à seul avec le mort.
Madame était ravie de son tour en voiture rouge, ce qui m'a fait penser qu'on oubliait trop souvent de le proposer.
Nous avons rencontré l'assistante de vie du soir, une jeune trentenaire qui nous a raconté de façon très naturelle des choses ahurissantes: deux jours plus tôt, elle a été empoisonnée par un homme dont elle s'occupe (je ne sais pas s'il faut dire client ou patient). Empoisonnée paraît un peu fort, mais elle nous a raconté que l'homme venait de détartrer sa cafetière avec un produit industriel, qu'il lui a dit en riant qu'il l'avait rincée et qu'elle pouvait se servir un café et que sa petite-fille lui a demandé «pourquoi tu ris, grand-père?»
Bref, elle a vomi une journée.
Le plus ahurissant est ce qu'elle nous a raconté ensuite: après la mère de H., elle passe chez une dame seule qui s'imagine entourée d'une foule. Alors elle prépare des cafés, en met sur la table, sort des assiettes. Elle vide le frigo et dispose les aliments dans la maison. Elle est étonnée que la jeune femme ne voit pas ses invités. Il lui est déjà arrivé de sortir nue dans la rue avec une simple culotte. Elle lui dit des choses du genre: «mon chien est malade, vous avez vu? Sa tête est séparée de son corps». Ledit chien n'est pas propre et pisse et défèque dans la maison.
La jeune femme nous raconte cela sur le ton de la conversation, comme si tout était normal dans un monde normal.
Quand j'y réfléchis, cela me fait peur: et si c'était elle qui avait raison? Si comme je le soupçonne je vivais dans un monde surprotégé?
Plus tôt je me suis endormie une vingtaine de minutes et je me sens étonnamment en forme. C'est moi qui conduis au retour, dans un brouillard moins épais que ce matin.
H. avait dans l'idée d'emmener sa mère au cimetière dans la MX5, ce qui représentait une gageure vu que la voiture est petite, basse et que la jambe droite de madame est d'un seul tenant, raide, sans genou.
Au bout de plusieurs minutes, ils ont réussi à trouver à eux deux l'angle pour glisser la longue diagonale du pied à la hanche entre le siège et la portière. H. a conduit sa mère au cimetière puis est revenu me chercher puisque la voiture n'a que deux places.
Nous nous sommes trouvés un peu bêtes devant la tombe toujours sans plaque en nous rendant compte dans le cimetière fleuri que nous avions oublié de prendre des fleurs. Trois plaques (à mon frère, à mon oncle, à mon parrain) sur la terre brune. Trois personnes devant, les mains vides. Difficile de se reccueillir à plusieurs, quand on souhaiterait tenir une conversation seule à seul avec le mort.
Madame était ravie de son tour en voiture rouge, ce qui m'a fait penser qu'on oubliait trop souvent de le proposer.
Nous avons rencontré l'assistante de vie du soir, une jeune trentenaire qui nous a raconté de façon très naturelle des choses ahurissantes: deux jours plus tôt, elle a été empoisonnée par un homme dont elle s'occupe (je ne sais pas s'il faut dire client ou patient). Empoisonnée paraît un peu fort, mais elle nous a raconté que l'homme venait de détartrer sa cafetière avec un produit industriel, qu'il lui a dit en riant qu'il l'avait rincée et qu'elle pouvait se servir un café et que sa petite-fille lui a demandé «pourquoi tu ris, grand-père?»
Bref, elle a vomi une journée.
Le plus ahurissant est ce qu'elle nous a raconté ensuite: après la mère de H., elle passe chez une dame seule qui s'imagine entourée d'une foule. Alors elle prépare des cafés, en met sur la table, sort des assiettes. Elle vide le frigo et dispose les aliments dans la maison. Elle est étonnée que la jeune femme ne voit pas ses invités. Il lui est déjà arrivé de sortir nue dans la rue avec une simple culotte. Elle lui dit des choses du genre: «mon chien est malade, vous avez vu? Sa tête est séparée de son corps». Ledit chien n'est pas propre et pisse et défèque dans la maison.
La jeune femme nous raconte cela sur le ton de la conversation, comme si tout était normal dans un monde normal.
Quand j'y réfléchis, cela me fait peur: et si c'était elle qui avait raison? Si comme je le soupçonne je vivais dans un monde surprotégé?
Plus tôt je me suis endormie une vingtaine de minutes et je me sens étonnamment en forme. C'est moi qui conduis au retour, dans un brouillard moins épais que ce matin.